Patio andalou, Córdoba

Patio andalou, Córdoba

Le grand sud andalou
Aux portes de l’Afrique, l’Andalousie est la plus peuplée des régions d’Espagne. Creuset de la brillante civilisation musulmane dont Cordoue, Séville et Grenade sont les insignes, reconquise du XIIIe au XVe siècle par la Castille, elle jouit d’une profonde identité culturelle célébrée par la littérature romantique.
Séville, siège de la Junta de Andalucìa, s’est pleinement affirmée comme capitale politique, intellectuelle et commerciale de l’Andalousie. Les infrastructures routières et ferroviaires dues à l’Exposition universelle de 1992 l’ont rapprochée des autres régions d’Espagne. Malaga, sur la Costa del Sol profite d’un climat d’une douceur insolente au plein cœur de l’hiver, privilège qui lui vaut d’accueillir chaque année des milliers d’estivants. Cordoue, ville historique, s’est tournée vers une industrie agroalimentaire que nourrit sa campagne fertile. Grenade, ville universitaire, vit de la vega, cette grande plaine agricole ceinte de montagnes qui fait corps avec la ville. Huelva et Cadix sont des ports ; l’un industriel, l’autre une importante base navale où transitent aussi les produits agricoles du sud, et, depuis le XVIIIe siècle, une porte sur l’Océan. Almerìa, avec son port commercial, vit difficilement d’une économie agricole et des activités de pêche. Au cœur des collines aux oliveraies qui annoncent les hauts reliefs, Jaen reste, malgré ses responsabilités provinciales, un gros bourg rural au charme singulier, commandé par une imposante cathédrale des XVIe et XVIIe siècles.
De la domination musulmane, les villes et les villages d’Andalousie ont gardé des traits caractéristiques : leur dédales de ruelles et d’impasses au tracé capricieux et trompeur, leurs passages dérobés, leurs murs blanchis à la chaux, enfin leurs patios intérieurs décorés d’azulejos qui retiennent jalousement la fraîcheur… Entre la Serranìa de Ronda, dernier contrefort occidental du Système bétique, et le Guadalete, affluent du Gualquivir, les paysages sont marqués par des étendues accidentées et des villages aux murs chaulés, accrochés aux pentes des reliefs ou hissés sur un haut promontoire. Guadix et ses habitations troglodytes, Antequerra et ses formidables dolmens, ou Ecija et ses clochers de brique émaillée, sont quelques exemples de ces « villages blancs ».
Les grandes exploitations agricoles des campagnes andalouses, parées de blanc, sont héritées des latifundia romains adoptées par les musulmans puis par les chrétiens : ce sont des étendues considérables de terres agricoles, réunies autour d’une ferme isolée dont les bâtiments (écuries, moulin, habitation, logements ouvriers, chapelle, etc.) enserrent une vaste cour. On les appelle cortijos pour les terres céréalières, ou haciendas pour les terres vinicoles et les oliveraies. Elles abritaient plusieurs familles grossies, aux saisons agricoles, d’une foule de travailleurs saisonniers. La mécanisation a vu le nombre de ces grandes exploitations diminuer et celui de ses occupants se réduire. Cette répartition des terres est souvent désignée comme la cause des difficultés agraires de la région.

