Plein sud, la Chine change de ton – on parle le hokkien ou le minnan en face de Taiwan, le cantonais aux portes du Viêt-nam – et de décor : le cycle du riz marque la vie d e s campagnes, piquetées de bosquets de bananiers ou d touffes de bambous phénix. La Chine du Sud cultive sa différence dans les replis montagneux de son arrière-pays et son sens des affaires dans les cités côtières. Car c’est ici que l’empire immobile dut s’ouvrir au monde. Au XIXe siècle, un mandarin zélé brûla quelque 20 000 caisses d’opium dans le port de Canton, provoquant la riposte des « barbares » de l’Occident : la guerre de l’Opium fut l’acte de naissance de Xiamen et d’un îlot rocheux nommé Hong Kong…

Au Fujian

Xiamen
Son nom était Amoy quand elle devint l’un des cinq ports francs cédés par la Chine au commerce international en 1842. Comme Hong Kong, c’est une île, et son eau douce vient du continent, auquel elle est raccordée par une digue.

La rue Zhongshan 
Du temps des concessions, Xiamen a hérité quelques architectures coloniales, dont les frontons et les balcons s’alignent le long de l’artère principale de cette ville prospère. Dans les boutiques logées sous les arcades, on vend les grands crus de thé cultivés dans l’arrière-pays. Dans les salons, on sert le plus fameux d’entre eux, le « wulong », dans de minuscules théières : une cérémonie du thé à la chinoise, que sa virtuosité a fait surnommer le « thé kung-fu ».
Xiamen grandit en quartiers ultramodernes. Dotée du statut de zone économique spéciale en 1980, elle fut l’un des laboratoires de l’ouverture économique, accueillant les investissements de l’importante diaspora des Fukiénois, dispersés en Asie et surtout juste en face, sur l’île de Taiwan.

Thé Fujian

Thé Fujian By: ciano.meCC BY-NC-SA 2.0

Gulangyu
A quelques encablures du centre-ville, on respire l’air du large sur l’îlot des Vagues tambourinantes (Gulangyu). Nul véhicule dans ses ruelles, où s’établirent les premiers Occidentaux, léguant leurs villas cossues, de style baroque ou victorien, et quelques églises. Son point culminant, le pic du Soleil, dévoile les contours de l’île, ses plages et la rade de Xiamen, où vont et viennent navires de pêche et bateaux-taxis.

Le Minnan, arrière-pays de Xiamen
En longeant le cours de la rivière des Neuf Dragons, sur le continent, on remonte celui du temps. Derrière, c’est Xiamen et le Fujian côtier, vrai Finistère chinois avec ses 3 324 km de côtes. Devant se dressent les monts Boping, une des nombreuses barrières de granit qui forment le cœur montagneux et accidenté de la province. Ce relief d’accès difficile a servi de refuge à ceux que l’on nomme les « hôtes », les Hakka, émigrés de Chine du Nord en Chine du Sud au XIIe siècle. Pour se protéger des brigands et souder leurs clans, ils ont bâti des forteresses d’argile :les « tulou ». Circulaires ou carrées, elles sont toujours habitées, incroyables H L M de plusieurs centaines de pièces pour les plus grandes. Leur particularité : on y porte le même patronyme que son voisin, puisque tous les tulou ont été édifiés pour un même clan, et la porte d’entrée est estampillée de son nom porte-bonheur, tracé en caractères.
Les plus spectaculaires de ces architectures de terre s’élèvent entre Longyan et Yongding (à 200 km de Xiamen). A Shangyang, le Yijing lou (1851) est un immense tulou de plan carré dont 20 familles occupent toujours les 500 pièces. Le Zhencheng lou de Hongkeng (1919) est le plus achevé, avec ses balcons sur sa scène de théâtre et ses puits. A Gaotou, le Chengqi lou (1628) s’élève sur quatre étages de 72 pièces chacun, avec cuisines et dépendances.

Suivez le guide !
A Hongkeng, dormez chez les Hakka dans le Zhencheng lou de la famille Lin. Réveil au chant du coq et confort spartiate assurés.

Rivière des Perles et mer de Chine

Canton
A l’embouchure de la rivière des Perles, sur la mer de Chine méridionale, c’est l’un des plus anciens ports de Chine, point de rencontre entre l’empire du Milieu, le monde indien, le monde arabe et le reste de l’Occident. Temples, mosquées et cathédrales en témoignent, à deux pas de Hong Kong. L’usage a adopté Canton, le nom de la province, pour cette ville, baptisée Guangzhou, la « préfecture du Guang », vaste région de 64 millions d’habitants qui, dans les années 90, pulvérisait tous les records mondiaux de croissance. Plus qu’une ville, Canton est un mode de vie, mariage d’une nonchalance méridionale, qui prône la bonne chère et le divertissement, et d’un redoutable sens des affaires, aguerri par des générations de marchands.

