La zone franche et les échanges extérieurs
Le projet de zone franche naquit en 1970 à un moment où l’île traversait une crise terrible. Inspirée par une étude de la Banque Mondiale, sa réussite est incontestable. Deux facteurs y ont grandement contribué : une main d’œuvre efficace et bon marché, surtout composée de femmes ainsi qu’un accès privilégié aux marchés européens. Très rapidement les investisseurs européens et asiatiques, s’y sont installés. Au début, l’industrie textile a prédominé. Les matières premières, comme le fil, vient de Singapour, de Taiwan ou du Pakistan alors que le coton arrive d’Egypte. Polos et pulls sont fabriqués sur place avant d’être exportés. Aujourd’hui, le textile n’emploie plus que la moitié des 80000 travailleurs de la zone franche.
D’autres activités, comme l’horlogerie, l’assemblage d’ordinateurs, de motos, prennent peu à peu la place. Le secteur industriel, avec cinq cents entreprises installées dans la zone franche, représente le premier employeur du pays et le premier pourvoyeur de devises. Ces dernières années le déficit de la balance commerciale a doublé pour se situer à environ deux milliards de francs, en partie pour des causes conjoncturelles.
Dune part de mauvaises récoltes sucrières, dues aux mauvaises conditions climatiques, ont pesé sur les exportations. D’autre part l’achat de plusieurs Airbus, investissement considérable pour un pays d’un million d’habitants, pèse lourdement sur les importations.
En 1996 la France, avec 1,6 milliards d’importations et 2,5 milliards d’exportations, a été le premier partenaire économique de Maurice. Ce chiffre excédentaire est dû en grande partie à la vente d’Airbus.
La France se place comme le premier fournisseur de Maurice devant l’Afrique du Sud, le Royaume Uni et le Japon. La moitié des importations sont des produits manufacturés, un quart des produits alimentaires, le reste des biens d’équipements. Le Royaume-Uni reste le premier client de Maurice devant la France et les USA. Le textile représente la moitié des exportations et le sucre environ un quart pour un total tournant autour de sept milliards de francs.
Sa Majesté le Sucre
L’histoire du sucre remonte aux premiers temps de la colonisation. En 1639, les Hollandais introduisent la canne pour produire de l’arack, un rhum rustique. En 1694, ils établissent la première sucrerie. Après leur départ, les Français en ouvrent une seconde à Pamplemousses sous l’impulsion de Mahé de La Bourdonnais.
La canne est la culture qui résiste le mieux aux cyclones ce qui explique son développement. La production sert alors principalement à fournir en arack les marins et militaires séjournant sur l’île. La production connaît un premier essor lors de la guerre d’indépendance américaine. A la veille de la Révolution française, une dizaine de sucreries fonctionnent. Les Anglais donnent un formidable essor à cette industrie.
Des dizaines de milliers d’Indiens arrivent pour remplacer les esclaves affranchis en 1835. L’avènement de cette monoculture modifie la composition sociale. Les gros planteurs remplacent l’ancienne caste des commerçants qui bénéficiaient de la guerre de courses. La « mentalité sucre » des Mauriciens voit le jour. En 1860, l’industrie sucrière produit dix fois plus que cinquante ans auparavant (130.000 tonnes). Une soixantaine de bateaux, les chasse-marée convoient la précieuse marchandise jusqu’à Port-Louis. Les Mauriciens contribuent à perfectionner l’industrie. En 1863, Edmond Icery a l’idée de traiter le sucre avec du sulfate de calcium : le sucre blanc est né. Mais la concurrence se fait plus rude avec l’apparition en Europe de la betterave sucrière.
Le sucre, avec des hauts et des bas, demeurera jusqu’à ces dernières années la principale production de Maurice, « la perle sucrée de l’océan Indien » comme l’appelait Joseph Conrad. Son prix garanti résulte en grande partie d’accords signés en 1951 avec le Royaume-Uni qui s’engageait alors à acheter l’essentiel de la production mauricienne. En 1973, lorsque l’Angleterre adhère à la CEE, elle obtient des avantages conséquents pour Maurice.
Ceux-ci sont confirmés en 1975 par la convention de Lomé. En vertu de ce protocole, Maurice s’engage à vendre chaque année 500.000 tonnes de sucre à l’Europe à un prix établi. Aujourd’hui, Maurice produit environ 700.000 tonnes de sucre par an selon les aléas climatiques. Les plantations occupent une superficie de 83.000 hectares, soit 90% des terres cultivables. Une dizaine de groupes contrôlent plus de la moitié de cette surface alors que trente cinq mille planteurs exploitent de très petites parcelles. Quarante mille personnes vivent des dérivés de cette activité, la récolte, le raffinage, le transport etc. Mais le sucre, qui représentait 90 % des exportations en 1960, n’en représente plus que 25 % à 30 % aujourd’hui.