Mosquée, Córdoba

Mosquée, Córdoba

Cordoue
Cordoue au Xe siècle, avec ses 100 000 habitants, est une capitale culturelle d’exception. Cosmopolite, elle réunit les trois religions : juive, chrétienne et musulmane. La culture hébraïque avec ses écoles rabbiniques, ses centres de traduction d’ouvrages scientifiques et philosophiques de l’Antiquité, y est très féconde jusqu’à la conquête almohade du XIIe siècle. Celle-ci met un terme à la coexistence des trois monothéismes, défendue par le musulman Averroès et le juif Maimonide, tous deux médecins, philosophes, et théologiens.
Des temps omeyyades (VIIIe-Xe siècles), la Mosquée du vendredi est le témoin rare. D’autres vestiges moins célèbres jalonnent la ville : une noria (roue à eau) du Xe siècle sur le Guadalquivir alimentait autrefois l’aqueduc. Le Musée archéologique réunit une abondante collection de l’époque musulmane. Sur l’autre rive du fleuve, la Tour de la Calahorra qui défendait durant tout le Moyen-Âge l’unique pont d’accès à la ville, d’origine romaine, est à présent le Musée des trois religions (Fondation Roger Garaudy). Il présente plus particulièrement la civilisation musulmane et expose deux maquettes, l’une de la mosquée avant ses remaniements chrétiens, l’autre de l’Alhambra de Grenade. De l’époque arabe, les rues de Cordoue gardent aussi leur tracé capricieux, les bâtisses, leurs murs épais. Leurs patios ombragés font chaque mois de mai l’objet d’un concours qui récompense les balcons fleuris. Toujours en continuité avec le monde musulman, le travail du cuir repoussé, le guadamecis, fait de nos jours encore la renommée de la production cordouane.
La Reconquête chrétienne de Cordoue en 1238 entraîne une nouvelle distribution des espaces urbains : aux pieds de la Mosquée du vendredi, convertie en église, la Juderia accueille une population juive qui participe au repeuplement des terres nouvellement conquises. Ce quartier abrite l’une des trois synagogues conservées de l’Espagne médiévale ayant échappé aux destructions lors de la mise à sac des quartiers juifs en 1391, puis de l’expulsion de leur population en 1492. La synagogue, comme ses sœurs tolédanes, est une construction mudéjare dont le décor de stuc revêt l’ensemble de ses murs faits de pierre et de brique. Son vestibule d’entrée porte la tribune destinée aux femmes et ouvre sur la salle de prière, carrée et de petites dimensions. La dédicace en hébreu célèbre celui qui, en 5075 du calendrier juif (1315), dirigea les travaux et, probablement, les finança, Isaac Majeb. Sur les ruines de l’Alcazar califal, les rois chrétiens édifièrent au XIVe siècle le palais fortifié dénommé Los Alcazares de los Reyes Cristianos, qui tint lieu de résidence aux Rois catholiques durant la conquête du royaume de Grenade. Siège de l’Inquisition du XVe au XIXe siècle, et prison jusqu’au milieu du XXe siècle, ses murs n’ont conservé que son enceinte et ses tours. Ils abritent des mosaïques romaines du IIe siècle, découvertes place de la Corredera, et un sarcophage d’albâtre. Ses jardins à la française agrémentés de bassins offrent des perspectives sur les hauteurs crénelées du palais. En marge de la vieille ville à l’est, la Plaza del Potro (place du Poulain) conserve une posada (auberge) évoquée par Cervantès dans Don Quichotte. Sur cette place est situé le Musée des beaux-arts qui occupe l’ancien hôpital de la Charité, fondation des Rois catholiques. La place de la Corredera reste l’unique place monumentale des cités andalouses. Elle remonte à la fin du XVIIe siècle.
