Les grands évènements 

Depuis les premiers « découvreurs », navigateurs européens des grandes puissances coloniales, le Brésil a su mieux qu’un autre se créer sa propre culture en intégrant sans cesse les apports étrangers. C’est pourquoi, les fêtes brésiliennes, les noms des villes, ont aussi souvent des sonorités familières aux européens.

A la recherche de l’Eldorado 

Le 21 avril 1500, semaine de Pâques, au coucher du soleil, une flottille de treize voiliers portugais suit les traces des algues marines et les vols de mouettes. Ils ne tardent à découvrir, au loin, une colline ronde et très haute qu’ils baptisent Monte Pascoal. Le capitaine Pedro Alvares Cabral, croyant qu’il s’agissait là d’une grande île, la nomme « Ile de Vera Cruz ». Le lendemain, Cabral débarque sur la plage, il enfonce une croix de bois dans le sol et attribue à ce nouvel endroit inconnu le nom de « Terre de Santa Cruz », la future ville de Porto Seguro, située au sud de Bahia. Les premiers contacts s’avèrent pacifiques, la population locale n’opposant aucune résistance aux nouveaux venus. Pour marquer l’événement, une messe est célébrée en présence des navigateurs et des Indiens, une population d’autochtones semi sédentaires, qui en sont au stade de la cueillette, de la pêche et de la chasse. Bénies par Dieu, les terres découvertes sont décrites par les navigateurs comme étant le paradis terrestre. En partant, la flottille emporte avec elle une grande variété de produits tropicaux, d’animaux exotiques, et un intéressant arbuste, à la couleur de braise, le pau brasil. Le bois du Brésil remportera un succès qui lui sera fatal. Son exploitation incontrôlée entraînera sa disparition. Aujourd’hui, seuls quelques spécimens survivent comme symbole de l’histoire notamment à Horizonte, capitale de Minas Gerais. 

Les débuts de la colonisation 

Les Portugais devront attendre 30 ans pour prendre possession de la colonie et entamer sa division administrative. Les terres sont partagées en douze régions (capitanias) et laissées sous la tutelle des nobles portugais. Leur mission est de garantir la nouvelle possession, expulser les « envahisseurs » déjà nombreux et développer une économie coloniale. Les premières villes voient alors le jour, ainsi que les pre¬miers latifundios, ces immenses propriétés terriennes. Duarte Coelho, gouverneur de la capitania de Per¬nambuco, au Nord-est du pays (le Nordeste), introduit la plantation de la canne à sucre, à partir de semences apportées de l’île de Madère, et y installe le premier moulin. Pour mettre en place l’économie du sucre, les Portu¬gais comptent d’abord sur la main-d’œuvre autochtone. Mais le temps des premiers rapports pacifiques est déjà loin et les Indiens refusent d’accepter le travail forcé. Autre difficulté s’imposant aux ambitions des conquérants : l’interdiction de la « soumission indigène à l’esclavage », décrétée en 1537 par le pape Paul III. 

L’esclavage, la canne à sucre et les missions religieuses 

Les colonisateurs décident alors de recourir à la main-d’œuvre noire, venue principalement d’Afrique équatoriale. Ainsi, une nouvelle route s’établit entre l’Europe, l’Afrique et la colonie. Les bateaux arrivent chargés d’esclaves africains et partent remplis des cargaisons de sucre, à destination des marchés européens. L’Europe entière s’approvisionne au Brésil. Le commerce de la canne à sucre assure la prospérité de la jeune colonie, qui entretient le développement d’une économie basée sur la monoculture d’exportation à côté d’un secteur de petites exploitations. Le succès de ces échanges lucratifs impose la mise en place d’un cadre politico-administratif plus structuré pour la colonie. Ainsi, en 1548, la ville de Salvador est choisie pour devenir la capitale du pays. La structure colo¬niale se compose des seigneurs des plantations, commerçants et esclaves. Alors que les premiers, les « maîtres », règnent dans les grandes maisons, les commerçants, s’enrichissent à travers la vente de sucre et le trafic d’esclaves. Les esclaves, quant à eux, exercent une certaine résistance sociale et culturelle, en préservant et en recréant les cultes africains. Pendant trois siècles, les mouvements de résistance se multiplient dans le pays. Le plus célèbre : le Ouilombo de Pal mares, est con¬sidéré comme le symbole de la lutte contre l’oppression blanche et la dis¬crimination raciale. Durant cette période, les missions des jésuites s’installent sur le sol brésilien. Le père Manuel de Nobrega prend la tête des premières missions. Sous le prétexte de vouloir « protéger les indi¬gènes de l’esclavage », les missions leurs imposent les valeurs et le culte du christianisme. Les Indiens doivent, à tout prix, abandonner leur propre organisation et leur mode de vie. En 1554, le père José de Anchieta, consolide le travail des missions sur les plateaux de Piratininga. Il crée le premier collège dont la cour deviendra le premier centre de la future ville de São Paulo. 

