Alexandre le Grand a soumis le monde jusqu’à l’Inde, mais l’Epire voisine l’a tenu en échec. C’est encore un roi d’Epire, Pyrrhus, qui faillit, par une victoire proverbiale, gommer Rome de l’histoire ; et c’est une fois de plus en voulant croquer l’Epire que Mussolini s’est cassé les dents. Côtes radieuses, monts farouches, eaux brumeuses, architecture dont l’austérité a l’éclat du joyau… tout conspire pour en faire une région d’atmosphères – peut-être moins à voir qu’à sentir. Quel contraste avec la Thessalie ! La patrie d’Achille avait bien besoin du site acrobatique des Météores et du petit trésor du Pélion pour faire oublier ses mornes paysages dignes de la Beauce.

La Thessalie, la mal-aimée

Bercée par le passage des supersoniques de la base de Larisa, les champs de Thessalie forment la plus monotone région de Grèce. Deux contrées uniques rétablissent l’équilibre, les Météores et le Pélion.

Les Météores, pendus de Dieu

Meteoros veut dire « pendu dans le ciel ». Même dégarnis de leurs monastères, ces piliers rocheux, irréels comme les montagnes d’une icône, vaudraient le déplacement. D’après la légende, c’est Dieu en personne qui fait tomber ces quartiers de roc du haut du firmament. Il veut ainsi permettre aux hommes de s’approcher de lui – ce sera par la prière. Plus scientifiquement, ces formations géologiques sont d’origine alluviale : vestiges du lit d’un fleuve immense qui coulait ici, ils sont composés de grès et de poudingue, sorte de béton naturel liant intimement graviers et galets. L’ensemble est passé à l’équarrissage de l’érosion, qui a créé des ravins infranchissables là où il n’y avait qu’un socle homogène.
Dès les débuts du christianisme, des ascètes fanatiques, les stylites, s’isolent des ans durant au sommet d’une colonne. C’est dans le même esprit de renoncement et de méditation que, dès le IXe siècle, les ermites colonisent les Météores. Ces pitons vertigineux ne seront aménagés en dur qu’au XIVe siècle, afin d’entreposer les offrandes et décourager les lassantes attaques des Albanais et des Turcs. Sous la truelle des moines venus du mont Athos, naissent donc vingt-trois monastères fauves aux toits de tuiles. Passerelles volantes et monte-charge protègent contre les pillards – et plus tard contre l’armée allemande – un univers gémissant de parquets à grosses lattes, d’encensoirs à chaîne, d’images pieuses aux vitres fêlées, sous la surveillance étroite des fresques, de leurs paires d’yeux écarquillés et jamais de profil.On entre dans ce petit monde par la bourgade de Kalambaka, un peu agitée par les haltes des touristes et les dernières emplettes des zélateurs de la randonnée.
Les sanctuaires sont tous au nord de la ville : six étapes disséminées sur un circuit de 20 km. Chacun a son atmosphère. La complexité des jours de fermeture et des horaires rend impossible une visite en continu – pour le plus grand bonheur des B & B de Kalambaka. Carl faut au moins rester une nuit pour une découverte complète. Lorsque l’on ne dispose que d’une journée et que les caprices de l’administration le permettent, on visite en priorité Rousanou, Varlaam et Grand-Météore. Certains sanctuaires sont de nouveau occupés. Il faut donc prévoir des tenues « décentes », c’est-à-dire couvrantes, mais à l’exclusion du pantalon pour les femmes.

Saint Steven Abbey, Meteora © cod_gabriel

Saint Steven Abbey, Meteora © cod_gabriel

Doupiani
Première étape rencontrée lorsqu’on part de Kalambaka par la route ouest. Sur la gauche de la route.
Le piton de Doupiani est couronné de deux couvents ruinés et d’un autel consacré à saint Georges. A l’approche de Pâques, les hommes du village voisin y montent en s’encordant pour y déposer des pièces d’étoffe, offrandes de leurs épouses.

