Amsterdam, c’est une histoire d’eau. Ici, la vie se reflète dans l’onde tranquille des canaux et le temps suit son cours, imperturbable. Amsterdam l’audacieuse, l’accueillante, l’atypique : autant d’images flottantes d’une capitale dont les habitants se distinguent par leur simplicité, leur ouverture et leur liberté d’esprit.

Cité « relax »

Mais d’où vient cette décontraction naturelle qui semble caractériser les habitants d’Amsterdam ? Est-ce la présence de l’eau, partout dans la ville, qui rend les gens aussi « coulants » devant les événements de la vie ? Toujours est-il que les Amstellodamois ne laissent pas facilement l’agressivité s’emparer d’eux, malgré les embarras de la circulation, les chantiers sans nombre et la promiscuité inévitable dans cette capitale où le manque d’espace se fait parfois cruellement sentir.
Il suffit de se rendre dans un café, ce lieu public élevé au rang d’institution, pour mesurer toute l’ampleur du phénomène. Dans cet endroit protecteur et chaleureux, tout est fait pour faciliter la convivialité et mettre la clientèle à l’aise : bougies sur les tables, journaux et magazines à disposition des habitués et des clients de passage, décor accueillant… Bref, les conditions idéales pour des conversations animées et une ambiance détendue. En réalité, le café – brun, de préférence – se veut la version publique d’un autre lieu non moins important : la maison. Comme tous les peuples du Nord, les Amstellodamois sont extrêmement attachés à leur intérieur, dont ils veillent à soigner le confort et à renouveler régulièrement la décoration. On ne s’étonnera donc pas que le secteur de l’ameublement néerlandais affiche une telle prospérité ! 

Au bon accueil

Dans l’ensemble, il est très agréable de vivre à Amsterdam. Cela tient entre autres choses à la taille de la ville, qui malgré son statut de capitale n’a rien d’une mégalopole. Imaginerait-on, à Paris ou à Londres, de voir une vedette du spectacle discuter tranquillement sur le pas de sa porte, ou le maire de la ville faire tout simplement ses courses au supermarché du coin ? A Amsterdam, en tout cas, cela n’a rien d’exceptionnel. Car ici les relations entre les gens sont simples, directes et naturelles.
Peut-être faut-il y voir l’influence d’une longue tradition de tolérance, qui, depuis des siècles, s’est affirmée dans les situations les plus diverses. Les Amstellodamois sont habitués à accepter l’autre, l’étranger, le différent. Il est cependant à noter qu’à Amsterdam, comme dans le reste du pays, l’assassinat en 2004 de Theo Van Gogh (homme public provocateur) a été vécu comme une atteinte à la liberté d’expression et une remise en cause réelle de cette tradition de tolérance. Pour autant, des personnes de toutes convictions, origines et religions se côtoient à Amsterdam. D’ailleurs, la ville compte proportionnellement la plus grande concentration de populations allogènes d’Europe. Bien sûr, les différentes communautés ont tendance à se regrouper par quartiers, où elles animent leurs propres associations, possèdent leurs propres structures culturelles et parfois mêmes leurs propres écoles. Mais, dans un tel contexte, il serait exagéré de parler de ghettos chinois, surinamien, turc, marocain ou antillais. Car la cohabitation est ici bien réelle. 

Canal d'Amsterdam, la nuit. November 2005 © Frank van de Velde

Canal d’Amsterdam, la nuit. November 2005 © Frank van de Velde

Le revers de la médaille

En revanche, on peut constater, à Amsterdam, que la tolérance a aussi son revers. Son nom ? L’indifférence. Car si l’autre a le droit d’exister, et même d’afficher sa singularité, cela ne signifie pas qu’on s’y intéresse pour autant. Au contraire : à force d’habitude, la différence ne se remarque plus. Chacun va son chemin, sans s’occuper d’autrui. Pour certains étrangers, cette situation s’avère parfois difficile à vivre. Mais, après tout, l’indifférence est un phénomène commun à beaucoup de capitales…
Un autre facteur joue un rôle important dans le cloisonnement de la société : l’argent. A Amsterdam comme ailleurs, la richesse n’est pas également répartie au sein de la population. Une réalité qui se traduit d’ailleurs sur le plan géographique, les personnes les plus aisées résidant au centre et dans le sud de la ville, tandis que les plus pauvres vivent au nord et à la périphérie. Malgré cela, la capitale est relativement prospère, à l’image du reste du pays, d’ailleurs. « Rotterdam fabrique les richesses, La Haye décide de leur affectation, et Amsterdam les dépense », prétend un dicton populaire. Depuis la fin de l’ère industrielle, ce n’est pourtant plus tout à fait le cas. Beaucoup d’entreprises du secteur tertiaire ont établi leur siège à Amsterdam, parmi lesquelles de nombreuses sociétés internationales, qui choisissent la capitale néerlandaise pour son climat social favorable et sa main-d’œuvre ouverte sur l’extérieur. Le taux de chômage y est d’ailleurs très faible, même s’il reste légèrement plus élevé que dans les provinces.
De manière globale, la politique des Pays-Bas se caractérise par un libéralisme pragmatique, allié à une assez bonne protection sociale. A Amsterdam, on constate que les clochards sont peu nombreux et que la misère reste discrète. Quant à la criminalité, elle se concentre surtout autour de la prostitution et de la drogue, qui bénéficient, il est vrai, d’un traitement plus souple que dans les autres pays de l’union européenne. N’allons pas croire pour autant que les Amstellodamois soient un peuple de drogués et de pervers ! Après tout, le quartier chaud et les fameux coffee-shops ont été jusqu’à présent principalement fréquentés par les visiteurs étrangers… Le gouvernement néerlandais envisage en effet de limiter l’accès aux coffee-shops aux résidents des Pays-Bas. 