Les incursions françaises et hollandaises 

Les Portugais doivent aussi surveiller le littoral, qui est menacé principale¬ment par les navigateurs français et hollandais. Pendant deux siècles, des expéditions françaises vont parcourir la côte brésilienne ; à deux reprises les Français tenteront de s’y introduire. Déjà en 1504, le commandant Binot Paulmier de Gonneville, arrive dans l’actuel territoire de Santa Catarina au sud. Son séjour dure six mois. Les descriptions de ce voyage démontrent que les contacts avec les Indiens se déroulent dans un climat pacifique. Les Français sont fascinés par la beauté de ces terres, des animaux et des oiseaux colorés. De retour, ils en apportent 600 spécimens différents, des perroquets, des sagouins, des araras (aras), ainsi qu’une énorme quantité de Pau brasil. Dans leurs bagages, les navigateurs ramènent aussi une surprise: un cacique, un chef indien anthropophage, en chair et os, pour l’exhiber en France. Le succès de cette expédition stimule d’autres voyages. Peu à peu, une communauté française compo¬sée de déserteurs et d’aventuriers s’installe dans le pays. La première invasion a lieu en 1555. Nicolas Durand Villegaignon, avec l’approbation du roi Henri II de France, prend la Baie de Guanabara pour fon¬der une colonie pour les huguenots : la « France antarctique ». Ils seront chassés en 1567 par les Portugais qui, deux années auparavant, y avaient fondé la ville de Rio de Janeiro. En 1612, une autre tentative se produit au nord du Brésil. En hommage à Louis XIII, Daniel de la Touche crée alors la ville de Saint Louis, la future São Luis do Maranhão, baptisée la « France équinoxiale ». Les Portugais parviendront à les en expulser trois ans plus tard. Ils devront se battre aussi contre les Hollandais, beaucoup plus tenaces, qui occupent une partie du territoire dès 1587. A partir de 1624, ils tentent réellement de s’installer au Nordeste du pays, à Bahia, Alagoas, Maranhão et Pernambuco. C’est au cœur de cette dernière, dans la ville de Recife, qu’ils choisissent d’installer, en 1630, la capitale du Brésil Hollandais. Commandés par le comte Maurice de Nassau, ils développent l’économie en diversifiant la production agricole. Mais c’est surtout sur le plan de l’orga¬nisation urbaine que ses propositions sont bien accueillies. Il crée ici un jar¬din botanique, un musée artistique et un parc zoologique peuplé de diverses familles d’oiseaux et d’ani¬maux existant au Brésil. Il faudra vingt-quatre ans aux Portugais pour les déloger mais les Hollandais laissèrent des traces profondes dans l’esprit des habitants. Plus tard, les partisans de la lutte anti-coloniale y trouveront une importante source d’inspiration. 

Les Portugais à la conquête de l’intérieur du pays 

Tandis qu’en 1580, le Portugal passe sous la domination espagnole, les colonisateurs dédaigneux de la ligne tracée par le Traité de Tordesillas, pénètrent dans l’intérieur du pays. Ils sillonnent les espaces vierges et se déplacent à la recherche des terres inconnues. Ils cherchent aussi une nouvelle main-d’œuvre, et apprivoi¬sent les populations indigènes pour les vendre comme esclaves. Les colonisateurs n’ont qu’un seul rêve : les pierres précieuses et les mines d’or. Les Portugais partent alors en expédi¬tion : les « Bandeiras ». Celles-ci sont organisées sous l’autorité d’un chef et autour d’un drapeau, la bandeira, d’où le nom donné à leurs membres, les bandeirantes. Les Bandeiras quittent la ville de São Paulo pour aller vers l’intérieur du pays. Ils pénètrent en Amazonie par les fleuves. En 1616, ils fondent la ville de Belém, à l’embou¬chure de l’Amazone. En 1640, Dom João IV, roi du Portugal, reprend le pouvoir dans la métropole. Il refuse de rendre les territoires occu¬pés à l’ouest de la ligne de Tordesillas. Le Brésil conserve ainsi les terres conquises. Poursuivant leur route, les Bandeirantes avancent vers le nord, et en 1669, ils arrivent au centre de l’Amazonie, où ils fondent la ville de Manaus. La région de Minas Gerais, l’Eldorado tant rêvé, ne sera explo¬rée qu’en 1699. 