La Mezquita, ancienne grande mosquée des Omeyyades, fut transformée en cathédrale par autorisation de Charles Quint en 1523. Convertie en église dès la Reconquête, elle avait déjà subi un certain nombre de modifications. Ses murs flanqués, ou fermés de chapelles au XIIIe siècle, abritaient une chapelle royale au décor mudéjar élevée au XIVe siècle dans une des nefs transversales de la mosquée ; son sol est jonché de sépultures chrétiennes.
De l’extérieur, la cathédrale du XVIe siècle (1523-1617) écrase par sa hauteur les toitures parallèles à double pente de la mosquée. L’intérieur apparaît incongru : le retable en marbre polychrome de la capilla mayor, les stalles en acajou de Cuba et les chaires à prêcher de marbre blanc et noir du XVIIIe siècle, la custode d’argent, abritée dans la sacristie, détonnent dans la forêt des piliers aux arcs surbaissés. La mosquée primitive, vaste quadrilatère de 180 m sur 130, est entreprise au VIIIe siècle, à la fin du règne d’Abd el Rahman I1er (756-788), premier souverain de la dynastie omeyyade exilée. Les musulmans rachètent la cathédrale San-Vicente aux chrétiens pour entreprendre en son emplacement la nouvelle construction. L’accroissement de la population impose plusieurs agrandissements. L’élargissement de la façade sur le patio des Orangers désaxe le minaret enveloppé d’un clocher depuis le XVIe siècle. Divisée en plusieurs nefs parallèles entre elles et perpendiculaires à la qibla, (mur de fond portant la niche de prière), l’intérieur de la mosquée offre une étourdissante suite de colonnes de marbre bleuté, de marbre blanc ou d’albâtre. Au Xe siècle, sous le règne du calife Al Hakam (961-976), un décor de mosaïque vient compléter l’ornementation de la qibla. L’emploi de la pierre calcaire et du marbre, taillés ou sculptés de motifs géométriques d’inspiration végétale, montre à quel point les Omeyyades sont les héritiers de la culture antique. La mosquée de Cordoue conserve aussi le souvenir de leur origine syrienne : la qibla est orientée vers le sud et non vers la Mecque, comme l’étaient les mosquées de Damas.
A 8 km de Cordoue par la C431 qui longe le Guadalquivir vers l’ouest, se trouve la prestigieuse cité des califes de Cordoue, la médina Az Zahara. La ville-palais d’Abd al Rahman III (912-961) et d’Al Hakam II (961-976) est l’expression du pouvoir centralisé des califes. Entreprise en 936 au flanc de la colline de Cordova, elle est pour l’essentiel achevée en 960 et accueille tous les services administratifs et l’ensemble des membres du gouvernement. Dans les premières années du XIe siècle, elle est complètement détruite par les troupes des mercenaires berbères en révolte contre le pouvoir califal affaibli. De cette existence éphémère, il reste quelques espaces : le Salòn Rico, salle du trône d’Abd al Rahman III, témoigne avec force de la magnificence disparue.

