La Corse vit de paradoxes, et le premier d’entre eux concerne le rapport que son peuple entretient avec la mer. Tourné vers l’intérieur de son île, le Corse est un montagnard, poussant à l’extrême son caractère insulaire. « So corso, ne so fieru » (« Je suis corse, j’en suis fier »).
Fils des Carthaginois, descendants des Grecs et des Romains, les Corses sont restés fidèles à leur culture, synthèse de diverses influences qui se sont mêlées sur leur sol.

Economie

L’insularité a longtemps cantonné la Corse dans une autarcie presque totale. L’île tirait l’essentiel de ses ressources de son sol, de ses rivières, de ses forêts. Les aménagements sont encore visibles dans la campagne, avec les cultures en terrasses, les longs murs de pierres sèches, les pagliaghi (les paillers), ces bergeries qui servaient aussi à abriter les outils et les hommes lorsqu’ils étaient trop éloignés de la maison.
Le pays est laissé dans une extrême pauvreté jusqu’à la mise en place du « Schéma d’aménagement régional », dans les années soixante, qui détermine deux priorités : l’agriculture et le tourisme.
Ces deux axes de développement vont accentuer la disparité entre le littoral, qui va s’aménager, et l’intérieur de l’île, qui va se désertifier encore plus. Cependant, la consommation des ménages est correcte : l’équipement en téléphone, les achats de voitures neuves, de télévisions couleur et de lave-vaisselle sont supérieurs à la moyenne nationale.
Il n’en reste pas moins que la région a le PIB le plus faible de France avec 24 232 € par habitant alors qu’elle arrive en tête pour l’aide sociale : 234 € par habitant pour une moyenne nationale de 217 €, selon l’Insee.

Les avantages fiscaux

Les « arrêtés Miot », premier statut corse, vieux de deux cents ans, accordent à l’île des exonérations sur les droits de succession, les droits indirects et la TVA. Le statut fiscal du 1er janvier 1995 confirme ces acquis historiques, en y ajoutant d’autres avantages : suppression des parts régionale et départementale et diminution de 25 % de la part communale de la taxe professionnelle.
Depuis janvier 1997, la zone franche accorde aux entreprises des diminutions d’impôts sur les bénéfices, une suppression de la taxe professionnelle et une baisse de 230 € des charges sociales patronales. Les services fiscaux de l’Etat estiment que cette zone franche équivaut à une aide de 92 millions d’euros par an sur cinq ans. Selon un rapport rédigé par l’Inspection des Finances en 1997, la Corse a le plus fort taux d’allocation pour adultes handicapés (3,4 %), pour le RMI (4,28 % contre une moyenne nationale de 2,24 %) et 8,8 % des plus de 55 ans bénéficient du Fonds national de solidarité.

L’agriculture

L’agriculture corse présente deux visages distincts, tous deux typiquement méditerranéens : l’un axé sur la montagne, l’autre sur la plaine côtière.
Dans la plaine, sur la côte orientale essentiellement, est installée une agriculture mécanisée et relativement intensive tournée vers les productions végétales, viticoles et fruitières. Sur les coteaux et dans les montagnes de l’intérieur (soit sur la majeure partie du territoire) se rencontre une agriculture plus traditionnelle fondée sur l’élevage extensif, la culture du châtaignier et de l’olivier.
Plus d’une centaine de jeunes exploitants se sont installés en 2007 et l’agriculture représente aujourd’hui plus de 7 000 emplois. Un plan stratégique de développement rural a été mis en place (2007-2013) avec le concours des fonds européens pour accroître la compétitivité de l’agriculture et de la sylviculture corses. 3,6 % des surfaces agricoles sont déjà labellisées « bio ». La viticulture (330 000 hl) est la première production agricole. Les vignerons ont fait le pari de la qualité avec 9 vins labellisés AOC et des appellations villages, à Ajaccio, Patrimonio, Calvi, Sartène, Figari, Porto Vecchio et Cap Corse.
Le fromage brocciuet le miel corse Mele di Corsica ont reçu depuis 1998 une appellation d’origine contrôlée AOC. La clémentine corse, sans pépins, et proposée sur les marchés ornée de quelques feuilles, a acquis une réputation sur le marché national. La récolte annuelle atteint les 29 000 tonnes, beaucoup moins cependant qu’il n’était prévu. Les cultures de l’avocatier et de l’olivier ont progressé, mais le véritable succès revient au kiwi, qui occupe près de 4 500 ha, sur la côte orientale. Quelques hectares sont aussi consacrés à la culture du cédrat, un gros citron à peau bosselée, que l’on utilise confit ou pour produire une liqueur, la cédratine. La production d’huile d’olive est très médiocre : 260 hectares d’oliviers produisent officiellement 600 hectolitres d’huile.