Le cycle de l’or 

Depuis deux siècles les Portugais rêvaient de découvrir de telles richesses et sur leur route, ils vont trou¬ver de l’or, des pierres précieuses dans la région de Minas Gerais, puis en fouillant la terre, du fer, du plomb, du zinc, ainsi que des métaux plus rares, comme le cobalt et le platine. Les colons vivent alors dans l’opu¬lence, l’architecture baroque s’épa¬nouit, et cette prospérité donne nais¬sance à des villes d’une rare beauté, telles que Vila Rica, actuelle Ouro Prêto, Mariana et Diamantina. Une architecture d’exception atteste de cette richesse, ainsi que l’œuvre du sculpteur Aleijadinho. C’est une grande période : les aventuriers arrivent de toutes parts, conquérants ou immigrants. La fièvre de l’or les conduit vers les régions de Mato Grosso et Goias. L’or extrait est fondu à Rio de Janeiro et envoyé vers la métropole. Ce nouveau cycle déplace l’axe politique et administratif vers le sud du pays. En 1763, la ville de Rio de Janeiro devient la nouvelle capitale de la province A l’aube du XVIIIe siècle, le Brésil est le premier producteur d’or du monde. Le pays compte à cette époque deux mil¬lions d’habitants. Grâce à l’or, au sucre, au coton, au cacao et au tabac, il est l’une des plus belles colonies por¬tugaises. Mais le cycle de l’or s’avère éphémère : en raison de sa surexploi¬tation, il disparaît rapidement. En 1789, toutes les mines sont épuisées et la récession s’instaure. De surcroît, cette activité est lourdement taxée par la couronne portugaise, qui prélève un cinquième de l’or fin coulé en lingots. En réaction à cette fiscalité jugée injuste, la région s’insurge : un groupe d’intellectuels libéraux, formés en Europe et s’inspirant des courants révolutionnaires français et améri¬ains, se regroupe autour de Joaquim José da Silva Xavier, surnommé Tiradentes (l’arracheur de dents). La conspiration dénommée Inconfidência Mineira est un échec. Tiradentes est pendu et écartelé. Néanmoins, il deviendra le symbole de la lutte pour la liberté au Brésil. Désormais, le pays doit se reconvertir. Les grandes exploitations agricoles, les fazendas, se développent et se consacrent à la culture et à la commer¬cialisation d’un autre type de res¬source : le café. 

L’indépendance 

En 1808, face à la menace d’expansion napoléonienne et à l’invasion du Portugal, le roi et sa famille, aidés par l’Angleterre, s’enfuient vers le Brésil. La famille royale s’installe à Rio de Janeiro. Ainsi, le roi peut surveiller et réprimer davantage les mouvements d’indépendance, qui sont de plus en plus fréquents. Son séjour va également bénéficier à l’Angleterre, car la colonie est non seulement un excellent terrain pour l’écoulement de ses produits, mais aussi très avantageux pour les investissements étrangers. Dès son arrivée, il signe un décret qui autorise l’ouverture des ports au commerce étranger. La présence anglaise se fait rapidement sentir. Les Anglais modifient le mode de vie de la colonie : les habitudes rustiques, issues de la vie rurale, cèdent la place à des coutumes plus raffinées et plus urbaines. L’architecture coloniale des maisons et du centre ville est remplacée par des villas isolées aux jardins situés en dehors du périmètre urbain. En 1816, Dom João VI fait appel à la France pour fonder l’Académie des Beaux-Arts. C’est ainsi que la mission artistique française, dirigée par Le Breton arrive au Brésil, et amène avec elle, entre autres le peintre Jean-Baptiste Debret. Celui-ci passe quinze ans au Brésil et réalise un très grand nombre des tableaux évoquant les aspects de la vie quotidienne à Rio. En 1815, le roi rentre à Lisbonne, et laisse la province sous le contrôle de son fils Pedro, âgé de 22 ans. Sous la pression des mouvements indépendantistes, le prince régent refuse d’obéir à son père, qui exigeait son retour en Europe. Le 7 septembre 1822, il prononce à São Paulo, au bord du fleuve Ipiranga, le fameux serment : « l’indépendance ou la mort », connu comme « le cri de l’Ipiranga », qui est commémoré chaque année. 

