L’invasion turque de 1974 a eu pour conséquence de couper l’île en deux. Alors que le potentiel économique et touristique de la vieille terre achéenne passait sous le contrôle des troupes d’Ankara, la république de Chypre a, au cours de ces dernières années, travaillé dur pour offrir aujourd’hui à ses visiteurs une terre accueillante et prospère. L’avenir lui appartient. Les portes de l’Europe se sont ouvertes pour cette île, dont les résultats économiques sont supérieurs à ceux de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal, déjà membres de la Communauté européenne.

Economie

Peu de chômage, une demande intérieure active et un tourisme en pleine expansion caractérisent l’économie chypriote, dont les principaux partenaires économiques sont la Communauté européenne (Royaume-Uni, Italie, Allemagne) et les pays arabes (Arabie saoudite, Syrie, Koweït, Dubay et Egypte). 

Chypre © Graeme Churchard

Chypre © Graeme Churchard

Tourisme 
Le point fort de l’économie chypriote. Les 793 000 habitants de l’île accueillent chaque année depuis 2001 environ 2,7 millions de touristes, principalement des Anglais (53 %), des Scandinaves et des Allemands mais aussi des Suisses et des Russes. Pour satisfaire à la demande, l’aéroport de Larnaka se complète de celui de Pafos. Cette situation dope les emplois saisonniers, mais a, hélas, pour conséquence le « bétonnage » des côtes, notamment aux alentours de Lemesos. Comme il n’existe pas de plan d’occupation des sols, les promoteurs s’en donnent à cœur joie. Malgré cette frénésie de construction, Chypre, sur la côte, comme dans la montagne du Troodos, a su garder un charme discret, loin des foules estivales, et provoque un attachement fidèle.

Industrie 
Avec un taux de croissance annuel élevé, les secteurs de l’habillement, de l’ameublement, du cuir, des cosmétiques, des dentelles, des appareils ménagers et de l’huile d’olive connaissent un développement important. Ces produits manufacturés représentent plus de 18 % du PNB et leur fabrication emploie près de 20 % de la main-d’œuvre. Le travail du cuir occupe une place particulière dans la vie artisanale. Ainsi, on trouve à Chypre, à des prix raisonnables, un grand choix de sacs, valises, vestes et chaussures.

Les ports 
Chypre possède deux grands ports commerciaux situés à Lemesos et à Larnaka, sur la côte sud de l’île. Ils accueillent les cargos containeurs ainsi que les navires de voyageurs. Pour faire face à la demande croissante, des zones de stockage ont été créées dans ces ports dont les quais ont été agrandis. Les installations créées à Larnaka et à Lemesos permettent aujourd’hui à ces deux cités d’envisager de devenir, dans un futur proche, des grands centres de transbordement dans cette région de la Méditerranée. Il existe également des terminaux maritimes qui autorisent l’importation de pétrole à Larnaka, Dhekélia, Moni et Vassiliko, dont le développement et les aménagements récents facilitent également les importations de phosphate et d’ammoniaque, et les exportations de ciment et d’engrais.

La vigne 
Depuis les temps les plus anciens, on cultive la vigne à Chypre. On a, en effet, trouvé dans les ruines de Pafos une coupe du VIe siècle avant J.-C. portant l’inscription : « Soyez heureux et buvez du vin. » Le vignoble chypriote s’étend sur les pentes du Troodos et dans les régions de Pafos et de Lemesos, qui a créé son « festival du Vin ». La production est extrêmement variée. L’afames et l’othello pour les rouges, l’amathus, l’arsinoé et le palomino pour les blancs, l’amorosa et le bellapais pour les rosés sont parmi les vins les plus réputés de l’île. Le commandaria, très ancien et très sucré, est le vin le plus renommé de Chypre. Il a été« lancé » au XIIIe siècle par les hospitaliers, un ordre chevaleresque rescapé des croisades, établi à Kolossi, près de Lemesos.

