A l’ouest
Une ville délicieuse largement ouverte sur une mer émeraude, un arrière-pays égrenant une multitude de monastères et les gorges les plus profondes d’Europe… La Canée et sa région réunissent sans conteste le meilleur de la Crète.
La Canée
Nichée au beau milieu des montagnes Blanches et baignée par des eaux cristallines, La Canée fait un peu figure de vedette parmi les villes crétoises. Dominée successivement par les Romains, les Génois, les Vénitiens et les Turcs, elle offre aujourd’hui un pêle-mêle architectural particulièrement riche. Dans les ruelles pavées qui s’étagent au-dessus du port, les demeures vénitiennes aux balcons de pierre voisinent avec les monastères orthodoxes et de vieilles maisons aux avancées de bois, héritage de l’occupation ottomane. Plus indolente, plus chaleureuse et plus maritime que sa grande rivale Héraklion, La Canée a gardé intact un charme un peu provincial et constitue la meilleure base pour découvrir la partie ouest de la Crète.
La vieille ville

La vieille ville vénitienne et turque (La Canée, Crète) © dalbera
Elle s’étage en amphithéâtre au-dessus du port vénitien, épousant parfaitement la forme de la baie qui l’abrite. En longeant le port côté ouest, on découvre tout d’abord le quartier Topanas. Coincé entre les remparts, c’est un écheveau de petites ruelles, dont la plus belle, l’odos Théotokopoulou, regorge de demeures ottomanes en bois peint et de maisons vénitiennes. Dans le prolongement de Topanas, on rejoint l’ancien quartier juif avec les rues Halidon et Zambeliou, où se mêlent cafés, tavernes et boutiques pour touristes. La synagogue Etz Ayyim témoigne encore de la longue présence de la communauté juive dans l’île. Après avoir flâné dans Topanas, rendez-vous à l’est du port avec le quartier Kasteli, le plus ancien de La Canée. Habité dès le néolithique, il a servi d’acropole jusqu’au XIIIe siècle, date à laquelle les Vénitiens l’ont entouré de murailles et y ont édifié de nombreux palais. Aujourd’hui, les deux artères principales de Kasteli, les rues Kanevarou et Lithinon, débordent de portails sculptés, de patios à colonnades et autres vestiges de l’époque vénitienne. On y découvre notamment les anciennes archives, dont il reste une très élégante porte ornée de chapiteaux corinthiens. Moins visité que les autres quartiers de la ville, Kasteli offre l’ambiance la plus authentique. Les artisans n’ont pas encore cédé la place aux magasins de souvenirs. Les enfants jouent au ballon sur les placettes, surveillés du coin de l’œil par de vieilles femmes grecques qui prennent le frais sur le pas de leur porte, traditionnel foulard noir sur la tête et aiguille de crochet à la main.
Port
C’est la vitrine de La Canée, l’endroit idéal pour démarrer la journée en dégustant un yaourt au miel ou, pour la finir, au coucher du soleil, avec un verre de raki. Trop peu profond pour recevoir les gros navires, ce petit port abrite seulement les bateaux de plaisance et les barques de pêcheurs. Excellente initiative, les quais sont depuis peu interdits aux voitures. A l’est, les anciens arsenaux vénitiens dressent leurs neuf immenses voûtes, mais l’empreinte turque s’impose partout. Le môle se termine par un phare en forme de minaret et le port extérieur est bordé par la mosquée des Janissaires et son dôme, le plus ancien édifice ottoman de toute la Crète. Depuis le quai Kountouriotou, une ruelle pleine de charme borde le musée de la Marine avant de longer sur la droite le plus beau palais vénitien de la ville, la casa Delfino, devenue un hôtel, et sa cour ornée de mosaïques. Face à cette maison, une autre ruelle aboutit à une porte de pierre. Il s’agit de l’entrée d’un autre palais, sur laquelle on peut admirer les armoiries de la famille Renieri, l’une des plus importantes de La Canée.
Musée archéologique
Odos Chalidon 21. A 100 m du port. Ouvert du mardi au vendredi de 8 h à 19 h et le samedi et le dimanche de 8 h 30 à 15 h. Entrée payante.
Ce musée est installé dans la basilique San Francesco, beau bâtiment vénitien avec ses fenêtres gothiques et ses nefs voûtées. Les salles du musée exposent des terres cuites, des sculptures, des sarcophages de l’époque minoenne mais surtout trois magnifiques mosaïques dont La Demeure de Dionysos, trouvée dans les villas de Kydonia et datant de l’époque romaine. A ne pas manquer, le petit jardin, avec ses allées fleuries et sa fontaine ottomane décagonale, soulignée par de fines colonnes et ornée d’une élégante calligraphie.