Saint-Nicolas
Premier monastère rencontré sur la route ouest. Sur la gauche de la route. Horaires changeants. Entrée payante.
Ce petit monastère est encore habité. Il est célèbre pour ses fresques du Jugement dernier (XVIe siècle), dues au génie de Théophane le Crétois – qui s’est fait un nom en ornant la Grande Laure du mont Athos. De nombreuses autres peintures, exécutées par des artistes anonymes, hésitent entre le pathos ecclésiastique et une émotion plus humaine.

Varlaam
Premier monastère après la bifurcation vers l’ouest. Sur la gauche de la route. Ouvert du samedi au jeudi de 9 h à 13 h et de 15 h à 18 h. Entrée payante.
Ce nom étrange est celui de l’ermite des temps héroïques. Varlaam est sans doute celui qui permet le mieux de se figurer la vie quotidienne des moines avec leur chapelle peinte, le réfectoire (converti en petit musée), les cellules, le fût gigantesque de la réserve de vin et l’inquiétant treuil d’accès.

Grand-Météore
Second monastère après la bifurcation vers l’ouest. Ouvert du mercredi au lundi de 9 h à 13 h et de 15 h à 18 h. Entrée payante.
Le plus grand monastère des Météores occupe une enclume grise qui culmine à 620 m. On y accède par des escaliers à flanc de roc, aux vues superbes. Jadis, il fallait confier sa vie à un ascenseur Grand-Météore est le plus haut placé et le plus riche, comme en témoignent les prestigieux objets liturgiques et la valeur des icônes que renferme son trésor. L’édification a été entamée en 1518. On visite quelques cellules et l’on montre toujours la grotte où logeait l’ermite Athanase, canonisé entretemps, et qui aujourd’hui repose plus à son aise dans l’église principale.

Sainte-Trinité (Agia Triada)
Premier monastère après la bifurcation vers le sud, sur le chemin du retour vers Kalambaka. Sur la droite de la route. Ouvert tous les jours de 9 h à 13 h et de 15 h à 18 h. Entrée payante.
La messe est encore dite dans la petite église consacrée à la Trinité, élevée entre les XVe et XVIIe siècles.

Saint-Etienne (Agios Stefanos)
Premier monastère après la bifurcation vers le sud. Ouvert du mardi au dimanche de 9 h à 13 h et de 15 h à 18 h. Entrée payante.
Le vertige est aussi au rendez-vous dans ce monastère de nonnes où les offices sont encore dits. Bien fortifié, il était jadis protégé par un pont-levis. Il a perdu ses fresques prestigieuses dans un bombardement de la Luftwaffe, mais il reste célèbre pour sa collection d’icônes, du XVe au XVIIIe siècle. Un atelier de peinture monastique maintient cette tradition.

Rousanou
Second monastère rencontré. Sur la droite de la route. Ouvert tous les jours de 9 h à 18 h. Entrée payante.
On y accède par deux ponts fragiles. L’étroitesse du piton fait que ce monastère de nonnes a dû être construit sur trois niveaux, avec une surprenante économie d’espace. Les fresques de son église de la Transfiguration (Metamorfosis), ont été peintes au milieu du XVIe siècle par des artistes originaires de Crète, de la même tradition que ceux du mont Athos.

Volos, de Jason aux enfants d’Aphrodite
Capitale de la Magnésie et troisième port de Grèce, Volos est davantage ouvert sur les îles, – à commencer par les Sporades – que sur son arrière-pays. C’est de Volos (ou plutôt de la ville qu’elle recouvre, l’antique Iolkos) que Jason part à la quête du Graal antique, la Toison d’Or. La ville moderne n’a que le charme de son atmosphère provinciale et d’agréables cafés longeant la mer, au pied d’une barre d’immeubles peu esthétique. Le soir, quelques restaurants accueillent des virtuoses du bouzouki, marqués par l’âge. La relève est cependant venue d’un enfant du pays, Vangelis, ex-Aphrodite’s Child.

Musée archéologique
Route de Tsangarada. Ouvert du mardi au dimanche de 8 h 30 à 15 h. Entrée payante.
En plus des minces butins trouvés dans les sites voisins de Sesklos et Dimini, il accueille la plus vaste collection de stèles funéraires de Grèce.

