Paysage, Las Médulas, León

Paysage, Las Médulas, León

La Meseta (de mesa, table) occupe près de la moitié des terres d’Espagne. Ce vaste plateau entre 1 000 et 400 m d’altitude s’étend de la vallée du Duero, au nord, à la Sierra Morena, aux portes de l’Andalousie. Bordée de montagnes, divisée par la grande cordillère centrale, la Meseta couvre les régions administratives de Castilla y León, de Madrid, de Castilla-la-Mancha et d’Extremadura, toutes deux confondues par l’absence de frontières naturelles. Haute plaine privée d’ombre, au climat rude en raison de l’altitude et des hauteurs qui l’isolent et la partagent, la Meseta est une terre de céréales et de vigne, où l’olivier est le plus souvent absent, interdit par la rigueur de l’hiver tandis que les étés sont brûlants.

En Vieille Castille
Au IXe siècle, la frontière entre royaumes chrétiens, au nord, et musulmans, au sud, se fixe sur le Duero. Après Oviedo dans les Asturies, Léon devient, en 912, la capitale du royaume asturo-léonais, moteur de la Reconquête.
La Castille est alors un comté, désigné depuis l’an 800 comme territorum castelle, une terre de châteaux, située à l’approche de la vallée de l’Ebre (le nord de la province de Burgos). Sous l’autorité de Fernan Gonzalès, le comté s’affirme au Xe siècle comme une puissance autonome qui impose un premier recul aux Maures. Par le jeu des successions et des alliances, il devient un royaume en 1035, annexant deux ans plus tard le Léon. Forts de la Reconquête, ses souverains affirmeront leur autorité sur l’ensemble de la péninsule.
La Reconquête donne au royaume de Castille ces hautes terres où se développe, dès le Moyen-Âge, l’élevage transhumant, puis une florissante industrie lainière. A partir du XVIIe siècle, le recul qui affecte les riches cités drapières (Ségovie, Avila, Burgos) privées du commerce avec les Flandres les relègue au rôle de villes secondaires, à demi assoupies. L’Espagne de l’intérieur, hormis Madrid et ses abords immédiats, se fige pour longtemps. Ce n’est qu’avec la nouvelle répartition administrative, post-franquiste, que plusieurs d’entre elles renouent avec un dynamisme économique comme Burgos ou Valladolid qui, grâce à une industrialisation récente, atteint maintenant 350 000 habitants.
La Communauté autonome de Castilla y León possède un riche patrimoine médiéval. A compter du XIe siècle, l’art révèle le fort engagement de l’Espagne dans l’Occident chrétien et la confrontation avec l’islam. Au commencement du Moyen-Âge, les Wisigoths ont laissé de superbes témoignages de leur architecture de pierre, qui renoue avec la sculpture monumentale. Les églises de Baños de Cerrato, en banlieue de Palencia, de Quintañillas de las Viñas, près de Covarrubias, et de San Pedro de la Nave, près de Zamora, toutes trois du VIIe siècle, sont des édifices clefs de de cette époque. Le monastère de San Miguel de la Escalada près de Léon, élevé au Xe siècle par des moines venus de Cordoue, peut être considéré comme un manifeste de l’art mozarabe, comme est atypique l’étonnant ermitage de San Baudelio de Berlanga, dont les peintures romanes sont déposées au Prado et à New York.
Sur la route du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, l’art roman se déploie sous le signe des échanges avec le Languedoc. L’église Saint-Martin de Fromista malgré ses restaurations abusives du début du siècle, et le Panthéon royal de León sont les grandes étapes castillo-léonaises du pèlerinage qui ont conservé leur parure romane. Au monastère de Santo Domingo de Silos, la sculpture du cloître montre de forts emprunts languedociens.
De la même manière que les clunisiens reçoivent au XIe siècle le soutien d’Alphonse VI pour s’établir en Espagne chrétienne, les cisterciens bénéficient de l’appui des souverains Alphonse VII et Alphonse VIII dans la seconde moitié du XIIe siècle. S’ils participent à la diffusion du voûtement d’ogives, l’introduction de l’art gothique français à Tolède, Burgos et Léon est voulu par les grands prélats. Au XVe siècle, l’art gothique tardif connaît un bel essor en relation avec celui des Flandres et de Germanie.
Les fortifications et les châteaux qui accompagnent tout le Moyen-Âge et dominent chaque village, chaque plaine, chaque relief, sont indissociables des paysages castillans. Le château de Mombeltrán, du milieu du XVe siècle, se fond dans les paysages de la Sierra de Gredos. Le château de Turegano, des Xve et XVIe siècles, qui renferme une église romane, domine le village. Quant au château de Coca, paré de briques, comme celui de La Mota non loin, il surgit du plateau par enchantement. Elevé à la fin du XVe siècle, il est un témoin de l’architecture militaire mudéjare.