Alhambra. Vue générale, Granada

Alhambra. Vue générale, Granada

Grenade
Dernier royaume musulman d’Europe occidentale, patrie du poète Garcia Lorca (1899-1936), Grenade met en lumière, sur la toile enneigée de la Sierra Nevada, la force et la noblesse de la culture nasride. Il ne reste de la capitale de la dynastie des Zirides au XIe siècle, après la chute du grand califat, que les bains publics, los Baños. Ils se trouvent à proximité du riò Darro, affluent du Genil, qui baigne la grande plaine de la Vega et gagne le Guadalquivir. En dépit du dynamisme de la cité au XIe siècle, c’est le XIIIe siècle qui ouvre les temps de splendeur de la cité nasride (XIIIe-XVe siècles) dotée d’une nouvelle enceinte. En 1246, Muhammad Ibn Yusuf Ibn Nasr, fondateur de la dynastie, obtient du roi de Castille, Ferdinand III, la reconnaissance de son autorité sur les actuelles provinces d’Almérìa, de Malaga et de Grenade qu’il échange contre la ville de Jaen. Boabdil sera le dernier sultan du royaume de Grenade, qui laissera l’Alhambra aux Rois catholiques le 2 janvier 1492, après plusieurs mois de siège sans que ses murs aient souffert d’un quelconque assaut.
Auprès de la cathédrale, l’Alcaceria était un souk qui conserve son tracé droit de ruelles étroites bordées d’arcades outrepassées ; il accueille aujourd’hui des boutiques de souvenirs. Ce centre économique de la cité était supervisé par un fonctionnaire, el sahib al suq, chargé de veiller à la loyauté des pratiques commerciales et à l’ordre public. Produits cuisinés, vin, huile, céramiques, étoffes de coton, de lin ou de soie faisaient partie des marchandises échangées. Le palais de la Madraza enferme dans une construction du XVIIIe siècle à la façade baroque la salle de prières très restaurée, vestige de l’université islamique fondée par le sultan Yùsuf Ier en 1349. Après la Reconquête, elle tint lieu d’hôtel de ville jusqu’en 1851 ; elle est aujourd’hui une annexe de l’université et un lieu d’exposition. Elevée au début du XIVe siècle, ouverte par une superbe porte de brique richement ornée, la Alhondiga est un autre lieu typique de la civilisation islamique, le caravansérail où stationnaient caravanes et marchands sur les routes commerciales du royaume. Il accueille à présent l’office de tourisme et des galeries d’exposition.
Lorsqu’en 1492, les Rois catholiques prennent Grenade, ils décident l’édification de leur panthéon dans la chapelle royale, multiplient les fondations monastiques (couvents Santa-Catalina-de-Zafra, Santa-Isabel-la-Real dans l’Albaicìn, etc.) et convertissent les mosquées en églises. Charles Quint fait de la ville le symbole de la suprématie chrétienne. La construction de la cathédrale, initialement destinée à recevoir la sépulture de l’empereur, se caractérise par son gigantisme. Entre la cathédrale et le monastère San-Jéronimo (1496-1547), s’étend le quartier universitaire. Les jésuites s’y établirent, fondateurs des églises Santos-Justo et Pastor (XVIe-XVIIe siècles), au sein de l’Universidad Literaria créée par Charles Quint et devenue faculté de droit. L’hôpital de la charité fondé par saint Jean de Dieu (1495-1550), situé non loin du monastère San-Jéronimo, est toujours en activité. Son église du XVIIIe siècle, richement ornée, est un des exemples du baroque de Grenade et renferme un élément sacré particulier à l’architecture espagnole, le camarìn. Cette chapelle, qui abrite les reliques de saint Jean de Dieu, est élevée au-dessus de la sacristie à l’arrière du retable majeur et ouverte sur l’église.
Charles Quint donne à Grenade l’un des plus prestigieux lieux de justice d’Espagne, la Real Chancillerìa. L’édifice dressé sur la Plaza Nueva présente une façade terminée en 1587. Resté palais de Justice, il mérite que l’on y entre pour son patio et son bel escalier monumental. Sur la colline de la Sabika, ceinte de murailles défensives, l’Alcazaba du XIIIe siècle, forteresse où logeaient les corps d’armée, dresse ses puissants murs de brique. A l’arrière, toujours parée de brique, l’Alhambra, dont le nom vient de l’arabe al hamra (la rouge), ne laisse pas deviner ses intérieurs fastueux. Le palais, élevé au XIVe siècle par Yusuf Ier (1333-1354) et Mohamed V (1354-1391), forme une succession d’espaces rigoureusement agencés pour répondre au protocole de cour moyen-oriental, avec de multiples passages dérobés. Après le Méchouar (salle du conseil), la Cour des Myrtes ouvre sur la salle du trône, désignée comme le Salon des ambassadeurs. Couverte d’une coupole de bois aux sept cieux, symbolisés par sept niveaux d’étoiles, elle est incluse dans la puissante Tour de Comarès.

