Pauvreté, inégalités sociales, sous-emploi sont encore le lot commun des Péruviens et des Boliviens. Malmenés durant ce siècle par un incessant chaos politique, ils doivent aujourd’hui s’adapter aux programmes d’austérité dictés par le Fonds monétaire international. Leurs deux pays, attachés à leurs traditions, n’en restent pas moins d’une vitalité culturelle exceptionnelle.

Economie 

Les secteurs traditionnels sont l’agriculture et l’exploitation minière ainsi que la pêche pour le Pérou. L’industrie ne s’est développée que depuis les années 1960. Les secteurs du tertiaire sont en pleine expansion. Au Pérou, plus de la moitié de la population vit de petits emplois informels.
La Bolivie est considérée comme un des pays les plus pauvres d’Amérique du Sud. Une réduction de 30 % de la dette extérieure a permis, dernièrement, de dégager plusieurs millions de dollars destinés à lutter contre la pauvreté. Mais cela a accentué la dépendance de la Bolivie à l’égard de la Banque mondiale. Pour son avenir, la Bolivie, dont l’exportation de gaz assure au pays d’importantes recettes, table sur l’exploitation de vastes gisements de pétrole, de gaz et de manganèse, découverts récemment sur son territoire.

yllu Cultural Tinkus Wayras © cliff1066™

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Agriculture 
Les principales cultures sont le riz, le maïs et la pomme de terre, aliments de base de tout Péruvien. On cultive la plupart des farineux, légumes, céréales et fruits tropicaux sur les plateaux andins et la côte. Le Bassin amazonien est consacré à la culture des feuilles de coca. L’agriculture souffre aujourd’hui de mauvaises conditions météorologiques, de l’absence de nouvelles technologies et de l’appauvrissement des sols.
En Bolivie, l’agriculture (canne à sucre, banane, café, agrumes, maïs, blé, pomme de terre) emploie près de la moitié de la population mais s’avère peu rentable. Elle permet à peine de satisfaire l’essentiel des besoins fondamentaux.

Pêche 
Dans les années 1960, le Pérou était le pays au monde où la pêche était le plus florissante. L’industrie de l’anchois, notamment, était en plein boom économique. Mais une surexploitation et des ravages météorologiques ont amoindri les ressources. Aujourd’hui, le tonnage de la pêche est contrôlé. Farines de poissons, en particulier d’anchois et de pilchard, poissons surgelés et crevettes continuent à bien s’exporter.

L’eldorado minier 
Le Pérou et la Bolivie, depuis l’époque coloniale, exploitent intensément leurs ressources minières. Leurs sols riches en zinc, plomb, argent, or et étain ont fait figure de véritable eldorado. Les mines d’argent de Potosí, pour l’exploitation desquelles les Espagnols, pendant la colonisation, tuèrent à la tâche des milliers d’esclaves indiens et africains, permirent d’enrichir toute l’Europe. Aujourd’hui, avec le déclin des marchés du minerai et les conflits entre les syndicats de mineurs et l’Etat, l’industrie minière n’est en rien comparable à celle des siècles passés. Elle n’en constitue pas moins une part importante des exportations.

Tourisme 
Pérou et Bolivie tendent à favoriser l’économie liée au tourisme. Politiquement moins instables et moins dépendants du trafic de drogue qu’autrefois, ces deux pays attirent de plus en plus de touristes.

Coca et drogue 
Le Pérou et la Bolivie font partie des plus grands producteurs mondiaux de feuilles de coca. L’exploitation de ces plantations et la transformation de la coca en cocaïne a représenté une manne des plus lucrative pour ces pays. Au début des années 1990, les Etats-Unis ont obligé le Pérou et la Bolivie à éradiquer cette production, en les menaçant de leur supprimer l’aide internationale. Peu à peu, le nombre d’hectares de plantations de coca a diminué, non sans provoquer la colère d’une partie de la population. Des manifestations à répétition, opposant armée et producteurs de coca, ont fait de nombreuses victimes. Les Péruviens et les Boliviens considèrent que la volonté de réduire la culture du coca n’est accompagnée d’aucune politique de substitution et encore moins d’aides à la commercialisation de nouveaux produits agricoles. Bien que des aides internationales aient été versées, elles ont pour la plupart été détournées par des hauts fonctionnaires.

