Un mythe chinois conte que, il y a fort longtemps, le monstre Gonggong, dans sa fureur de ne pouvoir régner sur le monde, ébranla son axe, le mont Buzhou. C’est alors que le ciel, qui n’était plus soutenu à l’ouest, se rapprocha de la terre, formant l’Himalaya, le pays des Neiges, ainsi que l’appellent les Indiens. Entre la Chine et l’Inde, le Tibet toise le monde d’un rempart de montagnes qu’habitent des fées, contrée de châteaux forts et de cités monastiques posés dans une lumière cristalline.

Rappel historique

Naissance d’un Etat

Potala © lapin.lapin

Potala © lapin.lapin

L’histoire des peuples tibétains débute avec la descente de leur premier roi sur terre dans la vallée du Yarlung, le fleuve « né de la bouche du cheval ». Elle se poursuit, au milieu du VIIe siècle, avec Songtsen Gampo, fantastique cavalier et rassembleur de terres. Ce souverain fit de Lhassa la capitale d’un pays puissant et unifié, comprenant la majeure partie de l’Asie centrale et empiétant sur le territoire chinois. Il prit en mariage deux princesses venues des contrées qui bordaient son royaume, la Chine et le Népal, et embrassa la religion bouddhique. De grandes écoles bouddhiques s’épanouirent grâce à d’incessants échanges entre ermites et savants tibétains, moines et yogis indiens.

Des siècles d’or au siècle sombre
Au XIIIe siècle, les princes mongols devinrent les protecteurs des chefs religieux du Tibet. Après avoir donné leur faveur à l’école des Bonnets rouges, ils se tournèrent vers celle des Bonnets jaunes, conférant à leur chef spirituel le titre d’« océan de sagesse » (dalaï-lama), en 1577. Couronnant la colline de Lhassa des Palais rouge et blanc du Potala, le Ve pontife du titre conduisit la culture tibétaine à son apogée au XVIIe siècle, sous la protection des empereurs mandchous de Pékin. En 1924, une Parisienne née à Bruxelles se déguise en mendiante pour pénétrer dans le Tibet interdit : c’est un royaume d’un autre âge qui paraît sous la plume d’Alexandra David-Neel.

Un rail sur le Toit du Monde
Avec les années 1950, ce fut l’impossible dialogue entre l’idéologie de la Chine nouvelle et la fantaisie du pays qui frôle le ciel. En 1959, Tendzin Gyamtsho, XIVe dalai-lama choisit l’exil. La sinisation du Tibet se poursuit depuis à marche forcée. Le 1er juillet 2006, jour anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois, un train a roulé pour la première fois sur la voie ferrée la plus haute du monde, puisqu’elle court à 4 000 m d’altitude. Elle relie Golmud à Lhassa et met le Tibet à portée de train de Pékin. Bien plus décisivement que lors du déploiement de force de 1959, le plateau tibétain est entré dans l’orbite du territoire chinois.

Lhassa (alt. 3 700 m) et ses environs

Dans la dernière décennie du XXe siècle, la Chine du boom économique a fait pousser à Lhassa un bien malheureux hybride. Le fabuleux palais des pontifes tibétains plane, comme un anachronisme de légende, au-dessus d’une place où flotte l’ombre de la bannière rouge étoilée et d’une nouvelle cité toute d’architecture fonctionnelle et répétitive. La farouche Palden Lhamo, grande déesse protectrice de Lhassa, aurait-elle suivi le dalaï-lama dans son exil ?

Le Barkhor
C’est la voie qui guide les pas des pèlerins vers le Jokhang, cœur sacré de la cité sainte. A genoux, puis allongés front contre le sol, les mains étendues protégées de palets de carton ou de bois, puis debout et à genoux encore : il suffit de suivre ces hommes et ces femmes qui, inlassablement, répètent la même prosternation sur des kilomètres pour trouver le Barkhor. Il est resté ce qu’il fut toujours, antre des marchands du temple, cacophonie de commerces et de mendiants entrelaçant leurs slogans et leurs appels aux prières des fidèles venus honorer le Jokhang.

Le Jokhang, premier temple bouddhique au Tibet
Ouvert du mardi au dimanche de 9 h à 16 h 30. Entrée payante.
A l’arrière d’une cour aux pierres lustrées par les prosternations, un portique habillé d’étoffes marque l’entrée du Jokhang. Fondé par l’épouse népalaise du roi Songtsen Gampo, il grandit au cours des âges, enveloppant le saint des saints d’une kyrielle de chapelles étagées sur plusieurs niveaux. En s’engouffrant dans le Nangkhor, couloir de pèlerinage, il faut habituer ses yeux à une pénombre de château médiéval pour apercevoir statues et peintures. Trois cents effigies de bronze attendent les offrandes. Certaines, plus vénérées que d’autres, ruissellent de bijoux et d’écharpes blanches. Des échelles vertigineuses grimpent sur le toit-terrasse du sanctuaire, où le regard s’étourdit de lumière, de l’or des toitures et des pinacles, dans l’horizon barré au levant par la masse blanc et pourpre du Potala.