Canton - Parc de masion de thé © tangka

Canton – Parc de masion de thé © tangka

Images du vieux Canton
Bulldozers et investisseurs ont depuis longtemps balayé les vieux quartiers, mais sans pouvoir détruire la vitalité cantonaise, qui investit de toutes sortes d’activités les rues et les trottoirs, ou encore ces enclaves rescapées que sont Shamian, le marché Qingping et les temples.
Français et Britanniques choisirent l’îlot sablonneux de Shamian pour y établir leurs concessions, en 1861. Balcons et colonnades, villas cossues, bâtiments administratifs et même la petite église néo-gothique Notre-Dame-de-Lourdes sont restés, nostalgie architecturale campée sur la rivière des Perles.
Juste au nord, le marché Qingping est le ventre de Canton et la vitrine d’une tradition culinaire où tout se mange à condition d’être de toute première fraîcheur.
L’art de bien manger est aussi l’art de prendre soin de son corps : les échoppes de pharmacopée, avec leurs andouillers de cerf et leurs scolopendres séchés, ne sont pas loin. Au nord de l’avenue Zhongshan, le temple des Ancêtres de la famille Chen (ouvert tlj de 8 h 30 à 17 h 30) est orné d’une profusion de sculptures : les personnages mythologiques, modelés en argile, peuplent les faîtes ; les natures mortes allégoriques ornent les vantaux des portes. Déserté par le culte des ancêtres, il est aujourd’hui le musée du Folklore et de l’Artisanat du Guangdong.
Le siège de l’association bouddhique de Canton est le temple des Six Banians… disparus depuis que le temple reçut ce nom d’un poète, frappé par la beauté de ses arbres. Sa pagode des Fleurs penche du haut de ses neuf étages (ouvert tlj de 8 h à 17 h).
Aux portes du très tropical parc Yuexiu (ouvert tlj de 6 h à 21 h), dont la tour Zhenhai domine la ville, sur fond de végétation tropicale, le plus lointain passé de Canton gît dans la sépulture retrouvée de Zhao Mei, souverain qui régna au IIe siècle av. J.-C. sur le sud de la Chine et le Tonkin. Le musée (Nan Yue Wang Han Mu, ouvert tlj de 9 h à 17 h 30) attenant expose les centaines de jades, bronzes, laques et bijoux de cette tombe restée inviolée.

Canton la rebelle

La plus cosmopolite des cités chinoises s’exposa aux ambitions commerciales de l’Occident, qui y introduisit l’opium clandestinement, pour y établir ensuite une concession, au XIXe siècle. Cette ouverture contrainte plaça également Canton à l’avant-garde de la marche vers la Chine moderne : le mémorial de Sun Yat-sen(ouvert tlj de 8 h à 17 h 30), couvert de tuiles vernissées bleues, comme un temple du Ciel, rappelle l’action du docteur, natif de la région, dans la fondation de la République de Chine en 1911.

Suivez le guide !
De l’aéroport, prenez le train express (AEL) : en 23 min et pour 90 HK$, vous serez en plein centre !

Suivez le guide !
Faites une croisière de 7 min pour 2,20 HK$ dans la baie Victoria en empruntant le Star Ferry centenaire.

 

Hong Kong
Parfums d’encens, fumets de poisson, vapeurs d’opium : Hong Kong en cantonais, Xiang Gang en mandarin, veut dire le « port des senteurs ». Seul l’argent qui façonna cette Mecque capitaliste aux portes de la Chine rouge n’avait pas d’odeur. Depuis 1997, la page est presque tournée : à l’expiration de son bail de quatre-vingt-dix-neuf ans, Hong Kong a réintégré le giron chinois avec le statut de région administrative spéciale. La bannière rouge aux six étoiles a remplacé l’Union Jack sur la forêt de gratte-ciel étincelants de verre et d’acier, greffon de Manhattan poussé en Extrême-Orient. Au-delà de son île symbole, le territoire de Hong Kong couvre la presqu’île de Kowloon et les Nouveaux Territoires, sur le continent, ainsi que 235 îles, vierges ou habitées, dispersées en mer de Chine : 6,6 millions d’habitants sur 1 070 km2.