Cour des Lions. Alhambra, Granada

Cour des Lions. Alhambra, Granada

La Cour des lions, réalisée sous Mohamed V, espace intime du palais, est perpendiculaire à la première. Deux pavillons soulignent l’axe de la cour parcourue par quatre canaux dirigés vers la grande vasque centrale portée par douze lions. Selon une symbolique paradisiaque, célébrée par les inscriptions, ils forment les quatre bras du fleuve du jardin d’Eden et évoquent l’ordre parfait du monde. La Salle des deux sœurs, à la voûte octogonale, et celle des Abencérages, à la voûte étoilée, sont, comme les pavillons, liées à la cour par les jeux d’eau. La cour, oasis habitée d’une forêt de palmiers, est enveloppée d’une corolle de colonnes de marbre graciles qui portent les arcs festonnés. Sur sa façade ouest, elle ouvre sur trois alcôves couvertes de voûtes tendues de cuir peint. L’alcôve centrale, désignée comme étant la Salle du tribunal en référence au temple de Salomon, porte sur son décor une assemblée de dix sultans qui lui vaut aussi son nom de Salle des rois. Ces peintures figuratives sur fond d’or, imprégnées d’italianisme, sont probablement l’œuvre d’artistes chrétiens.
A l’arrière de la Salle des deux sœurs, les hammams et les appartements de Charles Quint, qui donnent sur les jardins et la colline de l’Albaicìn, terminent la visite de ce palais. Contre l’Alhambra, le palais de Charles Quint oppose à la discrétion extérieure du palais arabe, la force de l’architecture Renaissance. Commencé en 1526, il se caractérise par une cour intérieure circulaire. Il accueille depuis le Musée des beaux-arts et le Musée de l’Alhambra. Au-delà de l’église Santa-Maria, élevée sur la mosquée, le quartier des habitations et des bains publics conduit, après le passage de la barbacane (dédoublement de la muraille propre aux fortifications musulmanes), aux jardins de l’Alhambra fermés par le Généralife. Cette résidence d’été des rois maures se trouve à l’écart du palais officiel sur la colline voisine. Les jardins, mille fois recomposés, gardent des saveurs musulmanes le murmure de l’eau courante et les senteurs délicates ; ils offrent aussi un point de vue sur la ville.
Du dernier bastion musulman, les Rois catholiques ont aussi voulu faire le symbole de la suprématie chrétienne. Après le monastère tolédan de San-Juan-de-Los-Reyes, ils choisissent Grenade pour sépulture et décident l’édification de la chapelle royale où ils reposent toujours. Edifiée en 1504, la nef unique aux voûtes surbaissées ouvre, après une grille en fer forgé, sur un chœur encombré de cénotaphes royaux en marbre blanc de Carrare, de style Renaissance. L’un porte l’effigie des Rois catholiques, l’autre les visages de leurs fille et gendre, Jeanne la Folle et Philippe le Beau, parents de Charles Quint. Dans la crypte, des cercueils de plomb conservent les restes des couples royaux et celui de Don Miguel, autre petit-fils des Rois catholiques. Consacré à la Passion, le retable doré et polychrome (1520-22) porte des scènes en bas-reliefs de la prise de Grenade en 1492 et de la conversion forcée des Maures en 1502. De part et d’autre, se tiennent les statues en orant des Rois catholiques. Outre les objets personnels des souverains, la sacristie abrite des œuvres de Botticelli, Pérugin, Dierick Bouts et des peintres flamands Van der Weyden et Memling qui attestent l’attachement des souverains à l’art des Flandres. La Lonja, ancienne Bourse des marchands (1518-22), donne accès à la chapelle sur le flanc sud de l’église.
La cathédrale, commencée dans le style gothique en 1521, fut continuée dans le style Renaissance en 1528. L’immense façade a été réalisée plus tardivement entre 1667 et 1704. A l’intérieur, le cycle marial du chœur est doté de sept grandes toiles (1652-1664), tandis que la délicate statuette de la Vierge, la Purìsima, est conservée dans la sacristie. Des œuvres abritées dans les nombreuses chapelles, il convient de remarquer le grand retable de marbre de la fin du XVIIe siècle qui enserre une Vierge allemande du XVe siècle dans la chapelle Nuestra-Señora-de-la-Antigua, et le retable baroque de Jésus Nazareno qui réunit des toiles du Gréco, de Ribera, et d’Alonso Cano.

