
Praça da Liberdade © Leandro’s World Tour
Le nord du Portugal est un vaste territoire délimité par le fleuve Douro et la frontière espagnole.
Trois départements – Minho, Douro et Trás-os-Montes – constituent cet ensemble régional assez disparate. Aux riches vignobles et aux forêts d’eucalyptus des deux premiers, qu’animent quelques cités historiques et industrielles comme Braga, Porto ou Guimarães, se heurte une province orientale isolée sur de hauts plateaux peu fertiles, aux villes trop rares. Les « romarias », fêtes religieuses colorées typiques de la région, en sont sans doute l’un des seuls points communs. Ici, la ferveur catholique reste bien vivante. Les innombrables églises, couvents, monastères et chemins de croix en témoignent. Et offrent aux visiteurs de somptueux vestiges d’un baroque qui s’est immiscé, au cours des siècles, presque partout. Enfin, il y a le vin. Le fameux nectar qui porte le nom de la capitale du nord n’en provient pourtant pas ! A Porto, on produit uniquement du « vinho verde ». Il faut suivre le cours du fleuve jusqu’aux confins espagnols pour traverser les vallées étagées, piquées des ceps à l’appellation célèbre, qu’un implacable soleil d’été épanouit parfaitement. Seuls les propriétaires des quintas – les haciendas locales – semblent supporter l’aridité de ces terres, à la beauté étrange. En parcourant 200 km à peine, de la côte à la frontière espagnole, on s’égare alors, sous l’effet d’une atmosphère si particulière, bien au-delà des plantations…
Porto l’industrieuse
On la dit travailleuse, populaire et catholique. Elue capitale européenne pour 2001, la deuxième ville du Portugal, bâtie à l’embouchure d’un estuaire et concurrente de toujours de Lisbonne, offre au premier regard un visage de cité industrieuse.
C’est en traversant sa trop vaste et trop sombre banlieue, en supportant ses chantiers et ses inextricables embouteillages et en affrontant le dédale de ses ruelles en dents de scie que l’on découvre ses charmes. Le cœur historique de la ville, inscrit au patrimoine de l’humanité par l’Unesco, concentre un bel entassement architectural, qui descend jusqu’aux rives du Douro. C’est ici, dans les tavernes bâties sur les quais de Ribeira, que l’on goûte le mieux à l’atmosphère si particulière que l’agglomération dégage.
Rappel historique
Les hommes ont, depuis l’Antiquité, convoité l’embouchure du Douro et son accès à la mer, source de toutes les richesses et de toutes les aventures.
Les Romains y implantent deux sites portuaires – Portus et Cale – avant que la vague d’invasions barbares n’y attire Suèves, Wisigoths, Castillans et Normands. Les musulmans seront les plus tenaces, mais ne résisteront cependant pas aux velléités de Reconquista de la population locale.
Menée par Afonso Henriques au XIIe siècle, la Reconquête entraînera le comté de Portucale (Portus-Cale), situé entre Douro et Minho, vers l’indépendance. Dès lors, la ville n’aura de cesse de conforter sa vocation maritime, affinant, au cours des siècles, son savoir-faire en matière de chantiers navals. Elle fabriquera ainsi les vaisseaux qui participeront à la prise de Ceuta, menée par Henri le Navigateur, en 1415. Cette implication aura des conséquences des siècles durant, et l’on pourrait presque dire qu’elle reste l’une des causes principales de l’exode des régions reculées du Nord. Les habitants rêvent encore d’un ailleurs généreux, qu’ils n’imaginent atteindre que par voie navigable… Alors, faute de pouvoir partir aux Indes, au Brésil ou plus loin encore, ils s’installent à Porto et dans ses environs, et viennent gonfler les effectifs de ses banlieues, transformant peu à peu la deuxième ville du Portugal en une métropole à l’échelle du pays, forte de 1,2 million d’habitants. Le port de la ville ne se situe plus, depuis bien longtemps, à l’embouchure même du fleuve, mais a été implanté au nord, à Leixões (Matosinhos), dégageant ainsi le site de docks trop voyants.