Présents dans l’image
Idolâtrie ? Le culte de l’image (ikonê) est, en dépit des apparences, le culte rendu à la divinité présente dans la peinture. Pour œuvrer, l’artiste doit se mettre dans un état de communion avec l’être saint qu’il va représenter. C’est pourquoi signer une telle œuvre -ce qui se fait de plus en plus – tient du sacrilège. La puissance de l’icône s’étend même au voile qui la protège ; et on ne compte plus celles qui donnent la victoire, peuvent gémir ou crier, voire échapper des mains du pope pour administrer une fessée bien méritée à tel mécréant…

Suivez le guide !
Faites une agréable randonnée sur les sentiers des kalderimia. Ces voies de pierre furent aménagées par l’homme pour relier les villages entre eux.

Suivez le guide !
Faites d’agréables randonnées sur les kalderimia du Pélion : n’ayant pas le pied agile des centaures, l’homme aménagea ces voies de pierre pour relier les hameaux entre eux.

Le Pélion, spirale sauvage
Le Pélion (Oros Pilio) est une péninsule en escargot qui se risque dans les vagues. On le parcourt depuis Volos ou une des pensions de famille qui se multiplient grâce à son succès auprès des amateurs de nature. Au temps d’Homère, on y croisait des centaures, hommes à corps de cheval, dont Chiron est le plus connu : professeur d’Achille et champion de tir à l’arc, Chiron n’est autre que notre Sagittaire.Les centaures ont disparu. Aujourd’hui, ce sont les marcheurs qui traversent en T-shirts multicolores les places des sobres villages de schiste de Vizitsa ou Makrinitsa. Au cœur de l’été, le Pélion offre aussi quelques plages, telle Damourachi, et, en hiver, les voitures hérissées de skis montent en cahotant vers la station de Hania (1 550 m).

Musée Theofilos (Mouseio Theofilou)
Village de Manakasia. Ouvert du mardi au dimanche de 9 h à 15 h. Entrée libre.
Dans la direction du Pélion, une belle maison est ornée des fresques du peintre Theofilos Hadjimihail Kefala (1873-1934). Elles vantent dans un style naïf la vie rurale et l’héroïsme de la guerre d’Indépendance.

Vuzitsa
C’est une des bourgades où le concept de la vieille maison-hôtel (arhontiko) a été lancé avec succès auprès des Athéniens : cheminée dans les chambres, lits sculptés au couteau, tentures brodées… Ce mode de logement très authentique est, hélas, ignoré de l’Europe de l’ouest. A défaut d’y loger, on goûtera la joliesse des façades. Leurs fenêtres ont été gardées étroites, pour laisser peu de prise aux frimas… et aux pillards.

Makrinitsa
A 4 km au nord de Portaria.
Ses deux églises byzantines du XVIIIe, blanchies à la chaux et ployant sous le poids des lauzes, sont les points de repères minimalistes pour une promenade sans but. Mélange intime d’arbres et de rampes de pierre, le village a gardé toute son âme, malgré les vendeurs de fruits au miel (la délicieuse spécialité du cru), de jouets électroniques et d’artisanat (de bonne qualité, somme toute).

Zagora
A 55 km à l’ouest de Portaria.
Célèbre pour son campanile massif, ses maisons, et sa production de pommes ! Une route descend vers la plage de Horevto.

Platania
Au sud du Pélion.
Ce petit village, orné comme il se doit des platanes si typiques du Pélion, a donné le nom à une plage déserte ou très fréquentée – selon les saisons. Des tavernes permettent de faire une pause et de déguster une daurade fraîche ou quelques rougets.

Agia Kiriaki
C’est le bout de l’escargot. On cueillera la nostalgie de ce petit port de pêche où l’on calfate les barques colorées sous l’oeil vague des marins retraités qui ont raccroché le filet.

Suivez le guide !
Depuis Volos, voici l’itinéraire classique pour se faire une idée du Pélion, en une journée et 150 km : Portaria, détour vers Makrinitsa ; Hania, détour vers Zagoria; Tsangarada, Milies, détour vers Vuzitsa ; retour par la côte ouest.

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