Musée de la Marine
Akti Kountouriotou(à l’extrémité d’odos Angelou). Ouvert du mardi au dimanche de 9 h à 14 h (16 h en été). Entrée payante.
Installé dans la tour Firka, ce musée méconnu propose une multitude de documents évoquant l’histoire de la Crète depuis le siècle dernier. On y découvre les plans des batailles navales qui se sont déroulées au large de la Crète et de nombreuses photos : le port dans les années 1900, le prince Georges, haut commissaire de l’île, à son arrivée en 1898. Et, surtout, de très émouvants clichés pris au moment de l’Enosis (le rattachement à la Grèce), en 1913, montrant les habitants fêtant leur libération après plus de cinq siècles d’occupation. Le musée abrite également de belles maquettes de navires, des blasons, des instruments de navigation et une impressionnante collection de coquillages… Durant l’été, des spectacles et des concerts ont lieu devant les portes du musée, au pied de la tour Firka.
Juifs et Crétois
Selon les historiens, une communauté juive vivait déjà en Crète en 142 av. J.-C. Durant la période byzantine, la plupart habitent Khandax (l’actuelle Héraklion), mais, dès que les Vénitiens s’emparent de l’île, ils s’installent également à La Canée et à Réthymnon. Les trois communautés connaissent alors une période de grande prospérité, en dépit de quelques tensions avec les chrétiens et des nombreuses mesures discriminatoires qui leur sont infligées. Durant l’occupation turque, les contraintes qui leur sont imposées sont même assouplies. En 1930, on compte environ 400 juifs dans l’île. Presque tous seront arrêtés en juin 1944 et périront dans le naufrage du bateau qui les emportait vers le continent. En 1950, La Canée était la seule ville à accueillir deux familles juives.
Crétoises et féministes !
Certes, le mot misogynie vient du grec mais, en Crète comme sur le continent, les femmes sont en train d’accomplir leur révolution. Si les traditionnels kafeneio des villages restent des univers très masculins, les cafés branchés d’Héraklion et des autres villes sont devenus le rendez-vous favori des femmes, qui se retrouvent entre copines pour discuter durant des heures. Côté vestimentaire, les jeunes ont troqué les robes noires de leurs grands-mères contre des décolletés plutôt provocants ! Cette émancipation se ressent tout autant sur le plan professionnel. Durant la résistance, les femmes crétoises ont combattu les armes à la main. Après la Seconde Guerre mondiale, elles se sont mises à travailler et ont obtenu le droit de vote en 1952. Aujourd’hui, elles veulent être partout : dans la presse ou dans la police, dans les milieux politiques ou artistiques, bancaires ou commerçants.
Suivez le guide !
Au marché couvert, bâti sur un ancien souk, vous aurez l’occasion de déguster les pitas locales, délicieux chaussons fourrés au fenouil sauvage ramassé dans la montagne.
Jardin municipal
Des palmiers, des orangers, un minizoo abritant de petites chèvres sauvages, voilà l’un des plus beaux jardins de l’île et surtout le rendez-vous favori de la jeunesse branchée de la ville. Chaque soir, on se retrouve en bande au kafeneio pour boire un verre en attendant la séance du cinéma en plein air.Ambiance garantie !
Presqu’île de Rhodopos
Cette avancée aux allures de bout du monde offre de très beaux paysages qui se découvrent à pied ou au fil d’un réseau de pistes poussiéreuses. La balade commence par le village de Kolimvari, qui abrite une école de poterie traditionnelle crétoise. Voici le moment d’acquérir pots et jarres de grande qualité dans l’un des nombreux ateliers de la rue principale ! A 2 kilomètres se trouve le monastère de Gonia, imposante forteresse bâtie en 1618, brûlée par les Turcs en 1645, reconstruite en 1662 et remaniée en 1880. Le résultat ? Un subtil mélange de styles baroque et vénitien qui mérite vraiment la visite. Mais le monastère réserve bien d’autres surprises : une remarquable collection d’icônes, exposée dans le réfectoire et surtout l’occasion de multiples rencontres sociales et culturelles.
Aujourd’hui siège de l’académie orthodoxe, le monastère organise de nombreuses réunions. On y donne des cours de perfectionnement pour les agriculteurs de la région et les femmes y viennent également pour réfléchir et discuter de leurs droits. Un lieu bien vivant où l’étranger est toujours accueilli avec chaleur et simplicité.
Kissamos
Blotti entre les presqu’îles de Rhodopos et de Gramvoussa, le village de Kissamos occupe au fond de la baie un site encore peu fréquenté. On y vient surtout pour les vestiges de l’antique et prospère Kissamos, siège d’un évêché à l’époque byzantine et port fortifié durant l’occupation vénitienne.
