Le peuple des mégalithes 

Le peuple qui a parsemé tout le Siné-Saloum et le centre du Sénégal de cercles de pierres levées, aux VIIe ou VIIIe siècles de notre ère, reste mystérieux. Ces monuments mégalithiques entouraient pour la plupart des tumulus, tombes anciennes où gisent des squelettes, des armes, des bijoux et des poteries.

L’empire du Ghana 

Le Ghana constitua l’un des grands empires d’Afrique noire. Il englobait tout le Moyen Sénégal et une grande partie du Mali. Appelé « le pays de l’or » par les Arabes, au VIIIe siècle, le Ghana aurait été fondé bien avant le IVe siècle. Le précieux métal qui donna sa prospérité à l’empire était extrait des mines du Sénégal oriental (Galam et Bambouk), d’Aoudaghost et de la capitale Koumbi-Saleh, toutes deux situées en Mauritanie. L’empereur du Ghana et ses sujets étaient probablement des Soninkés, peuple noir ancêtre des Sarakolés actuels et vivant au nord du Sénégal, le long de la vallée du fleuve. 

L’apogée du Ghana se situe entre 950 et 1050. L’historien arabe El Bekri le décrit comme un Etat prospère, riche de son or et de son commerce caravanier. Aoudaghost était alors une oasis et un marché extrêmement actif en relation avec les marchands de l’Orient et de l’Espagne. En 1054, elle est pillée par les Almoravides (secte musulmane berbère de moines guerriers venus du Maroc). En 1077, elle tombe sous les coups de l’Almoravide Abou Bakr, dont la mort, en 1087, marque la fin de la domination berbère… et celle de l’empire du Ghana.

Le Sosso, le Mali et le Kaabu 

Par la suite, l’actuel Sénégal fait partie du royaume Sosso et de l’empire du Mali. En 1203, le roi sosso Soumangourou Kanté s’empare du Ghana dont il chasse les musulmans soninkés qui s’en vont fonder la ville de Oualata, à 200 km au nord-est. L’apogée du nouveau royaume se situe au début du XIIIe siècle et, comme le Ghana, il fonde sa prospérité sur l’or du Haut Sénégal. En 1235, Soundiata Keita, prince manding dont le père régnait sur un territoire situé au sud de Bamako (Mali) défait le roi sosso Soumangourou Kanté. Par une série de conquêtes, il édifie l’immense empire du Mali qui englobe tout le Sénégal. Sous le règne de Kankan Moussa au XIVe siècle, l’empire manding atteint son apogée. Il s’étend alors de Gao, sur le Niger, à l’océan Atlantique. Il exploite trois mines d’or et ses richesses sont telles qu’au cours d’un pèlerinage à la Mecque, Kanka Moussa provoque par ses largesses l’effondrement des cours pendant plusieurs années au Caire. 

L’empire tombe sous les coups des Songhay de Gao à partir du XVe siècle. De 1493 à 1529, le souverain Songhay Askia Mohamed soumet toutes les anciennes dépendances de l’empire Manding au Sahel et s’avance jusqu’au Tékrour, au nord du Sénégal. Autre royaume qui intéresse l’histoire du Sénégal : le Kaabu, ou Gabu. Vassal du Mali, le Kaabu (province de l’actuelle Guinée-Bissau) prend son indépendance au XVIe siècle et entreprend alors une guerre de conquête qui lui permet d’étendre ses frontières jusqu’au fleuve Gambie et au Sénégal oriental. En 1867, il est vaincu par les Almamys (chefs religieux peuls) du Fouta-Djalon.

Le Tékrour-Fouta Toro 

Métissés de Noirs et de Peuls, les Toucouleurs doivent leur nom à la déformation de celui de leur capitale Takoror, ou Tékrour. Alliés aux Almoravides qui les ont convertis à l’islam, ils participent à la chute de l’empire du Ghana au XIe siècle et sont les premiers à propager la foi musulmane au Sénégal, depuis la région du fleuve où ils sont installés. Leurs marabouts lancent à de nombreuses reprises la « djihad » (guerre sainte) en Afrique de l’ouest, et notamment El Hadj Omar, au XIXe siècle, qui se bat d’abord contre Faidherbe puis guerroie au Mali contre les Bambaras et les Peuls du Macina.

Les royaumes du Siné-Saloum 

Venus du fleuve, les Sérères ont créé plusieurs petits royaumes dans la région du Siné-Saloum. Au XIVe siècle, ils s’allient avec des Mandings venus du Kaabu (actuelle Guinée-Bissau) et créent ensemble une monarchie dirigée par les Bours, monarques choisis parmi les Guélowars mandings, et par des dignitaires recrutés dans l’aristocratie sérère. Au XIXe siècle, ces royaumes sont attaqués par le marabout toucouleur Maba, venu du Rip tout proche, pour les asservir et les convertir à l’islam. 

