
Architectural wonders in Mafra © lele3100
Longtemps en marge du continent européen, le Portugal s’est révélé depuis deux décennies. La phase de renaissance postérieure à la révolution des Œillets a projeté le pays sur la scène internationale. Conséquence de la sérénité politique retrouvée, la croissance économique permet aujourd’hui aux Portugais de participer à plein régime à la construction européenne.
L’organisation de l’Exposition universelle de 1998, la présidence de l’Union européenne en 2000, le choix de Porto, élue capitale européenne culturelle en 2001, l’organisation de la coupe d’Europe de football en 2004, en sont les signes les plus significatifs.
Economie
Moteur de l’expansion que le Portugal a connu pendant presque deux décennies, l’impératif européen a favorisé la modernisation et le dynamisme économique. Le pays, considéré autrefois comme le parent pauvre de l’Europe, a fait un véritable bond en avant. De l’archaïque économie imposée par la dictature salazariste, il ne reste plus grand-chose, et le Portugal affiche fièrement, jusqu’au tournant du XXIe siècle, une croissance annuelle du PIB d’environ 4 %. Après un plan d’austérité nécessaire au redémarrage d’une économie saine, le pays a été retenu, en mars 1998, parmi onze pays de l’Union européenne, pour une adhésion à la zone euro. Cependant, depuis 2000, la croissance semble ralentir et le Portugal connaît actuellement une période de récession, le conduisant à rompre, en 2001, le pacte de stabilité. Les avertissements de Bruxelles ont contraint les gouvernements successifs à plus de rigueur, mais le Portugal peine à redresser la barre.
Le déficit public se réduit, mais les conditions de vie se dégradent. Le secteur primaire, dominé par l’agriculture et la pêche, n’occupe plus que 10 % des actifs- 70 % de la population jusque dans les années 1980 -, tandis que le secteur tertiaire en rassemble 60 %. Le textile et l’agro-alimentaire restent les principales productions industrielles du Portugal, qui a réussi à dénationaliser ses entreprises dans les années 1980. Certains secteurs traditionnels restent cependant rentables : le pays est le premier producteur de liège (50 % du total mondial) et se place au septième rang mondial pour la production de vin (notamment le porto).
La culture de l’olivier est également importante, le Portugal produisant chaque année près de 215 000 tonnes d’olives et 22 000 tonnes d’huile.
La pêche
Traditionnellement dominée par la morue – on dit que les Portugais ont créé 365 recettes pour cuisiner la bacalhau -, la pêche, secteur clé il y a encore quelques années, ne représente plus qu’un infime pourcentage du PIB. Elle emploie encore 30 000 personnes environ, occupées à prélever de l’océan, de manière artisanale le plus souvent, une moyenne annuelle de 25 kg de poissons par habitant. Dépassés par l’industrialisation des conserveries et par la congélation, les Portugais ont baissé les bras et préféré se recycler dans l’industrie. Comble de l’absurde, le pays est obligé d’importer plus de la moitié de son poisson, consommé en très grande quantité, alors même que l’étendue de sa façade maritime et son passé de « loup de mer » le portent à tirer profit de l’océan.
L’espace forestier
La forêt couvre un tiers du territoire portugais, ce qui lui permet de s’afficher en tête de liste des pays producteurs de bois brut. L’exploitation forestière du chêne dont on tire le liège est même la plus importante du monde. C’est l’une des rares conséquences positives de l’Estado Novo de Salazar, qui avait poussé au reboisement des terres, notamment dans la région de l’Alentejo, la plus désertique du pays. Aujourd’hui, le Portugal est un ardent concurrent sur le marché mondial de la fabrication de pâte à papier.
Le tourisme
Alors que le Portugal recevait seulement 3 millions de visiteurs par an dans les années 1980, le tourisme est considéré aujourd’hui comme un secteur en pleine expansion. Les côtes, dotées de très belles plages, l’aspect culturel et le sport – le pays est réputé pour ses terrains de golf – attirent chaque année un peu plus de visiteurs. En 2004, près de 12 millions de touristes s’y sont rendus, dont 80 000 Français, et le gouvernement mise encore davantage sur cette activité, dopée par le succès de l’Exposition universelle de 1998. 5 % de la population active est employée dans ce secteur qui génère 7 milliards d’euros de recettes annuelles.
L’Expo 98 rayonne sur Lisbonne
En 1998, la dernière Exposition universelle du siècle ouvrait les portes de ses pavillons à Lisbonne, projetant ainsi à travers le monde une image du Portugal résolument ouverte sur l’avenir et le progrès. En choisissant le thème « Océans, un patrimoine pour le futur », le Portugal a réussi à se présenter comme une nation fédératrice et innovante, tout en remettant en mémoire sa vocation passée de « grande découvreuse ». Le pont Vasco da Gama, l’un des plus longs d’Europe – 18 km au-dessus du Tage -, construit à cette occasion, est devenu le symbole qui relie deux époques : celle, rayonnante, des navigateurs et le XXIe siècle, que le Portugal espère tout aussi éclairé.
