Xi'An © Jakob Montrasio

Xi’An © Jakob Montrasio

Xi’an

A 1 165 km au sud-ouest de Pékin.

Xi’an est un paradoxe. Capitale pendant près de mille cent ans sous le nom de Chang’an, « paix éternelle », elle connut les heures de gloire de la dynastie des Han de l’Ouest (206 av. J.-C.-8 ap. J.-C.), puis de celle des Tang (618-907). Elle n’a d’équivalent que Rome ou Byzance. Et, de toute cette histoire, seules restent visibles deux pagodes bouddhiques ! Car les murailles et autres édifices urbains que l’on visite aujourd’hui datent du XVe siècle, au temps où la prestigieuse cité n’était plus qu’une modeste préfecture provinciale, six fois moins grande que dans son passé médiéval.
Mais l’histoire de Xi’an était simplement cachée. Endormie dans la pénombre des sépultures d’empereurs, de princes ou de dignitaires, dans des cachettes aménagées en toute hâte, elle resurgit sous la férule des archéologues : les musées de Xi’an et d’alentour donnent rendez-vous avec trois mille ans d’histoire. Xi’an, capitale de l’empire de Chine, fut également capitale de la route de la Soie. C’est là que les grandes caravanes de commerçants se rassemblaient avant de prendre la route de l’Ouest, de traverser les déserts les plus redoutés de la planète et d’escalader les plus hauts sommets du monde.

Musulmans en terre de Chine

Ils sont 18 millions et professent l’islam sunnite. Ils constituent aussi l’un des cinq territoires autonomes de la République populaire, le Ningxia. Ce n’est bien sûr pas leur religion qui leur vaut d’être comptés au rang d’ethnie minoritaire, mais l’ascendance qu’ils revendiquent. Ils se nomment Hui, pour se distinguer des autres musulmans de Chine : Turcs ouïghours ou Kazakhs, et leurs ancêtres seraient les commerçants arabes venus s’établir dans les grands emporiums des Tang, les ports ou la capitale, point de départ des routes d’Asie centrale. Leurs mosquées témoignent des longs siècles de leur présence en Chine. Le minaret, la chaire de l’imam et la niche orientée vers La Mecque sont construits à la mode chinoise, dans des kiosques et des pavillons couverts de tuiles vernissées vertes, couleur de l’islam.

Suivez le guide !

Retrouvez l’atmosphère de Chang’an au Moyen Age en lisant les tribulations du juge Ti, héros des romans de Robert Van Gulik, qui mène l’enquête dans un cadre historique scrupuleusement reconstitué.

A l’ombre du rempart de la ville des Ming

Xi’an est restée une ville murée, comme l’étaient toutes les cités chinoises avant qu’on n’abatte leurs remparts dans les années 1950. Ce mur d’enceinte date des Ming, les constructeurs de Pékin.

Tour de la Cloche et quartier des Hui 
On la sonnait à l’aube pour indiquer l’ouverture des portes de la ville. Elle se dresse au centre-ville, non loin de celle où des tambours battaient au crépuscule pour annoncer la fermeture des mêmes portes. Au pied de cet ouvrage, les ruelles fleurent bon les épices. Dans ce quartier vivent les 30 000 Hui de Xi’an, installés autour de leur lieu de culte : la Grande Mosquée, fondée en 742. Ses jardins et ses kiosques sont un havre dans la vieille ville, où se déploie le bazar, partagé entre denrées d’usage et souvenirs touristiques.

Forêt des Stèles
Ouvert tlj de 8 h 30 à 17 h 30. Entrée payante.
A portée de pas, un ancien temple dédié à Confucius abrite une fabuleuse bibliothèque en pierre. C’est une collection de textes anciens, gravés sur 1 095 dalles, dont 114 contiennent l’essentiel de la pensée de Confucius, ces fameux classiques que tout bon lettré devait connaître par cœur pour se présenter aux examens.

Grande Pagode de l’Oie sauvage 
Autre hommage au culte du texte en Chine, elle dresse ses 74 m à la lisière sud de la ville Ming. Elle fut bâtie sur décret impérial pour couronner l’œuvre du moine Xuanzang, grand traducteur du canon bouddhique, parti près de vingt ans étudier en Inde au VIIe siècle.