L’élevage

Le cheptel ovin (152 600 bêtes) s’est développé ces dernières années en particulier en Haute-Corse où sont installés les plus grands troupeaux. Les troupeaux de caprins représentent près de 47 000 têtes. Avec 35 500 têtes, l’élevage porcin est incontournable.
Le cheptel bovin représente près de 74 000 têtes.Les éleveurs bénéficient de primes et il est très difficile de distinguer les « vrais » éleveurs des faux, qui déclarent des animaux qui n’existent pas pour toucher un pécule !
Le scandale des primes « à la vache allaitante » a mis en évidence un réel problème, car le cheptel déclaré avait carrément triplé en vingt ans…
Les activités traditionnelles d’élevage se modernisent.

Le tourisme

C’est la première industrie de l’île, mais son énorme inconvénient est sa concentration dans le temps, malgré les efforts déployés depuis vingt-cinq ans pour en allonger la durée. La saison ne dure que quatre mois, de juin à septembre.
Le tourisme est toujours un sujet délicat à aborder. La grande majorité des Corses ne le rejette pas, car ils sont conscients qu’il s’agit d’un facteur de développement important. Mais ils ne sont pas disposés à transiger lorsque les intérêts financiers ne sont pas ceux de leur île.

Institutions politiques et administratives

La Corse est devenue une Région française, administrée par une Assemblée régionale (créée en 1982), et regroupant deux départements, la Haute-Corse (préfecture : Bastia) et la Corse-du-Sud (préfecture : Ajaccio).
Outre ses deux départements, elle compte 360 communes, 6 chambres consulaires, 6 offices et agences chargés de la mise en œuvre de la politique de l’île dans les secteurs de l’hydraulique, du développement économique, des transports, de l’environnement, du tourisme et de l’agriculture ; ainsi qu’une assemblée territoriale de 51 membres : de quoi laisser une place politique à tout le monde !
L’Assemblée de Corse a été créée par le statut du 13 mai 1991, qui fait de l’île une collectivité territoriale.
Elle siège à Ajaccio, se compose de 51 membres élus pour six ans. Ses conseillers sont élus à la proportionnelle au scrutin de listes à deux tours, dans le cadre d’une circonscription unique. La liste qui a obtenu le plus de suffrages bénéficie de trois sièges supplémentaires. L’assemblée procède parmi ses membres à l’élection du Conseil exécutif de Corse, formé d’un président et de six conseillers, qui dirige l’action de la collectivité territoriale dans ses domaines d’intervention, notamment le développement économique, social, éducatif, culturel et de l’aménagement du territoire.

La poudrière corse

C’est dans les années 1960, au moment où l’économie insulaire commence à décoller, que se créent les conditions du « drame » corse. A Paris, les technocrates découvrent le sous-développement régional et organisent un plan de développement.
Mais l’installation des pieds-noirs d’Algérie, qui ont bénéficié d’aides importantes de l’Etat pour créer des exploitations, va engendrer des rancœurs, de la part des autochtones, moins bien lotis. « L’Etat français s’est décidé à développer la Corse, mais ce développement ne profite pas aux gens du pays », disent de plus en plus de Corses, qui ont l’impression de se faire voler leur île. Ce sentiment de frustration va servir de terreau aux revendications régionalistes.