Le Djolof, le Cayor et le Walo 

Typiquement sénégalais, l’empire Djolof exerce son hégémonie à partir du XIVe siècle depuis l’embouchure du fleuve Sénégal jusqu’à celle de la Gambie. Il rassemble sous son autorité les peuples wolof et sérère et une partie des Mandings appartenant aux petits royaumes vassaux du Walo, du Baol, du Cayor, du Siné et du Saloum. Fondé par Ndiadiay Ndiay, personnage légendaire d’abord couronné roi du Walo, cet empire possède une structure très hiérarchisée avec une noblesse dominant l’ensemble des hommes libres, simples paysans, gens de caste (les artisans) et esclaves. 

L’arrivée des navigateurs et commerçants européens favorise les Etats vassaux situés près de la mer – comme le Cayor – et contribue à précipiter le déclin du Djolof. Dès le milieu du XVIe siècle, le Cayor fait sécession et entraîne à sa suite les autres petits royaumes du Walo, du Baol, du Siné et du Saloum. Très rapidement la traite négrière supplante toutes les autres activités commerciales entre Africains et Européens et suscite des guerres incessantes entre les royaumes, pour se procurer toujours plus d’esclaves. Ces lourdes saignées de la population noire provoquent au XVIIe et au XVIIIe siècles plusieurs vagues de révoltes menées par les marabouts musulmans, dont certaines aboutissent à la déposition des souverains les plus abusifs. 

Avec l’abolition de la traite des esclaves au début du XIXe siècle, ces petits royaumes perdent une importante source de profits, compensée par l’introduction de la culture de l’arachide. Implanté dans tout le delta du fleuve Sénégal, le Walo est à plusieurs reprises envahi par les Maures warzas qui annexent la rive droite et détruisent la capitale Ndiourbel. Les braks, souverains du Walo, se réfugient au bord du lac de Guiers où ils fondent une nouvelle capitale : Nder. Ils se battent sur le Cayor avant d’être annexés par Faidherbe au XIXe siècle. 

La pénétration européenne 

Dès le XVe siècle, les Portugais reconnaissent les côtes de l’Afrique. Il s’agit d’abord pour ce pays de prendre les Arabes en tenaille en contractant des alliances avec les grands royaumes du sud du Sahara (en particulier avec le mythique prêtre Jean, souverain très puissant et que la légende prétend chrétien). Par la suite, les Portugais cherchent à atteindre un objectif commercial en ouvrant, à la fin du XVe siècle, grâce à Vasco de Gama, la fameuse route maritime des Indes pour aller chercher soie et épices. En 1444, le Sénégal, découvert par Nuno Tristao, et la presqu’île du Cap-Vert, découverte par Dinis Dias qui lui donne son nom, sont les premiers jalons sur cette route des Indes. En 1446, Alvaro Fernandes atteint la Casamance. Travaillant pour le compte du Portugal, le Vénitien Cadamosto explore à son tour toute la côte sénégalaise en 1456, année où Diogo Gomes remonte le fleuve Gambie. 

Les Portugais s’installent d’abord dans l’île de Gorée et établissent des relations suivies avec les ports de Rufisque, Joal et Palmarin, sur la Petite Côte. Ils détiennent le monopole du commerce jusqu’à la fin du XVIe siècle. Sévissant déjà avec les négriers arabes, la traite des esclaves connaît une nouvelle dimension avec les Européens à partir de la fin du XVIe siècle selon un schéma triangulaire. D’Europe, les traitants apportent de la pacotille qui leur sert de monnaie d’échange avec les négriers africains pour acquérir des Noirs. Chargés de « bois d’ébène », leurs navires quittent l’Afrique à destination des plantations américaines et antillaises où ils échangent les esclaves contre du sucre et du rhum. Puis, revenus à leur point de départ en Europe, ils revendent leur nouvelle cargaison contre de l’argent. Une fois le triangle fermé, le négrier européen est prêt pour un nouveau périple. 

En trois siècles de traite, environ cinquante millions de Noirs auraient été déportés, soit le quart de la population totale de l’Afrique du XVIIIe siècle. En 1638, les Français fondent Saint-Louis du Sénégal, et, en 1677, s’emparent de Gorée que les Hollandais avaient pris aux Portugais en 1617. Pendant ce temps les Anglais disputent la Gambie aux Hollandais et, en 1661, réussissent à s’emparer de Fort James, à l’embouchure du fleuve, dont ils feront un grand centre de la traite des esclaves. En 1783, le traité de Versailles rend à la France le Sénégal occupé par les Britanniques. 