Le football, l’espoir
Le football, même si on l’exècre, est devenu un phénomène sociologique tout à fait particulier. Les Portugais ont organisé avec succès la coupe d’Europe 2004. Ce petit pays où le football est roi a su prouver qu’il pouvait organiser en toute sécurité et dans de bonnes conditions une des compétitions sportives les plus prisées dans le monde. La rénovation ou la construction des stades mais surtout la visibilité donnée au pays, ont permis un coup de pouce à l’économie. L’équipe nationale, distinguée pour son flair-play, s’est contentée d’une seconde place.
Institutions politiques et administratives
De la révolution des Œillets (25 avril 1974), mettant fin à des décennies de dictature militaire, est née la démocratie parlementaire portugaise, ouvrant au pluralisme politique. Révisée à trois reprises – en 1982, 1989 et 1992 -, la Constitution du printemps 1976 est assez semblable à celle de la France. Elle diffère toutefois dans le pouvoir, moins unilatéral, accordé au président de la République. Celui-ci, élu au suffrage universel tous les cinq ans, n’est rééligible qu’une seule fois et détient un pouvoir symbolique d’arbitre. Le Premier ministre qu’il nomme est le leader du parti majoritaire et le véritable chef du gouvernement. En 2005, c’est le socialiste José Socrates qui arrive à cette fonction. Son prédécesseur, le social démocrate José Manuel Durão Barroso, est président de la commission européenne depuis 2004. L’Assemblée de la République légifère et les députés sont élus tous les quatre ans.
L’administration régionale
Le Portugal continental est composé de cinq régions administratives : le Nord, le Centre, Lisbonne et la vallée du Tage, l’Alentejo et l’Algarve, et de 18 districts. Les archipels lusophones des Açores et de Madère bénéficient du statut de région autonome. Quant aux territoires d’outre-mer, Macao, le seul que possédait encore récemment le Portugal, a été rétrocédé à la Chine à la fin de l’année 1999.
Population
Comme dans la plupart des pays de l’Union européenne, le schéma de l’évolution de la population portugaise s’est largement modifié dans le courant des trois dernières décennies du XXe siècle. Jusque dans les années 1970, l’émigration ainsi que les guerres coloniales contribuent à une baisse régulière de la population, même si la communauté vivant à l’étranger rentre au pays, pour l’immense majorité d’entre elle, à l’âge de la retraite.
On estime à près de cinq millions le nombre de Portugais résidant à l’étranger – principalement en France et en Allemagne. Ce fort pourcentage d’émigrés n’a pas été contrebalancé par le processus de décolonisation et l’arrivée brutale, en 1975, de 500 000 réfugiés, rapatriés d’Angola ou du Mozambique. Enfin, fait de société plus qu’événement historique, le taux de fécondité, qui fut l’un des plus élevés d’Europe (3,5 enfants par femme dans les années 1960), a littéralement chuté à 1,35. Le pays doit donc faire face à un accroissement annuel de la population négatif, parallèlement à un vieillissement constant. Enfin, autre fait marquant la fin du siècle dernier, la répartition des habitants s’est pratiquement inversée. Traditionnellement rurale, la population est devenue, de par la modernisation et l’urbanisation, citadine. En Alentejo, on ne compte plus que 20 habitants au km2, contre plus de 200 dans la région de Porto.
L’exil
La population portugaise immigrée en France vit souvent son éloignement, dicté par la politique avant la révolution des Œillets puis par la problématique économique, comme un exil, comme l’a si bien exprimé le poète Manuel Alegre : « Nous étions vingt ou trente au bord de la Seine. Et nos yeux s’en allaient au fil de l’eau, cherchaient le Tage en les eaux de la Seine, cherchaient des saules sur les bords du vent, ce pays de larmes de villages blottis dans les collines du crépuscule. Cherchaient la mer. »
L’eldorado portugais
Tout comme les Portugais ont rêvé l’Afrique, de nombreux Africains, originaires des pays colonisés autrefois par le Portugal, espèrent trouver l’eldorado en débarquant de leur continent lointain.