En Nouvelle Castille
Passé la Sierra de Guadarrama et son univers de granit, la Nouvelle Castille, terre de Don Quichotte, est parcourue par le Tage et le Guadíana ; elle offre un panorama très différent de la Meseta du nord. Si son climat plus méditerranéen accepte l’olivier, la vigne règne en maître sur les plateaux des provinces de Tolède, Cuenca, Ciudad Real et Albacete ; la région de Castilla-la-Mancha, avec 770 000 hectares de vignoble, produit la moitié du vin espagnol dont un des plus fameux, le Valdepeñas. Autour du Tage, des gorges profondes entaillent les plateaux arides qui lui donnent son nom, la Mancha, signifiant « terre sèche » en arabe. Il y a enfin la surprenante Mer de Castille, une retenue d’eau artificielle sur le Tage qui propose toutes les joies du nautisme.
Avec la vallée de l’Henares, couloir industrialisé sous orbite madrilène, Madrid porte sans doute ombrage au développement industriel de la Mancha. Ici, davantage qu’en Vieille Castille, la plupart des villages poursuivent leur long sommeil. L’artisanat traditionnel de plusieurs villes et villages mérite d’être connu, telle la fameuse céramique jaune et bleue de Talavera de la Reina, celle d’El Puente del Arzobispoles, ou la céramique et les couteaux d’Albacete. Si Almagro, autrefois capitale de l’ordre de Calatrava, doit à la dentelle sa renommée, sa Plaza Mayor, longée de maisons à portique et de balcons fermés, et son Corral de Comedias du XVIe siècle lui assurent autant de renom. De belles demeures aristocratiques complètent le charme de cette petite ville de 9 000 habitants.
Avec ses maisons accrochées aux flancs des falaises entre le Júcar et le Huécar, Cuenca fait figure d’équilibriste ; l’espace exigu de la plate-forme rocheuse commanda ces constructions aux balcons couverts en suspens au-dessus du vide, les casas colgadas. La ville de 46 000 habitants s’est étendue bien au-delà du Huécar préservant le centre historique aux ruelles escarpées classé par l’Unesco. Sa cathédrale gothique date du derniers tiers du XIIe siècle, mais sa façade est du XIXe siècle. A voir également, le Musée diocésain et le Musée d’art abstrait espagnol réunissant des toiles des plus grands maîtres contemporains dans le décor surprenant des casas colgadas. Aux flâneurs, Cuenca propose le parcours étonnant de ses ruelles et des points de vue sur les gorges.
Classées par l’Unesco, les périmètres historiques des villes de Ségovie et d’Avila, en Vieille Castille, de Salamanque, en Léon, et de Tolède, en Nouvelle Castille, toutes quatre capitale de province, témoignent de la richesse du patrimoine castillan et léonais, du Moyen-Âge à l’âge baroque.