Agriculture 
Chypre est le domaine de l’olivier, du citronnier, de l’oranger, de la pomme de terre et de la vigne. On trouve également des plantations de tabac, et le caroubier est partout. Plus de 70 % de la production agricole est exportée, notamment vers le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Benelux. Le vignoble occupe plus de 10 % du territoire et n’a jamais eu le phylloxera. Trois producteurs, Kéo, Sodap et Etko, se partagent le marché et possèdent des installations très modernes à Lemesos. Des petits producteurs se sont récemment lancés sur le marché en privilégiant la qualité.

Institutions politiques et administratives

La république de Chypre a été proclamée le 16 août 1960, avec une Constitution impossible à appliquer. En effet, le président grec et le vice-président turc possédaient chacun un droit de veto sur les lois adoptées par les députés. Depuis l’invasion turque de 1974, le président de la république de Chypre, qui contrôle seulement 63 % du territoire de l’île, est élu au suffrage universel direct pour cinq ans. Il a le pouvoir exécutif et nomme les ministres. Le pouvoir législatif est exercé par la Chambre des représentants qui est composée de 50 membres élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Les partis qui animent la vie politique sont le DISY (droite), le DIKO (centre-droite), le KISOS (socialiste) et l’Akel (communiste). 

Population

Accueillant, débrouillard, travailleur, actif, croyant, le Chypriote a le sens de l’hospitalité. On dit aujourd’hui que l’île est peuplée par 760 000 personnes. Mais l’île étant coupée en deux, il est très difficile, notamment pour la partie occupée par la Turquie où de nombreux colons venus d’Asie Mineure se sont installés, de connaître exactement le nombre d’habitants. Lors de l’invasion de 1974 par les troupes d’Ankara, 80 % de la population était représentée par des Chypriotes grecs, 18 % par des Chypriotes turcs et 2 % par diverses communautés. La république de Chypre, c’est-à-dire le sud de l’île, est composée en majorité de Chypriotes grecs qui, pour faire des études, émigrent bien souvent vers les pays anglo-saxons. Malgré des relations difficiles, tout au long de leur histoire, avec Athènes, les Chypriotes grecs gardent un attachement passionné à la Grèce. Une attirance que rien ne peut effacer. Ici, plus qu’ailleurs, l’hellénisme est vécu au quotidien. 

L’Eglise orthodoxe 
Supportant de moins en moins bien l’autorité papale, les évêques orientaux se séparent de Rome en 1054 et créent ce que l’on appelle l’Eglise orthodoxe. Opposition théologique aussi : pour les orthodoxes, l’Esprit saint n’est issu que de Dieu et ne « procède » pas, comme l’indique le credo catholique, du Père et du Fils. La Vierge Marie n’est pas « montée » au ciel comme l’affirment les catholiques, mais seulement son âme pendant qu’elle dormait. Le 15 août, le monde orthodoxe célèbre donc la Dormition et non l’Assomption. Enfin, les orthodoxes estiment que le pape est seulement l’évêque de Rome et non le chef spirituel de la chrétienté. En 1964, le pape Paul VI et le patriarche Athênagoras ont levé les excommunications mutuelles. Aujourd’hui, 200 millions de chrétiens se reconnaissent dans l’Eglise orthodoxe. A Chypre, l’Eglise autocéphale (de foi orthodoxe mais indépendante) est représentée par près de 450 paroisses réparties dans toute l’île.

Religion

Chypre est avant tout orthodoxe. Les monastères, les édifices religieux et les popes abondent. Autocéphale, c’est-à-dire indépendante, l’Eglise est omniprésente et riche. Les saints patrons veillent sur tous les villages et sur toutes les campagnes. L’histoire a servi l’Eglise qui, pendant trois cents ans, a été la seule interlocutrice avec l’occupant turc. Et c’est l’Eglise, seule puissance organisée, qui a donné le signal de la lutte pour l’indépendance refusée par les Britanniques. Monseigneur Makarios a, en effet, en 1955, levé l’étendard de la révolte. Il devient en 1960 premier président de la république de Chypre. Si, aujourd’hui, l’Eglise est officiellement moins présente, elle n’en demeure pas moins influente. Rien d’important ne se fait à Chypre sans son accord. 

