La Laconie
La Laconie, c’est le pays des Spartiates, prodigues en coups d’épée et avares en paroles – d’où notre mot « laconique ». Ici commence le Sud. Les cyprès se multiplient, les chèvres cherchent l’ombre, tandis que s’affirment les traits méditerranéens de la péninsule.
Sparte, cité guerrière
La Sparte moderne est une longue avenue de maisons XIXe où les foules marchent à l’ombre. Une oliveraie la domine, où broutent les ânons : c’était l’acropole des fameux Spartiates, élite de guerriers issus de cinq villages. Leur entraînement se faisait à l’emplacement du théâtre qu’on voit sur les rives inquiétantes de l’Eurotas. Les recrues y arrachaient les roseaux pour s’en faire un lit. A l’ouest de l’urbanisation, s’ouvrent les sinistres crevasses du Taygète, où les femmes jetaient leurs nouveaux-nés refusés par un conseil de révision. Les Spartiates ne bâtissaient de monuments que dans les mémoires, tels ces hymnes où Tyrtée, leur Rouget de Lisle, appelait au surpassement ces « fils de la race invaincue d’Héraclès, aimant la noire Mort comme l’éclat du Soleil ».

Sparta at Night © condour
Mystra
Ouvert tous les jours de 8 h à 19 h, 15 h en hiver. Entrée payante.
Ville fantôme à flanc de mont, Mystra est un chemin de croix de cyprès et de chapelles de tuiles. Au sommet trône un château fort des Francs, chassés en 1252 par les Byzantins. C’est le début de Mystra, capitale d’un despote, chef d’orchestre de la reconquête. En descendant la colline, on fait halte dans une douzaine de monastères, dont chacun a sa personnalité. On voit d’abord Sainte-Sagesse (Agia Sofia), la chapelle des despotes. Plus bas, on trouve leur palais, aux allures monacales. Le monastère de la Pantanasa est orné de fresques évangéliques que les dernières nonnes de Mystra désignent avec pudeur et émotion. Plus riche encore, l’église métropolite Saint-Démètre (Agios Dimitrios) a vu le couronnement de Constantin XI, dernier empereur byzantin. Chaque 29 mai, une fête quelque peu nationaliste commémore sa mort héroïque sous les murs de Constantinople. Construit dans un recoin, Perivleptos possède les plus belles fresques.
Geraki
Cette ville charmante est un Mystra en miniature, avec ses chapelles qui s’étagent jusqu’à un autre château franc. La chapelle castrale est rarement ouverte. Dans le sombre intérieur se trouvent des bas-reliefs et un tombeau francs.
Monemvasia, Gibraltar égéen
C’est une acropole posée sur la mer qu’on atteint par une route éclaboussée de vagues. De là son nom de Malvoisie, donné par les Francs, c’est-à-dire « mal desservie » – une réinterprétation subtile du grec mono emvasia, « passage unique », allusion à l’étroit bras de mer qui courait entre le « rocher » et la côte. Au sud, sur une mince bande caillouteuse, l’homme a dressé un enclos de murs, pour en faire une charmante ville basse avec son petit port d’où l’on exportait le malvoisie, vin doux dont le cépage (en tout cas son nom, le phylloxera étant passé par là !) se retrouve dans les Cyclades, à Samos, et jusqu’en Sicile et en Croatie.
L’entrée du village
Une porte avec sa petite échauguette décapitée permet d’entrer dans l’enclos des remparts. Tout contre s’appuie la maison de Giannis Ritsos. Le poète communiste est né ici en 1909 et est enterré dans le cimetière marin. Il écrivit les paroles de nombreux morceaux de Théodorakis, dont les Chansons à la Patrie amère (1968).
Plateia Tzamiou
La ville haute
Un escalier en zigzag conduit jusqu’à la ville haute, jalonné de grinçantes portes cloutées. Après la dernière, on débouche sur une lande aux allures d’Ecosse, piquetée de buissons et de murets où traîne parfois un éclat de bombe. Cramponnée à la roche, la délicate église Sainte-Sagesse (Agia Sofia) se penche sur un point de vue de premier ordre.
