Des produits de la mer nouveaux et durables
« Durable » se définit comme abondant, bien géré, de manière responsable.
par Suzanne Morphet
En route pour Steveston Village, j’avais l’eau à la bouche avant même d’arriver dans ce village de pêche historique situé près de Vancouver, en Colombie-Britannique, où j’étais invitée à découvrir certains restaurants de fruits de mer.
Mais quand j’ai jeté un coup d’œil au menu créé tout spécialement pour cette occasion au Tapenade Bistro, j’ai eu l’appétit coupé. En hors-d’œuvre, il y avait les dernières sardines de la saison, suivies par un plat principal de pré et marée qui mettait en vedette de la morue-lingue.
Des sardines et de la morue-lingue ? Vous plaisantez, ai-je pensé, me souvenant que les sardines servent surtout à faire de la mouture pour les porcs, le bétail et le saumon d’élevage, alors que la morue-lingue pourrait facilement remporter le prix du poisson le plus répugnant de l’océan.
Mais comme j’étais invitée, je n’ai pas soufflé mot, gardant la bouche bien fermée – jusqu’à ce que je sois obligée de l’ouvrir, avec réticence, pour goûter à chacune de ces deux spécialités.

Steveston, Colombie-Britannique, Canada – © Lawrence / flickr
Ô délicieuse surprise! Le chef Alex Tung avait fait revenir les sardines à la poêle, si bien que leur peau était croustillante, tandis que leur chair était tendre et moelleuse. Je m’attendais à leur trouver un goût poissonneux, mais pas du tout. La chair blanche, à la saveur douce, de la morue-lingue était tout aussi délicieuse.
En face de moi à la table, Frank Keitsch affichait un grand sourire. Frank est pêcheur et la morue-lingue que je dégustais venait peut-être bien de ses filets. Au cours de l’heure qui a suivi, il m’a fait découvrir comment les modes de pêche des fruits de mer – et les tendances culinaires – ont changé pour le mieux au Canada.
« Il ne s’agit plus de remplir son bateau chaque jour », a-t-il expliqué. « Ce sont des méthodes du passé. Ce qui compte, c’est ce qu’on fait avec le poisson. »
« On ne le laisse pas sur le pont pendant six heures », a-t-il dit. « On le saigne et on le met sur glace immédiatement. J’ai toujours quatre tonnes de glace dans mon bateau. »
Un autre grand changement est la durée des sorties en mer pour les pêcheurs. « Avant, on partait pêcher pour 10 jours à la fois », m’a dit Frank Keitsch. « Il pouvait s’écouler jusqu’à 14 jours avant que le poisson n’arrive dans les restaurants. Actuellement, on part pour trois jours au plus. »
Le résultat, c’est une pêche écologiquement plus durable, où les pêcheurs attrapent moins de poissons. Les poissons pêchés sont de la plus haute qualité, alors, quand vous commandez du poisson frais, il a le goût de poisson frais – même si vous n’habitez pas sur la côte Ouest du Canada.

Tapenade Bistro – Steveston, Canada
« J’ai expédié des saumons à Ottawa trois heures seulement après les avoir pêchés [l’automne dernier, à la montaison du saumon rouge] et ils arrivaient le soir même », a dit fièrement Frank Keitsch. « Les chefs cuisiniers n’avaient jamais rien vu de pareil. »
Et quoi dire de la morue-lingue sur mon assiette, ai-je demandé. « Elles ne sont vraiment pas belles à voir », a-t-il admis en riant. « Longtemps, les gens n’ont pas voulu en manger. »
Mais même ceci change, comme Frank Keitsch me l’a expliqué, grâce à des chefs novateurs et curieux qui osent essayer de nouveaux produits de la mer, s’ils sont durables – durable signifiant abondant, bien géré, attrapé sans qu’on prenne d’autres espèces par accident et sans qu’on nuise à l’environnement océanique.
Frank Keitsch et ses trois associés d’Organic Ocean ne pêchent pas que du saumon et de la morue-lingue, mais aussi des crevettes tachetées, du flétan, des huîtres, des pétoncles, des moules et du thon blanc qu’ils vendent directement à des chefs cuisiniers de près de 150 restaurants au Canada. Ils expédient par avion leurs prises fraîches jusqu’à Montréal, où les chefs Derek Dammann et Alex Cruz se sont donné pour mission de servir des aliments durables à DNA.
Parmi les autres chefs qui se sont taillé une réputation en utilisant des produits écologiques et qui achètent leur poisson directement à Organic Ocean, retenons Matt Carmichael, au Restaurant 18, et John Taylor, au Domus Café, tous deux à Ottawa, ainsi qu’Anthony Walsh, à Canoe à Toronto. Plus près, sur la côte Ouest, Organic Ocean vend aux chefs Robert Clark, au C Restaurant, et Quang Dang, à Diva at the Met, deux restaurants de Vancouver.
Le mouvement pour la pêche et la restauration durables est appuyé par Ocean Wise, un programme de conservation de l’Aquarium de Vancouver qui vise à sensibiliser les consommateurs et à promouvoir la pêche et l’alimentation écologiques. Les restaurants qui sont membres peuvent placer le symbole Ocean Wise sur leur menu, à côté des produits de la mer qui sont pêchés écologiquement.

Aquarium de Vancouver – Canada – © Tjflex2 / flickr
Ocean Wise a vu le jour en 2005, avec un seul membre fondateur : C Restaurant, à Vancouver. Actuellement, vous trouverez des produits de la mer Ocean Wise dans environ 2 700 lieux au Canada, dont des chaînes de restauration comme Cactus Club Cafe, Earl’s et Panago Pizza.
L’un des premiers restaurants à se joindre à Ocean Wise a été le Blue Water Cafe + Raw Bar à Vancouver, dans Yaletown. En fait, son chef Frank Pabst est si désireux de servir des produits de la mer durables, moins connus, que chaque année le Blue Water Cafe tient son Unsung Heroes Festival durant tout un mois. Le restaurant verse 10 % des recettes à Ocean Wise.
En 2011, ce festival s’est tenu en février. « C’est une période idéale pour tenter de nouvelles expériences et explorer de nouveaux potentiels », explique Frank Pabst, en précisant que le saumon et le flétan sont alors hors saison.
Si vous vous demandez jusqu’à quel point Frank Pabst ose pousser l’audace, sachez que l’an dernier il a inclus au menu des oursins rouges géants, des concombres de mer et des méduses – que vous auriez bien du mal à trouver au menu dans un autre établissement. Et puis des sardines! Frank Pabst les avait farcies avec des bettes à cardes, des artichauts et des pignons.
Rien que d’en parler, j’en ai l’eau à la bouche – et je me promets de retourner au Blue Water Cafe en février. En route, je m’arrêterai peut-être à Tapenade, dans Steveston Village, pour découvrir les nouveaux délices préparés par le chef Alex Tung. Avec des cuisiniers comme ceux-ci, vous pouvez être certain de vous régaler de mets savoureux – préparés avec des produits écologiques.
Avec la permission de la Commission canadienne du tourisme