Musée archéologique de Xi’an
Ouvert tlj de 8 h 30 à 17 h 30. Entrée payante.

Ouvert en 1991, il est contraint de présenter par roulement les trésors archéologiques que livre la plaine alentour depuis les années 1950.

Les folies du Premier Empereur

En 221 av. J.-C., après presque cinq siècles de partition du pays, le royaume de Qin se rendit maître d’un territoire couvrant une grande partie de la Chine du Nord, prêt à entreprendre sa longue marche vers la Chine du Sud. Son roi, Zheng, forgea le premier titre impérial, Shihuangdi, « premier auguste empereur », allusion aux mythes de l’âge d’or, quand les augustes et les empereurs organisaient l’espace chinois et le dotaient de son génie : l’agriculture, la maîtrise des fleuves, l’élevage du ver à soie, l’écriture. Zheng avait quatorze ans seulement lorsqu’il lança le chantier de son tombeau, tout juste achevé à sa mort, à l’âge de cinquante ans, en 210 av. J.-C. A Xianyang, sa capitale depuis partie en fumée, la mégalomanie du Premier Empereur s’exerça avec la même ampleur : 120 000 familles liées aux principautés vaincues furent déportées pour peupler cette cité sortie du néant et leurs armes fondues pour couler les colosses de bronze qui gardaient l’entrée du palais impérial.

 

La plaine des empereurs

Autour de Xi’an, des collines dessinent un horizon insolite au-dessus de la plaine fertile du Shaanxi central. Naturelles ou artificielles, nombre d’entre elles ne sont autre que les tertres abritant la sépulture des empereurs de Chang’an. Beaucoup ont été violées depuis longtemps par les pilleurs de tombes ; d’autres gardent leurs secrets. Parfois, un véritable troupeau de tumulus de toutes tailles trahit une nécropole : près du souverain sont inhumés les princes et les princesses, les dignitaires et les généraux.

Qianling de Qianxian
A 92 km à l’ouest de Xi’an.
Y reposent, côte à côte, un empereur infortuné du VIIe siècle et la seule impératrice de l’histoire de Chine, sous la garde d’une allée des Esprits conduite par des chevaux ailés. Des scènes de cour peintes ornent les parois des sépultures princières voisines.

Lintong et le tombeau du Premier Empereur
A 42 km à l’est de Xi’an.
A l’est, près de Lintong et du parc des Sources chaudes, jardin d’agrément des souverains Tang, s’élève le tertre solitaire et sans doute jamais violé du Premier Empereur de Chine.
A 1 km de là, des paysans, en creusant un puits, en 1974, tombèrent nez à nez avec un détachement de quatre guerriers en argile, plus grands qu’eux. Ce hasard fut le prélude d’une des plus grandes découvertes archéologiques mondiales : 6 000 soldats, rangés en ordre de bataille sur 14 000 m2, qui formaient la garde d’outre-tombe de Qin Shihuangdi.
On les découvre par unités aujourd’hui, dégagés dans trois fosses : masse de l’infanterie armée dans la fosse n° 1, cavalerie doublée du corps d’archers et des chars de bataille dans la fosse n° 2 et quadriges de l’état-major dans la fosse n° 3.
Un musée détaille le fantastique atelier de modelage qu’il fallut déployer pour façonner cette armée. Une galerie expose deux autres découvertes : la voiture impériale et son char de protection, trésors de modélisme fondus en bronze au IIIe siècle av. J.-C.

Au pays du Milieu

Ce très vieux nom de la Chine apparaît bien avant qu’elle ne soit unifiée en empire pour désigner le royaume des Zhou (1025-256 av. J.-C.), derniers rois de Chine, établis au Henan. C’est dans cette province, encore très largement rurale, que le fleuve Jaune atteint toute sa majestueuse ampleur.

