
Eglise San Antonio – Padoue © Gaspa
Depuis les Alpes jusqu’à la lagune de Venise, la Vénétie, multiplie de magnifiques attraits, dont l’architecture palladienne, architecture peu connue. Né à Padoue en 1508, Andrea di Pietro della Gondola dit Palladio, est un des plus grands architectes italiens. Il s’est largement inspiré des édifices romains, notamment des Thermes, en les sublimant, pour inventer un incroyable catalogue de formes nouvelles (beaucoup d’architectes modernes continuent à y puiser des idées et à réaliser des bâtiments de style palladien, et ce dans le monde entier).
Le Padouan doit sa fortune à son génie et aussi à un heureux concours de circonstances : désireux d’assurer leurs assises sur la péninsule italienne, les patriciens de Venise sont partis à la conquête de la « terre ferme » dès le XVe siècle. En se battant contre Vérone, Padoue et Milan, les Vénitiens se sont taillés de grands domaines qu’ils ont souhaité mettre en valeur, ce pourquoi de nombreuses fermes ont été édifiées pour devenir des lieux de résidence secondaire aussi luxueuses que les palais du Grand Canal de Venise. Enthousiasmés par la beauté des villas conçues par l’architecte Palladio, les patriciens de Venise ont passé commande à ce dernier. Depuis, des centaines de ces « villas », de la taille du pavillon de chasse jusqu’au splendide palais campagnard, parsèment la Vénétie et surtout les alentours de Padoue et de Vicence, patrie d’élection d’Andrea Palladio.
Padoue (Padova, 211 391 hab)
Evêché et ville universitaire, Padoue est une ville très ancienne, connue pour être le berceau de Tite-Live ; de plus, Dante, Petrarque et le Tasse y ont fréquenté l’Université. Il faut y voir, au fond de la piazza delle Erbe, le Palazzo della Ragione, dont les murs extérieurs sont recouverts de fresques réalisées par des maîtres du XVe siècle. Le monument du condottiere Gattamelata de Donatello, la basilique Sant’Antonio surmontée de sept coupoles byzantines, ses cloîtres des XIIe et XVIe siècles, son maître-autel décoré de bronzes, oeuvre de Donatello, les ruines des arènes romaines, ainsi que la chapelle des Scrovegni à l’intérieur de laquelle Giotto a exécuté un extraordinaire ensemble de fresques de 38 panneaux illustrant la Vie du Christ et la Vie de la Vierge, sont des lieux à ne pas manquer.
Sur la piazza del’Panto, l’Oratorio San Giorgio conserve des fresques du XIVe s., la scuola di Sant’Antonio avec ses fresques du XVIe s. dont certaines sont attribuées au Titien, ainsi que le Museo Civico qui contient une remarquable galerie de peintures anciennes, sont à découvrir.
A Padoue, on visitera également la chapelle Ovetari qui se situe dans l’église des Eremitani où l’artiste Andrea Mantegna (1431-1506) a peint une suite de fresques qui racontent l’Histoire des saints Jacques et Christophe.
Les villas palladiennes
Depuis Padoue part le premier itinéraire palladien, en empruntant le canal del Piovego et le canal del Brenta. De plus, des croisières sont organisées sur le Burchiello et la Smeralda. Tout au long de ce fleuve qui débouche à Fusina, au nord de la lagune de Venise, de très beaux palais et « villas » de style palladien ont été construits.
La villa Criovanelli, avec son fronton encadré par deux petites tourelles en forme de lanternes, est située en aval de Padoue. A Stra, on verra plusieurs villas comme celle des Foscarini-Negrelli , mais surtout le somptueux palais Pisani, construit par G. Frigimelica pour le doge Alvise Pisani, en 1736, et qui a appartenu aux Couronnes de Suède, d’Autriche et d’Italie, ainsi qu’à Napoléon. Entouré de pièces d’eau et de statues, le palais ne compte pas moins de 200 pièces. Il est doté d’une façade inspirée des temples grecs et latins. De part et d’autre d’un corps central formé d’un portique et surmonté d’un fronton, se déploient deux ailes terminées par deux petits bâtiments, évoquant également les temples antiques. A l’intérieur du palais, des peintres réputés comme C. vénitien (début XVIIIe s.-1815) et J. Guarana (1720-1808), élève de Ricci et de Tiepolo, ont oeuvré. En 1762, Tiepolo a réalisé, dans la Salle de bal, un plafond éblouissant qui célèbre la gloire de la famille Pisani. Les jardins et les extérieurs du palais présentent un grand intérêt : les serres, les écuries, le joli kiosque à coupole ouverte et l’étonnant labyrinthe sont à découvrir.