Presqu’île de Gramvoussa
Une seule route longe cette étroite bande de terre, traversant des paysages secs et rocailleux pour aboutir à un chemin où paressent des troupeaux de chèvres. En deux heures de marche, on rejoint alors un magnifique lagon dans une nature absolument préservée. La seule taverne de la presqu’île est aujourd’hui encore ravitaillée par la mer !
Falassarna
A 7 kilomètres de Kissamos, la route file plein ouest pour rejoindre les ruines helléniques de la ville antique de Falassarna. De récentes fouilles ont permis de dégager une partie de théâtre, des thermes romains, une villa du IIIe siècle ornée de beaux pavements. La présence de ce site archéologique a également bloqué différents projets d’urbanisation, préservant miraculeusement cette partie de l’île. Après le site, la route mène à une immense plage, totalement isolée. Des centaines de serres abritant tomates, fleurs et melons surplombent la mer. Quelques tavernes et cafés bordent la plage et la petite crique rocheuse qui ferme la baie vers le nord. Falassarna constitue l’un des temps forts d’un voyage en Crète !
Monastère aux marches d’or et les villages alentour
Pour rejoindre Paleochora sur la côte sud, la route passe par une succession de petits villages : Kefali, Strovles, Elos. Aucun ne possède de site remarquable, mais il faut prendre le temps de s’y arrêter, car tous ont gardé les allures d’une Grèce vraiment authentique : peu de visiteurs, de petites épiceries remplies du sol au plafond, d’inévitables kafeneio sur des placettes ombragées où les hommes jouent au tavli… Autre arrêt obligatoire, Moni Chryssoskalitissa, « le monastère aux marches d’or ». Construit sur un promontoire rocheux surplombant la mer de Libye, à 35 mètres de hauteur, ce monastère à l’architecture vénitienne servit longtemps de refuge aux naufragés échoués dans cette partie de l’île. Actuellement, quelques moines y habitent et autorisent la visite. On y entre alors en empruntant le fameux escalier qui, selon la légende, comporte une marche d’or. Mais celle-ci ne peut être reconnue que par « les Bienheureux », grâce à l’intervention de la Vierge…
On recrute pour les travaux des champs
Dans cette partie de la Crète, les cultures en serre ont donné un véritable coup d’accélérateur à la production et les agriculteurs sont très demandeurs de saisonniers, souvent de jeunes étudiants venus des quatre coins de l’Europe. Mais ils ne sont pas les seuls dans l’île, et l’on peut travailler en Crète à n’importe quelle période de l’année. Septembre est traditionnellement le temps des vendanges, dans la région de Knossos, dans le centre et l’est. Novembre est consacré à la cueillette des olives, suivie durant l’hiver par celle des oranges, des mandarines et des citrons. D’avril à juillet, on ramasse tomates et concombres. Dernier détail, il est d’autant plus facile de travailler en Crète que la Grèce fait partie de l’Union européenne !
Paleochora
Perché sur un promontoire, dominé par une forteresse vénitienne édifiée en 1279 et détruite par le corsaire Barberousse, Paleochora possède, lui aussi, une atmosphère très grecque. Surnommé « la fiancée de la mer de Libye », le village commence seulement à accueillir quelques nouveaux hôtels et le centre a conservé intactes ses petites ruelles commerçantes, bordées de belles maisons aux balcons fleuris. Paleochora offre également deux immenses plages de sable et quelques criques de gravier, ombragées et plus solitaires. Une villégiature idéale qui permet, en outre, quelques échappées très agréables dans les sites environnants.
Ile de Gavdos
Quatre fois par semaine en haute saison, un petit caïque, le Sophia, part de Paleochora vers la petite île de Gavdos, à 50 kilomètres environ de la côte. Deux heures environ de bateau conduisent à un véritable paradis qui offre à ses visiteurs de sublimes plages de sable immaculé, à l’ombre des pins et des grands cèdres. Très isolée, l’île est habitée aujourd’hui par une quarantaine d’agriculteurs qui cultivent les oliviers et élèvent quelques chèvres. Gavdos possède deux tavernes seulement face au môle de Karabe et une seule épicerie, pas toujours bien approvisionnée. L’occasion idéale pour jouer les Robinson durant quelques jours dans cette île où, selon la légende, la nymphe Calypso a séduit Ulysse. Tout un programme !
Suivez le guide !
Voilà quelques années, un pélican a été blessé par des chasseurs. Recueilli par les habitants de Paleochora, il est aujourd’hui l’emblème du village.
Ile d’Elafonissi
Toujours en caïque, Paleochora permet également de rejoindre la petite île d’Elafonissi. Quasi déserte, sauf durant l’été, où elle est envahie par les estivants, l’île est entourée d’une longue plage de sable rosé qui provient de débris de nacre. Les mouettes ont élu domicile dans les dunes en surplomb, quelques tamaris bordent de petites criques. Un régal pour les yeux.