On estime à environ 100 000 – 75 000 officiellement – le nombre d’immigrés ressortissants d’Afrique lusophone – Cap-Vert, Mozambique, Angola, Guinée-Bissau – en quête d’un travail, souvent obtenu dans le domaine du bâtiment et des travaux publics. Si la presse relate quelques faits relevant de tensions intercommunautaires, les Africanos sont dans l’ensemble bien acceptés et donc bien intégrés à la société. Ces dernières années, l’immigration venue des pays de l’ancien bloc de l’est s’est accentuée. On estime à 250 000 le nombre de ressortissants des pays de l’est au Portugal.
Religion
Si la Constitution portugaise assure une totale liberté de culte, l’immense majorité des Portugais se déclare catholique. Et pratique souvent sa religion avec ferveur. L’affluence dans les églises pour assister à la messe dominicale en fait régulièrement la preuve. Cette ferveur religieuse donne partout lieu à de grandes fêtes traditionnelles et processionnaires, célébrant quelque saint local ou plus généralement la Vierge. Le pèlerinage de Fátima attire bien entendu des milliers de fidèles, mais il en faut beaucoup moins aux Portugais pour assouvir leur foi ! Nombreuses sont les romarias, fêtes populaires mêlant le culte proprement dit et l’aspect festif (feux d’artifice, chorales, banquets et bals), y compris dans les grandes villes. A Lisbonne, le jour de la Saint-Antoine-de-Padoue – qui était portugais – est férié !
On célèbre successivement, après cette fête, celle de trois saints également très populaires : Jean, Pierre et Vincent. On peut ainsi mesurer l’importance que revêt la religion dans l’organisation parfois grandiose de ces fêtes de quartier, auxquelles la population – y compris les plus jeunes – semble vraiment attachée. Mais aussi dans l’influence qu’elle exerce sur les grands problèmes de société. Elle a en effet récemment prouvé sa puissance d’intervention en empêchant, en 1998, la libéralisation de l’avortement, soumise à un référendum.
Fátima : la prophétie révélée
Longtemps controversé, le pèlerinage de Fátima a pris de plus en plus d’importance au fil des décennies, jusqu’à sa sacralisation totale prononcée par le pape Jean-Paul II, qui béatifia, le 13 juin 2000, deux des trois bergers à qui apparut la Vierge. Le 13 mai 1917, puis le 13 des cinq mois qui suivirent, Marie apparut à Jacinta, Francisco et Lucia (la seule survivante, devenue religieuse carmélite), alors âgés de dix, neuf et sept ans. Elle leur aurait révélé trois secrets, puis aurait abordé les questions politiques d’alors (imminence de la révolution d’Octobre, dénouement du conflit européen…). Le troisième secret fut dévoilé aux fidèles quelques semaines après la béatification par le pape Jean-Paul II. C’était un avertissement au pape, dont la Vierge aurait pressenti l’attentat au début des années 1980. L’Eglise précisa qu’il était nécessaire de s’attacher au caractère symbolique de la prophétie plutôt qu’au fait apocalyptique annoncé…
Vie sociale
Egaré dans un espace-temps bien éloigné de l’Europe et du XXe siècle pour cause de salazarisme, le Portugal a terriblement changé au cours des vingt dernières années.
L’archaïsme imposé par la dictature et subi par un peuple parmi les plus pauvres d’Europe avait plongé le Portugal dans une triste léthargie.
La démocratie installée au milieu des années 1970, l’adhésion à l’Europe dans les années 1980 et la croissance économique qui en a découlé ont propulsé le pays dans un XXIe siècle prometteur. Si la population du Portugal vieillit – comme toutes celles du Vieux Continent -, elle semble s’offrir une nouvelle jeunesse, ouverte sur l’Europe, réceptive au monde. L’urbanisation de l’espace portugais a fortement contribué à cette mutation. Autrefois essentiellement rurale, la population s’empresse aujourd’hui dans les grandes villes, où les modes de vie auraient encore été qualifiés d’avant-gardistes il y a peu. La libération des mœurs, l’émancipation des femmes, la modification de la composition des familles, l’émergence d’une classe moyenne et les habitudes nouvelles de consommation attestent de la profonde évolution de la société.
L’éducation
Prioritaire pour les gouvernements qui ont succédé à la junte salazariste, l’éducation a bénéficié d’importants investissements de la part de l’Etat, qui y consacre 5,4 % du PIB. Le taux d’alphabétisation – 89,6 % – reste, malgré les efforts considérables entrepris, le plus faible de l’Union européenne. Gratuite et obligatoire pour les enfants jusqu’à l’âge de quinze ans, la scolarisation a largement participé aux bouleversements sociaux du Portugal ces deux dernières décennies, en augmentant notamment le nombre de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur.