Du colonialisme à l’indépendance 

Le XIXe siècle est celui de la colonisation de l’Afrique. Les grandes puissances européennes commencent par se disputer les territoires africains, puis se les partagent lors du congrès de Berlin de 1884-1885. L’esclavage est d’abord aboli par l’Angleterre en 1833, puis par la France, dans ses colonies, en 1848. En 1854, le capitaine Faidherbe, nommé gouverneur de Saint-Louis, s’assure la mainmise de la France sur tout le Sénégal. Il combat d’abord le marabout musulman toucouleur El Hadj Omar avec qui il signe un traité en 1860, suite au siège de Médine. Puis, il se heurte au puissant « damel » (souverain) du Cayor, Lat Dior. Celui-ci refuse de céder ses terres aux Français et s’oppose par la force à la construction du chemin de fer Dakar-Saint-Louis qui consolide l’implantation française au Sénégal. Malgré sa résistance opiniâtre, la ligne de Saint-Louis sera inaugurée en 1885. 

En 1857, les Français bâtissent un fort à Dakar et, dès 1862, le gouverneur Pinet-Laprade dessine le plan de la ville qui doit se substituer à Gorée, trop exiguë. En 1863, débutent les travaux du port. Capitale du Sénégal puis de l’AOF (Afrique occidentale française) en 1895, Saint-Louis est alors définitivement détrônée par Dakar en 1907. Commencés à la même époque, les travaux de la ligne de chemin de fer internationale Dakar-Niger atteignent Bamako en 1923. Au cours des deux guerres mondiales, de très nombreux tirailleurs sénégalais se battent en Europe. Leur enrôlement, souvent effectué de force dans les villages, provoque des troubles, en particulier en Casamance où la reine Alinsitoé, la « Jeanne d’Arc casamançaise », s’oppose aux troupes françaises et se retrouve déportée au Mali. 

La première guerre mondiale marque pourtant un changement capital dans l’histoire politique du Sénégal jusque-là dominée par les Français et les Créoles. En 1914, pour la première fois, un Africain représente le pays à l’Assemblée nationale. Blaise Diagne, marié à une française, estime que le Sénégal, partie intégrante de la France, doit participer à l’effort de guerre. Il incite nombre de ses concitoyens à s’enrôler. En 1916, la métropole reconnaissante donne le statut de citoyen français à tous les habitants de Saint-Louis, Gorée, Dakar et Rufisque. En 1944, la conférence de Brazzaville, au Congo, réunie par le général de Gaulle, marque la volonté de la France de faire évoluer le statut de ses colonies. Il s’agit d’un premier pas – timide – vers l’émancipation. 

En 1946, le congrès de Bamako et la création du SEA (Rassemblement démocratique africain), sous l’égide de l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, sont les signes précurseurs de l’autonomie. Mais les leaders politiques sénégalais ne s’y rendent pas. En 1958, le Sénégal devient une république autonome au sein de la Communauté française. Un an plus tard, il constitue une brève fédération du Mali avec l’ancien Soudan, puis se proclame République indépendante du Sénégal le 20 août 1960. Léopold Sédar Senghor en est le premier président. Quant à la Gambie, elle accède à l’autonomie en 1962 et à l’indépendance en 1965, puis devient une république en 1970, avec Daouda K. Jawara pour président. Depuis le pays connaît d’incessants coups d’Etat. 

45 ans d’indépendance 

En 1980, Abdou Diouf succède à Léopold Sédar Senghor à la présidence du Sénégal et achève le mandat de ce dernier. Il sera réélu en 1983, 1988 et 1993. Le Sénégal entretient alors des rapports tumultueux avec sa voisine la Gambie. En 1981, après un coup d’Etat, le président gambien Jawara appelle l’armée sénégalaise à la rescousse. En 1982, les deux pays s’associent pour former une fédération, la Sénégambie. Celle-ci ne connaîtra jamais de concrétisation réelle et, en 1989, les Gambiens, appréciant peu la présence militaire sénégalaise et inquiets d’une éventuelle intégration économique, rompent cette association. 

En 1990, une grave crise éclate entre le Sénégal et la Mauritanie. Au départ, de banales altercations entre nomades et agriculteurs sur les rives du fleuve Sénégal mettent le feu aux poudres. Amplifiés par la presse et attisés par un vieil antagonisme entre Africains et Maures, les troubles prennent vite de l’ampleur. Après des pillages, les Mauritaniens, qui tiennent une large part du petit commerce, fuient le pays. À Nouakchott, des Sénégalais sont massacrés. Le ton monte et les deux pays sont près d’en venir aux armes. Finalement, la situation s’apaise et la frontière demeure ouverte depuis 1995. En 1993, la situation socio-économique du Sénégal se dégrade en raison de la baisse des recettes touristiques. L’intervention de la Banque mondiale et de ses méthodes drastiques accentue le malaise. De fortes violences ébranlent la Casamance et font 300 morts. 