La fièvre de Central
Depuis le Star Ferry, Hong Kong surgit comme un mirage urbanisé entre la baie et le pic Victoria. A Central, cœur financier de l’île, l’architecture donne le ton. Les tours jumelles de la Bourse sont dominées par deux gratte-ciel : la tour à vérins dessinée par sir Norman Foster pour la Hong Kong & Shanghai Bank et la tour de verre conçue par Ieoh Ming Pei, l’homme de la pyramide du Louvre, pour la Banque de Chine.Fly-overs et escaliers roulants tricotent tout autour un réseau de passages, sur ou sous les principales avenues ou à travers les luxueux centres commerciaux d’Admiralty et de Pacific Place.
A leur pied, le parc de Hong Kong, joliment dessiné avec ses cascades bruissantes, est un havre insolite, enchâssant Flagstaff House, la plus ancienne maison coloniale de l’île. A l’abri de sa colonnade blanche, le Museum of Tea Ware(ouvert tlj sauf mercredi de 10 h à 17 h. Entrée libre) organise des expositions autour du thé et de ses usages.
Derrière le jardin, le tramway à crémaillère escalade la pente du pic Victoria, où le réseau des tours laisse place aux fabuleuses villas des milliardaires de la cité des Top Ten.

Des néons et des temples 
A l’est, Hong Kong gagne sur la mer autour du petit port de plaisance de Causeway Bay, au débouché du tunnel routier qui relie l’île au continent. Côté côte, Wanchai s’étend en rues si serrées que les enseignes, la nuit, forment des ponts de lumière. La vocation de ce quartier nocturne s’est éveillée avec l’occupation nippone, puis les permissions des GI’s pendant la guerre du Viêt-nam. A l’intérieur, c’est le très sélect Happy Valley, plus luxueux champ de courses du monde. A portée de taxi, le jardin du Baume du Tigre(ouvert tlj de 10 h à 16 h. Entrée libre) est peuplé des statues colorées de la mythologie chinoise, selon la volonté de l’inventeur de la célèbre pommade camphrée qui a fait le tour du monde.
A l’ouest de Central, les antiquaires tiennent boutique le long de Hollywood Street, qui servit de décor au film Le Monde de Suzie Wong, pensionnaire romanesque du quartier de Wanchai. L’avenue débouche sur le réseau des ruelles qui enserrent le temple de Man et Mo, divinités de la littérature et de la guerre. Derrière les murs rouges, la Chine des affaires n’oublie pas ses dieux : l’encens se consume en spirales au plafond, et les fidèles interrogent leurs dieux en faisant cliqueter des baguettes dans leurs tubes de bambou. Même atmosphère au temple voisin des Cent Noms, Pak Shink : 3 000 tablettes d’ancêtres y sont vénérées à la lueur des lampes.

Côté sud : sampans et dauphins
Sur l’autre flanc du pic, Aberdeen : un nom de lande écossaise pour ce port de pêche où les sampaniers convoient les touristes dans les restaurants flottants de fruits de mer. Le théâtre maritime d’Ocean Park(ouvert tlj de 10 h à 18 h. Entrée payante) déploie bassins et aquariums pour un spectacle de la faune marine et des récifs coralliens au pied d’un fabuleux téléphérique. Sur la plage de sable de Repulse Bay, les statues géantes des déesses Tianhou et Guanyin veillent sur le large dans un décor furieusement kitsch.

Kowloon, sur le continent
Tsim Sha Tsui, la « pointe sablonneuse » de Kowloon, déroule le panorama du port depuis Waterfront Promenade, au pied du Peninsula, l’un des plus vieux palaces d’Orient. A son extrémité nord-est, le dernier vol a décollé de l’aéroport de Kai Tak le 6 juillet 1998 à 0 h 02. Depuis la construction de Nathan Road, qui la traverse sur 5 km, au début du XXe siècle, Kowloon s’est dédiée aux temples de la cuisine et du shopping. Près du port, Harbour City permet de faire du lèche-vitrine au sec et en atmosphère climatisée, sur plusieurs niveaux et kilomètres.
Yau Ma Tei est le nom d’une station de métro et du quartier le plus chinois de Kowloon. 
Le temple de Tin Hau, ombragé de vieux banians, s’anime d’une intense vie religieuse sous son toit de tuiles vertes. On y invoque l’aide de la déesse des marins et d’une foule d’autres dieux protecteurs. Sur Kansu Street se déroule le rituel du marché du Jade(ouvert tlj de 10 h à 15 h 30). Cette pierre dure a de tout temps fasciné les Chinois, et sa valeur fluctue avec l’agrément des connaisseurs. Chaque soir, à 20 h, Temple Street allume ses néons, interdit la circulation automobile et ouvre ses boutiques de vêtements, ses cuisines ambulantes et ses échoppes de diseurs de bonne aventure.

