VENISE (VENEZIA)

Venise, Grand Canal © ezioman
Magnifique escadre de pierre et de marbre, la Cité des Doges étale ses palais et déroule ses canaux sur un vaste plan d’eau d’environ 500 km, la lagune de Venise. Curieusement, cette extraordinaire ville d’art n’est italienne que depuis 1866. Auparavant, elle était vassale de Byzance, jusqu’en 1203, puis capitale de l’immense Empire vénitien, s’étendant autour des côtes de l’Adriatique et de la Méditerranée orientale, et ce jusqu’à la prise de la ville par Bonaparte, en 1797, relégué par les Autrichiens.
Tout au début de l’ère chrétienne, la lagune était seulement peuplée de sauniers et de pêcheurs, vivant dans des huttes. Puis, elle a accueilli des réfugiés de la péninsule, fuyant les barbares au VIe s. Le premier doge, élu par ces nouvelles communautés en 726, résidait à Héraclée, petit village situé à l’est de la lagune. En 810, le centre politique s’est déplacé au centre du plan d’eau, sur les îles du Rialto (premier embryon de la future cité). Ces îles, qui se sont couverte d’entrepôts, deviennent peu à peu le grand centre d’éclatement pour l’Europe de produits exotiques, venus d’Orient. Prenant pour prétexte le règlement de la succession au trône de Byzance, Venise détourne la 4e Croisade et s’empare de Constantinople, qu’elle met à sac en 1203. De vassale, la cité des doges devient suzeraine de Byzance. A la tête du seul Empire colonial au Moyen Age, Venise atteint son âge d’or et sa plus grande splendeur au XVIe siècle, avec des artistes comme le Titien, Tintoret, et Véronèse. Mais l’ascension de l’Empire ottoman provoque le déclin de la « dominante ». Perdant une à une toutes ses colonies, Venise, ruinée et exsangue, dilapide ses dernières richesses tout au long du XVIIIe siècle, en organisant des fêtes et carnavals, qui durent toute l’année. Et c’est un doge sans pouvoir ni crédit qui est déposé par Bonaparte le 12 mai 1797. Aujourd’hui, la capitale de la Vénétie italienne compte près de 280 000 habitants. Elle est bâtie sur les deux rives du Grand Canal, qui lui sert d’artère principale.
Le Grand Canal
Arrivée en voiture ou en train, il faut prendre le vaporetto, devant la gare S. Lucia, au début du Grand Canal. En descendant le canal, sur la gauche se trouve l’église baroque des Carmes Déchaussés (Chiesa degli Scalzi) et, en face, le Palais Foscari Contarini. A l’embouchure du canal de Cannaregio, l’église Santa Geremia, où sont conservées les reliques miraculeuses de Santa Lucia di Siracusa, cache le Palais Labia (avec des fresques de Tiepolo à l’intérieur), palais qui appartient aujourd’hui à la télévision italienne. De l’autre côté du canal, dans un style byzantino vénitien, est le Fondaco dei Turchi, maison de commerce puis résidence des ducs de Ferrare, aujourd’hui transformé en musée d’Histoire Naturelle.
Premier arrêt : S. Marcuola. A côté, le Palais Vendramin-Calergi, où mourut Wagner en 1883, date de la Renaissance. En hiver il est le siège du Casino municipal,. Deuxième arrêt : S. Stae. Sur la droite, ce bel édifice baroque, la Ca Pesaro, abrite un Musée d’art oriental et la galerie internationale d’art moderne, où de nombreuses expositions temporaires sont organisées. Le vaporetto passe ensuite devant l’un des plus célèbres palais de la cité, fleuron du style gothique « fleuri » vénitien, la Ca d’Oro (la Maison d’Or). On peut voir au sein de ce palais la collection d’art de la Galerie Franchetti, oeuvres comme la Vénus de Titien et Saint Sébastien de Mantegna. Sur la rive opposée, dans le « ventre de Venise », est la Pescheria (halle aux poissons), avec ses marchés de fruits et primeurs. A cet endroit, au lever du jour, le canal est encombré de pinasses, chalands et gondoles qui amènent produits frais tandis que les restaurateurs de la ville viennent s’y approvisionner.
Face à la Pescheria se trouve le palais d’Alvise da Mosto, éponyme du célèbre navigateur vénitien du XVe siècle qui longea les côtes du Sénégal et de la Gambie. Lorsque le canal tourne, on aperçoit sur la gauche la poste (mages dei Tedeschi), qui se trouve dans les anciens entrepôts des Allemands. On passe ensuite sous le célèbre ponte di Rialto. Inauguré pour la première fois en pierre en 1591, après plusieurs siècles en bois, l’architecte Da Ponte (coïncidence) réalise le pont du Rialto, qui n’a qu’une seule arche, et qui a conservé ses boutiques d’autrefois. Au pied du pont se terminent les « merceries », rues marchandes menant à la place Saint-Marc. De chaque côté du canal les quais avec des restaurants (riva del fort et riva del Vin), sont bordés de beaux palais : Le Dolfin Manin, palais de la Renaissance et siège de la banque d’ltalie, le Bembo, le Dandolo, le Farsetti-Loredan, le Corner-Martinengo (bureaux de tourisme), le Grimani ; puis sur la droite, le palais des Dix Sages.