Un précieux décor

La ville d’Amsterdam compte pourtant bien d’autres centres d’intérêt ! En parcourant les rues étroites et les canaux du centre, on ne peut qu’être frappé par la beauté du patrimoine urbain : les hautes façades sculptées de la Courbe d’Or, les petites maisons du Jordaan avec leurs jardins au format de poche, les églises de brique, les somptueux édifices publics… Un héritage que la municipalité et les habitants essaient d’entretenir, de rénover et de mettre en valeur sans pour autant faire de la ville un musée sans âme. C’est d’autant plus vrai qu’Amsterdam ne se contente pas de protéger ses quelque 20 000 bâtiments anciens, mais prend également le risque de faire appel aux architectes les plus audacieux pour construire de nouveaux édifices ou prendre en charge des restaurations. L’extension de plusieurs musées, la transformation de certains espaces publics et l’aménagement de nouveaux quartiers sur l’Ij ont ainsi choqué les partisans du conservatisme architectural. Mais ces initiatives ont apporté la preuve que la ville reste bien en vie et qu’elle évolue constamment sans renier son passé. 

Aux arts, « et caetera »

Avec un tel patrimoine culturel, il serait étonnant que les Amstellodamois ne s’intéressent pas aux arts. Cela semble heureusement loin d’être le cas, du moins si l’on en croit le nombre de musées, de théâtres, d’orchestres et d’écoles d’art que compte la ville. Il suffit, pour s’en convaincre, d’assister à l’Uitmarkt, la manifestation qui, le dernier week-end d’août, inaugure la saison culturelle. Des centaines de milliers de personnes viennent alors assister à des représentations gratuites, écouter des concerts en plein air et se documenter sur les abonnements culturels. Amsterdam est également renommée pour son salon annuel d’œuvres d’art, qui se tient au centre de congrès RAI, ainsi que pour ses magasins d’antiquités, concentrés autour de la Nieuwe Spiegelstraat.
Toutes ces nourritures spirituelles n’empêchent pas les citadins d’attacher une grande importance à leur forme physique. Sans évoquer les cyclistes, qui font plus ou moins partie du paysage, on est surpris de voir combien d’Amstellodamois se livrent à des activités sportives, en particulier pendant le week-end. Aviron, jogging, voile, équitation ou patin à roulettes : à Amsterdam ou dans les alentours, les possibilités ne manquent pas pour s’oxygéner et entretenir son corps. Notons que les Néerlandais ont inventé le korfbal, un sport à michemin entre le basket-ball et le handball, qui se joue en équipe mixte et qui bénéficie d’une grande popularité auprès des étudiants. 

Un caractère indépendant

On peut d’ailleurs affirmer sans crainte d’exagérer que ces derniers contribuent largement à faire d’Amsterdam une cité vivante et dynamique. Car, au lieu de se concentrer exclusivement sur des campus à la périphérie de la ville, la population estudiantine se répartit autour des différentes facultés intra muros,occupant des chambres de bonne, des appartements communautaires ou squattant des immeubles abandonnés (un phénomène encore très répandu à Amsterdam, même s’il a récemment été menacé par un nouveau projet de loi). Au début de l’année universitaire, il faut voir les membres des associations d’étudiants parcourir la ville en habit de cérémonie et naviguer sur les canaux en affichant une attitude des plus extravagantes !
Mais, finalement, qu’ils soient jeunes ou plus âgés, les Amstellodamois ont en commun le sentiment d’être différents des autres Néerlandais. Le conformisme national hérité du calvinisme, qui considère comme inconvenant le fait de se distinguer de la masse, affecte beaucoup moins la capitale que les provinces. A Amsterdam, au contraire, on est fier d’avoir le verbe haut et une allure originale, de posséder une certaine ouverture d’esprit et de jouir d’une liberté précieuse : celle d’agir comme on le veut, sans souci du qu’en-dira-t-on.

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