Une architecture d’ombre et de lumière
Volumes horizontaux des bâtiments blancs percés de fenêtres noires en trapèze, plans étagés des temples ocre rouge, murs étirant le regard de leurs façades obliques, ornements d’or ponctuant la ligne des toits-terrasses : l’architecture tibétaine compose magistralement sur ces thèmes. Jamais répétitive, elle distrait le regard par le jeu de ses lignes avec les courbes du paysage environnant, par l’équilibre des masses ancrées sur des escarpements et par l’ampleur de l’espace. A l’intérieur, par-delà la cour d’entrée, elle cultive le sens du cheminement à travers un entrelacs de ruelles et l’art de la surprise, alternant pénombre des salles et lumière des cours.

Suivez le guide !
Conservez votre ticket d’entrée et, si la situation le permet, revenez au Jokhang à 18 h, quand le sanctuaire bourdonne des prières de la cérémonie du soir.

Le palais montagne
Ouvert du lundi au vendredi de 8 h à 13 h. Entrée payante.
Forteresse, monastère, palais, temple, arsenal, magasin, prison : le Potala fut tout cela à la fois. Une fourmilière géante de centaines de salles derrière les 400 m de ses façades, un dédale de cours, de vérandas, de galeries. A l’entrée s’élèvent les 70 m d’étages, soulignés de balcons en bois, du Palais blanc, où s’exerçait le pouvoir des pontifes. La débauche d’ornementation des salles de réception contraste avec l’austérité monacale des appartements. Enchâssé entre deux ailes chaulées de blanc, le Palais rouge renferme les cénotaphes, aux faîtages couverts d’or, d’ambre et de turquoises, de huit des dalaï-lamas.

Les jardins de Lhassa
Derrière le Potala, le temple des Serpents (Lukhang) est posé sur l’îlot d’un étang. C’est un lieu de pique-nique apprécié, au même titre que le Norbulingka, résidence d’été des pontifes, dont le parc s’étend à la lisière ouest de Lhassa, autour du dernier palais construit par le dalaï-lama, en 1956.

Drepung, fondation œcuménique
A 7 km à l’ouest de Lhassa.
Il fut peut-être le plus grand monastère du monde, avec près de 10 000 moines. Aujourd’hui, ces derniers sont un peu plus de 500, établis dans les bâtiments ocre, parfois chaulés de blanc, parfois peints de rouge, qui s’adossent aux contreforts d’une des montagnes encadrant la vallée de Lhassa.
Fondé en 1416 par le plus proche disciple de Tsongkhapa, Drepung regroupait, en quartiers distincts, des lamas de Mongolie, du Népal, et des Tibétains venus d’autres vallées.

Sera
A 4 km au nord de Lhassa.
Monastère jumeau de Drepung, établi au XVe siècle, Sera est de dimensions plus modestes. Mais ce gros bourg monastique construit en terrasses recèle des trésors de peintures et de statues de métal. De ses toits se déroule la vision, à une lieue de distance, des façades du Potala.

Bonnets jaunes et Bonnets rouges
Le bouddhisme tibétain s’est forgé aux contacts de l’Inde et de la Chine, de l’Asie centrale et du Népal. Au fil des enseignements, une pléiade d’écoles et de monastères ont vu le jour. Au XIVe siècle, tandis que s’entre-déchiraient ces différentes sectes, pour des questions de pouvoir bien plus que de doctrine, surgit la personnalité de Tsongkhapa (1357-1419). Venu du Tibet oriental, il étudia sous les maîtres les plus illustres de tous les ordres religieux. Lui et ses disciples fondèrent des cités monastiques où était dispensé un enseignement rigoureux dans le cadre d’une règle très stricte. L’ordre se para du titre de Gelugpa (« conduite vertueuse ») et adopta le port d’un bonnet jaune pointu à des fins cérémonielles. C’est ainsi que ses lamas furent surnommés « Bonnets jaunes » par les Chinois. Par opposition, tous les ordres religieux précédents sont désignés sous le nom de « Bonnets rouges ».

Ganden
A 45 km à l’est de Lhassa.
Fondée en 1409, Ganden fut la pionnière des cités monastiques des Gelugpa. Elle renaît lentement, taches rouges et blanches surgissant de ruines fantomatiques, posée sur une croupe dominant la vallée du Kyichu. Car Ganden fut implacablement détruite à la dynamite lors de la Révolution culturelle.