L’empire et les Barons du café 

Pedro 1er est ainsi proclamé Empereur constitutionnel du Brésil. Deux ans plus tard, la première constitution du pays voit le jour, et donne des pouvoirs « spéciaux » à l’empereur. Son règne ne sera pas long. Isolé, en 1831, il est contraint d’abdiquer en faveur de son fils âgé de 5 ans, Dom Pedro de Alcan¬tara. L’ex-empereur rentre, lui aussi, au Portugal. Le Brésil vit sa première expérience de régime parlementaire et fédéré. Les régents vont se succéder, mais aucun ne pourra maîtriser les révoltes qui voient le jour dans différentes régions du pays, la plus connue étant celle de l’Etat de Rio Grande do Sul, nommée la Guerre des « Farrapos » ou la révolution « Farroupilha » (1835-1845). En 1840, Dom Pedro de Alcantara, âgé de 14 ans, prend le pouvoir. Son règne durera quarante neuf ans. Cultivé et d’esprit ouvert, Dom Pedro II fait alter¬ner à la tête du gouvernement des libé¬raux et des conservateurs. Une plante venue de Guyane donne naissance à de nouvelles fortunes : le café, qui s’adapte bien sur la terre rouge du sud du Brésil. Une nouvelle période de prospérité se développe. Le nouveau produit fait basculer définitivement le centre économique et politique du pays vers le sud. Bientôt viendra le temps des grands plan¬teurs, les « Barons du café », ceux-là même qui, plus tard, lanceront les bases de l’industrialisation du Brésil. L’empereur poursuit son objectif : moderniser le pays à travers l’essor industriel et culturel. En 1856, une première voie ferrée relie São Paulo à Rio de Janeiro. Cepen¬dant, l’immense territoire brésilien est pratiquement dépeuplé, notamment dans les régions du sud. Le manque de main-d’œuvre pour l’agriculture, ainsi que la pression exercée par l’Angleterre en faveur de l’abolition de l’esclavage, sont un sérieux obstacle au projet du monarque. Pour contourner ces problèmes, une série de mesures de restriction au tra¬vail des esclaves sont graduellement mises en place. En outre, l’empereur, encourage l’immigration en prove¬nance de l’Europe : Italiens, Alle¬mands, Autrichiens et Suisses affluent vers ces terres nouvelles. Plus tard, viendront les Japonais. Le 13 mai 1888 a lieu l’abolition de l’esclavage. Préparée depuis de longues années par une série de mesures, elle se contente d’octroyer la liberté aux 500 000 esclaves, sans s’inquiéter de leur intégration. Sur le plan économique, elle provoque aussi de grands bouleversements. Les grands exploitants agricoles se voient, du jour au lendemain, privés de la main-d’œuvre des esclaves. La cul¬ture du café fournit alors du travail aux immigrants, employés sous contrat ou salariés. L’immigration s’intensifie. Mais, c’est la multiplication des conflits entre le gouvernement et l’armée, qui précipite la fin du règne de Dom Pedro II. Celui-ci est détrôné le 15 no¬vembre 1889, par une junte militaire, soutenue principalement par les « Barons du café ». Ce même jour, le maréchal Deodoro da Fonseca pro¬clame la République du Brésil. L’empe¬reur et sa famille se retirent en France. 

La « vieille République» 