Richesses industrielle, commerciale et vinicole contribuent par ailleurs à l’épanouissement culturel de la ville et, au-delà, de la région. Universités et écoles spécialisées sont légion. En 2001, la ville de Porto est entrée dans le troisième millénaire en devenant capitale européenne de la culture. La cité s’est dotée d’un sublime musée d’art contemporain, d’un auditorium grandiose et d’un musée de la photographie. Parallèlement, le centre historique a été restauré. Parmi les immenses chantiers, l’un des plus importants, l’ouverture des lignes de métro au centre, s’est achevé fin 2002.
De quoi faire blêmir la « rivale du Tage », qui voit, non sans une certaine pointe de jalousie, des milliers de touristes se rendre dans le Nord, parfois même sans faire la moindre escale à Lisbonne, tant il est vrai qu’un voyage à Porto se justifie amplement à lui tout seul.
Suivez le guide !
Une centaine de poteaux touristiques judicieusement plantés par la municipalité aux abords des monuments et sites culturels en racontent l’histoire en quelques lignes et en plusieurs langues, dont le français.
Les mangeurs de tripes
Pour mener à bien l’expédition de Ceuta, au Maroc, dirigée par l’infant Henri en 1415, les habitants de Porto furent contraints de fabriquer des vaisseaux et de fournir aux troupes de soldats et marins d’énormes quantités de viande. Ils durent donc se contenter des abats, que l’on ne pouvait alors pas transporter. Aujourd’hui encore, ils sont toujours surnommés tripeiros – les mangeurs de tripes. Ceux qui apprécient pourront s’en pourlécher les babines dans presque tous les restaurants de la cité du nord ! La recette typique se prépare à base de tripes de veau, saucisses, jambon, chorizo et haricots…
Suivez le guide !
Absence de parkings, rues à sens unique et travaux gigantesques paralysent le centre historique. Parcourir les rues de la vieille ville à pied semble la manière la plus adéquate pour en profiter. En revanche, n’oubliez pas une bonne paire de chaussures de sport, utiles pour s’attaquer aux collines escarpées…
L’art de l’azulejo
Elément essentiel de l’architecture portugaise, l’azulejo, dont le nom provient de l’arabe al-zuleiq, qui signifie littéralement « petit morceau de terre cuite », trouve son origine dans les invasions maures du premier millénaire. Tout d’abord apposés dans les cloîtres et les églises, les sujets décoratifs apparaissent rapidement sur toute façade offrant suffisamment d’espace. Ainsi, on en observe sur les murs des palais, des maisons individuelles, des restaurants et des bars, des stations de métro et des gares. A Porto, les noms des rues sont inscrits dans des plaques d’azulejos. Cet élément décoratif a servi en outre à tous les styles, du gothique au baroque, de l’Art nouveau à l’art contemporain.
Le vieux Porto
C’est, de la colline des Clérigos, que dominent l’église et la tour du même nom, jusqu’aux quais de Ribeira, un entrelacs de ruelles aux accents méditerranéens que ponctuent régulièrement quelques-unes des perles du baroque portugais.
Eglise et tour
L’église, et particulièrement sa façade, bâtie par Nazoni, architecte italien de renom qui œuvra pratiquement toute sa vie à Porto, est typique du XVIIIe siècle.
Mais c’est sa tour(ouvert du lundi au vendredi de 10 h à 12 h et de 14 h à 17 h, 19 h samedi et dimanche. Horaires variables selon les saisons. Entrée payante), que les marins pouvaient apercevoir de loin et qui leur servait de point de repère, qui est devenue le vrai symbole de la ville. Haute de 76 m, elle offre une vue imprenable sur la rivière qui serpente dans la vallée et sur les toits entremêlés de la vieille cité. A ses pieds, pour se remettre de l’ascension, l’ombre que procurent les tilleuls du jardin João Chagas, sur le campo dos Mártires da Pátria, est appréciable. On y aperçoit le bâtiment du Museu Nacional Soares dos Reis, situé derrière le grand hôpital de Santo António.
Librairie Lello e Irmão
Ouvert tlj de 10 h à 19 h, 10 h à 12 h dimanche. Entrée libre.
Pour rejoindre la praça Gomes Texeira, emprunter la rua das Carmelitas. Au numéro 144 de cette rue toujours très animée officie une boutique hors du commun, rendez-vous de ceux qui apprécient culture et art de vivre. Il faut flâner dans la librairie Lello e Irmão, située dans un immeuble néo-gothique, dont les vitraux intérieurs Art nouveau, les rayonnages en bois brut travaillé, les tables où l’on peut boire un café tout en feuilletant des ouvrages en français, en portugais et en anglais, des ouvrages de photos de Salgado ou des vieux livres pour enfants, sont autant d’invitations à un petit « cocooning » littéraire. Le jazz qui passe en sourdine à la radio donne envie de rester plusieurs heures.
