Thessalonique

La plus vaste région de Grèce est aussi une des plus attachantes, à commencer par Thessalonique, ville frontière, métropole du Nord et porte des Balkans.

Thessalonique, amour balkanique

Au temps de la Yougoslavie, elle était l’étape obligatoire des automobilistes en route pour Athènes. Mais, à l’ère chrétienne, cette ville d’un million d’habitants était déjà un sas entre deux mondes : celui de Rome et celui de Constantinople. Les Arabes et les Normands l’ont pillée, les croisés y ont fondé un royaume latin ; les seuls à avoir bousculé son âme byzantine, ce sont les Turcs qui, dès 1430, en font la plaque tournante des Balkans. Un commerce florissant est établi dans la ville basse, grâce aux Juifs chassés de la péninsule ibérique et de la botte italienne. Ils importent des progrès considérables, dont l’imprimerie, et y produisent des étoffes de haute qualité.
En 1912, Salonique est arrachée dans le sang à ses maîtres d’Istanbul. Eternel port militaire en dépit des changements de mains, elle devient la plaque tournante de la Première Guerre mondiale en Orient : des centaines de milliers de Français et de Britanniques y transitent et y campent. Ils assistent, les bras ballants ou la main leste, au terrible incendie qui ravage le centre et le plonge dans le pillage.
Venizelos interdit qu’on reconstruise la ville de bric et de broc, exigeant un plan rationnel. C’est ce quadrillage méthodique que l’on parcourt aujourd’hui. Proche des frontières sensibles, la deuxième ville de Grèce est restée un port de brassage quelque peu cocardier – bien que la cocarde d’ici, soit le soleil à seize rayons !

Les avenues
Bus essoufflés, étudiantes espiègles, gros titres sanguinolents des feuilles à sensation… quatre avenues percent la cité d’est en ouest : Nikis longe les quais ; Tsimiski est l’avenue des banques et sièges sociaux ; la suivante a conservé son nom antique de Via Egnatia, la voie qui reliait les capitales rivales, Rome et Constantinople. Frôlant au passage l’arc de triomphe de Galère et son tombeau, cette voie de commerce immémoriale a naturellement attiré les marchés : Vlali et ses métiers d’un autre âge, Modiano et ses ouzeri où les fils d’Ulysse trinquent avec les matelots de Hambourg et d’Odessa.

The White Tower, Thessaloniki © Tilemahos Efthimiadis

The White Tower, Thessaloniki © Tilemahos Efthimiadis

Saint-Démètre (Agios Dimitrios)
Sur Agiou Dimitriou se dresse l’église homonyme de Saint-Démètre, le très guerrier patron de la cité. C’est la plus grande église en ville, et la plus richement décorée. Le tragique incendie de 1917 a eu le mérite d’avoir mis au jour une crypte mystérieuse, avec les baignoires où Démètre aurait été martyrisé. Parmi les autres sanctuaires à ne pas manquer, citons Sainte-Sagesse (Agia Sofia), la touchante Notre-Dame-des-Chaudronniers (Panagia Halkeon). Sainte-Catherine (Agia Ekatherini) et les Saints-Apôtres (Agii Apostoli) possèdent les plus belles mosaïques.

L’arc de triomphe de Galère (apsida tou Galeriou)
Via Egnatia.
De ses quatre arches amples, cette porte colossale n’en a plus que trois. Commandée par l’empereur Galère, elle est sculptée de scènes de batailles et de rites sacrificiels, afin de rendre grâce pour ses victoires – mitigées, en réalité… – contre les Perses : on reconnaît l’ennemi à ses bonnets phrygiens. Dans l’axe de l’arc, se trouve la Rotonda.

La Rotonda (tafos tou Galeriou)
Croisement de Filippou et de Dimitriou Gounari.
Mort de gangrène dans l’actuelle Serbie, l’empereur Galère ne fut jamais enterré dans le tombeau qu’il s’était fait construire. Il n’est pas exclu, d’ailleurs, que cet édifice circulaire de 25 m de diamètre et aux murs de 6 m (contre des tremblements de terre, qui frappèrent encore en 1978) n’ait été qu’un temple. Quoi qu’il en soit, le césar a abandonné cette rotonde aux mosaïques rutilantes glorifiant saint Georges ; plus tard, aux imams d’une mosquée (dont on voit encore le minaret) ; aujourd’hui, aux administrateurs d’un musée.

Plateia Aristotelous
Elle célèbre le grand philosophe antique Aristote, né en Macédoine. Ouverte sur la mer, et bordée de bâtiments néo-classiques en fer à cheval, elle est le centre vital de tout Salonique. Sous ses arcades, kiosques et petits métiers sont rois.

Tour blanche
Sur Nikis. Ouvert du mardi au vendredi de 8 h à 19 h, 8 h 30 à 15 h les week-ends et de 12 h 30 à 19 h le lundi. Entrée payante.
La Bastille turque est le témoin du massacre des Janissaires en 1826. Désormais, on ne l’appelle plus que tour du Sang (Kanli kule). On finit donc par la chauler complètement, pour la purifier : de là son nom actuel. Depuis des années, elle retrace sur six étages l’histoire de Thessalonique. De son sommet, on a une vue contrastée sur la ville moderne, les parcs, le port et les collines populeuses avec les remparts qui grimpent à l’assaut d’une seconde tour et de la citadelle des Sept-Tours.