Population

La population de la Corse est la plus faible et la moins dense des grandes îles de la Méditerranée. Au 1er janvier 2006, la Corse compte 294 118 habitants sur 8 680 km2, dont la moitié est installée à Ajaccio et Bastia.
Les causes en sont d’abord historiques : souvent envahi, le littoral était faiblement peuplé et la population se réfugiait dans les montagnes. A la fin du siècle dernier, le dépeuplement s’intensifie, entraînant une détérioration des conditions de vie, accentuées par des problèmes économiques : le phylloxéra ravage les vignobles, et le manque de compétitivité des exploitations agricoles face à celles du continent les mène à leur ruine.
Au début du siècle, les Corses s’expatrient vers les colonies lointaines. Avec la guerre de 1914-18, le dépeuplement s’accentue. Le gouvernement français ne se prive pas d’enrôler massivement tous les hommes valides, y compris des pères de famille nombreuse.
Avec le déclin économique, les jeunes sont partis en nombre travailler sur le continent, dans l’administration ou l’armée. Depuis les années 1970, nombreux sont ceux qui ont voulu revenir travailler et vivre au pays. C’est une des raisons de la forte croissance démographique de l’île depuis 1999 (7,8 % contre 0,7 % au niveau national). Mais 43 % des habitants vivent sur à peine 2 % du territoire. La Corse demeure une région âgée : les plus de 75 ans représentent 9,7 % de la population contre 8,4 % pour la moyenne nationale.

Religion

« L’homme corse ne s’agenouille que devant Dieu. » L’île est fondamentalement religieuse, et chaque village a son saint patron. Pendant des siècles, les Franciscains ont façonné l’âme corse autour de la Passion, de la Croix et de la présence permanente de la mort.
Dans la tradition insulaire, les défunts tiennent une place importante et interviennent en cas de danger. Même si aujourd’hui la ferveur s’estompe, rares sont les régions françaises où la foi est célébrée avec autant de ferveur. Les Jeudi et Vendredi saints, des processions de pénitents ont lieu dans toute la Corse. La plus célèbre est celle du Catenacciu de Sartène, où un pénitent cagoulé de rouge défile dans les rues en portant une lourde croix.
Mais la tradition veut aussi que, pendant la semaine sainte, l’on achète des palmes tressées qui sont bénites et ensuite conservées comme porte-bonheur, et que les maisons soient nettoyées de fond en comble pour recevoir la bénédiction du curé.
Ce grand nettoyage sert à chasser le diable, à conjurer le mauvais sort. Pour la bénédiction de la maison, on place sur la table des œufs et du pain, qui sont bénits par le prêtre. De la même façon, on distribue lors des fêtes villageoises des petits pains, bénits également par le prêtre, qui portent bonheur.

Les croyances populaires

Les rites qui concernent la foi et la réflexion sur la mort étaient très importants dans la société traditionnelle rurale. Ils étaient transmis de mère en fille pour se garantir contre les sortilèges.
Le jour de l’Ascension, on allait cueillir à l’aube une petite plante grasse porte-bonheur que l’on conservait, sans racines, sans eau, sans terre. La plante devait continuer à fleurir car, si elle mourait, c’était un grave signe de malheur. On disait aussi que les œufs pondus le jour de l’Ascension ne pourrissaient pas et préservaient des orages et des incendies.

Le mauvais œil

Lorsqu’un enfant éprouvait des maux de tête, ou avait de la fièvre sans raison, on disait e statu innuchjiatu (« on lui a jeté le mauvais œil »). Toute louange apportait le mauvais œil (mal ochju), dont il fallait se préserver en prononçant immédiatement après la formule che Diu u benedica (« que Dieu le bénisse »).
Lorsque ces rites n’avaient pas été suffisants, on faisait appel à la signatore, signatore, une femme du village, qui opérait un rite avec une bougie allumée, une assiette blanche pleine d’eau et quelques gouttes d’huile.
Elle traçait trois signes de croix au-dessus de l’assiette et faisait ensuite tomber dans l’eau plusieurs fois trois gouttes d’huile. Si les gouttes s’étalaient, cela confirmait que le patient était bien victime du mauvais œil. Lorsque les gouttes restaient compactes, il n’y avait aucun maléfice.

Vie sociale

Le clan

Il ne faut pas chercher en Corse la rationalité continentale. La culture complexe de l’île l’explique en partie. Lorsqu’un Corse parle des « siens », il s’agit de ceux de sa famille, qui comptent avant tous les autres.
La mère est la gardienne du temple familial. La chaîne de solidarité est forgée à coups de services réciproques. Le clan aide un homme qui s’oblige à un devoir de fidélité.