Pont du Rialto – Venise © Joe Shlabotnik
Arrêts suivants : S. Silvestro puis S. Angelo. Toujours sur le même côté on longe les trois palais Mocenigo où Lord Byron et ses maîtresses ont résidé au siècle dernier. Le poète s’y fit connaître pour ses extravagances : il passait, par exemple, de longues heures à remonter le Grand Canal à la nage sous l’oeil éberlué des gondoliers.
Juste à côté, le palais Contarini dalle Figure (Renaissance par Scarpagnino). En face, la Ca Foscari, beau palais de style gothique où résida le roi français Henri III, lors de sa grandiose visite officielle en 1574. A quelques mètres de là est le palais Giustinian où Wagner composa le 2e acte de Tristan et Isolde (1858-1859). Puis on longe un imposant palais baroque, la Ca Rezzonico, transformé en musée des arts du XVIIIe siècle, car elle a gardé intacts les mobiliers, vaisselles et tableaux de l’époque. Sur l’autre rive on passe devant l’église S. Manucle, puis, le palais Giustinian Loli qui date du XVIIIe s. et réalisé par Longhena.
Arrêt : pont de l’Académie. La Galleria dell’Accademia est le plus grand musée de peinture vénitienne où sont rassemblées des oeuvres du XIVème au XVIIIème siècle d’artistes de la cité, incontournables, tels Veneziano, Carpaccio, Bellini, Titien, Giorgione, Tintoret, Véronèse, Longhi, Canaletto, Tiepolo… Sur le même côté est le palais Venier dei Leoni qui abrite la collection d’art moderne de Peggy Guggenheim, et que l’on peut visiter. Elle y vécut de la fin de la guerre jusqu’à sa mort. En face, bijou de la Renaissance, le Palais Dario est une belle bonbonnière de marbre polychrome. De l’autre côté se trouvent la Maison rose, atelier du sculpteur Canova, et la Ca Grande, palais du XVIe s.
A la fin du Grand Canal, le vaporetto passe devant la Basilique de la Salute, édifiée en 1630 après le ravage de la peste, dont les murs conservent Les Noces de Cana de Tintoret. Enfin, on longe la « pointe de la douane » ornée d’une statue d’or qui représente la Fortune, et on arrive sur le Bassin de St-Marc : sur le côté gauche, s’ouvre la Place St-Marc.
Saint-Marc
La place Saint-Marc et sa piazzetta qui débouche sur le Pierre S. Marco comptent parmi les lieux les plus célèbres du monde. Entièrement dallée de pierres d’Istrie, la place est entourée d’arcades sur trois côtés, le quatrième étant fermé par la basilique. Ses grands cafés à terrasse avec orchestres en font un des hauts lieux de Venise où, à n’importe quelle heure, se retrouve le monde entier. Deux colonnes de granit représentants Marc et Théodore, arrivées d’Orient en 1172, ornent la place. Cette dernière est dominée par le Campanile, sur lequel on peut monter et apprécier un magnifique panorama. La basilique Saint-Marc, commencée début XIème siècle et consacrée en 1094 pour abriter le corps de l’apôtre saint Marc miraculeusement retrouvé, puis modifiée aux XIIIe, XVe et XVIIIe siècles, est un extraordinaire monument d’architecture byzantine à influences occidentales. La façade, à 2 étages et 5 grandes arcades, est décorée de marbre et de sculptures (entre autres, des copies des quatre chevaux de bronze doré, butin de guerre venant de Constantinople) ainsi que de belles mosaïques du XVIIIe siècle. La voûte de l’église et la coupole sont couvertes de mosaïques dorées représentant des motifs bibliques. Voir à l’intérieur du Baptistère : le Retable d’or (Pala d’oro) chef d’oeuvre de l’orfèvrerie gothique, la Madonna Nicopeia et le Tesoro (trésor d’objets sacrés, icônes, reliures).
