Voyage en train en Inde du Sud, par Léa.

23h en gare de Kochi j’attends mon train de nuit qui m’amènera à la prochaine étape de mon périple. Je traîne dans la gare, je lis, j’écris mon journal de bord, je m’offre un bon thé. Le train arrive, je vais enfin pouvoir me reposer. Il faut dire que mes journées sont bien remplies, je ne me ménage pas assez je le sais mais c’est un pays tellement fascinant que je ne veux pas en perdre une miette.

Je cherche mon wagon, je monte et pars à la recherche de ma couchette. Les lumières sont éteintes, c’est à peine si on voit où l’on marche et j’ai peur de réveiller les autres voyageurs qui dorment à poings fermés. Pour une fois je suis côté couloir en haut. Je laisse mon sac sous le siège d’en bas, je l’attache puis grimpe dans ma couchette. Le contrôleur vérifie mon titre de transport, le train redémarre.

C’est parti pour une bonne nuit de sommeil je l’espère. Je place mon autre sac à dos sous ma tête, ma couverture sur moi et bonjour le marchand de sable. Quelques minutes après en me mettant sur le côté, j’entends quelque chose tomber de ma couchette. Il me semble que c’est mon téléphone indien mais je n’en suis pas sûre, je suis tellement épuisée, mes yeux refusent de se décoller et le sommeil m’envahit.

Gare de Kochi - Inde

J’ouvre un œil, « Tiens il fait jour», les couchettes pour la plupart sont repliées et certaines personnes sont déjà descendues du train. Il doit être aux alentours de 6h quand je décide de me lever.

Réflexe du matin : regarder l’heure sur mon téléphone pour calculer le temps restant avant mon arrivée pour la prochaine étape. Bizarre il n’est pas dans mon sac à dos, ni dans ma poche, ni sur ma couchette. Et là c’est le déclic : c’était bien mon téléphone qui est tombé hier soir. Quelle idiote ! Je commence à m’agiter, non pas que ce téléphone avait une quelconque valeur mais je l’ai acheté à mon arrivée en Inde et c’est sur celui-ci que mes proches me contactent et c’est surtout un téléphone d’urgence au cas où.

Un vieil homme à barbe sirotant son thé matinal me regarde gigoter dans tous les sens : de ma couchette à mon sac de voyage, vidant chaque poche, chaque plastique, regardant sous la couchette du bas, cherchant désespérant un signe de vie de mon téléphone.

Interloqué de voir quelqu’un s’agiter autant dès son réveil, il me demande par le langage corporel ce qui se passe. Avec ce même mode d’expression je tente de lui expliquer ce qui m’arrive. Il s’adresse dans sa propre langue à des personnes des couchettes voisines. Je me retrouve tout à coup entourée d’une vieille femme, certainement la sienne et de deux autres hommes qui doivent être ses fils. Même scène : ils me demandent avec le langage corporel ce qui se passe et je leur explique. Aucun d’eux ne parle anglais.

Finalement cette perte ne m’embête plus, j’assiste à une scène on-ne-peut-plus inhabituelle pour moi. La vieille dame se met à chercher avec moi dans mon sac, les deux fils partent chacun de leur côté à hurler dans leur langue maternelle quelque chose qui devait raconter la situation ridicule dans laquelle je me trouve aux autres passagers du train mais qu’importe cette solidarité me touche énormément.

Divya Mohini (et non Léa :-))

Divya Mohini (et non Léa :-)) par: Prasanth ChandranCC BY-NC-SA 2.0

Les femmes et enfants de ces fils se mettent à regarder sous chaque couchette, dans chaque endroit, d’autres font les curieux, je suis l’attraction du wagon mais après un mois et demi dans ce pays, je ne suis plus surprise. Je suis même ravie de l’être, ils auront une histoire à raconter en sortant du train. Il a dû se passer une heure entre le moment où je me suis réveillée et celui où je contemple toute cette famille indienne lorsque l’un des petits enfants m’apporte une petite chose noire et rouge. Oui c’est bien mon téléphone ! C’est en vidant la chaussure de la femme de la couchette du bas qu’il l’a trouvé. J’ai du mal à y croire, ce n’est qu’un portable sans aucune valeur mais j’ai les yeux qui s’humidifient.

Ce qui vient de se passer, toute cette agitation, toute cette scène et ces gens qui se plient pour t’aider et sans oublier la fatigue accumulée, je me mets à pleurer. Je pleure de joie, d’épuisement, de surprise. Les femmes se mettent à me consoler, les enfants sont autour de moi à questionner leurs parents. Quand je finis par me calmer, l’une des femmes m’apporte un biscuit et du thé.

Le reste de l’histoire va certainement faire cliché mais la fin du trajet s’est finie avec le partage d’un repas tous ensemble, les femmes m’ont coiffé et maquillé avec de la poudre blanche et du crayon noir autour des yeux et sur les sourcils. Nous avons pris des photos. La barrière de la langue n’a pas existé pendant ce trajet, les sourires, rires, le langage corporel parle de lui-même. Morale de cette histoire, je me suis accordée un long repos en arrivant et je me ménage maintenant !