Cadix : le centre historique et la Cathédrale vus depuis la plage

Cadix : le centre historique et la Cathédrale vus depuis la plage

Cadix
Originale pour son tissu urbain resserré, son architecture baroque et néoclassique, ses façades fermées de grilles en fer forgé, ses patios étroits, la belle Cadix est d’un charme singulier, d’une authenticité bouleversante. Avec ses 160 000 habitants, débordante de vie, la petite ville, même augmentée de l’isthme sablonneux qui la lie à la terre ferme, a des allures de ruche bourdonnante. Chargée d’histoire, elle allie à son patrimoine monumental le dynamisme d’une ville portuaire et les saveurs d’une station balnéaire aux plages de sable fin, balayées par les vents de l’Atlantique.
Fondation phénicienne du Xe siècle av. J.-C., Cadix n’a pas, au fil des siècles, failli à sa vocation. Son port tourné vers la Méditerranéepuis, à partir du XVIe siècle, vers l’Atlantique, profite des échanges avec le Nouveau Monde. Néanmoins, Cadix reste un bastion défensif, corps de garde de la proche embouchure du Guadalquivir qui conduit à Séville. Sans cesse convoitée, sous la menace des corsaires et pirates, elle fait l’objet de plusieurs assauts. C’est à la suite de l’attaque anglaise du comte d’Essex qui dévaste la ville en 1596, que toute la presqu’île se ceint d’un nouveau rempart. L’ensablement régulier du Guadalquivir fait perdre à Séville le monopole du commerce avec les Indes occidentales en 1680 au profit du port de Cadix. Au XVIIIe siècle, la ville s’étend sur la quasi-totalité de la presqu’île et génère une architecture originale, celle des casas de vecinos, ou maisons de voisins, immeubles de rapport, rendus nécessaires par le manque d’espace. A l’heure du conflit napoléonien, Cadix reprend ses allures de forteresse : dernier bastion de résistance aux troupes françaises, soutenue depuis la mer par l’Angleterre, elle abrite les cortès en exil qui votent en 1812 la première constitution libérale d’Espagne.
Plaza de la Constituciòn, les Puertas de Tierra (XVIIe-XVIIIe siècles) signalent toujours l’entrée du périmètre fortifié donnant accès au faubourg Santa-Maria, bien qu’une partie des murs ait été abattue. Face aux portes de la ville, à l’autre extrémité de la presqu’île, le parc Genoves offre de somptueux couchers de soleil sur l’océan. El Barrio del Pópulo, « quartier du Peuple », noyau initial de la vieille ville, est en cours de réhabilitation. Il a conservé plusieurs de ses portes : l’Arco de la Rosa ouvert sur le faubourg Santiago ; l’Arco de los Blancos sur le faubourg Santa Maria ; l’Arco del Pópulo autrefois Porte de la Mer, qui, augmentée d’une chapelle, ouvre sur le port. La totale destruction de la ville à la fin du XVIe siècle, imposa de tout y reconstruire, y compris la première cathédrale.
L’apogée de Cadix au XVIIIe siècle l’oblige à plus de magnificence. Sur le faubourg Santiago, face à l’église du même nom, la nouvelle cathédrale est d’une monumentalité déconcertante. L’édifice, commencé dans le style baroque en 1721, se voit doté d’une façade néoclassique puis d’un extravagant dôme doré en 1838. L’église Santiago du XVIIe siècle, un ancien ermitage qui donna naissance au faubourg, cache derrière sa sobre mais élégante façade un intérieur surprenant. Il doit son bel éclat au contraste de son mobilier, retables, balcons fermés de moucharabiehs, sur ses murs blancs.
La flânerie porte en direction du quartier de la Viña (vigne), autrefois quartier des pêcheurs, soumis aux vents dévastateurs, vers la Plaza de los Flores, place des Fleurs, et, au-delà, à l’hôpital des Femmes, actuel siège de l’évêché. Cet édifice du milieu du XVIIIe siècle, aux murs blanchis à la chaux, aux colonnes de marbre, aux menuiseries et moucharabiehs d’acajou, s’organise autour de deux patios desservis par un escalier impérial.
Non loin de là, s’étend la place d’Espagne, bordée de la maison dite « aux cinq miradors », consacrée à la constitution de 1812. Le Musée des beaux-arts donne sur la Plaza de la Mina, superbe place ombragée, bordée d’immeubles bourgeois des XVIIIe et XIXe siècles. Ses collections d’archéologie antique sont d’un grand intérêt pour comprendre l’héritage de la culture méditerranéenne. Parmi ses trésors artistiques, il convient de signaler une Sainte Famille de Rubens, sur cuivre du XVIIe siècle, et le cycle peint par Zurbaran pour la chartreuse de Jerez (vers 1638). Les traditionnelles marionnettes gaditanes de la Tía Norica (tante Norica), du XVIIIe siècle et première moitié du XIXe, sont une conclusion émouvante à la visite du musée. 