Au bord du bassin de St-Marc
Le palais des Doges (Palazzo Ducale), le plus significatif des édifices non religieux de la ville, est avant tout le symbole de la gloire et de la puissance vénitienne, et ancien siège du gouvernement de la république de Venise. Dans ce palais se sont succédés plus de l00 doges de familles patriciennes, telles que les Partecipazio, Orséolo, Contarina, Dandolo, Mocenigo, et les Grimani. La façade qui donne sur le môle est du XIVe siècle, la façade sud qui s’ouvre sur la piazzetta date de 1424. Quant à la façade nord, elle date du début de la Renaissance, et est reliée aux prisons du palais par le pont des Soupirs, construit entre le XVIème et XVIIème siècle. l’entrée principale du palais est la Porta della Carta, la porte du Papier, qui est de style gothique flamboyant (1442). Dans la cour intérieure, en face de l’entrée, se trouve la Scala dei Giganti (l’escalier des Géants), flanqué des statues de Neptune et de Mars. Ensuite, la Scala d’Oro (l’escalier doré) de Sansovino mène au 2e étage, lieu où commence la visite du palais et de ses nombreuses salles. Les plus grands artistes vénitiens ont participé à la décoration des salles. La visite se termine au pont des Soupirs et aux anciennes prisons (« Les Plombs »). Au nord de la Place, près des Procuratie Vecchie qui date du XVIème siècle, s’élève la Tour de I’Horloge avec les célèbres statues des Maures qui sonnent les heures du haut de la tour depuis le XVème siècle. Le côté sud de la place est occupé depuis le XVIIIème siècle par les Procuratie Nuove (Nouvelles Procuraties). Le musée Correr, installé dans l’aile napoléonienne, qui ferme la place à l’ouest, renferme des collections rappelant l’histoire millénaire de Venise : peintures, sculptures, et objets précieux. De la Tour de l’Horloge partent les « Merceries », longues rues étroites où se tient la majorité des commerces de Venise, et qui s’achèvent au pont du Rialto.
L’Arsenal et alentour
En partant du palais des Doges et du môle, on passe le pont de la Paille d’où on aperçoit le pont des Soupirs et on se dirige vers l’est et l’Arsenal, lieu dont ses jardins sont réputés aujourd’hui pour être le centre de la biennale d’art contemporain de Venise, qui a lieu de juin à septembre. Près de l’Arsenal, le musée de la Marine retrace l’histoire de la « Dominante » et de sa puissance maritime (voir la maquette de la grande galère d’apparat des doges, le Bucentaure, et les bagues gigantesques renouvelant chaque année le mariage du Doge avec la mer !). A l’Arsenal, des lions de pierre montent la garde devant une belle porte Renaissance (seule manière de voir l’intérieur : prendre la ligne de vaporetto n°5). En revenant vers l’ouest, on passe la Scuola (siège de congrégation), et l’église S. Giorgio degli Schiavoni, qui rassemble un choix éblouissant de peintures de Carpaccio. Plus au nord, se trouve la place et l’église S. Giovanni e Paolo (Zanipolo), ornée au centre de la place d’une statue équestre du Condottiere Colleoni réalisée par Verrocchio. Dans l’église, tout le panthéon de Venise (Doges et grands soldats) repose dans de majestueux tombeaux, sculptés par les plus grands artistes d’autrefois. De retour vers la place San Marco, en passant par le Campo, S. Maria Formosa, belle église de la Renaissance effectuée par Mauro Coducci, on aperçoit derrière une grande maison patricienne, qui abrite la Pinacothèque Querini Stampalia, où un mobilier du XVIIIe s. et des’uvres de Pietro Longhi se marient.

Venise – La Fenice © Gaspa
L’Ouest de la ville
Au nord de la place Saint-Marc, les « Merceries » (rues commerçantes) mènent au pont du Rialto qu’on traverse pour pénétrer dans le Sestier de San Polo. Voir l’église des Frari (Assomption du Titien) et la Scuola San Rocco, véritable musée du Tintoret. Plus au sud, la belle place S. Margarita, avec au fond l’église et la Scuola dei fort (oeuvres de Tiepolo). Au fond de la place St-Marc, un accès permet d’atteindre, par le Sestier de San Marco, le théâtre de La Fénice, magnifique édifice du XVIIIe siècle où se produisent les plus grands artistes mondiaux (opéras, ballets…). Tout autour, le quartier est un lieu de prédilection pour les chineurs (antiquaires, artisans).
De San Giorgio Maggiore à la Giudecca
Sur le quai (molo) de Saint-Marc, un vaporetto emmène les visiteurs sur l’île de S. Giorgio Maggiore, en face de la place Saint Marc, qui s’ouvre sur l’ église San Giorgio Maggiore achevée au XVIème siècle par Palladio. En reprenant le vaporetto, on peut atteindre l’île de la Giudecca, à quelques mètres de la précédente, où se trouve une des plus belles réalisations religieuses de l’architecte Palladio, le Redentore, église construite pour commémorer la fin de la peste de 1576. Ensuite, si on traverse le canal de la Giudecca en direction de la gare maritime, on passe devant l’église S. Sebastiano peinte à fresque par Véronèse. En se promenant vers l’est, on arrive au Grand Canal et au pont de l’Académie, et on revient alors à la place Saint-Marc par le quartier de la Fénice où sont l’opéra, des galeries de peintures et de nombreux restaurants cotés.
Le ghetto
On remonte le Grand Canal jusqu’au Canal de Cannaregio, coin reculé au nord-ouest de la ville. On atteint par de petites rues calmes le ghetto de Venise, premier ghetto de l’histoire de l’Occident, où on peut y visiter le Musée hébraïque (beaux objets de cultes) et plusieurs synagogues, ainsi que la jolie petite église de la Madonna dell’orto, oeuvre de Bellini et du Tintoret. Le mot ghetto a été pour la première fois utilisé ici quand les autorités de la République décidèrent de regrouper tous les juifs de Venise dans ce quartier.