C’est ainsi que fut baptisé le Far West chinois, à l’issue de sa conquête par les impériaux, en 1755-1757. L’ancien Turkestan est désormais région autonome des Turcs ouïghours, où l’on écrit en bilingue : aux devantures, les caractères chinois se doublent d’inscriptions turques rédigées avec l’alphabet arabe.

La bibliothèque du désert
Au début du XXe siècle, Mogao, habité par une poignée de moines, était tombé dans l’oubli. L’un d’eux entendit un jour la paroi d’une grotte sonner creux et courut chercher une pioche, ne désespérant pas de découvrir un trésor muré. C’était bien un trésor, mais pas aux yeux de l’homme, dépité de ne trouver que peintures entassées et manuscrits empilés jusqu’au plafond. A quelque temps de là, Aurel Stein, voyageur et sinologue, fit étape à Dunhuang. En dépouillant les documents, il comprit qu’avec eux surgissait tout un pan de l’histoire de l’Asie centrale. Rédigés en turc ancien, en sogdien, en sanscrit, en chinois et en tibétain, il y avait là 30 000 à 40 000 manuscrits et imprimés, renfermant chroniques et contes populaires, annales géographiques et livres de comptes. Le savant ne pouvait tout emporter ! Il en fit quelques caisses, suivi en 1908 du Français Paul Pelliot, qui acheta d’autres documents. De vrais savants en aventuriers, ainsi fut dispersée la bibliothèque des sables, dont l’essentiel est conservé aujourd’hui à la British Library et à la Bibliothèque nationale.

Urumqi ©  taylorandayumi

Urumqi © taylorandayumi

Urümqi, la capitale
A 955 km au nord-ouest de Dunhuang.

Outre les Ouïghours et les Han, majoritaires, d’autres Turcs (Kazakhs et Ouzbeks), des Hui, des Mongols, des Tartares, des Tadjiks et même des Russes forment le million et demi d’habitants d’Urümqi, pivot de l’économie du Xinjiang, au bout des 3 774 km de voie ferrée qui la relient à Pékin. Du haut de la colline de la Pagode rouge surgit une ville de tours de verre et d’acier dominant les minarets des mosquées.
Au Musée régional(ouvert du lundi au samedi de 9 h à 12 h et de 14 h à 17 h 30. Entrée payante), on saura tout des costumes et usages des ethnies du Grand Ouest et de leurs prédécesseurs : le désert a préservé livres imprimés, chaussures de cuir, fragments de soie et même des petits gâteaux au sésame cuisinés dans l’Antiquité.
Dans le bazar Erdaoqiao règnent les odeurs du cumin dont on assaisonne les brochettes de mouton, du sésame dont on parfume les pains sans levain et du raisin sec venu de l’oasis de Turfan.

Suivez le guide !
Passez la nuit sous une yourte kazakh. Autour d’un bâti de bois, cette tente est recouverte de plusieurs épaisseurs de feutre. Un poêle chauffe l’intérieur, garni d’épais tapis, d’une profusion de coussins et de coffres en guise de meubles.

Les pâturages kazakhs de Nanshan
Au sud d’Urümqi, 56 km de route à travers des collines désertiques conduisent à des herbages au pied d’une forêt de sapins, où les Kazakhs établissent leurs campements d’été. On peut s’y risquer à monter (à cru) sur le dos de leurs petits chevaux nerveux ou s’essayer au thé au beurre, dont on peut faire passer la saveur insolite à l’aide de délicieux beignets.

Lac céleste
Des eaux bleu marine, des pentes couvertes de sapins bleutés, au loin les sommets enneigés des Tian shan que domine le mont Bogda (5 445 m) : au bout de 115 km de mornes collines caillouteuses et pelées, la vision de ce lac, à l’est d’Urümqi, est un mirage. Ses rives, où campent les bergers kazakhs, se prêtent à la randonnée dans un air bien plus vivifiant que celui du désert.

Turfan, terre de feu
A 190 km au sud-est d’Urumqi.
Un bourg turc aux maisons de pisé où l’on prend le temps de vivre sous la fraîcheur des tonnelles, de se déplacer au pas des chevaux et des mulets : Turfan est la plus chaleureuse des étapes sur la route de la Soie. La plus chaude aussi. Le centre du bassin est à 154 m sous le niveau de la mer, et les étés sont torrides, surtout quand souffle le terrible vent du désert.

