A l’origine, Maurice est une île déserte. Les premiers navigateurs, Arabes puis Hollandais, qui relâchent dans ses eaux viennent s’y approvisionner mais ne s’installent pas. Il faut attendre l’arrivée des Français et la création des premières plantations de cannes à sucre au XVllle siècle pour voir des habitants s’implanter de façon permanente.

Le melting-pot mauricien 

Les premiers habitants de l’île furent Français, Africains et Malgaches. Dès le début, les esclaves ont représenté le plus grand nombre. En 1787, l’Île compte 40 439 habitants, dont 33 832 esclaves. L’arrivée des Anglais, en 1810, ne modifie pas ce déséquilibre ; ceux-ci répugnent à s’installer sur l’Île. L’abolition de l’esclavage modifie totalement cet ordre des choses. A partir de 1834, des dizaines de milliers d’Indiens immigrent dans l’île pour travailler dans les champs de canne. En 1845 ils forment le tiers de la population ; en 1861 les deux tiers. Depuis, malgré l’arrivée de quelques milliers de Chinois, cette prééminence indienne perdure. Maurice, contrairement à Rodrigues ou aux Seychelles, perd son caractère créole pour devenir un melting-pot. En schématisant, on peut dire que les Franco-Mauriciens détiennent l’essentiel de l’économie, la communauté indienne contrôle le pouvoir politique et administratif, les Chinois dominent le commerce. La grande perdante de cette avantageuse distribution des rôles reste la communauté créole. Les Franco-Mauriciens constituent à peine 2% de la population. Pourtant ils gardent toujours l’essentiel du pouvoir économique. S’il est impossible de donner un chiffre précis, on considère généralement qu’ils maîtrisent les trois quarts de l’économie. Possesseurs des terres, ils ont fait fructifier la richesse acquise grâce au sucre en développant l’industrie hôtelière et en investissant dans l’industrie. 

Une forte densité 

Les débuts de la colonisation ont été difficiles. Pendant longtemps la population n’a pas été jugée assez nombreuse, principalement pour la culture de la canne qui nécessite une importante main d’œuvre. En 1767, l’île compte 18 500 habitants. Vingt ans plus tard, en 1787, la population monte à 40 439 habitants. En 1830 elle se situe à 96 000. L’afflux massif de travailleurs indiens fait grimper la population à 371 000 au début du siècle. En 1944, Maurice compte 420 000 habitants. A partir de la fin de la deuxième guerre mondiale et de l’éradication du paludisme, la population croît brutalement. En trente ans elle passe de 475 000 habitants à près d’un million. Une politique de contrôle des naissances permet de faire chuter le taux de natalité de 31 pour 1000 à moins de 12, et de stabiliser la population. Maurice, avec 1 200 000 habitants, compte 590 habitants au km², l’une des plus fortes densité au monde. 560 000 personnes vivent dans les régions rurales. Port-Louis et les agglomérations environnantes abritent la quasi-totalité de la population urbaine. Cet accroissement brutal de la population et l’exiguïté de l’île ont entraîné un renchérissement terrible des terrains. Beaucoup d’enfants, ayant atteint l’âge adulte et même mariés, vivent encore chez leurs parents, le logement est devenu le principal sujet d’inquiétude des Mauriciens, juste après le problème de la toxicomanie. 

Une harmonie fragile 

« La société mauricienne est très homogène et à la fois divisée ». Ainsi parlait Gaëtan Duval, le leader charismatique des créoles décédé en 1996. Il suffit d’observer la communauté indienne pour s’en rendre compte. Celle-ci vient en effet aussi bien du nord de l’Inde, le Bihar, que du sud, le Tamil Nadu. Séparée par les langues et le système des castes, cette communauté est aussi divisée par la religion, entre musulmans et hindouistes. Un parti confessionnel, le hizbullah d’obédience musulmane, tente d’ailleurs de jouer sur les sentiments religieux pour accroître son influence. La communauté créole, principalement établie dans le secteur privé, peut aussi se sentir lésée tant elle est sous-représentée dans l’administration et dans la vie politique alors qu’elle compte pour 32 % de la population. Cet état des lieux n’est en aucun cas figé, les mariages sont nombreux entre des hindous et des membres des autres communautés. L’harmonie bien réelle qui prévaut aujourd’hui pourrait connaître des dissensions si une crise économique survenait. La coexistence tant vantée à l’étranger existe bel et bien et si aucun politicien n’exacerbe les conflits potentiels, elle devrait demeurer un modèle.

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