Baignant dans les eaux turquoise de la mer des Caraïbes, le Yucatán déploie ses plages immaculées pour le bonheur des touristes internationaux. Mais c’est surtout une terre parsemée de vestiges d’antiques cités-Etats, dont les habitants demeurent profondément attachés à leurs racines mayas.

Palacio De Gobierno, Merida – Mexique © Bruce Herman
Mérida
Fondée en 1542 par Francisco de Montejo, « la ville blanche », comme l’avaient baptisée ses colonisateurs espagnols en voyant ses murs immaculés et ses habitants vêtus de blanc, est écrasée de chaleur dans la journée. Elle ne sort de sa torpeur qu’au coucher du soleil, lorsque les familles convergent vers les places arborées du centre colonial, attirées par un concert ou des danses typiques. La jolie capitale yucatèque cultive en effet un sens de la fête et du folklore, unique au Mexique, qui ravira ses visiteurs. Les racines mayas, mexicaines et caribéennes cohabitent avec bonheur, sur les broderies florales et colorées des huipiles, les robes traditionnelles des femmes, dans le rythme des joueurs de marimbas, et surtout lors de l’exubérant carnaval, avant le Carême.
Petit rappel historique
Mérida la maya ne s’est jamais aisément soumise au pouvoir central de la lointaine Mexico. Les premières tentatives de débarquement espagnol sur les côtes yucatèques sont toutes repoussées par les guerriers mayas, qui ne voient en ces « barbus » que des sacrifiés potentiels à offrir à leurs dieux. Point d’ancrage du pouvoir indigène, Tihó ne rend les armes qu’en 1542.
Ses temples rasés, elle est rebaptisée Mérida et se dote des éléments classiques d’une ville de Nouvelle-Espagne. Pour parer aux attaques des pirates et des Indiens, elle érige d’énormes murailles, dont ne subsistent guère de traces aujourd’hui. Bénéficiant d’un statut privilégié auprès de la cour d’Espagne, elle ne prend pas directement part aux mouvements d’indépendance. Son isolement s’accroît au cours de la guerre des Castes, entre 1847 et 1855 lorsque les Mayas, réduits à l’esclavage dans les immenses exploitations agricoles, se soulèvent contre le pouvoir blanc. Armés clandestinement par les Britanniques, ils prennent alors le contrôle du Yucatán. La résistance indienne ne sera véritablement matée qu’en 1901. Près de deux siècles durant, le henequén, un cactus dont on tire la fibre de sisal, déjà utilisée par les Mayas, est l’or vert du Yucatán. Plus d’un millier de haciendas se construisent. Leurs propriétaires, les hacendados, règnent sur un système quasi féodal, où la main-d’œuvre indienne est corvéable à merci. Mérida et sa région deviennent le premier producteur mondial de chanvre jusqu’au début du XXe siècle, lorsque la demande en cordages ralentit avec le déclin de la marine à voile, pour se tarir définitivement avec l’avènement des matières synthétiques (comme le nylon). Aujourd’hui, l’activité persiste, pour la fabrication de hamacs, de sandales, de cordes, de sacs et autres ustensiles domestiques vendus au marché. Les haciendas, magnifiques témoignages d’une architecture coloniale, sont restaurées et parfois converties en luxueux hôtels de charme.
Plaza Mayor
Au cœur de Mérida,le Zócalo est le lieu le plus animé de la ville, autour duquel s’égrènent les édifices les plus symboliques. Les arcades abritent cafés, où l’on peut se rafraîchir le gosier d’un verre frais d’horchata (mélange de lait de riz et de sirop d’amande), kiosques à journaux et vendeurs ambulants de glaces, de cigarettes ou de ballons.
Cathédrale
Au nord de la Plaza Mayor, le rigorisme architectural de l’imposante cathédrale, édifiée entre 1561 et 1598 avec les pierres des temples mayas détruits par les conquistadores, contraste avec l’habituelle profusion baroque des églises mexicaines. C’est en effet la première église construite dans le pays, à une époque où l’église catholique prônait encore dépouillement et pauvreté. Au fond de sa magnifique voûte en berceaux, un immense Christ de bois domine l’autel.