La ville basse
La ville basse, alias Kastro, gravite autour d’une place centrale, plateia Tzamiou, c’est à dire, « place de la Mosquée ». S’y dresse la plus grande église du village, celle du Hristos Elkomenos (« le Christ traîné »), d’une icône de Jésus en route pour le Golgotha exposée à l’intérieur. Son joli campanile ajouré joue les cadrans solaires. En biais se trouve l’ex-mosquée turque (Paleo tzami), qui donne son nom à la place. Trois autres églises vénitiennes se cachent dans les ruelles bossues et fleuries où l’on joue activement de la truelle, tandis que les chats bien nourris affichent des airs de vacances.
Suivez le guide !
Reliée au Pirée, Monemvasia est un raccourci direct pour se concentrer sur le sud du Péloponnèse.
Le Magne
Un circuit de 90 kilomètres permet de découvrir cette péninsule, comptée parmi les endroits les plus magnifiques de Grèce. Peuplé de descendants des Spartiates, le Magne résista à tous les envahisseurs, même aux Turcs. Chaque village est toujours hérissé de tours de défense à arêtes blanches dans lesquelles se retranchait une famille ou un clan. Plusieurs ont été aménagées en hôtels de charme, QG des randonneurs.
La forteresse de Kelefa
Destinée à verrouiller l’entrée du Magne, Kelefa a été élevée au XVIe siècle par les Turcs, au milieu des rocs gréseux, troués comme du fromage. En étant prudent, on peut encore grimper sur le chemin de ronde et atteindre deux tours, encore solides.
Passavant (Passavas)
De l’autre côté du cap la forteresse franque de Passavas (XIIIe), disparaît dans les ronciers. Mine de rien, elle porte haut le cri de guerre du constructeur (la famille des Neuilly venus de Neuilly-sur-Marne) : « Passe avant ! » Il en reste son rempart en trapèze, et une mosquée au centre…
Aéropolis (Aeropoli)
Cette porte d’entrée du Magne a deux églises charmantes aux bas-reliefs byzantins et, sur la grand place, une statue de bronze immortalisant les farouches sabreurs maniotes.
Le Nekromanteion du cap Ténare
Depuis l’embranchement d’Alika, via Vatheia et Porto Kagio.
« Profonds abîmes du Ténare, Nuit affreuse, éternelle nuit », grandiloquait Voltaire. On accède au cap légendaire par des détours impressionnants. Face à une mer de graphite, baille l’entrée des Enfers. C’est par cet orifice puant (encombré de canettes et de bouteilles) qu’Héraclès remonta Cerbère, au bout d’une laisse. Une inquiétante casemate de gros blocs somnole à côté, le Nekromanteion, où les Anciens, spirites avant l’heure, venaient questionner leurs défunts.
Gerolimenas
Une jolie ville avec de petites tavernes ouvertes sur le port et la mer. Une halte de détente bienvenue lors d’un tour du Magne rigide.
Les grottes de Diros (spilea Dirou)
Au nombre de deux, elles sont comptées parmi les plus intéressantes de Grèce. On file en barque sous les stalagtites rougeoyantes qui répercutent des bruits d’eau.
Suivez le guide !
Quelques villages du Magne bien équipés en tours : Kardamuli, Vathia, Pagia, Kita, Flomohori.
Du Magne à la Balagne
Il y a près de 1000 tours dans tout le Magne. Les unes d’habitation (lontades), avec leurs fenêtres, les autres de guerre (purgi), avec polemistra (meurtrières) et katahustra (mâchicoulis). Toutes celles appartenant au même clan se blottissaient ensemble. Les querelles de territoires ou de prestige allaient bon train. Certains villages se sont décimés dans les allers-retours de la vendetta. Couteau leste et gâchette nerveuse, les Maniates fourniront un contingent redouté contre ces Turcs qui n’avaient pu les soumettre. A la fin du XIXe siècle, quand la misère les forcera à émigrer, les Maniates ne trouveront qu’une terre où s’installer, la Corse, seule fréquentable avec sa même culture clanique – et la même fougue pour la défendre.