Sur la praça Gomes Texeira, l’igreja baroque das Carmelitas et l’igreja do Carmo(ouvert tlj de 9 h à 12 h et de 14 h à 17 h), du XVIIIe siècle, méritent un coup d’œil, notamment pour la façade recouverte d’azulejos de la seconde et les talhas douradas des maîtres-autels.
Depuis la praça da Liberdade
La place de la Liberté présente un intérêt urbanistique certain, cernée par des bâtisses de styles néoclassique et baroque. Elle permet également de rayonner autour de la grande statue équestre représentant Pedro IV, empereur du Brésil, qui trône en son centre et d’atteindre la rue commerçante de Santa Catarina.
En chemin, on passe par la gare centrale, l’Estação de São Bento, qui occupe l’emplacement d’un ancien couvent. De l’extérieur, on ne soupçonne pas qu’elle recèle une salle des pas perdus ornée de sublimes panneaux d’azulejos. Jeter un coup d’œil aux quais, tous embellis par de grands bacs à fleurs. La gare en est devenue toute champêtre !
Toute proche, la praça da Batalha, à moitié pavée, est toujours animée. S’y trouvent quelques grands hôtels internationaux, le théâtre et l’église Santo Ildefonso, dont la façade décorée d’azulejos est en complète rénovation, qui contrastent avec les vendeurs de loterie, les marchands de friandises et les cafés traditionnels.
A deux pas s’ouvre l’artère indispensable de la ville : la rua Santa Catarina, piétonne et commerçante, offre d’alléchantes boutiques de prêt-à-porter à la mode et des magasins design de toutes sortes, dont les passants se délectent… Benetton, Armani et Zara occupent de vastes espaces à l’aménagement des plus modernes. Les terrasses des cafés permettent un point d’observation idéal ! D’autant que les pavés se prêtent bien aux spectacles et divertissements de rue.
La terrasse, au numéro 112, du café Majestic, véritable institution, dispose en outre de fauteuils en fer forgé recouverts de moelleux coussins. Mais la réputation de l’établissement s’est faite sur l’agencement Art déco de l’immense salle intérieure. Le mobilier 1900, les vastes miroirs reflétant les boiseries, les tables joliment mises, aux nappes blanches, et les spécialités de brasserie servies avec art confèrent à ce lieu une atmosphère très début de siècle. Perpendiculaire à la rua Santa Catarina, au numéro 279 de la rue en lacets de Formosa, officie encore l’une des épiceries fines les plus raffinées et les plus appétissantes de la ville. Chez Perola do Bolhão, même la façade, recouverte de faïence et d’une enseigne à l’ancienne, est avenante ! Saucisses, saucissons, jambons, chorizos, fromages de brebis, huiles d’olive, condiments et vinhos verdes sont irrésistibles.
C’est dans la même rue que le grand marché de Bolhão tient commerce (ouvert tlj sauf lundi). Bâtiment de fer et d’acier, au balcon métallique et au plafond ajouré, cette grande halle à moitié couverte fut bâtie en 1838. Les primeurs, bouchers, charcutiers, fleuristes, fromagers et poissonniers traditionnels alternent avec de petites échoppes de marchands qui négocient leurs productions individuelles. Les femmes en noir, au visage buriné, proposent deux poulets, un canard, quelques gâteaux multicolores et très crémeux ou un chapelet de boudin. Plus loin, ce sont quelques tommes de fromage fabriquées artisanalement, côtoyant un panier de gousses d’ail et trois ou quatre volailles en pied ! Au centre de la halle, une buvette invite à une pause café qui permet d’apprécier le site.
Cathédrale
Terreiro da Sé. Ouvert tlj de 9h à 12h30 et de 14h30 à 19h d’avril à octobre, de 9h à 12h30 et de 14h30 à 18h de novembre à mars.
