Encore peu touristique, l’itinéraire Saint-Louis-Richard-Toll-Matam-Bakel-Kidira épouse tout le cours moyen du fleuve Sénégal qui forme une frontière avec la Mauritanie et emprunte tout du long la N2.
Fort longue, cette incursion dans les terres est facile jusqu’à Matam, puis rendue compliquée par le mauvais état des routes autour de Bakel. Elle demande donc du temps, surtout pour rejoindre ensuite le Sénégal oriental en passant par Tambacounda. Cet itinéraire traverse d’abord l’ancien royaume wolof du Walo (qui dépendait de l’empire djolof et couvrait toute la basse vallée du fleuve de l’Atlantique à Podor), puis pénètre sur le territoire des anciens royaumes toucouleurs (Founta-Toro).
Aujourd’hui, la mise en valeur de la vallée du Sénégal par la construction de barrages (Diama) et l’aménagement de grands périmètres de terrains irrigués permet un développement de l’agriculture (riz, canne à sucre, mil, sorgho, tomate,…) et de l’élevage.
Quitter Saint-Louis par le pont Faidherbe et traverser le quartier de Sor, sur la terre ferme. La N2, qui longe l’aéroport et l’université de Saint-Louis, mène à Richard-Toll (95 km) en suivant le cours du Lampsar, un des bras du fleuve Sénégal. Déjà voué à la riziculture, tout le delta du fleuve, qui appartenait au royaume du Walo, va encore accroître ses surfaces cultivables grâce à la construction du nouveau barrage de Diama. Déjà, au XIXe siècle, des petits barrages avaient été construits au temps du baron Roger, gouverneur du Sénégal de 1822 à 1827, pour soustraire tous ces terrains inondables à l’emprise de la mer et des mascarets.
Richard-Toll, le « jardin de Richard », garde le souvenir de cet agronome qui sous les ordres du baron Roger fut le premier à mettre en valeur la région. Au sud de Richard-Toll, la Compagnie sucrière sénégalaise a pu aménager d’immenses plantations de cannes à sucre entre le fleuve et le lac de Guiers grâce à des systèmes d’irrigation permettant de lessiver les sols pour en éliminer le sel. Elle emprunte de l’eau douce dans le lac qui joue un rôle essentiel dans la régulation du cours du fleuve Sénégal avec lequel il communique par des canaux. Tout le delta (y compris la partie mauritanienne) dépendait autrefois des braks, rois du Walo.
Ceux-ci eurent d’abord à en découdre avec les Maures Trarza qui détruisirent leur première capitale Ndiourbel, sur la rive droite du fleuve, et amputèrent leur royaume de sa partie septentrionale. Les braks se réfugièrent alors au bord du lac de Guiers où ils édifièrent leur nouvelle capitale, Nder, sur la rive occidentale. Ils essuyèrent ensuite de nombreuses querelles intestines, des nouvelles incursions maures et des guerres avec le Cayor, avant d’être annexés par Faidherbe au XIXe siècle. Un peu avant d’arriver à Richard-Toll se trouve un carrefour dont la branche de gauche mène à Rosso, de l’autre côté du fleuve (bac), et poste frontière sur la route de Nouakchott, capitale de la Mauritanie, à 203 km.
A Richard-Toll, bâtie près du Sénégal et de la Taouey, la belle résidence ruinée du baron Roger construite sur une île au milieu d’un parc se visite. Continuer sur Dagana (129 km de Saint-Louis), gros village au bord du fleuve doté d’un ancien fort et d’un marché très animé (bijoutiers maures, tisserands toucouleurs), puis sur Podor (5.700 hab., poste, dispensaire, garage, station service, campement), ville pittoresque dont les maisons de terre battue (« banco ») sont couvertes de toits en terrasse.
Le fort, actuellement occupé par la gendarmerie, fut construit en 1854 à l’initiative de Faidherbe pour protéger le commerce de la gomme. La légende raconte que les éléphants mourants venaient jadis s’ensevelir dans leur cimetière de Morfil, une des plus longues îles du fleuve (120 km) bordée par le Sénégal et le Doué. Les mosquées de Guédé, Tiélao et Ndioum, qui s’élèvent sur cette île, sont construites en banco dans le style soudanais. Toute cette région est une des plus anciennes terres d’islam du pays. En effet, les moines soldats musulmans almoravides, venus du Maroc, firent leur jonction dès le XIe siècle avec les peuples toucouleurs du fleuve Sénégal qu’ils convertirent.
Puis, ensemble, ils allèrent piller et mettre fin à l’empire du Ghana. Un de ces chefs almoravides, Abou Darda, serait enterré dans l’île Morfil, tandis que la capitale du Fouta-Toro, Takoro ou Tékrour, aurait été située près de Podor. Beaucoup plus près de nous, vers 1795, serait né à Halwar, près de Podor, le grand chef toucouleur El Hadj Omar qui se battit contre Faidherbe (siège de Médine, 1857) avant d’aller mener la guerre sainte, la « djihad », contre les Bambaras de Ségou, au Mali, et les Peuls du Macina.
Il mourut mystérieusement en 1862 dans une grotte près de Bandiagara, en pays dogon au Mali. De Podor, regagner la N2 à Ndiayène et rouler vers l’est en longeant parfois le Doué, un des bras du Sénégal, jusqu’à Thilogne (361 km de Saint-Louis).
Une route sur la gauche franchit le marigot de Diammel et le Sénégal puis mène à Kaédi, en Mauritanie, au bord du Gorgol. C’est un tremplin possible pour aller visiter l’est de la Mauritanie, en rejoignant la nouvelle route transmauritanienne Nouakchott-Néma, construite par les Brésiliens.
Il reste 51 km à parcourir pour atteindre Matam (8.800 hab., poste, radio, dispensaire, garage, essence, hôtel), capitale du « grenier à mil » de la région du fleuve. Située dans une petite vallée ombragée et accueillante, la ville est réputée pour la qualité de son artisanat (bijouterie, tissage). Sa population d’agriculteurs et d’éleveurs se compose surtout de Toucouleurs, de Peuls et de Sarakolés, appelés aussi Soninkés, réputés grands voyageurs de l’Afrique. Comme Podor, Matam ne se trouve pas sur la N2 mais au bord du fleuve.
Au carrefour d’Ouro-Ségui, revenir sur la grande route de l’est. Bakel (562 km de Saint-Louis) est un ancien fort construit par les Français pour protéger la navigation sur le fleuve. L’explorateur René Caillié se réfugia là avec une colonne militaire française poursuivie par les Peuls du Fouta-Djalon, lors d’un de ses premiers séjours au Sénégal, en 1819.
Il n’entreprendra son grand voyage vers Tombouctou qu’en 1827. Principalement peuplé de Sarakolés, Bakel est un charmant village du bout du monde noyé dans une oasis perdue en plein désert. Ses cases aux toits de paille lui confèrent un charme particulier et son marché est très animé.
De Bakel, l’itinéraire se termine à Kidira, poste frontière du Sénégal et du Mali pour les automobiles et le chemin de fer Dakar-Bamako, au bord de la rivière Falémé, principal affluent du Sénégal.
A quelques kilomètres en amont de Kidira, à Sénoudébou, gisent les vestiges du fort français de Saint-Pierre.