Luoyang et les grottes de Longmen
A 390 km à l’est de Xi’an.
Voici plus de vingt siècles, au temps où Luoyang était capitale des Han, un empereur y fonda le tout premier monastère bouddhique d’Extrême-Orient, le temple du Cheval blanc. Toujours visible, mais profondément remanié, il accueille des pèlerins bouddhiques de toute l’Asie. En avril, lorsque fleurissent les pivoines qui font aussi le renom de Luoyang, ses cours en sont toutes pavoisées. Comme à Xi’an, dont la ville fut capitale jumelle à plusieurs reprises, les siècles et les hommes ont détruit les monuments du passé. On pourra visiter cependant le Musée provincial (Zhongzhou lu. Ouvert tlj de 8 h à 17 h 30. Entrée payante), pour sa belle collection de céramiques aux trois couleurs, et le musée des Arts populaires(Xin jie. Ouvert tlj de 8 h à 12 h 30 et de 14 h à 17 h 30. Entrée payante), installé au siège de l’ancienne Guilde des marchands du Shanxi (XVIIIe siècle), pour ses broderies, papiers découpés et jouets en argile.

Les grottes
Au sud de la ville, la rivière Yi est étranglée dans une gorge rocheuse appelée Longmen, la porte du Dragon. A la fin du Ve siècle, les Wei du Nord, qui avaient transféré leur capitale à Luoyang, élirent ce site pour y créer des oratoires rupestres, sur le modèle de leur grand sanctuaire de Yungang. Une initiative perpétuée par les dynasties qui leur succédèrent : 1 352 grottes y ont été creusées et ornées… mais bien plus vandalisées que leurs homologues de Yungang. Les statues de la grotte du Sacrifice aux ancêtres, exécutées au VIIe siècle, constituent l’une des plus belles pages de la statuaire des Tang.

Dengfeng et Shaolin
A 90 km au sud-est de Luoyang.
La bourgade de Dengfeng s’étend au pied du Songshan. Cette montagne est le pic du Centre de l’ancienne géographie sacrée. Au centre du pays du Milieu, elle aurait dû connaître la prééminence, mais elle n’eut jamais le prestige du pic de l’Est. Un temple lui fut quand même dédié (Zhongyue miao), dont les majestueux bâtiments actuels datent du XVIIIe siècle.

Monastère de Shaolin
La popularité de Dengfeng tient à une autre fondation, bouddhiste : le temple de la Petite Forêt ou monastère de Shaolin. Il fut le séjour de Bodhidharma, fondateur du bouddhisme zen, et le berceau de la plus célèbre des écoles de kung-fu. Aujourd’hui, les descendants de ces moines combattants initient des stagiaires du monde entier à des exercices spectaculaires. Dans la forêt de Stupas voisine, les cendres des maîtres de Shaolin reposent dans leurs pagodons, au pied des abrupts de granit du mont Song.

Kaifeng
A 195 km à l’est de Luoyang.

Elle fut la toute dernière des capitales du fleuve Jaune. Plus jamais le pouvoir ne revint sur ses rives après la tragédie de 1126 : la prise de la ville par les hordes Jürchen, la fuite de la cour des Song à Hangzhou, dans le sud, et l’exil de son empereur, Huizong, sur les rives de l’Amour. Il ne reste presque rien de cette métropole, peuplée en l’an mil de près d’un million d’habitants. Les limons laissés par les crues du fleuve Jaune l’ont ensevelie, laissant deux tours, la pagode Fan et la pagode de Fer, qui doit son nom à ses céramiques couleur rouille. Les traditions, elles, demeurent, tels la peinture de pivoines, en vogue à la cour et toujours pratiquée à l’institut des Beaux-Arts, ou le secret de la fabrication des céladons.
En ville, la rue qui conduit au pavillon des Dragons, ouvrage élevé au XVIIIe siècle à l’emplacement du palais des Song, a été restituée d’après la description du Récit fleuri du rêve de la capitale de l’Est, qui dépeint les beautés de Kaifeng.

Toute la Chine en cinq montagnes

Il était de tradition que les souverains chinois sacrifient aux divinités des montagnes et des fleuves. Peu à peu, le culte des montagnes se fixa sur cinq massifs, formant la géographie sacrée de l’espace chinois. Le pic du Midi fut établi au Heng shan (Hunan), le pic de l’Ouest au Hua shan (Shaanxi), le pic du Nord dans le massif des Heng shan (Shanxi), le pic du Centre fut le Song shan (Henan). Malgré ce souci de symétrie, le pic de l’Est, associé au Taishan, dans la province du Shandong, demeura le plus sacré. Associé au Levant, qui préside au renouveau, il est par excellence celui qui assemble et dispense les souffles vivifiants. C’est là également que chaque empereur aurait dû venir rendre compte au ciel de la rigueur de son gouvernement, cérémonie dispendieuse qui fut le plus souvent exécutée dans le temple du Ciel bâti dans chaque capitale.