Une nouvelle Constitution est approu¬vée en 1891. Elle s’inspire à la fois du modèle fédéral américain, et du positivisme prôné par le français Auguste Comte. La preuve : sur le nouveau dra¬peau de la République aux couleurs vert-jaune-bleu-blanc, s’affiche l’ins¬cription « Ordre et Progrès ». A l’exemple des Etats-Unis, la consti¬tution érige le pays en une fédération de vingt états, jouissant d’une autono¬mie économique et administrative. Le président est élu au suffrage universel. Les premières années de la Répu¬blique entraînent un ensemble de modifications dans le mode de vie des citoyens. Le cycle du café atteint son point culminant dans l’Etat de São Paulo, en faisant de sa capitale le centre politique et économique du Brésil. Les exploitants de café, de cacao et du sucre, les fazendeiros ou « colonels », affirment leur puis¬sance. La littérature brésilienne est riche en romans qui narrent la vie des « colonels ». C’est la période des mouvements « mystiques », qui menacent les auto¬rités locales et le gouvernement fédé¬ral. Le plus célèbre étant celui d’Anto¬nio Conselheiro, qui fonde, en 1880, une communauté religieuse à Canu¬dos, dans l’intérieur de l’Etat de Bahia. Dix-sept années plus tard cependant, ce mouvement est écrasé par les militaires. La République naissante est égale¬ment marquée par une série des coups de force entre la Marine et l’Ar¬mée de Terre et surtout par des révoltes fédéralistes. Au sud du Brésil, de véritables guerres civiles éclatent. A cette époque, surgissent les pre¬miers pôles industriels. La croissance économique impose la modernisation des principaux centres urbains du pays. Rio de Janeiro, par exemple, qui est la capitale de la jeune République, suit un plan d’urbanisation inspiré du baron Haussmann. La construction du Brésil, « pays de l’avenir », selon les autorités de l’époque, nécessite davantage de bras. Aux immigrants déjà installés, viennent s’ajouter de nouveaux contin¬gents comme les Italiens, les Japonais, les Polonais, les Ukrainiens et les Espagnols. Le début du XXe siècle est marqué par une grande efferves¬cence. Les oligarchies se regroupent, à la fois, pour défendre les intérêts des gros producteurs de café de São Paulo, et pour soutenir les producteurs de lait du Minas Gerais. Cette politique est appelée politique du « café au lait ». 
Jusqu’à la fin des années 1920, le Brésil est un pays agro-exportateur. Le café reste son unique source de devises, malgré un début de diversification, avec sucre, cacao et coton qui jettent les bases d’une véritable production nationale. Les revenus des cultures et de l’exportation du café permettent une plus grande importation des biens et des machines nécessaires à la jeune industrie locale. Ce cycle crée, à son tour, une couche de salariés qui devient rapidement le moteur du marché intérieur naissant. Le syndicalisme fait alors son apparition dans le scénario politique. 
Le pays connaît un vaste mouvement de grèves. Le droit de vote est accordé aux femmes à cette période. En mars 1922, un groupe d’intellectuels fonde le Parti communiste du Brésil. Cette même année, à São Paulo, un groupe d’artistes, de poètes, d’intellectuels et d’écrivains scandalise l’intelligentsia locale avec ses propositions esthétiques novatrices et nationalistes. C’est le début du mou¬vement « moderniste ». De jeunes officiers de Rio de Janeiro, les tenentes (les lieutenants), s’insurgent contre les ordres de leurs supérieurs. Ce mouvement de rébellion est aussitôt réprimé. Parmi ces jeunes officiers, se trouve Luis Carlos Prestes, qui fait ses débuts sur la scène politique. 
Quelques années plus tard, il va créer la Coluna Prestes, qui entame à travers le pays une longue marche de rébellion contre les oligarchies. Ensuite, il devient le chef du Parti communiste brésilien, connu sous le nom de « Chevalier de l’espérance ». La crise de 1929 entraîne la faillite de l’économie du café, tournée principalement vers le marché extérieur et marque la fin de la grande époque des « Barons » de São Paulo. 