Autres villas : Soranzo à Fiesso d’Artico, de style palladien ; la Barbariga, couverte de feuillage ; Costanzo où sont conservées des fresques de l’Ecole de Tiepolo. A Mira, ne pas manquer la villa Contarini dai « leoni ». Ses propriétaires y ont reçu la visite du roi de France, Henri III, lors de sa venue à Venise en 1574. Au XVIIIe siècle, les Pisani, qui ont acquis cette villa, voulaient commémorer l’événement en commandant une série de tableaux au grand peintre Tiepolo. Malheureusement, ces toiles ont été vendues par la suite et sont aujourd’hui exposées au musée Jacquemart-André à Paris. Proche de la villa Contarini, le célèbre Palais Foscarini a hébergé un hôte célèbre, le poète britannique Lord Byron.
La belle salle des fêtes au décor baroque de la villa Wildmann-Foscari (puis Rezzonico et maintenant Castanza) est l’oeuvre du Vénitien G. André (1709-1798), artiste de l’Ecole de Piazzetta, ainsi que de G. Mengozzi-Colonna (1688-1772) qui a travaillé avec Tiepolo. Quant à la villa Gradenigo d’Oriago, elle est couverte de fresques attribuées à Véronèse.

La Malcontenta, Fusina – Italie, Venetie © Patrick Denker
Enfin, une des dernières demeures est à voir avant d’atteindre la lagune de Venise : la Malcontenta à Fusina, villa construite pour les Foscari par l’architecte Palladio. d’après la légende, cette villa aurait été habitée par une épouse volage et « mécontente » (malcontenta), exil imposé par son mari. Ses lignes sobres et son fronton antique ainsi qu’un portique font de ce lieu une des constructions les plus palladiennes de la Brenta. Elle a été construite en briques avec un revêtement de plâtre. Sur les murs intérieurs, deux artistes vénitiens ont peint à fresque : B. Franco (1498-1561) et G.B. Zelotti (1526-1561), élèves de Véronèse. Comme Palladio, les deux peintres étaient passionnés par l’Antiquité et la plupart des scènes représentées s’inspirent de sujets mythologiques. On y voit ainsi des scènes telles la Lutte contre les Géants, l’Histoire de Bacchus et le Mythe d’Aurore.
Partant de Padoue, un autre itinéraire palladien est possible, en passant par le sud et l’ouest de la ville. En direction de Rovigo, et traversant les monts Euganéens, à 12 km au sud de Padoue, on arrive à Abano Terme, une des grandes stations thermales de l’Italie, avec Montegrotto, site proche où on soigne les arthrites et rhumatismes par des applications de boues végéto-minérales. Un petit détour s’impose ensuite pour voir l’Arqua Petrarca, dernière demeure du poète Pétrarque (1304-1374).
On gagne ensuite Rovigo, villégiature située sur l’Adige qui possède une intéressante pinacothèque où sont rassemblées des oeuvres de Tiepolo, Longhi, Bellini et Giorgione. Au sud-ouest de Rovigo, une imposante villa de Palladio, construite en 1556 pour les Badoer, se nomme la Fratta Polesine. De Rovigo, on peut faire le détour par la côte Adriatique où se trouvent de grandes plages de sable et des stations balnéaires telles que Sottomarina, Isola Verde, Rosolina Mare, Albarella. Puis, on arrive au grand delta du Pô, avec sa myriade d’îles qui est considéré comme le paradis des chasseurs, des pêcheurs et des amoureux de la nature sauvage.
Revenant vers Rovigo, et bifurquant à l’ouest en direction d’Este, on atteint le berceau des princes d’Este qui régnèrent sur Ferrare. La ville d’Este a conservé son château et donjon qui datent du XIVe siècle. Le musée archéologique Atestino et l’église Sainte-Thècle sont à voir. Sur les hauteurs dans les collines, les palais des princes et les villas Benvenuti et Kunkler ont reçu les poètes Shelley et Byron. Aux alentours d’Este et de Montagnana, on découvre, de nouveau, plusieurs villas édifiées par Palladio : la villa des Pisani à Montagnana (1552), la villa Poiana à Poiana Maggiore (1548), et la villa Saraceno à Finale (1540). Puis, depuis Montagnana, on remonte vers Bagnolo, et on gagne la ville de :
Vicence (Vicenza) 109 738 hab.
On la surnomme la « Palladienne », tant sont nombreux les édifices construits par Andrea Palladio : les palais Thiène, Renaissant, Valmarana ; les édifices religieux comme le Duomo, l’église de la Santa Corona, la chapelle Valmarena ; et surtout l’étonnant Teatro Olimpico, dont le proscenium ressemble à une façade de palais, somptueusement ornée de colonnes et de statues. La Loggia del Capitanio, laissée inachevée par Palladio, ainsi que l’intérieur de l’église Santa Corona, décoré par le Baptême du Christ de G. Bellini et l’Adoration des Mages de Véronèse, sont conseillés. Enfin, on ne peut quitter Vicence sans avoir goûté à la spécialité culinaire, la baccalà alla vicenza, morue en sauce accompagnée de tranches de polenta ; que l’on savoure avec les vins provenant des monts vénitiens.