Suivez le guide !
En passant par le Nekromanteion, ne manquez pas le phare de l’Acroténare : la vue depuis son esplanade est de premier choix !
Calamate et la Messénie
Point de ralliement de plusieurs clubs balnéaires, Calamate (Kalamata) est aussi synonyme de grosses olives savoureuses. 15 km à l’ouest sinue la silhouette racée des remparts antiques de Messénie(Messini).
Calamate (Kalamata)
La capitale des olives et de Messénie est agréable avec ses marchés sympathiques et animés. Le donjon de Calamate a été bâti par les maîtres du Péloponnèse au XIIIe siècle – les Croisés champenois. Depuis des années, il est fermé suite à son assise blessée par un tremblement de terre.
Les murs de Messène
A 15 km de Calamate.
Cette muraille de Chine serpente sur les collines. Soudain, dans un virage de la route en lacet, s’ouvre une magnifique porte en ellipse. Son immense linteau a basculé sur le sol. Le reste des fortifications, qui protégeait tout le territoire de l’antique Messène, court sur les collines et se perd entre forêts et maquis.
Coron et Modon, yeux de Venise
Pour tenir ses cartes stratégiques à jour, Venise avait deux centres de renseignement, Coron et Modon. Tout marin qui s’ancrait là et passait ensuite par Venise devait rendre compte des vaisseaux rencontrés. On transmettait aux services militaires et commerciaux du doge, qui ajustaient leurs plans.Les hautes portes de Coron (Koroni) n’abritent plus que des jardinets et un monastère de femmes. 50 km à l’ouest, sur l’autre côte du cap, la citadelle de Modon (Methoni) résiste à l’invasion des vignes, des pensions et des petites tavernes. Ses bastions en pointe s’usent sous les coups de langue des vagues blanches.Par un pont de bois et un porche sombre, on pénètre les remparts, tamponnés de lions de Saint-Marc, comme un passeport. Sur la place d’armes envahie d’herbages, on reconnaît une poudrière, et la colonne sur laquelle perchait l’inévitable fauve vénitien. La pièce maîtresse de Modon est son Bourtzi (XVIe siècle), clef turque de toute la fortification et mascotte de la cité : une tour octogonale à deux étages de crénelage, elle-même cerclée d’un rempart assez bas. On y accède par une jetée, puis on grimpe à plaisir les volées d’escaliers, sous la lumière tamisée d’étroites canonnières.
Navarin (Pylos, Pulos)
Non loin de là se trouve le palais de Nestor, un des héros de l’Illiade. Que l’archéologie ne fasse pas oublier Pylos et ses deux forts ombragés où les pyramides de boulets rouillent sous l’odeur des pins. De là s’ouvre à la vue une des plus belles rades du monde. C’est dans ce cadre idyllique qu’eut lieu, en 1827, la bataille de Navarin : une flotte franco-anglo-russe veut intimider la flotte turque ancrée dans le port. Un canon tire par erreur : c’est l’escalade. La flotte turque se retrouve au fond. Pour les Grecs, c’est un pas de plus vers l’indépendance. Sur le port, un obélisque remercie les marins alliés tués pour la cause.
Neokastro
Au sud, parmi les résineux, veille le fort sud. La puissante entrée est bien défendue par des embrasures de tir latérales. A l’intérieur, les générations de militaires puis de muséographes qui se sont succédé ont récupéré à leur guise dortoirs, réfectoires et mosquée. Très aérés, les remparts plongent sur la rade où eut lieu le tragique affrontement naval.
La rade
En faire le tour est une promenade splendide, avec quelques passages escarpés du côté de la falaise, mais des vues inoubliables sur cet arc de cercle fermé par le pointillé des récifs. Paleokastro, le vieux fort médiéval à triple enceinte parachève l’excursion. Du haut des remparts, on a vue sur une étrange lagune : l’ancien port de la Pylos de Nestor.