Aqueduc, Segovia

Aqueduc, Segovia

Ségovie
Bâtie sur un promontoire dressé au confluent des rivières Clamores et Eresma, Ségovie fut l’une des plus importantes cités de l’Hispanie romaine et une des plus riches cités drapières de la Castille médiévale. Isabelle la Catholique y fut proclamée reine en 1474. De ces âges d’or, il reste de nombreux témoignages du domaine privé, gardés intacts par le repli qui a saisi la cité à l’âge moderne.
Puissante introduction à la visite de la ville, l’aqueduc jette ses hautes arches de granit comme un rempart majestueux au tracé coudé. Dressé sur 730 m, il franchit la vallée, conduit les eaux du rio Acebeda vers l’Alcazar et culmine à 29 m sur la place Azoguejo avant de forcer les murailles de la ville. Depuis l’époque flavienne (Ier siècle ap. J.-C.), l’ouvrage est demeuré intact à l’exception de quelques arches endommagées au XIe siècle et reconstruites au XVe siècle. Pas moins de vingt églises romanes se comptent à Ségovie. Le repeuplement de la ville au lendemain de la Reconquête dictait une organisation en plusieurs quartiers, constitués autour d’une paroisse, réunissant les habitants de même origine.
Sur la Calle Juan Bravo, ou Calle Real, l’église San-Martin, ceinte de galeries abondamment sculptées, est précédée d’un grand porche au portail orné de belles statues-colonnes, figures d’apôtres ou de prophètes. Les églises de la Trinidad, de San-Nicolás (aujourd’hui école de théâtre), de San-Juan et de San-Sébastian se partagent le vaste quartier aristocratique des Caballeros. San Esteban règne en maître dans celui des Chanoines, Canonjías : son clocher roman est tardif (XIIIe siècle). D’autres églises conservent un décor peint : un Arbre de Jessé dans l’église San-Clemente, une Passion et un Christ entouré des 24 vieillards de l’Apocalypse au chevet de l’église San-Justo. Toutes deux sont à l’extérieur de la ville, au voisinage de l’aqueduc, comme San-Millàn. Dans le faubourg qui porte son nom, San-Lorenzo s’ouvre par une galerie richement ornée et se signale par son clocher roman en brique.
Riche cité drapière depuis le XIIIe siècle, résidence favorite des derniers rois de la dynastie des Trastamare, Ségovie reste une puissante cité castillane jusqu’au XVIe siècle. Elle se pare de nobles demeures aux façades de granit, aux portails de pierre surmontés du blason du propriétaire. Parfois, seules subsistent leurs tours défensives, la Tour d’Hercule (XIIIe) dans les murs du couvent de Santo-Domingo-el-Real, la Tour de Lozoya (XIVe) derrière l’église San-Martin. Sur la Calle Juan Bravo, la façade Renaissance de la Casa de los Picos couverte d’un bossage en pointe de diamant rappelle les imposants palais florentins du quattrocento ou celui de Ferrare. Plus haut, vers la Plaza San-Martin, le palais d’un riche bourgeois, au portail typique des demeures castillanes du XVe siècle, s’ouvre à l’étage supérieur par une loggia. Dans une ruelle transversale, vers la Alhondiga (ancienne halle au blé municipale qui abrite les archives de la ville), le palais des comtes Alpuente arbore une façade au décor de sgraffites et percée de baies géminées. Dans le quartier aristocratique de los Caballeros, la place del Conde de Cheste réunit le palais de Quintanar, le palais des marquis de Moya dit « Casa de los Cadenas » et celui du marquis de Lozoya.
Entreprise au lendemain de la révolte des Comunidades (1519-22) qui détruisit l’édifice roman, la cathédrale de Ségovie est une œuvre du gothique tardif. Juan Gil de Hontañon et son fils Rodrigo Gil en sont les auteurs. L’extérieur est d’une grande unité, dans l’étagement sobre des volumes. L’intérieur, d’une grande ampleur, déploie ses nefs sous de hautes voûtes d’ogives. La coursive ajourée souligne chaque niveau de baies et renvoie aux balustrades extérieures. Une corolle de chapelles enserre l’édifice ; l’une, située immédiatement à droite en entrant, protège une Mise au tombeau de Juan de Juni (vers 1570). Les stalles du XVe siècle, provenant de l’église antérieure, sont fermées d’une grille du XVIIIe siècle élevée jusqu’à la hauteur des orgues baroques. Le musée diocésain ouvert autour du cloître rassemble des objets liturgiques dont un ostensoir d’argent sur un char de bois doré, du XVIIe siècle. Les murs de la salle capitulaire portent une suite de tapisseries bruxelloises du XVIIe siècle.
Tel un vaisseau ancré à la pointe de l’éperon rocheux, l’Alcazar hisse ses hautes toitures d’ardoise, pentues ou coniques, comme le rêve fou d’un souverain fantasque. Il doit à Philippe II ce parti architectural, emprunté aux Flandres, qui bouleverse radicalement la silhouette du château médiéval. A l’arrière du profond fossé qui protège son entrée, l’imposante tour de Jean II (1406-1454), au décor de sgraffites et couronnée de tourelles en encorbellement, témoigne de l’attachement de la dynastie des Trastamare à sa résidence ségovienne. Son ascension promet aux courageux une découverte du site. A l’intérieur des différentes salles du palais, le décor gothico-mudéjar doit sa fraîcheur aux restaurations survenues après l’incendie de 1862. Au terme de la visite, une salle d’armes ouverte sur la terrasse du puits, à l’extrémité du château, propose une intéressante collection du XIIIe au XVIIIe siècle.
Les abords de l’Alcazar réservent une confrontation de paysages. D’abord verdoyant vers le Clamores, l’horizon s’élargit vers l’Eresma où, sur le sillon de la rivière, creusé dans le rude plateau castillan, se dressent le monastère d’El Parral, fondation royale de 1447, et l’église polygonale de la Vraie Croix, Vera Cruz, attribuée aux Templiers et consacrée en 1208.