Vingt ans de volontarisme
Les efforts entrepris ont conduit Maurice de la monoculture de la canne au statut de petit dragon de l’océan Indien. A la fin des années quatre-vingt, la croissance annuelle se situait autour de 7% avant de redescendre ces dernières années aux environs de 5% par an. Le chômage qui touchait 20% de la population il y a vingt ans est descendu à 2%.
Cette situation de plein emploi oblige Maurice à recourir à une main d’œuvre immigrée. Celle-ci, employée dans des conditions difficiles pour des contrats de deux à trois ans, vient principalement de Chine populaire. En trente ans, le revenu par habitant a été multiplié par douze pour atteindre 3 000 dollars, l’un des chiffres les plus élevés de toute la région. L’inflation a été en partie jugulée pour se stabiliser aux alentours de 6% en 1996.
L’île connaît néanmoins de fréquentes dévaluations, dites, compétitives. Maurice, qui souhaite devenir une place financière importante, s’est dotée en 1989 d’une Bourse, inspirée de celle de Lyon en France, elle compte une quarantaine de sociétés cotées. Comme d’autres pays, Maurice s’est engagé dans un programme de privatisations : banques, télécommunication, etc. Cette volonté rencontre l’hostilité des syndicats qui, tradition britannique oblige, sont puissants.
Aviation et Tourisme
Juste après la guerre Amédée Maingard de la Ville-ès-Offrans, ancien de la RAF, développa au sein de sa compagnie Rogers un département aérien. En 1947, un DC4 d’Air France transporte jusqu’à Maurice 44 passagers en trois jours.
D’abord simple représentant des compagnies aériennes, Amédée Maingard ouvre le premier hôtel – le Parkhotel – en 1952, juste quelques chambres dans une maison coloniale de Curepipe. Au milieu des années soixante, Maurice compte trois hôtels, de simples bungalows situés au morne Brabant et au Chaland, à côté de l’aéroport. En 1967, Amédée Maingard participe au lancement d’Air Mauritius, dont il devient le premier président.
Dès lors, le développement du tourisme va aller de pair avec celui de la compagnie aérienne nationale. Il faudra six ans à Air Mauritius pour qu’elle puisse louer son premier appareil, un Piper Navajo de six places. La suite sera une « success story ». Le développement touristique dont avait rêvé Amédée Maingard, composé de romantisme poétique et d’amateurisme talentueux, s’est réalisé.
Le premier hôtel de Maurice ouvre ses portes en 1952. En 1965, l’Île ne compte que deux complexes balnéaires. L’essor du début des années soixante-dix est fulgurant et va de pair avec le développement des liaisons aériennes. Les 48 000 touristes de 1972 deviennent 139 000 en 1984 pour dépasser aujourd’hui les 400 000. Avec près de quatorze mille personnes employées directement et 23 000 emplois indirects, le tourisme représente des revenus supérieurs à deux milliards de francs.
Perspectives d’avenir
L’essentiel du développement sucrier et manufacturier s’est produit grâce à des accords préférentiels qui ont permis à Maurice d’exporter à des conditions avantageuses. Ces avantages vont être remis en cause par la libéralisation du commerce mondial découlant de la signature du GATT. L’augmentation des salaires et une concurrence accrue ont poussé le secteur textile à recruter quinze mille Chinois et certaines sociétés, comme l’entreprise mauricienne Floréal, délocalisent à Madagascar. La libéralisation des marchés mondiaux, la baisse des prix et un coût de production plus élevé que dans d’autres pays constituent les défis que les sucriers devront relever. Pour résoudre les coûts de main d’œuvre qui entrent dans 50% du coût total, l’industrie sucrière devra se mécaniser. Dans les années à venir, le nombre d’usines va passer de dix-sept à dix. L’industrie sucrière devrait également développer la production d’électricité à partir de la bagasse, les déchets de la canne à sucre. Cette production d’électricité, de l’ordre de 80 millions de kilowatts/heure, devrait passer à 200 millions en cinq ans. Enfin, Maurice rêve de devenir la plaque tournante entre l’Asie et l’Afrique. La création en 1992 d’un port franc, le seul de l’océan Indien, devrait faciliter ce projet.