Population 

Il est frappant de constater combien la population péruvienne est partagée en trois catégories : les Indiens (qui représentent 45 % des habitants), les métis (37 %) et les Blancs (15 %). Très schématiquement, cette répartition est surtout le reflet de différentes classes sociales. Les Indiens, de langue maternelle quechua ou aymara, essentiellement d’origine paysanne, vivent en bas de l’échelle sociale. Fidèles à leurs langues, perpétuant leurs rites antiques, ils sont les gardiens de la culture andine. Habitant la cordillère des Andes, ils ont immigré ces dernières années vers la côte pour échapper au terrorisme du Sentier lumineux ou pour fuir la misère. Aujourd’hui, près de la moitié de la population péruvienne vit sur le littoral, dont 8 millions à Lima. En 1940, plus de 60 % des habitants vivaient à la campagne. Désormais, la population est urbaine à plus de 70 %. Les métis, d’origine hispano-indienne, constituent, eux, la classe moyenne de la population. Les Blancs, descendants des Espagnols, forment la classe aisée de la population et détiennent le pouvoir politique et économique. Leur enrichissement a été basé sur l’exploitation des Indiens. Avec le Guatemala, la Bolivie est le pays qui compte la plus grande majorité d’Indiens (près de 60 % de la population nationale). Ce fait s’explique par une colonisation moindre et une forte résistance des Boliviens aux conquistadors espagnols. Près de 70 % des Boliviens vivent sur l’Altiplano.

Institutions politiques et administratives 

La Bolivie est une démocratie constitutionnelle. Le pouvoir législatif est représenté par le Congrès, avec 27 sénateurs, et la Chambre des députés, avec 130 représentants. Le pouvoir exécutif est entre les mains du président de la République, élu pour un mandat de quatre ans. Mais au-delà des textes constitutionnels, la Bolivie a souvent été dirigée par des juntes militaires. Dans les années 1970 et 1980, le pays était notamment aux mains des narcotrafiquants. Il détient le triste record mondial des coups d’Etat. Depuis les années 1990, cependant, la situation politique s’est stabilisée. Sur le plan administratif, le pays est divisé en 9 départements, 112 provinces, 294 secteurs et 1 408 cantons.

Espagnol et quechua 
La majorité des Boliviens et des Péruviens parlent l’espagnol. La seconde langue est le quechua, utilisé par les Indiens des régions andines. C’était la langue officielle de l’Empire inca. Selon les régions, il reste de nombreux dialectes indiens, dont l’aymara, autour du lac Titicaca. Actuellement, le quechua est la langue amérindienne la plus parlée. Le vocabulaire concernant la nature, et en particulier les plantes médicinales, est très riche. Son enseignement n’étant pas obligatoire et ses moyens de diffusion étant limités, le quechua, comme beaucoup de langues minoritaires, est menacé de disparition, à plus ou moins long terme.

Vie sociale 

En raison de la pauvreté, Péruviens et Boliviens vivent pour la plupart de façon précaire. Les logements sont souvent insalubres, l’alimentation et les services médicaux sont insuffisants. Si, dans les campagnes, des systèmes communautaires d’entraide ont été mis en place, dans les villes, les plus pauvres habitent d’immenses « pueblos jovenes », des bidonvilles qui, comme à Lima, s’étendent sur des kilomètres. Le Pérou connaît une forte croissance économique depuis quelques années, avec une hausse du pouvoir d’achat et une baisse du chômage en partie due à des investisseurs étrangers. L’enseignement primaire est obligatoire de 6 à 12 ans, mais seuls 40 % des adolescents suivent un enseignement secondaire. La Bolivie, elle, compte le taux d’alphabétisation le plus bas d’Amérique latine.

Machisme 
Comme dans beaucoup de pays d’Amérique latine, les femmes subissent une discrimination tant sociale qu’économique et politique. Le machisme et l’influence du catholicisme les enferment dans le rôle de la mère de famille prête à tous les sacrifices.

La « parranda » 
Bons vivants, Péruviens et Boliviens sont toujours prêts à faire la parranda, la fête, en buvant copieusement de la « chicha », un alcool de maïs, de la bière locale ou du rhum. Ils se passionnent pour la politique, le football et la corrida. Les nombreux carnavals et fêtes sont l’occasion d’un défoulement collectif. Mais à cette joie de vivre se mêlent une certaine résignation et un fatalisme nonchalant.