Remparts d'Avila

Remparts d’Avila

Avila
Cernée au sud par les sierras d’Avila et de la Paramera, derniers contreforts de l’âpre Sierra de Gredos, Avila se dresse à 1 120 m d’altitude. Ce haut lieu du mysticisme qu’honorent sainte Thérèse et saint Jean de la Croix doit à son enceinte médiévale sa silhouette hérissée de tours. Etendue, depuis l’époque romane, hors de ses limites fortifiées à l’est, la ville compte aujourd’hui 50 000 habitants. Ses commerces, son marché couvert et sa place centrale du Mercado Chico, « petit marché », bordée d’arcades et présidée par l’hôtel de ville continuent d’animer le centre ancien.
Définitivement chrétienne depuis 1085, Avila devient une place forte en liaison avec le front avancé de Tolède. Confiée à l’autorité du comte Raymond de Bourgogne, gendre d’Alphonse VI, repeuplée d’habitants d’origine pyrénéenne, elle connaît une rapide croissance. Son développement jusqu’au XIIIe siècle la pousse hors de son enceinte où fleurissent églises et monastères : San-Vicente, San-Andrès, San-Pedro et Santo-Tomé-el-Viejo. De la nouvelle importance de la ville, à la fin des XVe et XVIe siècles, témoignent plusieurs demeures aristocratiques : le palais des Davila appuyé contre la muraille le long du Paseo del Rastro, le palais de los Almarza, celui de los Palentinos à la façade du XVIe siècle sur la rue Travesia Santo-Domingo. Entreprise dès la fin du XIe siècle, son enceinte romane, spécimen de l’architecture militaire du Moyen-Âge, armée de 88 tours crénelées, enserre 33 ha et compte 8 portes. A l’est, où s’étend la ville extra-muros, entre la porte de San-Vicente et celle de l’Alcazar, la cathédrale impose son profil courbe à la muraille qui reçoit les arcs-boutants du chevet. Ce dispositif s’observe du haut du chemin de ronde (accessible depuis le guichet situé contre la porte de l’Alcazar à l’intérieur). En quittant la ville par l’ouest sur la route de Salamanque, depuis le petit monument des Cuatro Postes, c’est l’ensemble de la muraille aux couleurs du crépuscule qu’il ne faut pas manquer.
La cathédrale aux murs de granit et à l’architecture d’une rigueur toute cistercienne présente un chevet à la pierre jaspée, une des premières expériences du gothique, attribuée dans les années 1180 à un certain Maître Fruchel, d’origine bourguignonne. Elle conserve entre autres un retable réalisé vers 1500 et le sépulcre en albâtre d’El Tostado de 1518 qui montre le prélat, presque aveugle, penché sur ses écritures théologiques. Remarquables également, les autels d’albâtre de Saint-Second et de Sainte-Catherine, du XVIe siècle, les stalles en noyer et les reliefs du trascoro. Le cloître gothique a été affecté par un tremblement de terre en 1755. La sacristie, meublée du retable de la Flagellation, permet d’accéder au musée de la cathédrale qui renferme un ostensoir d’argent du XVIe siècle représentant le sacrifice d’Abraham.
Au seuil de la porte du même nom, la basilique romane San-Vicente, où résonne aussi le nom de Maître Fruchel, s’élève sur les lieux présumés du martyre de saint Vincent et de ses sœurs, Sabine et Cristète. Elle abrite leur cénotaphe de la seconde moitié du XIIe siècle, ainsi qu’un Christ en Majesté et une Adoration des mages. Sur le portail occidental de l’église, les statues-colonnes sur les piédroits figurent les apôtres ; le Christ est représenté sur le trumeau et le tympan est sculpté d’un Mauvais riche et d’un Pauvre Lazare. Sous la galerie-porche au sud, les jambages de la porte latérale abritent deux statues-colonnes et une Annonciation plus tardive, au style naturaliste. Excentré, le monastère dominicain de Santo-Tomás est une fondation des Rois catholiques. La construction, entreprise en 1482, s’articule autour de trois cloîtres et d’une église à l’architecture gothique où repose leur fils Jean, prince héritier mort en 1495 à l’âge de 19 ans. A la rencontre de la nef et du transept, le sépulcre d’albâtre, œuvre de Domenico Fancelli (1512), maître du cénotaphe royal de Grenade, est au centre d’un dispositif monumental entre deux tribunes en vis-à-vis. L’une conserve ses stalles gothiques en noyer, l’autre porte l’autel majeur et un retable de la fin du XVe siècle, consacré à saint Thomas d’Aquin.