Les alentours de Vicence sont également très palladiens. l’architecte y a réalisé des villas pour les Gazotti-Marcello (La vénitien, 1540), les Chiericati (à Vancimuglio, 1550), les Thiène (à Quinto, 1540), les Valmarena (à Lisiera, 1563) ainsi que la célèbre villa Rotonda, au plan carré, surmontée de quatre frontons et d’un dôme. Cet itinéraire palladien se poursuit à Lonedo. Ainsi on peut y voir les villas Godi et Piovene, qui sont les premières que l’architecte ait réalisées, entre 1537 et 1539. A l’est de Thiène, se situe la petite ville de Marostica, où se déroule chaque année une gigantesque partie d’échecs (« Partita a scacchi ») avec les habitants de la ville vêtus en costumes médiévaux, et qui font office de pions sur un échiquier grandeur nature.

Piazza dei Signori – Trévise © micampe²
A quelques kilomètres de Marostica, Bassano del Grappa est fière de son eau de vie (grappa) et de sa dynastie de peintres de la Renaissance, les Bassano. Le plus connu de cette famille d’artiste est Jacopo, qui a reçu le sobriquet de « da Ponte » en référence au célèbre pont en bois de Bassano. Ce peintre vécut de 1510 à 1592 et ses tableaux sont exposés au Museo Civico.
Depuis Vicenza, revenant en direction de Venise, située à 74kms de là, on passe par Padoue ou Trévise. Sur ce dernier itinéraire se trouvent deux villes forteresses : la Cittadella (XIIIe s.) et le Castelfranco-Veneto, patrie du peintre Giorgione (1478-1510). Dans l’église San Liberal, une de ses oeuvres majeures est visible, la célèbre Madone de Castelfranco. Ville ancienne également entourée de remparts du XVe s, Trévise est parée dans sa vieille ville de nombreuses maisons à encorbellement, dominées par un beffroi. La chapelle du Mont de Piété où se trouvent des cuirs dorés du XIIe s. ainsi que des fresques de Tommaso da Modena, émule de Giotto, dans les différentes églises de la ville (San Nicolo, San Francesco, Santa Renaissant) sont à voir. De même, le musée Ballo est à visiter, parce qu’il rassemble des importantes oeuvres d’artistes de l’Ecole de Venise, comme Bellini, Titien, Lotto, et Tiepolo.
A 29 km de Trévise, la ville de Maser, résidence de grandes familles vénitiennes, est couverte de belles villas palladiennes, comme la célèbre villa construite en 1560 pour les frères Barbaro, ornée, à l’intérieur, de fresques de Véronèse. Près de Maser se trouve Asolo, petite ville pittoresque dominée par son château fort. Un musée y est consacré à la grande tragédienne du XIXe siècle, Eleonora Duse (1850-1924). Autre curiosité d’Asolo est son centre de tissage de soie (Tessoria Asolana), fondé par un soldat de Napoléon. On y tisse toujours de beaux carrés de soie réputés dans le monde entier. Sur la route de Montebelluna à Castelfranco Veneto, une autre villa est de Palladio, à Fanzolo, réalisée pour la famille Emo. Elle ressemble à la villa Maser par le luxe de son architecture et par son plan, bloc central surmonté d’un fronton qui rappelle un temple antique, le tout entouré d’ailes à colonnades.
Au nord de Montebelluna, la vallée du Piave est une région de vignobles. On y déguste des vins blancs de Valdobbiadene à Conegliano, et des vins rouges de Conegliano à Ponte di Piave. Un arrêt s’impose à Conegliano, ville du peintre G.B. Cima (1459-1517) située au coeur des collines, et réputée pour ses vins. Cima, émule de Bellini, a peint de nombreuses madones délicieuses, dont l’une est exposée dans le Duomo, ainsi que dans la maison du peintre. A côté de la cathédrale, la salle des corporations ou la scuola dei battuti conserve de magnifiques fresques lombardes et vénitiennes des XVe et XVIe siècles. A partir de Conegliano, la route monte vers les Dolomites, en passant par Vittorio-Veneto et Belluno.
Dominant les vallées du Piave et de Pierre, Belluno, placé sous la protection de la république de Venise en 1404, possède des maisons Renaissance à arcades, notamment sur la piazza del Mercato. Sur la piazza del Duomo, s’élève la cathédrale du XVIe s. et son campanile baroque, qui abrite des tableaux de Bassano. Toujours place du dôme, se trouvent les palais des recteurs, des évêques, et surtout celui des juristes, où se tient un musée qui rassemble plusieurs’uvres de Longhi et des Ricci.
Plus au nord, à l’extrémité d’un lac artificiel s’élève Pieve di Cadore, ville natale du Titien (1490-1576) dont la maison a été transformée en musée. De même, l’église renferme une de ses oeuvres, une Madone entourée de deux saints. En repartant de Pieve di Cadore, la route monte vers Cortina André, la plus belle station de sports d’hiver d’Italie. A proximité de celle-ci se trouve le lac Misurina, magnifique lieu d’excursion et de séjour.