Palais
En sortant de la cathédrale, sur la droite, on pénètre dans le Palacio de Gobierno, dont l’escalier d’honneur présente une monumentale fresque murale aux couleurs vives, mythifiant l’histoire des Mayas et leur première rencontre avec les conquistadores. En montant à l’étage, les arcades offrent un agréable point de vue sur les jardins du Zócalo. A l’opposé, la casa de Montejo (investie aujourd’hui par une banque) présente une autre version de la prise du Yucatán par les Espagnols. Sur la façade de ce palais entre 1543 et 1549 par le vainqueur de Tihó, Francisco de Montejo, les conquérants portent hallebardes et écrasent du pied la nuque de barbares armés de gourdins… A proximité, le Palacio municipal propose tous les lundi soir et dimanche midi des spectacles folkloriques, emmenés par l’orchestre de la Police.
Parque Hidalgo
En empruntant la calle 60, on rejoint l’atmosphère bon enfant et ombragée du Parque Hidalgo, refuge des mariachis, des vendeurs ambulants et des amoureux. L’Iglesia de Jesus, au nord du parc, est l’ultime témoignage d’un ensemble monastique jésuite du XVIIe siècle, fondateur de la vénérable université du Yucatán, située à un bloc de là, et dont la cour centrale bordée d’arcades accueille des concerts et spectacles folkloriques. Au nord de l’église, on aperçoit déjà l’impressionnant Teatro José Peon Contreras, à l’extravagante architecture néoclassique. Construit au début du XXe siècle, à l’âge d’or du sisal, ce théâtre est l’œuvre d’un architecte italien, Enrico Deserti. Le hall est impressionnant : escalier monumental en marbre de carrare, voûte couverte de fresques exécutées par des peintres italiens…
Mercado
A deux pas du Zócalo, le marché quotidien de Mérida vaut le détour. Dans ce labyrinthe de petites échoppes sur terre battue, on trouve en vrac huipiles, des hamacs en corde de sisal, quartiers de viande, chemises guayabera, chapeaux de paille, herbes médicinales et tortillas. Sans oublier les cireurs de chaussures et les vieilles indiennes vendant des brassées de glaïeuls et autres fleurs flamboyantes de couleurs. Une tranche de vie yucatèque, prise sur le vif.
Paseo de Montejo
Grâce au sisal, Mérida rassemblait au début du XXe siècle le plus grand nombre de millionnaires. Ces exploitants agricoles ont fait bâtir de magnifiques palais privés, dont on peut découvrir quelques spécimens sur le Paseo de Montejo, la grande avenue au nord de la calle 60. Aujourd’hui noyées entre les immeubles modernes d’hôtels, de bureaux ou de boîtes de nuit, ces demeures exubérantes, au style rococo ou Art nouveau, ont valu à Mérida l’appellation de « Petit Paris du Mexique », tandis que son Paseo de Montejo était surnommé les « Champs Elysées ». A son extrémité nord, l’Altar de la Patria est un monument à la gloire de l’indépendance mexicaine.
Museo regional de Antropología de Yucatán
Paseo de Montejo/calle 43. Ouvert tlj sauf lundi de 8 h à 20 h, dimanche de 8 h à 14 h. Entrée payante, sauf dimanche et jours fériés.
Le Musée archéologique de l’Etat occupe le plus rococo des manoirs du Paseo de Montejo, le Palacio Cantón. Le rez-de-chaussée ressemble plus à un musée d’art et traditions populaires, mais la majeure partie de sa collection hétéroclite provient des civilisations Puúc-Mayas et Chenes, qui régnèrent sur le Yucatán entre le Xe et le XIIIe siècle. Une excellente introduction à la visite des sites archéologiques environnants et à l’artisanat régional maya.
Les abeilles mutantes
Dans les années 1950, des apiculteurs brésiliens importent discrètement dans leur pays des abeilles africaines, afin de les accoupler à des abeilles de souche européenne. But de cette manipulation génétique : créer une abeille produisant du miel en plus grande quantité. L’expérience s’avère catastrophique : non seulement l’insecte né de ces amours métisses est un monstre détruisant les ruches, mais, en plus, il s’échappe des laboratoires ! L’abeille mutante se multiplie, et poursuit inexorablement sa course vers le nord, menaçant le Yucatán, premier producteur mondial de miel. Au cours des années 1970, les premières nuées fondent sur les ruches de la péninsule. Les dégâts sont considérables. Depuis, des mesures radicales ont permis d’enrayer la progression de l’insecte mutant, qui s’en prend parfois à l’homme. Petit conseil en cas d’attaque : courir en changeant brusquement de trajectoire. L’abeille, elle, file tout droit…
Suivez le guide !
Si vous êtes à Mérida un jeudi soir, ne manquez pas les sérénades yucatèques, à 21 heures, au parque Santa Lucía, spectacle folklorique gratuit d’une quarantaine de danseurs. Le dimanche, cette placette accueille un marché aux puces animé.