Musée macédonien d’Art contemporain
Ce sont les dons de collectionneurs et d’artistes contemporains qui ont mis en place ce musée, qui ne dédaigne pas les signatures plus internationales, telles celles d’Andy Warhol ou de Niki de Saint-Phalle

Ancien quartier réservé
Autour de plateia Morihovou frémit l’ancien quartier des maisons closes et des fumeries de haschisch. Jusqu’aux années cinquante, les immigrés d’Asie Mineure y rabâchaient leurs regrets. Complètement restauré, repris par des bars branchés, il vibre à la nuit au rythme de la techno. Quelques boîtes renouent avec le bon vieux rebetiko, dont les tempos hachés font danser la clientèle sur les tables.

Vieille ville
A l’intérieur de forts remparts de brique et de pierre plate s’entrelacent escaliers pittoresques et façades écaillées : des odeurs d’acacia et de suie ; des cris d’enfants ; quelques églises qui ronflent dans ce repaire de chats. Celle du Prophète-Elie(Profitis Ilias) occupe l’emplacement du palais du roi franc de Thessalonique. Au sommet de la colline, les Sept-Tours(Eptapurgio) glissent leur ombre : ce nouveau centre culturel fut la prison où moisissaient trafiquants et « asociaux », comme les joueurs de bouzouki, qui cachaient un instrument miniature dans leur paillasse.

Musée d’Archéologie
Odos Desperai. Ouvert du mardi au vendredi de 8 h à 19 h, 8 h 30 à 15 h les week-ends et de 12 h 30 à 19 h le lundi. Entrée payante.
Ses vastes salles alignent maigres vestiges préhistoriques, sculptures romaines au teint laiteux, un temple en kit, trouvé à Salonique… Certains le regretteront : il n’abrite plus le trésor de Philippe de Macédoine : le vieux roi a retrouvé son envoûtant tombeau de Vergina. Mais il reste encore quelques belles pièces macédoniennes, cratères, armes de bronze, bijoux, trouvés dans d’autres sites funéraires ou villes oubliées.

Suivez le guide !
Visitez le lieu où Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne, est né en 1880. Le gardien se fait un plaisir de montrer cet intérieur ottoman typique et illustre (à l’angle d’Agiou Dimitriou et d’Apostolou Pavlou, actuel consulat turc).

Musée byzantin
Stratou, 2. Ouvert tous les jours de 8 h à 21 h. Entrée payante.
D’une architecture d’avant-garde, ce nouveau musée héberge une collection permanente, dont des icônes du XVe au XIXe siècle, des fresques et des mosaïques venues de la Tour blanche. On y propose également des expositions thématiques.

Musée du conflit macédonien
Proxenou Koromila 23.
Logé dans une ancienne demeure consulaire grecque, ce musée un peu poussiéreux renferme armes, costumes et documents, qui sont les reliques de la lutte pour l’indépendance contre les Turcs.

Musée ethnologique
En 15 000 objets et costumes, un portrait de tout le particularisme de la Grèce septentrionale, Thrace incluse.

Cimetière de Stavroupoli
Banlieue ouest de Salonique.
30 000 soldats de 14-18 y reposent, Serbes, Français et troupes coloniales, dont les stèles précisent la religion : animistes, bouddhistes, musulmans…

L’anastenaria
Dans certains villages comme Lagkada, à la veille de la fête de Constantin et Hélène (20 mai), les habitants sacrifient des moutons, tandis qu’une confrérie d’initiés s’enferme, en compagnie de l’icône des saints. C’est l’anastenaria. Dehors, crépite un large cercle de braises. Sortant de leur cachette, hommes et femmes, en transe, marcheront dessus sans être incommodé. On trouve des pratiques voisines dans des villages de Bulgarie. Les adeptes y voient un hommage aux deux saints, dont les icônes auraient gémi lors d’un incendie. Il est plus vraisemblable qu’il s’agisse d’un culte à Dionysos, christianisé en douce…

Cuisine… ethnique
La macédoine n’est pas une spécialité macédonienne, mais fut inventée par un cuisinier parisien qui, pensant au mélange ethnique régnant dans cette région de l’Empire ottoman, donna ce nom à un méli-mélo de légumes aux couleurs les plus variées. Carrefour entre monde slave et grec, occupé par les Turcs qui y encourageaient la présence juive, le nom de macédoine a quelque justification… Mais pourquoi dit-on aussi salade russe ?

Olynthe
Protégée par les ruines de sa muraille, c’est toute l’infrastructure de vieux quartiers antiques qui a été mise au jour. En sus de belles mosaïques, les archéologues ont collecté foule d’objets et d’indices qui ont bien enrichi notre connaissance de la vie quotidienne.

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