Place principale, Salamanca

Place principale, Salamanca

Salamanque
Le vieux pont romain franchissant le Tormes accueille les voyageurs arrivés par le sud, qui découvrent la ville blonde sous les auspices de sa cathédrale. Les carrières de Villamayor ont donné à Salamanque sa pierre tendre et éclatante. Sa vieille université médiévale fit sa renommée. Au-delà du brillant Siècle d’or, la ville profite de son prestige et poursuit son embellissement jusqu’à l’âge baroque. Après un XIXe siècle effacé, la réforme des structures universitaires et des études replace Salamanque parmi les plus fameuses universités d’Europe.
Largement ouverte sur le grand ciel de Castille, la Plaza Mayor, une gigantesque place à portiques du XVIIIe siècle, offre une saisissante impression d’ampleur. La façade des Casas consistoriales, l’hôtel de ville, est surélevée et davantage baroque. Les arcades sont ornées aux écoinçons des grandes figures d’Espagne (rois, grands capitaines, hommes et femmes d’Eglise). Elles dessinent une suite de lignes cintrées, sur le fond sombre du portique, qui dissimule les accès aux rues convergeantes. L’hôtel de ville au nord et l’arc San-Fernando sous le Pavillon royal à l’est forment deux portes monumentales. Témoin des grands moments de la vie publique, théâtre de corridas, de fêtes somptueuses, profanes ou religieuses, la Plaza Mayor reste un espace de cérémonies officielles, de rassemblements populaires et de fêtes. Au terme des grandes rues commerçantes et piétonnes, ses terrasses de café sont un lieu privilégié de rencontres.
Au faste de l’architecture officielle, s’ajoute la préciosité des palais des nobles. Face à l’église de la Puríssima sur la place de los Bandos, l’imposant palais du comte de Monterrey (1540), vice-roi de Naples, est dû à Rodrigo Gil de Hontañon. La Casa de las Conchas, aux armes des Maldonados, datant du début du XVIe siècle, affiche des murs extérieurs couverts de coquilles Saint-Jacques (conchas). La variété des baies à meneaux, géminées sous de frêles colonnettes ou encore protégées des grilles en fer forgé, et leur position non alignée se conjuguent dans un esprit encore médiéval pour soutenir l’effet décoratif du bossage, emprunté à la Renaissance. Le patio aux belles colonnes en marbre de Carrare offre à voir, depuis sa galerie supérieure, les hauteurs de la façade de la Clerecía voisine. Le palais du marquis de Fonseca accueille la diputación provinciale. Appelé « la Salina » pour avoir servi de dépôt de sel, il est contemporain du palais de Monterrey. Sa façade ouvre par un portique aux très hautes arcades sur un patio orné de consoles aux atlantes et êtres hybrides tourmentés, une sculpture très proche de celle du merveilleux couvent de la Dueñas. A proximité, la Tour del Clavero élevée à la fin du XVe siècle pour Francisco de Sotomayor, gardien de l’ordre d’Alcantará, a de fausses allures défensives.