Religion 

Évangélisés par les colonisateurs espagnols, Péruviens et Boliviens sont catholiques à plus de 90 %. Mais ils ne sont guère pratiquants et fréquentent peu les – pourtant superbes – églises construites pendant la période coloniale. En revanche, les grandes fêtes du calendrier chrétien (fête de la Vierge, semaine sainte…) donnent lieu à d’impressionnantes manifestations de religiosité populaire. Catholiques, certes ! Mais les Indiens gardent toujours leurs croyances et leurs rites ancestraux. La religion andine, promue par l’Empire inca et combattue par les Espagnols, honore les manifestations visibles d’un dieu suprême, comme le Soleil (Inti), la Terre (Pachamama), la Lune (Quilla), l’eau, les rivières, les montagnes. Dans la région des hauts plateaux andins, de nombreux rites (offrandes, petits sacrifices, danses) sont toujours pratiqués pour célébrer la fécondité de la terre et la vitalité de la nature. C’est le cas de la fête de l’Inti Raymi à Cuzco ou « fête du Soleil ». Ces croyances sont notamment teintées de superstitions. Les mineurs du Cerro Rico de Potosí offrent au Tío (le diable) des feuilles de coca et des cigarettes, car du Tío dépendent leurs vies au fond des galeries. Au bord du lac Titicaca, on enterre la tête et les pattes d’un lama pour demander à la terre de bonnes récoltes. Sous chaque nouvelle construction, un fœtus de lama est enterré pour apporter la prospérité à ses habitants. Des talismans favorisent la chance : la tortue veille sur la santé, la chouette incarne la sagesse, le condor permet d’effectuer un voyage sans encombre. Les Indiens, au fil du temps, ont su établir un véritable syncrétisme entre le catholicisme et leurs croyances ancestrales. La Pachamama, la terre mère, devient tout naturellement l’incarnation de la Vierge Marie. Dans certaines églises, l’iconographie chrétienne se mêle à l’imagerie indienne : fleurs et fruits tropicaux couronnent des Vierges entourées de lunes, d’étoiles et de soleils. Ces rites sont particulièrement vivaces en Bolivie.

Fêtes et coutumes 

Au Pérou, près de 3 000 fêtes sont célébrées chaque année. La plupart sont religieuses, mais se marient aux croyances ancestrales d’une région particulière. Le sacré et le profane se mêlent joyeusement dans ces fêtes où s’enchaînent messes, processions, défilés, danses, pèlerinages, repas et foires artisanales. Les costumes pailletés et bariolés et les masques rappelant des événements historiques nationaux ou bien les mythes et les divinités en mettent plein la vue… Les carnavals, particulièrement bien fêtés, transforment les villes en champs de tirs de bombes à eau.

Coca : la plante sacrée 
Si, pour les Occidentaux, feuilles de coca riment avec cocaïne ou une célèbre boisson américaine, il en est tout autrement pour les Indiens. Cultivées depuis des siècles, les feuilles de coca étaient utilisées, bien avant l’Empire inca, pour se nourrir et célébrer les divinités. Elles pouvaient servir en cas de disette et constituaient même une monnaie d’échange. Les Indiens en consomment, encore aujourd’hui, régulièrement. Ils ensalivent plusieurs feuilles pour former une boule dont ils aspirent le suc. Ces feuilles ont pour vertu de calmer la faim, la fatigue et le mal d’altitude ou servent en infusion. Les Indiens lui donnent une dimension sacrée et religieuse : elle est la médiatrice entre le monde du dedans (les dieux) et le monde du dehors (les hommes).

24 janvier : foire des Alasitas à La Paz, en l’honneur du dieu de l’abondance Ekeko.
Février : gigantesque carnaval d’Oruro.
Mai : fête du Gran Poder à La Paz.
21 juin : fête du Solstice dans les ruines de Tiahuanaco.
15 août : fête de l’Urkupina à Cochabamba.
Août : fête des Chutillos à Potosí.