Jerez - Alcazar

Jerez – Alcazar

Jerez
Au cœur de cette région fertile entre les deltas du Guadalquivir et du Guadalete, Jerez de la Frontera ferme le célèbre triangle vinicole du sud andalou. Rencontre d’une terre limoneuse et d’un climat ensoleillé, ce petit terroir, exploité depuis l’Antiquité, fait le prestige de la ville et sa prospérité au XVIIIe siècle, due à l’ouverture qu’est le port de Cadix. Au XIXe siècle, le blocus napoléonien porte un coup fatal à la ville ; la guerre d’indépendance détruira la plupart du vignoble. Après un long redressement, le vin de Jerez jouit à nouveau d’une renommée mondiale. Derrière la Plaza del Arenal, l’Alcazar remanié sépare les monuments majeurs de Jerez qui possède aussi un bel ensemble monumental du XVIe siècle, dont le Cabildo sur la place de la Asunción. Sa collégiale, cathédrale depuis 1980, apparaît comme l’expression la plus significative de la richesse de la ville au XVIIIe siècle ; son approche par l’ouest depuis la terrasse de l’Alcazar est spectaculaire. Un dôme gigantesque hissé sur un haut tambour annonce la monumentalité de sa large façade, richement ornée et formée d’un avant-corps puissamment détaché. Profitant de la forte déclivité du sol, un escalier monumental précède le parvis et satisfait la mise en scène baroque. L’édifice, élevé entre 1720 et 1778, ne conserve de l’église gothique que la partie inférieure de sa tour élevée sur l’ancien minaret. Dans le quartier San-Miguel extra-muros, l’église du même nom exprime la prospérité sur sa tour de façade. Mais la richesse de San-Miguel réside dans son élévation gothique de la fin du XVe – début du XVIe siècle. Un décor délicat de rinceaux et de dais envahit les voûtes et leurs supports. Saint Michel figure sur le retable dans une Descente aux limbes particulièrement originale.
Gibraltar et Ceuta, ou les colonnes d’Hercule
Entre Europe et Afrique, les monts Calpé de Gibraltar et Abyla de Ceuta encadrent de part et d’autre le détroit de Gibraltar. Ils figurent les colonnes d’Hercule des Anciens qui situaient ici les limites du monde aux confins de la Méditerranée et aux portes de l’Atlantique méconnue. Les Phéniciens inaugurent son rôle de passage pour établir des comptoirs à Huelva et Cadix dès le Xe av. J.-C. Il ne sera jamais démenti : les Carthaginois, les Romains, les Vandales l’emprunteront ; le chef berbère Tarik franchissant le détroit en 711 donne au mont Calpé son nom et le Jebel al Tarik (montagne de Tarik) devient Gibraltar. L’importance stratégique du site est convoitée par les Anglais qui s’en emparent en 1704, lors de la guerre de succession. Le conflit ouvre le destin moderne du rocher, solide relais économique et militaire de la couronne britannique sous le blocus napoléonien. Gibraltar devient un précieux comptoir et un port-franc en Méditerranée, ce qui est dénoncé par l’Espagne. Territoire autonome du Commonwealth depuis 1992, Gibraltar, avec ses 29 000 habitants, ses 425 km2 de superficie et son ferme attachement à la couronne britannique, dresse sa frontière au commencement de l’isthme sablonneux qui le relie à la terre ferme. Il est préférable de la franchir à pied pour éviter les longues files d’attente des véhicules. Face au rocher, de l’autre côté du détroit, Ceuta, port de 73 000 habitants, conquis par les Portugais sur les musulmans en 1415 est rattachée à l’Espagne en 1580 par Philippe II, qui règne alors sur le Portugal. Il demeure depuis une enclave espagnole en terre marocaine. L’ascension du Monte Hacho réserve de belles vues sur le Rif, la côte espagnole et le rocher de Gibraltar. Cette enclave de l’Union européenne en terre d’Afrique est depuis quelques années l’un des points les plus attractifs pour l’immigration clandestine. La surveillance de cette frontière pose des problèmes de plus en plus ardus au gouvernement espagnol.

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