Nouvelle cathédrale, Salamanca

Nouvelle cathédrale, Salamanca

Sur la place de Anaya, la Nouvelle Cathédrale se présente par son long côté nord. Sa construction dura de 1513 à 1733. La coupole, comme la tour occidentale, dut être reconstruite autour de 1760 après le tremblement de terre de Lisbonne. Son style classique la distingue de l’élévation gothique du XVIe siècle. Sa façade occidentale, une étourdissante dentelle de pierre sous de grandes arches, fit intervenir de nombreux artistes, dont Juan Rodriguez, pour les hauts reliefs réalisés en 1661. L’intérieur se déploie sur trois nefs voûtées d’ogives. La croisée porte, sur son haut tambour, les panneaux polychromes du Cycle de la Vierge de Francisco Martinez. A sa suite, la voûte de chœur signale, par sa richesse ornementale, l’espace sacré. Le trascoro, qui ferme la perspective de la nef en entrant, abrite les sculptures de sainte Anne et de saint Jean-Baptiste, œuvres de Juan de Juni. Avec l’ensemble des chapelles, l’église forme un véritable musée. Dans la chapelle del Carmen à l’est, un petit retable baroque de la fin du XVIIIe siècle, enserre le Christ des Batailles. Il est reconnu pour avoir protégé le Cid des offensives musulmanes et avoir été remis par ses soins à Jéronimó, premier évêque de Salamanque, au lendemain de la Reconquête. La première chapelle en entrant à droite donne accès à la Vieille Cathédrale. La Vieille Cathédrale et son cloître ne sont pas moins remarquables. L’église (vers 1150-1230) est un exemple de roman tardif qui accepte le voûtement d’ogive et coiffe le cimborrio, à la croisée du transept, d’une coupole. A l’extérieur, elle est couverte d’une toiture en écaille empruntée au Sud-Ouest de la France. L’église et le cloître abritent de nombreux tombeaux du Moyen-Âge et de la Renaissance ; des gisants (XIIIe-XVe siècles) occupent les niches abondamment ornées du transept. Le retable qui épouse l’abside et le grand Jugement dernier du cul-de-four sont les œuvres de l’italien Nicolas Florentino (milieu du XVe siècle). Ouvertes sur le cloître, la chapelle de Talavera est couverte d’une voûte à nervures entrecroisées de tradition musulmane ; la chapelle Santa-Barbara, accueillait, face au gisant de l’évêque Jean Lucero (du XIVe), les étudiants soutenant leurs travaux de fin d’études universitaires ; et la chapelle San-Bartholomé abrite le tombeau d’albâtre de Diego de Anaya, archevêque de Séville, fondateur en 1401 du collège Anaya sur la place (du XVIIIe). Il ne faut pas quitter la Vieille Cathédrale sans découvrir la peinture murale de la chapelle Saint-Martin (XIIIe siècle). Située à gauche avant d’emprunter l’escalier de sortie, elle est enserrée dans la tour occidentale de la Nouvelle Cathédrale.
La création de l’université en 1215 devait supplanter la florissante école épiscopale de Salamanque et donner naissance à l’une des plus grandes institutions de la péninsule ibérique. Elle reste spécialisée dans le droit jusqu’à la fin du XVe siècle où apparaissent de nouvelles disciplines. Rapidement gagnée par le vent de réforme de l’Eglise, elle fait, au XVIe siècle, l’objet d’une surveillance accrue qui met parfois ses enseignants et penseurs au banc des accusés, comme le grand théologien Fray Luis de Léon. Autour de la place des Escuelas Menores, cœur de l’ensemble universitaire présidé par la statue du théologien, se dressent l’Escuelas Mayores construite entre 1415 et 1433, sous le pontificat de Benoît XIII, par Pedro de Luna, l’Hôpital des étudiants et les Escuelas Menores, où étaient enseignées les disciplines fondamentales avant la spécialisation universitaire. La façade de l’université date de 1520 environ et affiche un prolifique décor qui célèbre la tutelle des rois et de la papauté. A l’intérieur, bibliothèque, salles de cours de théologie, de droit canon et de droit civil s’organisent sur deux niveaux autour d’une cour ; la Salle Fray Luis de Léon conserve son mobilier du XVIe siècle. Comme la façade, les rampes sculptées du bel escalier montrent des scènes de tournois et de corridas et sont envahies d’un décor Renaissance fait de rinceaux, de cornes d’abondance et de candélabres. Le plafond mudéjar d’une des galeries hautes est remarquable. A la suite de l’Hôpital des étudiants, les Escuelas Minores, autour d’une belle cour isabeline, abritent le Musée de l’université où fut déposé le Ciel de Salamanque peint à fresque par Fernando Gallego à la fin du XVe siècle. La maison-musée d’Unamuno, homme de lettres et recteur de l’université au début du siècle, complète la visite du quartier universitaire.
Les grands débats qui agitent l’Eglise au XVIe siècle trouvèrent à Salamanque un climat propice. A partir de 1500 et sous