Art et culture 
Reflet de pays multiculturels et multiethniques, l’art est d’une qualité et d’une diversité exceptionnelles. Il intègre les richesses des civilisations pré-inca et inca, de la culture espagnole, tout en s’ouvrant aux influences internationales. Modernité et tradition se complètent sans se détrôner : le folklore des danses, des musiques et de l’artisanat traditionnels indigènes côtoient l’art abstrait, les cybercafés et la « techno-cumbia ».

Architecture 
En plus de ses fascinantes constructions incas, le Pérou est un des pays d’Amérique du Sud qui a gardé le plus de traces de la conquête coloniale. Églises, palais, monastères témoignent d’une architecture originale, mêlant l’art roman et gothique à des éléments hérités de la culture indienne. L’art baroque espagnol, le churrigueresque, caractérisé par un foisonnement de motifs décoratifs et une abondance de dorures, habille de véritables petits bijoux architecturaux. On peut les contempler à Arequipa, à Cuzco et dans la capitale bolivienne, Sucre.

Peinture 
Les nombreux musées d’art témoignent d’une abondante production de peintures à thèmes religieux d’influence espagnole. Au XVIIe et XVIIIe siècles, l’école de Cuzco fournit tout le pays en tableaux. Échappant aux canons esthétiques espagnols, elle a produit des œuvres aux paysages ensoleillés et sensuels, peuplés de personnages roses et joufflus, plus proches de la vision indigène du monde. Aujourd’hui, Cuzco et le quartier de Barranco à Lima sont devenus les fiefs des peintres contemporains.

Danses et musiques 
Péruviens et Boliviens sont férus de ces deux modes d’expression. Les musiques andines allient les sons de la quena (flûte en bambou), des zampoñas (flûtes de Pan), des ocarinas, des grelots, et de divers instruments à cordes et percussions. Pour accompagner les différents morceaux, il existe des centaines de danses traditionnelles. Les musiques du littoral allient les influences espagnole et africaine pour donner la música criolla. Les danses les plus populaires sont la gracieuse marinera ou la brûlante alcatraz. Dans les boîtes de nuit, les jeunes se déhanchent sur du rock espagnol, de la salsa, du merengue et sur les très populaires cumbia et chicha, importées de Colombie. Pour la petite histoire, c’est un groupe bolivien de Cochabamba qui est à l’origine de la fameuse lambada, plagiée par les Brésiliens du groupe Kaoma.

Artisanat 
Le Pérou et la Bolivie possèdent un artisanat des plus vivace et coloré. Tissage du coton et laines des différents camélidés des Andes donnent de superbes ponchos, pulls, gants et couvertures. On trouve d’adorables retablos, des triptyques miniatures en bois à volets peints représentant les divinités indiennes. Les marchés artisanaux regorgent de petites églises miniatures en argile, de calebasses pyrogravées et peintes, de miroirs aux cadres en bois dorés à motifs floraux, de masques de carnaval, de cierges de couleur à motifs géométriques, et d’une multitude de céramiques.

Littérature 
Nataniel Aguirre, au XIXe siècle, a lancé le style de la fiction contemporaine en Amérique latine. Ricardo Jaimes Freyre (1868-1933) a été l’un des premiers écrivains boliviens à accéder à la reconnaissance internationale. Proche de la réalité bolivienne, on trouve le grand essayiste Gabriel René-Moreno (1836-1908). Les poètes Franz Tamayo (1879-1956) et Gregorio Reynolds (1882-1947) sont particulièrement appréciés. Les problèmes sociaux et indiens ont guidé l’œuvre de Jaime Mendoza (1874-1939) et celle d’Alcides Árgüedas (1879-1946). Ces dernières années, le chaos politique, les guerres de Chaco et la guérilla révolutionnaire ont inspiré de nombreux écrivains.

Censure et marketing 
Les artistes contemporains ont du mal à vivre de leur art. Le gouvernement ne débloque aucun nuevo sol pour les aider. Le cinéma reste balbutiant et l’art, en général, est réservé à une élite. Durant les années de dictature, puis de terrorisme, beaucoup d’artistes ont souffert de la censure. Aujourd’hui, ils ont retrouvé la liberté d’expression mais sont désormais dépendants des lois du marketing et de la rentabilité. L’art indigène, quant à lui, longtemps dévalorisé, commence juste à être reconnu.

 

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