En 1994, les pleins pouvoirs économiques sont accordés au président Diouf après la dévaluation de 50% du franc CFA. Cette mesure permet une certaine relance de l’activité économique mais entraîne une paupérisation pour de larges couches de la population. En 2000, Abdoulaye Wade, ancien Premier ministre, est élu président. Un an plus tard, Mame Madior Boye devient la première femme Premier ministre de l’Afrique francophone. En novembre 2002, la tragédie du Joola (naufrage du ferry entre la Casamance et Dakar qui fait près de 2.000 morts) est fatale au gouvernement de Mame Madior Boye. Idrissa Seck lui succède. Aujourd’hui, la situation économique du pays demeure très précaire malgré l’annulation d’une partie de la dette en 2005. Quant à la situation politique, elle semble plutôt apaisée, à l’exception du problème casamançais qui demeure en suspens. 

Les hommes qui ont marqué le Sénégal 

Lat Dior En 1862, il devient roi du Cayor. Chassé par les Français, non sans leur avoir résisté (et même les avoir vaincus à la bataille de Ngolgol), Lat Dior revient combattre quelques années plus tard et, réconcilié avec les Français, retrouve le pouvoir en 1870. Mais l’entente ne dure pas car Lat Dior ne peut admettre une limitation de souveraineté ainsi que la construction du chemin de fer Saint-Louis-Dakar à travers son pays. Il est tué à la bataille de Dekhele en 1886. 

Considéré comme un héros dans le Sénégal d’aujourd’hui, Lat Dior incarne les valeurs de l’ancienne société wolof, vaincue par les transformations techniques et économiques. Il a eu l’intelligence politique de reconnaître ces dangers, il était défavorable à la culture de l’arachide et, au sujet du chemin de fer, n’écrivit-il pas au gouverneur de Saint-Louis : « Soyez bien persuadé que si, aujourd’hui, vous établissez un chemin de fer, en plaçant de distance en distance des postes pour le commerce, vous m’enlevez mon pays et me dépouillez de tout ce que je possède. » La ligne fut créée mais le mythe s’est saisi de l’événement : la tradition rapporte en effet que son cheval préféré, Malaw, mourut dès qu’il vit le chemin de fer. Louis Faidherbe Nommé gouverneur du Sénégal en 1854, il a une double mission : mettre en valeur le territoire et étendre l’occupation française. 

Pour cela, il inaugure une politique de promotion des élites africaines (création de l’« école des fils de chef », accès des Africains à des postes de responsabilité administrative, création du corps d’armée des tirailleurs sénégalais), introduit la culture de l’arachide, choisit le site de Dakar pour y bâtir la nouvelle capitale et un port d’exportation. Enfin, il poursuit la progression de la présence française le long des fleuves en y installant des postes militaires favorisant la sécurité des commerçants. Faidherbe, promoteur du Sénégal moderne, restera en poste jusqu’en 1865. Blaise Diagne Né à Saint-Louis, il est, en 1914, le premier Sénégalais noir élu député à l’Assemblée nationale française. Il se rend célèbre en 1917 par ses tournées dans tout le Sénégal pour y lever, sur ordre de Clemenceau, des troupes pour le front de Verdun. En 1931, il devient sous-secrétaire d’Etat français aux Colonies. Léopold Sédar Senghor Fils de commerçants sérères, il naît en 1906 dans le village de Joal (Siné-Saloum). Catholique, il se destine d’abord à la prêtrise. Mais après des études dans un collège religieux, il part en 1928 pour Paris et prépare l’Ecole normale supérieure au lycée Louis-le-Grand. 

Il y rencontre Georges Pompidou qui restera un ami intime. Reçu à Normale Sup, il devient le premier Africain à obtenir une agrégation de grammaire. Enseignant le français à des Français, il se demande s’il est Français ou Africain et se révolte devant certaines images véhiculées par la publicité en écrivant : « Je déchirerai le rire Banania sur tous les murs de France. » Avec les Antillais Léon Damas et Aimé Césaire, il forge le concept de négritude, jaillissement de la conscience noire. Ses nombreux ouvrages et poèmes (Chants d’ombres, Hosties noires, Ethiopiques, Nocturnes, etc.) sont autant d’affirmation des valeurs culturelles de l’Afrique noire. Ecrivain mais aussi homme politique, il est le père de l’indépendance sénégalaise et maintiendra avec la France des liens privilégiés. En 1980, il cède volontairement sa place de président à Abdou Diouf et se retire en France. Il est élu en 1982 à l’Académie française et meurt en 2001.

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