Saint Etienne - Salamanque

Saint Etienne – Salamanque

l’impulsion du cardinal Cisnéros fondateur de la grande université d’Alcala de Henarès, les créations se multiplient dont Valladolid et Valence ; elles seront avec Salamanque et Siguenza les plus prestigieuses. Salamanque propose une théologie rénovée, favorable au libre arbitre, à laquelle est rattaché le nom de Melchior Cano. Plusieurs collèges dominicains rivaliseront avec les grands centres universitaires ; celui de Salamanque a son panthéon des théologiens.
Les dominicains, implantés au XVe siècle seulement, reçurent la vieille église Saint-Etienne dont la reconstruction est entreprise à partir de 1524 sur les plans de Juan de Alava. Elle s’annonce par une façade riche et élégante. L’église gothique à nef unique est dominée par l’imposant retable baroque de Joseph Churriguera (1693) et la grande fresque de Palomino (vers 1720) à la tribune. Elle est accessible depuis le Cloître des rois par le bel escalier (1556) auquel Domingo Soto prête son nom. Grand théologien remarqué, comme Melchior Cano, pour ses interventions décisives au concile de Trente, il est avec Francisco de Vitoria un des plus grands penseurs dominicains de la ville et repose au panthéon dans l’ancienne salle capitulaire.
A proximité du couvent San-Esteban, celui des dominicaines, le couvent de las Dueñas, occupe un ancien palais du XVe siècle, modernisé dans le premier tiers du XVIe siècle. Ces travaux sont à l’origine du cloître au décor sculpté. Il convient de le visiter à l’heure où le soleil adouci baigne d’une lumière tendre sa galerie supérieure. Les chapiteaux portent des sculptures d’êtres hybrides : animaux fabuleux, atlantes aux visages tendus et douloureux. Les grandes figures de l’Ancien et du Nouveau Testament, martyrs et apôtres, sont enfermées dans des médaillons.
Les jésuites, dont la vocation s’oriente rapidement vers l’enseignement et l’apostolat, ne manquèrent pas de s’établir à Salamanque. Entre la Plaza Mayor et l’université, la Clerecía, ancienne église jésuite, s’ouvre par une façade baroque de 1748. Son architecte, Andrès García de Quiñones, a réalisé aussi le cloître qui dessert les différentes salles de l’actuelle université pontificale. A l’intérieur de l’église, les retables dorés et polychromés contrastent avec la sobre architecture voulue par Juan Gomez de Mora, au début du XVIIe siècle.

 

Tolède
Dans une boucle du Tage, protégée par ses gorges profondes qui obligent à une approche par le nord, Tolède resplendit dans cet univers rude, de roche et de poussière, comme un vœu déraisonnable, en dépit de l’intérêt stratégique du site. La route des Cigarrales, villas de la haute bourgeoisie, contourne le méandre du fleuve et permet de saisir la beauté. Première capitale de l’Espagne aux temps des Wisigoths, front avancé de la Reconquête à la fin du XIe siècle, la cité reste jusqu’au XVIe siècle au cœur de la vie politique castillane. Elle se fait remarquer par son rôle de meneuse dans la révolte des comuneros face à Charles Quint. Bastion républicain pendant la guerre civile, elle est aujourd’hui le siège de la junta de Castilla-la-Mancha. Tolède doit au Moyen-Âge son artisanat d’objets damasquinés, son tissu urbain arabo-musulman, ses traditionnels murs de granit et de brique, sa belle architecture mudéjare où la brique, le stuc et la céramique règnent en maîtres.
La place Zocodover (de zoco, souk) accueille les visiteurs venus par le nord après avoir franchi la vieille Porte de Visagra (musulmane) doublée par un énorme bastion du XVIe siècle, puis la Puerta del Sol, reconstruite au XIVe siècle. La place ouvre sur le centre commerçant, étendu jusqu’à la cathédrale, et conduit à l’Alcazar. Ce gigantesque quadrilatère dressé au sommet de la ville regarde vers l’est, en direction des ponts d’Alcantara-le-Neuf et d’Alcantara-le-Vieux. Ce dernier, d’origine romaine, est défendu par le château de San-Servando, du XIVe siècle. La forteresse, d’abord romaine, musulmane puis chrétienne, reconstruite pour Charles Quint et Philippe II au XVIe siècle par Covarrubias et Juan de Herrera, ruinée pendant la guerre civile, a fait l’objet d’importantes restaurations voire reconstructions. Son musée continue d’entretenir la mémoire du général franquiste Moscardó replié dans ses murs face aux républicains. En contrebas, le Musée Santa-Cruz occupe un ancien hôpital construit à partir de 1514 grâce aux libéralités du cardinal Pedro Gonzáles de Mendoza, archevêque de Tolède, qui figure en façade agenouillé aux pieds de la croix. Ce musée compte plusieurs œuvres du Gréco et prend place dans un édifice dû à Enrique de Egas puis à Covarrubias, auteur de l’escalier intérieur.