Fêtes et coutumes
Les pèlerinages et les invocations aux saints, qui donnent souvent lieu à des processions, ne sont pas les seuls prétextes à faire la fête au Portugal. Tout est bon pour organiser une kermesse, un banquet de produits du terroir, une régate, un feu d’artifice ou un spectacle de danses traditionnelles et pour fleurir à cette occasion villes et villages !
La tourada
La tourada, pendant lusitanien de la corrida, est très populaire. Contrairement à sa voisine, le Portugal développe un art tauromachique beaucoup plus raffiné et qui diffère fondamentalement de la corrida, le taureau n’étant pas abattu. Considérée, au XIXe siècle, comme barbare, la mise à mort du taureau est depuis interdite dans l’enceinte de l’arène.
La mise en scène elle-même est particulièrement soignée : habits de lumière élégants, costumes traditionnels pour tous, rituels de salut… Deux temps ponctuent le spectacle proprement dit : le combat à cheval et le combat à pied. Les taureaux, qui ont tout de même souffert des banderilles plantées dans leur échine, sont évacués à la fin du spectacle.
Art et culture
L’architecture
Le Portugal a développé un genre architectural unique à l’époque du roi Manuel Ier – le style manuélin -, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs et que l’on compare au mieux à un gothique flamboyant finissant, aux influences mauresques et européennes mêlées. L’ornementation sculpturale évoque les cultures rencontrées lors de l’expansion du Portugal au-delà des océans. A titre d’exemple, les bâtisses revêtent sur leurs façades, sur les vantaux des fenêtres, sous les arcades, la faune, la flore et le monde sous-marin exotiques. A Lisbonne, le monastère des Hiéronymites et la tour de Belém en sont deux éléments des plus significatifs.
Autre spécificité, héritée de l’époque mauresque, les azulejos – littéralement « morceaux de terre cuite », en arabe – constituent un élément décoratif unique au Portugal. Apposés sur toutes sortes de façades – des cloîtres aux restaurants en passant par les gares et les maisons individuelles -, ces panneaux de céramique représentent des décors, imitant autrefois ceux des tapisseries.
L’époque contemporaine, quant à elle, est marquée jusque dans les années 1970 par l’austérité salazariste – architecture monumentale typique des dictatures (notamment la statue du Cristo Rei de Lisbonne).
Plus récemment, le Portugal a financé des projets d’architecture ultra-contemporaine, réalisés par de grands maîtres, étrangers et portugais. Dans la capitale, le site de l’Expo 98, principalement le pavillon du Portugal de Siza, la nouvelle gare de l’Oriente et le pavillon des Océans, en est la vitrine. Alvaro Siza, grand nom de l’architecture portugaise – inspiré par Le Corbusier -, s’est également illustré à Porto, où il a signé, en 1999, la réalisation d’un très beau musée d’Art contemporain, le Museu Serralves. On lui a également confié la tâche délicate de la reconstruction du quartier Lisboète du Chiado.
Le chant du Portugal
Expression musicale qui incarne l’âme portugaise et véhicule ce qu’elle peut ressentir de saudade – mélancolie -, le fado est un chant qui parle des choses de la vie. Le fado – du mot fatum, qui signifie « destin » – n’a de latin que ses origines linguistiques. Musicalement, ses intonations évoquent plutôt le passé mauresque du Portugal. Historiquement, il est né assez récemment dans les quartiers populaires de Lisbonne, où les fadistas (hommes et femmes) chantaient dans de petites tavernes, accompagnés le plus souvent par des mandolines et des guitares. La chanteuse Amália Rodrigues, qui a incarné le fado durant plus de cinquante ans, a largement contribué à en transporter les émouvants accents hors des frontières.
La littérature
Le premier salon parisien du livre de l’an 2000 a mis à l’honneur le Portugal. Surprise ! Car, longtemps ignorés, les écrivains portugais commencent seulement à s’exporter hors du monde lusophone. Sans doute l’immense gloire du génial poète Fernando Pessoa a-t-elle contribué à l’engouement dont bénéficie aujourd’hui le monde littéraire. Celui-ci s’est d’ailleurs, semble-t-il, spécialisé dans l’épanouissement de la poésie, genre dans lequel les Portugais sont passés maîtres. De Camões, créateur de l’épopée lyrique des Lusiades au XVIe siècle, aux contemporains de Pessoa aux cent visages – le poète signait ses œuvres de plusieurs noms, qu’il avait créés pour ses différents styles -, l’histoire de la littérature est une ode à la poésie, dominée par la saudade, ce sentiment typiquement portugais dont le spleen se rapproche un peu. Le roman contemporain a lui aussi su s’imposer récemment par les œuvres de grands écrivains – Vergilio Ferreira, Mario de Carvalho, António Lobo Antunes -, dont José Saramago, à qui le prix Nobel fut attribué en 1998.