Suivez le guide !
Levez-vous aux aurores pour assister, en compagnie des Chinois, dans un concert de « Oh ! » et de « Ah ! », au lever du soleil sur la montagne sacrée.

Le Shandong, une Bretagne chinoise

Tai’an et le Taishan
A 575 km au sud-est de Pékin.
Au cœur du Shandong s’élève la montagne sacrée entre toutes : le Taishan, pic de l’Est. Au pied du mont, le Dai miao servait de temple étape sur le parcours sacré qui conduisait les empereurs de Chine au seul être devant lequel ils s’inclinaient : leur père, le Ciel. Peu d’entre eux accomplirent le voyage, et une immense peinture murale dans le palais du Don du Ciel commémore le cinquième et dernier périple qui fut fait au Tai’an par Zhenzong des Song, au XIe siècle.

L’ascension du Taishan 
C’est une aubaine pour côtoyer les Chinois en voyage touristique ou en pèlerinage. Jeunes et aïeux croisent les porteurs de la montagne, qui transportent jusqu’à 100 kg de charge et dont le métier s’est maintenu malgré l’installation d’un téléphérique.
Une route part du centre de Taian et conduit jusqu’à la porte céleste du Milieu, point de départ des quelque 4 000 marches qui gravissent la montagne. La dernière partie de la montée est particulièrement impressionnante, l’escalier étant taillé sur une paroi verticale. Il faut compter 2 h 30 à 3 h pour cette ascension et noter que le téléphérique est une alternative reposante.
Fondés à de hautes époques, restaurés maintes fois, les sanctuaires jalonnant le chemin du Taishan sont dédiés aux figures populaires de la princesse des Nuages bigarrés, fille du Taishan, protectrice des femmes et pourvoyeuse d’enfants, de l’auguste de Jade, du général Guan ou de l’immortel Lü Dongbing.

Sagesse et sérénité à Qufu
A 100 km au sud de Tai’an.
Il y a deux mille cinq cents ans naissait, dans cette paisible bourgade, celui qui marqua à jamais la pensée chinoise : Kong fuzi, maître Kong, dont les jésuites latinisèrent le nom en Confucius. Hormis durant la Révolution culturelle, petit épisode à l’échelle de ce temps-là, les maîtres du pays ont conjugué leurs efforts pour perpétuer la mémoire du vieux sage.
Son temple mémorial, restauré maintes fois, est une magistrale perspective de portiques, de cours et de salles, dont les noms sont tirés des enseignements de Confucius.
Ses descendants anoblis eurent droit à la construction d’un palais financé par les Ming.
Autour des tombes de Confucius et de ses principaux disciples, la forêt du Grand Sage est la nécropole de la famille Kong : 200 ha boisés de thuyas aux troncs noueux où s’égarer parmi les stèles, les statues et les tertres envahis d’herbes folles.

Confucius, saint patron des lettrés

Ses aphorismes ont été compilés, commentés, annotés, pour forger une idéologie fondée sur cinq livres. Leur connaissance servait de base à l’organisation du recrutement des fonctionnaires sur concours, mis en place dès les environs du début de notre ère, sur un modèle utilisé jusqu’à la fin de l’empire. C’est, avec l’Égypte antique et Babylone, une des plus longues séquences bureaucratiques de l’histoire des hommes. Selon le niveau de recrutement, on recevait le titre de « talent orné » (bachelier), « talent prometteur » (licencié) ou « talent accompli » (docteur). Si le confucianisme possédait ses temples, où se déroulaient offices et rites, ce n’est pas une religion. Tour à tour philosophie, ou idéologie fondatrice du pouvoir, ou les deux, il requérait un symbole, un maître en qui s’incarner. Ce fut Confucius.