Le gétulisme 

En 1930, Getulio Vargas, alors gouverneur du Rio Grande do Sul, prend le pouvoir, soutenu à la fois par les militaires et les politiciens des autres Etats, il instaure la « Nouvelle Répu¬blique ». Il constitue un gouvernement provisoire (1930-1934), suspend la Constitution de 1891 et se fait élire président de la République en 1934. Sa doctrine, le « getulisme », est fondée sur le nationalisme, le populisme et le culte de la personnalité. A la veille des élections générales, en 1937, Getulio décrète l’état de siège, proclame une nouvelle constitution, et s’attribue les pleins pouvoirs. Cette période sera appelée le o Estado Novo, le « Nouvel Etat ». Ce nouveau régime supprime les partis politiques et leurs militants sont persécutés. Inspirée du modèle mussolinien, une législation du travail va être appliquée et le dictateur incarne le rôle de « père des travailleur ». Au cours de la Seconde Guerre mondiale, après avoir beaucoup tergiversé, Vargas soutient les Alliés. En contrepartie, les Américains financent la construction du complexe sidérurgique de Volta Redonda, à Rio de Janeiro. 
Le Brésil envoie alors ses troupes combattre en Europe. Mais la fin de la guerre sonne également le glas de l’Estado Novo. Sur le plan économique, cette période marque le début du processus d’industrialisation. Les groupes agricoles commencent à se diversifier, et investissent dans le secteur agro-exportateur et dans l’industrie naissante. Une fois de plus, les « Barons » de São Paulo seront aux avant-postes de l’industrialisation. L’Etat de Minas Gerais assure, pour sa part, l’approvisionnement alimentaire du pays, en particulier grâce aux progrès de l’élevage. Le secteur urbain se développe. L’industrie textile prend son essor, ainsi que le matériel de transport et les voies ferrées construites pour le commerce du café. Les activités commerciales sont dominées par les nouveaux immigrés et les activités financières sont aux mains des capitaux étrangers. Mais la guerre tarit les sources de devises et provoque un appauvrissement général de la population. L’industrie naissante s’en trouve fragilisée. Le gouvernement Vargas adopte alors un plan pour sauver l’économie brésilienne, et pour tirer profit du rela¬tif isolement du Brésil : il donne la priorité à l’industrialisation nationale. L’économiste et ancien ministre Celso Furtado écrit, à propos de cette période : « Depuis la fin de la guerre, l’économie brésilienne a connu une croissance rapide et soutenue sous l’impulsion d’une industrialisation es¬sentiellement orientée vers le marché intérieur. 
C’est le modèle classique dit de substitution des importations, qui a été viable au Brésil en raison de sa population nombreuse et de la richesse de ses ressources naturelles ». A cette époque, à Rio de Janeiro, la capitale politique et culturelle du pays, un sentiment nationaliste voit le jour avec pour leitmotiv : le développementisme économique (desenvolvimentismo), dont la face réelle est un étatisme exacerbé, caractérisé par de très grandes entreprises peu productives. Jusqu’en 1945, le gouvernement de Getulio Vargas y laisse son empreinte, dont la principale caractéristique fut la création de la compagnie nationale de pétrole, Petrobras, qui devient le symbole d’un anti-impérialisme brésilien. 

Les tentatives de démocratisation et l’aventure moderniste 

Conférence de Presse Juin  2011 © Europalia International

Conférence de Presse Juin 2011 © Europalia International

L’année 1945 marque le retour de la démocratie avec des élections présidentielles. Une nouvelle constitution est proclamée et les partis politiques occupent à nouveau le devant de la scène. Vargas se retire provisoirement de la vie politique pour revenir cinq ans plus tard. Cette fois-ci, plébiscité par la population, il instaure une politique interventionniste. C’est la période des nationalisations, des lois sociales et de l’industrialisation. Ces mesures comptent sur un large appui populaire, mais elles trouvent une opposition accrue de la part des oligarchies conservatrices et des forces armées. En effet, dès la fin des années 40, avec l’adoption de la politique de « substitution des importations », les capitaux mixtes règnent en maîtres au Brésil. Ainsi, des industries partiellement nationales apparaissent (hydro-électricité, construction navale et méca¬nique, sidérurgie, et matériel élec¬trique lourd) grâce à une association avec des groupes américains tels que General Motors, Ford, ou des entreprises européennes, comme pour l’une des plus importantes usines sidérurgiques, la Belgo-Mineira. 
Les Canadiens, eux, dominent les réseaux électriques de Sao Paulo et de Rio de Janeiro. Au début des années 50, une nouvelle vague de sociétés étrangères arrive au Brésil : des usines automobiles essentiellement américaines, mais également européennes, dont Renault. Les télévisions en noir et blanc, les aspirateurs, les réfrigérateurs, les mixers font le bonheur des ménages du Sud-est du pays. En dépit de ce « boom » industriel, l’agriculture brésilienne reste le pilier de l’économie nationale : 60 % de la main-d’œuvre est absorbée par les activités agricoles. 
En 1955, coup de théâtre : les élites exigent la démission du président Getulio Vargas ; celui-ci refuse et se suicide. Des dizaines de milliers de personnes suivent les funérailles du « père des travailleurs ». Le « getulisme » est érigé en modèle par la majorité des formations politiques du pays. Un nouveau président de la Répu¬blique lui succède, le social-démocrate Juscelino Kubitscheck (1956-1960). Celui-ci adopte une autre devise : « Faire avancer le pays de cinquante ans en cinq ». Le but, lancer le Brésil dans l’ « aventure moderniste », en réalisant une industrialisation à marche forcée. Au lieu de développer le réseau ferroviaire, par exemple, Kubitschek construit des routes pour désenclaver certaines régions : c’est l’ère de l’industrie automobile. Mais le coût d’une telle entreprise s’avère très important à cause de la facture pétrolière. Les grands barrages hydroélec¬triques sont aussi à la mode. Dans les années 50, l’économie brésilienne est dominée par trois éléments : l’endettement public, la prépondérance du capital étranger et l’inégalité des Brésiliens devant les fruits de la croissance. Le président Kubitschek fait construire une nouvelle capitale pour le pays, Brasilia, inaugurée le 21 avril 1961. 
En plein milieu du Planato central, le plateau central du pays, surgit la ville symbole du modernisme, construite par les architectes Oscar Niemeyer et Lucio Costa, disciples de Le Corbusier. Le pays s’endette davantage. La croissance se ralentit nettement au début des années 60, période où le Brésil vit l’une des crises institutionnelles les plus graves de son histoire, avec l’arrivée à la tête du pays du président Joao Goulart (1961-1964). Jango, comme il était surnommé, incarnait le populisme de gauche et était soutenu par les syndicats. Mais ce jeune héritier de Vargas était haï par le patronat et l’élite politique brésilienne. 