Macao
De l’autre côté de la baie, face à Hong Kong, ce comptoir portugais depuis 1557 a été rétrocédé à la Chine en 1999. Centre industriel et touristique, il s’étend sur 16 km2 et compte environ 450 000 habitants.

Au Guangxi

Guilin et le Li jiang
Guilin, c’est le « bois d’osmanthes », arbustes de la famille du cannelier dont les fleurs blanches répandent un parfum suave chaque année en été. Cette petite ville tranquille est devenue capitale touristique pour son fantastique décor naturel : une forêt de pics aux formes étranges, version terrestre de ceux qui ont fait la réputation de la baie d’Along.

La cité des collines
Des parcs (ouverts tlj de 8 h à 18 h) sont aménagés autour de quelques-uns de ces pics aux formes singulières, baptisés de noms poétiques. Gravés d’inscriptions historiques, parfois de quelques bas-reliefs bouddhiques, ils sont agrémentés de kiosques, de stands de photographes ou de buvettes. Leur ascension permet de découvrir l’incroyable paysage qui émerge au-dessus du damier des rizières.
Du sommet de la colline aux Couleurs accumulées, où la brise s’engouffre à mi-pente dans la grotte du Vent, on embrasse la ville et la rivière Li qui la baigne. La colline du Briseur de vagues offre la vision d’un moutonnement sur l’autre rive. L’érosion a foré la base de la grotte de la Perle restituée, tapissée par endroits de statuettes bouddhiques. Le parc des Sept Etoiles compte sept sommets, comme les sept astres de la constellation de la Grande Ourse. Dans les faubourgs de Guilin, la grotte des Flûtes de roseau offre la variante souterraine des curiosités calcaires de la région : stalactites et stalagmites en Technicolor.
A quelques kilomètres s’étendent les vestiges des tombeaux des princes Ming de Guilin. Conçues selon le même protocole que celles des tombeaux des Ming de Pékin, leurs allées des Esprits se dispersent en statues de marbre au milieu des collines et des rizières.

Le Li jiang : des pics de jade au fil des eaux
Une petite rivière, le Li jiang, s’échappe de Guilin vers le sud. Chaque jour, des bateaux transportent des touristes venus de Chine et d’ailleurs, sur 80 km et 3 h durant, selon l’étiage, le temps d’une croisière dans un paysage d’estampe aux noms enchanteurs. Là, ce sont des abrupts calcaires qui plongent leurs falaises, marbrées d’ombres comme une peinture à l’encre, dans l’eau du Li jiang. Ailleurs, c’est un moutonnement de pains de sucre bleutés qui reculent à l’horizon. Plus loin, c’est le spectacle des rives avec leurs buffles qui paissent, leurs enfants qui jouent, leurs lavandières et leurs hommes en radeau. Descendre le Li jiang est un enchantement par tous les temps. Les bateaux s’arrêtent à Yangshuo, bourg où il fait bon loger pour parcourir à vélo des panoramas anonymes et superbes.

Aux portes du Viêt-nam

Nanning
Jadis, on gagnait en bateau ce coin de Chine méridionale, que ses voies fluviales reliaient à la rivière des Perles de Canton. Le Guangxi du Sud fut ainsi une sorte d’arrière-pays cantonais, ouvert sur le golfe de Beibu, que l’on appelait golfe du Tonkin. La réouverture de la route vers le Viêt-nam, des liaisons aériennes puis de la voie ferrée Pékin-Hanoi a donné à Nanning, capitale depuis 1958 de la région autonome des Zhuang du Guangxi, un rôle de carrefour dans les relations sino-vietnamiennes. La ville n’a pas grand-chose à montrer en dehors de ses avenues bordées de flamboyants et de ses étals croulants sous les ananas et autres fruits exotiques cultivés dans la région. Dans son musée (ouvert tlj de 8 h 30 à 16 h 30), on apprend beaucoup sur les parures et les costumes des quatre grands groupes ethniques peuplant le Guangxi et sur les fabuleux tambours de bronze, fondus, de la Chine du Sud au Viêt-nam, à la fin du Ier millénaire av. J.-C.

Sur la route de Hanoi
Nanning est à 250 km de la passe de l’Amitié, Youyi guan, poste-frontière entre Chine et Viêt-nam. En chemin, Ningming (à 188 km de Nanning) offre une escapade tropicale, au fil de la rivière Ming, vers les peintures rupestres de Hua shan et la forêt des singes de la réserve de Longrui. A Lang Son (79 km plus loin), on est déjà au Viêt-nam : le décor naturel est inchangé mais, sur le grand marché central, la Chine écoule une incroyable camelote de gadgets et d’électroménager, couvertures ou Thermos décorées de pivoines. Encore 155 km, et c’est Hanoi.

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