Trônant sur son esplanade, qui domine la vieille ville et les toits des maisons des quais, la cathédrale gothique de Porto est imposante, avec son allure de forteresse du Moyen Age. Le maître-autel, exemple typique de talha dourada, a été réalisé par Nazoni. La chapelle du saint sacrement, entièrement ciselée d’argent, fut recouverte de stuc par un sacristain, pour éviter que les troupes napoléoniennes menées par Soult, au début du XIXe siècle, ne la réquisitionnent ! A gauche de l’autel, la jolie statue de la Vierge provient d’ateliers de sculpture de Vendôme.
Le cloître contraste fortement, de par son élégance, avec l’église elle-même. Sous les arcades soutenant les voûtes, on verra de très beaux panneaux d’azulejos, du début du XVIIIe siècle, signés par un artiste de renommée, Valentim de Almeida.
Palácio da Bolsa
Rua Ferreira Borges
Ouvert tlj de 9h à 19h d’avril à octobre, de 9h à 13h et de 14h à 18h de novembre à mars.
Entrée payante. www.palaciodabolsa.pt
Surplombant le quai de Ribeira, plusieurs bâtiments méritent une visite, avant d’entamer la descente en lacis du quartier, déclaré patrimoine de l’humanité par l’Unesco, qui mène aux quais.
A quelques centaines de mètres du marché, on peut visiter le Palácio da Bolsa – la Bourse – (rua Ferreira Borges. Ouvert tlj sauf samedi, dimanche et jours fériés de 9 h à 18 h 30. Entrée payante), qui vibre encore d’une activité uniquement commerciale. Le bâtiment fut construit en 1834 sur l’emplacement d’un ancien couvent. La grande salle du rez-de-chaussée en a adopté la forme en cloître. La « chambre arabe », située au premier étage, qui imite le style mauresque de l’Alhambra, brille de mille vitraux incrustés dans le stuc des moucharabiehs. C’est ici qu’en 1986 fut signée l’adhésion du Portugal à la Communauté européenne.
Telegrafo, le restaurant de la Bourse, d’allure très chic, possède un cadre intérieur magnifique. Les murs en pierre apparente, les grands tapis, les candélabres et les belles tables rondes espacées lui confèrent une atmosphère stylée très épurée. On peut aussi se contenter de boire un verre dans le salon attenant, qui imite parfaitement les pubs anglais.
Maison et église de São Francisco
Rua da Bolsa. Ouvert tlj sauf dimanche et jours fériés de 9 h à 17 h 30. Entrée payante commune aux deux édifices.
La maison du tiers-ordre de saint François, située en face de l’église (c’est là qu’on prend les billets), abrite un musée d’Art religieux et une crypte très impressionnante, aux têtes de mort et à la décoration sinistre en noir et blanc.
L’église qui dépend de cet ancien couvent franciscain date du XIVe siècle, mais bénéficia d’une reconstruction au XVIIe siècle. La nef est recouverte de motifs bucoliques en feuilles d’or. L’arbre de Jessé – arbre généalogique de Jésus, souvent représenté au Moyen Age – est exposé dans la deuxième chapelle et, proche de la sortie, se tient un groupe sculpté de moines franciscains partis convertir le Brésil, que l’on a représentés en plein martyre. D’un kitsch absolu, les « sauvages » brandissent leurs têtes ensanglantées tandis que les suppliciés encore vivants attendent stoïquement leur tour en priant à genoux !
Suivez le guide !
Juste au bas de la cathédrale, un petit restaurant – Patio da Mariquinhas Fados – présente, le soir, des spectacles de fado d’assez bonne qualité. A Porto, où ce chant traditionnel n’a jamais vraiment existé, c’est l’un des rares endroits pour écouter cette musique mélancolique.
La « talha dourada »
Signifiant littéralement « taillée et dorée », l’art de la talha dourada fait partie intégrante du baroque portugais. Sculptés sur bois, puis dorés à la feuille, les sujets trouvent leur inspiration dans la représentation, en volume et en volutes, de saints, de personnages et de scènes bibliques. La plupart des édifices baroques, qui adoptent ce style pour imposer au monde la toute-puissance de l’Eglise apostolique romaine, en sont emplis, mais c’est surtout à Porto que la technique s’épanouit, dès le début du XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, c’est Niccolo Nazoni, artiste d’origine italienne, qui l’illustre de la manière la plus significative, en décorant les maîtres-autels, les retables et les murs de la plupart des églises.