La dictature revient ! … 

Le 1er avril 1964, éclate le coup d’état militaire. Les Forces armées sont soutenues par les oligarchies rurale et industrielle. Elles comptent également sur la connivence de la petite bourgeoisie, qui craint l’arrivée du communisme, période de Guerre Froide oblige. Le nouveau régime verra se succéder à sa tête, jusqu’en 1985, différents militaires. Centralisation et répression le caractérisent. Une nouvelle constitution le consolide. De 1968 à 1974, les militaires mettent en place ce qu’on a appelé le « miracle économique » avec pour but une croissance accélérée, au prix d’une dette extérieure accrue. C’est la période politique la plus violente de l’histoire du pays : la répression menée par le redoutable DOPS, la police politique, côtoie la propagande officielle nationaliste. La gauche entre alors dans la clandestinité, donnant naissance à des groupes de guérilla urbaine. D’autres, prennent le chemin de l’exil. L’Eglise prend ses distances avec le pouvoir en place, et entame une campagne en faveur des Droits de l’Homme. En 1974, à la suite du premier choc pétrolier, le miracle prend fin. Trois ans plus tard, les étudiants manifestent pour la première fois depuis 1968. Ils réclament des libertés démocratiques, la fin de la dictature militaire et l’amnistie générale pour les prisonniers politiques. Une nouvelle phase de récession économique fait pression sur le sort des militaires. Les vents de l’ « ouverture démocratique » commencent à souffler sur l’ensemble du territoire. 
Une amnistie politique annonce le retour massif des exilés. Pendant les années 80, les syndicats prennent le relais, notamment dans le bastion métallurgiste le plus important d’Amérique latine : la périphérie de São Paulo. Ces mouvements de contestation révèlent la figure du leader syndical Luis Inacio da Silva (Lula), qui va fonder le Parti des travailleurs formation de gauche radicale. En 1982, les gouverneurs d’Etat sont élus démocratiquement pour la première fois depuis près de vingt ans. Face aux graves difficultés financières dues notamment au poids de la dette extérieure d’environ 120 milliards de dollars, une de plus importantes du monde, le gouvernement impose un plan d’austérité, en accord avec le Fonds monétaire international. La faible croissance économique, l’exportation des capitaux et la recrudescence de l’inflation, plus de 400 % par an, ne font qu’aggraver la crise. Les Brésiliens réagissent aussitôt et organisent, tous les jours, des manifestations massives contre les inégalités Sociales et pour la démocratie : « Diretas ja » est le cri qui émane, en 1984, de tous les coins du pays. La société Civile exige la réalisation des élections présidentielles directes au suffrage universel. 