Vie sociale

La famille est sacrée et demeure la pierre angulaire de la vie quotidienne. Les enfants sont adorés. La femme chypriote, qui travaille dur, est très respectée car c’est elle qui enfante. Le Chypriote aime recevoir des amis et n’hésite pas à lier conversation avec l’étranger, à qui l’on accorde volontiers sa confiance. Trahir cette confiance est particulièrement malvenu et rompt à jamais le lien qui a pu être créé. Les Chypriotes, qui ont presque tous un parent parti à l’étranger pour étudier ou travailler, ont du bon sens, parfois teinté de fatalisme. Longtemps repliée sur elle-même, la société chypriote, grâce à son économie prospère et à son tourisme, s’ouvre sur l’extérieur, même si les traditions restent bien vivantes, notamment dans les villages de montagne. L’école commence officiellement à l’âge de 5 ans et demi et est gratuite jusqu’à la fin des six années de scolarité. L’enseignement secondaire est ouvert aux adolescents de 11 à 17 ans. L’université de Lefkosia et l’Institut technologique complètent le système éducatif. 

Mariage 
Au cours de la cérémonie du mariage, le pope dit à la jeune fille : « aime et obéis ». Le jeune marié pose alors son pied sur celui de sa future femme et appuie doucement pour lui faire comprendre de ne pas oublier les recommandations du religieux. L’après-midi, après le repas, au son du violon et de la guitare, les jeunes mariés tournent dans un cercle formé par les parents et les amis. Lorsqu’ils s’arrêtent, quelqu’un jaillit du cercle et épingle sur la robe de la mariée un billet de banque. Et le couple repart dans sa ronde jusqu’à ce que la robe et le costume des mariés soient couverts de billets par les invités du mariage. Le bris d’une assiette signifie que la ronde est finie.

Fêtes et coutumes

Fêtes populaires, nationales et religieuses animent tout au long de l’année la vie chypriote. Le «panigiri»,célébration et festivité traditionnelle en plein air, a lieu surtout dans les villages à l’occasion de la fête du saint local. Bien souvent, pendant ces fêtes, les bureaux, notamment les banques et les musées, sont fermés. Par contre, les magasins restent ouverts certains jours fériés. 

Manifestations culturelles et artistiques 
Anthestirira 
fête des Fleurs à Pafos, Lemesos, Larnaka (1re quinzaine du mois de mai).
Festival culturel de Larnaka 
concerts, danses et chansons populaires, exposition, au château de Larnaka (en juillet).
Festival de Lefkosia 
représentations théâtrales, concerts, musique populaire et classique, exposition d’art populaire (en septembre).
Festival de Théâtre antique grec 
les représentations sont données en soirée pendant l’été, dans l’odéon antique à Pafos, au théâtre antique de Kourion à Lemesos et au château de Larnaka.
Festival international de Lemesos 
dans le grand parc de la ville, avec la participation de troupes chypriotes et étrangères qui présentent des danses classiques et populaires, ainsi que des concerts de musique et de chant (première quinzaine de juillet).
Festival d’Aphrodite à Pafos 
un festival réputé d’opéra avec pour décor le fort médiéval.

Fêtes populaires 
Le carnaval 
C’est une période de réjouissances dans tout le pays. Le carnaval est célébré de manière particulière dans la ville de Lemesos, où bals et défilés de chars sont organisés par la municipalité. (En février ou début mars, 50 jours avant la fête de Pâques orthodoxe.)

Fêtes religieuses (paniyiria) 
Epiphanie 
(6 janvier) : dans toutes les villes côtières ont lieu des cérémonies religieuses au cours desquelles on bénit les eaux en immergeant un crucifix dans la mer.
Lundi maigre 
(1er jour de carême) : journée d’excursions et de pique-niques à la campagne. Enfants et adultes s’amusent à lancer des cerfs-volants et se régalent de spécialités « maigres ».
Fête de Saint-Lazare 
Procession de l’icône de saint Lazare. A Larnaka, cette fête est célébrée neuf jours avant les Pâques orthodoxes.
Vendredi saint orthodoxe 
Dans les villes et villages, les fidèles suivent la procession nocturne de l’Epitaphe, cérémonie particulièrement émouvante et pittoresque.
Pâques orthodoxes 
Fête célébrée avec faste dans toute l’île.
Kataklysmos 
(déluge) : manifestation qui évoque la Pentecôte. Elle a lieu 50 jours après le dimanche de Pâques orthodoxe et est célébrée de manière particulière à Larnaka et dans toutes les villes côtières.