Les anciens caravansérails
Les missions archéologiques du début du XXe siècle ont dévoilé le passé deux fois millénaire du bassin de Turfan.
Jiaohe (à 7 km au sud-ouest de Turfan), « croisée des rivières », spectaculaire ville fantôme dressée sur un éperon de lœss, fut la première cité de l’oasis.
Au VIIIe siècle, Gaochang (à 45 km à l’est de Turfan), dont le puissant rempart de terre protège encore quelques vestiges, servit d’étape aux caravanes.
Dans le cimetière voisin d’Astana, on ne peut visiter que trois des tombeaux datant du Ve au VIIIe siècle, dont celui d’un couple qu’ont lentement momifié les vents secs du désert.

Les peintures disparues des montagnes brûlantes
L’est de cette terre déprimée se froisse en marches gréseuses, ocre et rose, les monts de Feu, flamboyants dans la lumière du levant, brûlants sous le soleil de midi. Bouddhistes, les princes ouïghours de Turfan choisirent le vallon de Bezeklik pour consacrer des grottes chapelles entre le VIIIe et le Xe siècle. Le val est superbe, mais l’on ne verra que peu des peintures bouddhiques qui faisaient l’ornement de Bezeklik. Les plus belles d’entre elles furent découpées en 1905 par l’archéologue allemand von Le Coq et expédiées au musée de Berlin.

Une tonnelle géante
Les caprices des rivières et l’évaporation de l’eau sous le soleil estival ont conduit les Ouïghours de Turfan à mettre au point un système d’irrigation souterraine au XVIIIe siècle. Les eaux sont captées aux piémonts bordant le bassin et les conduites (karez) reliées en forant des puits à intervalles réguliers. Ainsi canalisées, elles irriguent potagers, vergers et, à la lisière nord de Turfan, une riante vallée de vignes et de treilles, bordée de séchoirs à raisins sur les pentes restées arides.

La mosquée Imin
Dans les faubourgs est, un minaret en pain de sucre toise une petite mosquée. Au milieu du XVIIIe siècle, lors des conquêtes des souverains mandchous et de la création du Xinjiang, les maîtres de Turfan choisirent le camp des Qing. Pékin leur donna le privilège d’élever ce monument en gage d’estime.

Kashgar, à l’autre bout de la Chine
A 1 495 km au sud-ouest d’Urümqi.
Jusqu’aux derniers jours de l’empire, les courriers les plus rapides de la poste impériale mettaient six semaines au départ de Pékin pour arriver ici, au débouché des passes des Pamir et du Karakorum. Femmes vêtues d’une jupe dansante ou d’une robe de soie flammée à la mode ouzbek, pasteurs kazakhs chaussés de bottes, une toque de loup enfoncée sur le crâne, artisans ouïghours coiffés d’un calot brodé… Même si les temps ont changé, seule la statue de Mao dressée dans la ville indique que l’on est encore en Chine.

Dimanche, c’est bazar !
« Push ! Push ! » crient les âniers pour écarter la foule qui converge vers le bazar du dimanche, organisé autour d’une grande foire aux bestiaux. Des gamins kazakhs essaient des chevaux dans un tourbillon de poussière. Des acheteurs potentiels jaugent des chameaux de Bactriane à la robe laineuse ou des moutons de Tartarie dont la grosse queue fournit plusieurs kilos de saindoux. Plus loin, un vendeur somnole sur une pile multicolore de tapis noués. Derrière des coffres en bois peint ornés de miroirs, des chalands comparent toques de fourrure, jupes à fleurs et calottes brodées… Chaque dimanche, Kashgar perpétue la tradition des grands bazars d’Asie centrale.

Dans les ruelles de la vieille ville
Hormis à l’heure de la prière, quand les fidèles s’assemblent au pied des belles colonnes sculptées de la Grande Mosquée Id Kah, et aux heures chaudes où l’on fait la sieste, le vieux Kashgar bourdonne d’activité. Dans le souk bordant la mosquée, marchands et artisans s’affairent autour des couteaux à manches incrustés de Yarkand, des meubles peints en bois tourné, des flûtes et des violes ou de la soie tissée de Khotan.

Le mausolée d’Abakh Khoja
A la lisière est de la ville, on édifia un tombeau de style persan pour ce chef religieux musulman qui enseigna à Kashgar au XVIIe siècle. Sous la grande coupole de faïence verte, il repose avec sa descendance, dont une belle jeune fille qui obtint les faveurs de l’empereur Qianlong au XVIIIe siècle.

 

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