La place de la femme

Comme dans tous les pays méditerranéens, la mère est la gardienne du temple familial. Cependant, la guerre de 1914-1918, qui a fauché dix mille jeunes hommes corses, a accentué ce phénomène, car, dans l’île, il ne reste que des femmes endeuillées qui ont régné sans partage sur leurs fils.
Ils sont devenus vaniteux et dépendants.
Dures à la peine dans les campagnes, les femmes corses d’aujourd’hui ont gardé un caractère fort et ne manquent pas de courage. Elles se sont révoltées les premières contre la violence qui tuait leurs maris, leurs fils et leurs frères, dans les années 1990. Ce sont elles, bien avant l’assassinat du préfet Erignac, qui ont manifesté pour que les crimes soient élucidés, ce sont elles qui ont rompu la loi du silence…

Art et culture

La littérature

La Corse a inspiré bien des écrivains. Jean-Jacques Rousseau, d’abord, qui se fendra d’un projet de constitution pour la Corse.
Chez les romantiques, Alexandre Dumas s’émerveille de l’hospitalité locale, Flaubert visite Aleria, « une des cités de l’Orient, mortes depuis longtemps et que nous rêvons si tristes et si belles ».
Dans Une vie, Guy de Maupassant s’émerveille de la beauté des Calanches de Piana, forêt de granite pourpré. Mérimée écrira Colomba au retour de son voyage dans l’île, et Alexandre Dumas décrira le phare des Sanguinaires. La renommée de certains écrivains corses a largement dépassé les frontières de l’île : Marie Susini, Angelo Rinaldi, François-Xavier Culioli, etc.

La musique

Depuis une vingtaine d’années, la Corse s’est remise à chanter. Non pas les ritournelles mises à la mode par Tino Rossi. Mais, bien au contraire, elle a retrouvé ses traditions de culture orale, perpétuée par les chants polyphoniques. C’est dans les montagnes que l’on peut entendre les chants les plus authentiques.
Les habitants y improvisent la paghiella, chant polyphonique à trois voix. A Rusio, en Castagniccia, la messe est chantée en paghiella la nuit de Noël, le jour de l’an, à la Saint-Joseph, le 19 mars, le dimanche de Pâques, à la Saint-Antoine (le 13 juin), le 15 août, le 8 septembre pour la Nativité de la Vierge et à la Toussaint. On peut aussi assister à des messes chantées en paghiella à Sermano, près de Corte.
De profondes voix de montagnards clament désormais, dans le monde entier, leurs racines et leur fierté d’insulaires : apiculteur en Haute-Corse, Petru Guelfucci a reçu un disque d’or à Québec pour ses Voce di Corsica, le groupe I Muvrini remplit Bercy et A Filetta a mis en musique le Don Juan de Jacques Weber.
Alors qu’autrefois elles ne chantaient que les voceri (des chants de deuil et de révolte, souvent improvisés) ou des ritournelles et des berceuses pour les enfants, les femmes se sont mises à chanter des polyphonies, traditionnellement réservées aux hommes. Ainsi, le groupe des Nouvelles Polyphonies corses comporte les voix féminines des deux Patrizia, Patrizia Poli et Patrizia Gattaceca. Le chant paghiellu corse figure depuis octobre 2009 au patrimoine immatériel de l’Unesco.
Des musiciens ont remis au goût du jour la cetera, un instrument traditionnel à 16 cordes dont le son ressemble à celui de la guitare portugaise ou du bouzouki irlandais.
Il y a vingt-cinq ans, Antoine Leonardi a créé Ricordu (le souvenir), le studio d’enregistrement et de production le plus important de l’île, et s’est installé dans le village de Bastelicaccia.

L’habitat

Effilés sur une crête, arrondis à l’extrémité d’un promontoire, tassés sur un mamelon à la manière de citadelles ou exposés en balcons à flanc de montagne… Les paysages de tous les villages de Corse mériteraient une description.
On retrouve presque toujours la même configuration, avec dans le maquis un sentier à peine praticable, des chemins muletiers empierrés, bordés de murs, des jardins en terrasses, que l’on escalade en prenant des raccourcis, pour déboucher sur des escaliers.
A l’entrée des villages, des fontaines, avec des pavements de pierre, des bancs et des abreuvoirs. Les ruelles pavées laissent place à des rampes, jusqu’à des placettes ombragées par des tilleuls et des figuiers. Des passages couverts, voûtés ou plafonnés sous maison, conduisent à des venelles secrètes.

Fous de « foot »

La passion du football habite les Corses. Les équipes locales ont joué un rôle très honorable dans les compétitions nationales.
Le Sporting Club de Bastia a gagné la Coupe de France en 1981, le GFC Ajaccio s’est fait remarquer par ses exploits en championnat de France amateur de 1963 à 1968.

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