Art et culture

The Beauty of the "Tombs of the Kings", Pafos (Cyprus)

The Beauty of the « Tombs of the Kings », Pafos (Cyprus) By: Maria Rosaria SanninoCC BY-NC-SA 2.0

Architecture 
Envahie et pillée au cours des siècles, détruite par de nombreux tremblements de terre, Chypre n’a pas une architecture exemplaire. Cependant, l’art byzantin a envahi les églises, les chapelles et même les demeures dont les plus anciennes, en ville comme à la campagne, sont restaurées grâce à une politique intelligente de sauvegarde lancée par les pouvoirs publics. Le vieux quartier de Lefkosia, comme les villages autour de Pafos, sont à ce propos des exemples marquants.
Parmi les principaux intérêts architecturaux de Chypre, il y a ses chapelles aux réminiscences gothiques et que l’on découvre au hasard d’une promenade. Témoins de l’époque des Lusignan, ces vieilles pierres ou ces fresques, comme à Pyrga ou à Lefkosia dans le quartier longeant la ligne de « séparation » de la ville, illustrent une histoire qu’aucune autre île de la Méditerranée n’a connue.

Musique 
Le Chypriote chante à tous les instants de la vie. Des chansons venues d’Athènes, mais aussi des mélodies inspirées des légendes locales. Le folklore musical n’est pas très riche, mais le caractère joyeux et enjoué des Chypriotes transforme toutes les fêtes, notamment les mariages, en des moments particulièrement heureux, où les chansons rythment toutes les heures de la journée. A Chypre, la vie nocturne n’est pas un vain mot. On peut aller danser dans les nombreuses tavernes traditionnelles ou dans des discothèques qui n’ont rien à envier à celles d’Europe. La plupart des hôtels ont leur propre orchestre.

Peinture 
Pendant près de mille ans, Chypre a fait partie de l’Empire byzantin. L’art de cette époque s’inscrivait dans la continuité de l’héritage grec, prépondérant dans cette région de la Méditerranée orientale. Héritage qui se traduit par la profusion d’icônes, qu’on trouve partout, dans les églises, les chapelles, les restaurants et chez les particuliers. L’icône n’est pas une image pieuse, comme on peut en rencontrer dans l’Eglise catholique. C’est une prière.
Elle reflète le royaume de Dieu. Elle a donc un caractère sacré. L’icône traditionnelle est faite d’un morceau de bois taillé aux dimensions de l’image. Les représentations sont peintes sur des toiles avec des couleurs à la détrempe, c’est-à-dire délayées dans de l’eau additionnée de jaune d’œuf. Jamais à l’huile. L’art de l’icône est bien vivant. Les œuvres modernes du monastère de Kykko, dans le Troodos, sont là pour le prouver.

Rimbaud dans le Troodos 
Son œuvre poétique achevée, Rimbaud a 24 ans quand il débarque à Chypre. Il y vivra comme un vagabond, dormira à moitié nu sur les plages, dévoré par les moustiques et les puces, exerçant pendant quelques mois la fonction de contremaître. Bohémien devenu maçon, il participe dans les années 1880-1881 à la construction, à Troodos, de la résidence d’été du gouverneur britannique, à présent celle du président de la république de Chypre. Aujourd’hui, on peut lire sur une plaque posée sur un des murs de la résidence : « Arthur Rimbaud poète et génie français, au mépris de sa renommée, contribua de ses propres mains à la construction de cette maison – MDCCCLXXXI. » Après une violente querelle avec ses employeurs anglais, Rimbaud quitte Chypre le 20 juillet 1881 « avec 400 francs en poche ». Il vogue vers Alexandrie et Aden. On ne le reverra plus dans l’île.

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