Démocratie et stabilisation 

Malgré les pressions de la rue les électeurs vont attendre encore quelques années pour pouvoir choisir leur chef d’Etat. Tancredo Neves candidat du « consensus » est élu le 15 janvier 1985 par un collège électoral restreint, au sein du Parlement. Tra¬gique destin, à la veille de sa prise de fonctions, il tombe malade et meurt un mois plus tard. Le pays est profondément ému. Tancredo, devient le symbole de la démocratisation et de la « Nouvelle République ». Le vice-président José Sarney lui succède. Sarney adopte un programme d’austérité baptisé plan « Cruzado », qui se termine dans un fiasco total : l’inflation est passée de 250 % à plus de 2500 % ! En 1988, une nouvelle constitution est votée par le Congrès, et prévoit l’élection du président de la République au suffrage universel. Un an plus tard, ont lieu les premières élections présidentielles démocratiques depuis 1960. 
La gauche soutient Lula contre l’héritier de l’oligarchie du Nordeste du pays, Fernando Collor de Mello, un politicien jusque-là inconnu. Collor est élu, à la suite d’une campagne très médiatisée, basée à la fois sur la lutte contre la corruption, contre l’inflation et sur un programme démagogique d’élimination totale de la misère au Brésil. Mais Collor, n’arrive pas à juguler l’inflation ni à reprendre la croissance économique, malgré les tentatives de privatisation des entreprises publiques et l’ouverture des marchés brésiliens aux entreprises étrangères, ce qui, selon les économistes toutes tendances confondues, a permis au Brésil de s’insérer davantage dans les grands courants mondiaux de l’économie moderne. En matière de politique extérieure, le gouvernement Collor a permis un changement d’attitude en ce qui concerne la politique nucléaire, avec une déclaration unilatérale de renonciation à des explosions nucléaires, même à des fins pacifiques. Ironie du sort, en 1992, les étudiants et les syndicats, soutenus par la presse, organisent une vaste campagne de dénonciation de la corruption au sein du gouvernement. Les faits sont accablants. Le mouvement gagne en ampleur et se transforme en un seul écho populaire : « Collor dehors ». Pressé par l’opinion publique, le Parlement vote l’impeachment et le président est obligé de renoncer à son mandat. 

Fernando Henrique 

Le vice-président, Itamar Franco assure la transition jusqu’aux nouvelles élections présidentielles, en 1994. Cette fois-ci, un autre Fernando social démocrate l’emporte contre le candidat de gauche Lula : Fernando Henrique Cardoso, ministre de l’Economie du gouvernement ltamar. Sociologue de renom international, ancien exilé politique en France sous la dictature militaire, et social-démocrate convaincu, FHC, comme il est appelé par la presse brésilienne, gagne la confiance de l’électorat, grâce à son plan réussi de combat contre l’inflation. Celle-ci passe de 40 % par mois à moins de 2 % et il lance une nouvelle monnaie, le Real. Pour assurer sa stabilité, le Real, en parité avec le dollar, a une garantie fondée sur les réserves de change du pays. Pendant le premier semestre 96, les réserves monétaires brésiliennes atteignent un record historique, selon la Banque centrale : environ 57 milliards, dus, en grande partie, à l’arrivée massive des capitaux étrangers. La renégociation de la dette extérieure brésilienne avec les créanciers étrangers est également un autre élément positif de cette période La tâche du président Fernando Henrique Cardoso n’est pourtant pas simple. En effet, la croissance économique se porte bien : entre 1991 et 2000, le PIB moyen a augmenté de 4 %. Mais les problèmes sociaux hérités des gouvernements précédents sont de taille. 
Lors de sa prise de fonctions, le chef d’Etat a d’ailleurs avoué que « le Brésil n’est pas un pays sous-développé, mais c’est un pays injuste ». La preuve, selon la Banque Mondiale, « les 10% des Brésiliens les plus riches concentrent 51 % du revenu national ; et plus de 20 % de la population ne disposent que d’un salaire inférieur au salaire minimum officiel, soit un peu plus de 100 dollars par mois en 2000 ». Enfin, les autorités brésiliennes avouent que le Programme de redressement économique n’a pas encore atteint tous ses objectifs, loin de là. La prochaine étape sera consacrée à la réduction du déficit public, la suite des privatisations des entreprises publiques, la réforme fiscale, la réforme agraire, la garantie du pouvoir d’achat et la lutte contre le chômage. 

L’élection du populiste Lula 

Luiz InácioLula da Silva s’est lancé dans la bataille pour la présidence de la République en 1989. Deux ans plus tard, l’ex-leader syndical et fondateur du Parti des Travailliste, prend la tête de la mobilisation contre la corruption. Cela aboutit à l’impeachment du président Fernando Collor de mello. En 2002, fort d’une large alliance politique et d’un programme centré sur le règlement de l’immense dette sociale du pays envers la grande majorité de la population, Lula remporte les élections, le 27 octobre, avec presque 53 millions de voix. En 2003, le gouvernement Lula lance le programme « Faim Zéro », politique qui vise à éradiquer la faim et l’exclusion sociale.

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