Vue générale, Toledo

Vue générale, Toledo

Tolède a, au XIIe siècle, nourri de fructueux échanges entre penseurs chrétiens, juifs et musulmans. La ville, réputée pour son école de traduction, est le symbole du brassage des trois cultures, de l’acceptation des trois religions monothéistes. Après la Reconquête en 1085, la population mudéjare est une main-d’œuvre précieuse pour la ville en plein essor ; ses traditions artisanales et artistiques séduisent juifs et chrétiens. Les clochers tolédans de San-Bartholomé, Santo-Tomé, San-Sébastien et San-Andrès revêtent ainsi les traditionnels décors almohades aux éléments de céramique vitrifiée. Parfois ils adoptent la structure même des minarets, jusqu’à se confondre et laisser planer le doute d’un réemploi. Près de la Puerta del Sol, la petite Mesquita del Cristo de la Luz, datée en façade de 999, est transformée en église en 1182. Elle acquiert alors un chevet de brique réalisé dans la tradition musulmane. Elevée au XIIe siècle sur une ancienne citerne romaine, la petite mosquée de las Tornerías située non loin de l’Alcazar est mudéjare ; elle accueille aujourd’hui un centre d’artisanat tolédan. Aux portes du quartier juif, l’église San-Román, reconstruite au XIIIe siècle, porte un autre témoignage, celui de la présence du clergé mozarabe longtemps tenu à l’écart de l’administration ecclésiastique pour sa vive résistance à la liturgie venue de Rome. Ces particularismes s’accompagnent d’une tradition artistique attachée en particulier à l’arc outrepassé. L’intérieur doit son raffinement tant au décor mudéjar qu’aux peintures murales romanes. Il abrite le Musée de la culture wisigothique.

 

Dans le contexte d’une ville convertie à l’art mudéjar et à l’emploi de la brique, la cathédrale gothique, inspirée de Bourges, est déconcertante. Sous l’œil vigilant de l’archevêque Pedro Jimenez de Roda, la première pierre est posée en 1227 ; le parti architectural exprime la volonté du prélat d’affirmer le rattachement de l’Eglise espagnole au catholicisme romain. La construction s’achève en 1493, en façade, par la tour d’Hennequin de Bruxelles. L’entrée dans l’église se fait par la Porte des lions sur le flanc sud. L’intérieur, aux verrières des XVe et XVIe siècles, fourmille en œuvres d’art. Les stalles de chœur en noyer, marbre et albâtre sont un hymne à la gloire de la conquête de Grenade. Le gigantesque retable hispano-flamand (1498-1504), œuvre collective, forme une forêt de pinacles et de dais ajourés qui enserrent quinze groupes sculptés de la Nativité au Calvaire et à l’Assomption. Au revers, c’est le Transparent de Narciso Tomé qui étonne (vers 1725) : il est conçu de façon à recevoir un faisceau de lumière naturelle sur le tabernacle inséré dans le retable. Les quatre archanges surgissent du décor foisonnant. Sacristie, chapelles, salle capitulaire et trésor réunissent entre autres l’Espolio du Gréco, première œuvre signalant la présence du peintre à Tolède (1577) et l’Arrestation du Christ dans le Jardin des oliviers de Goya.
La chapelle des Reyes Nuevos abrite le tombeau du roi Jean II (1406-1454) et celui de son favori Alvaro de Luna. La chapelle Saint-Jean, au portail Renaissance d’Alonso Covarrubias, enferme dans son trésor le custode d’Enrique de Arfe (1524), une pièce d’orfèvrerie du Siècle d’or.
Dans le quartier juif, deux synagogues attestent de l’importance de la communauté entre le XIIe et le XIVe siècles, avant les persécutions de 1391. Etendu à l’ouest de l’église Santo-Tomé jusqu’au fleuve et au pont fortifié Saint-Martin, il occupait un dixième de la ville. Samuel Levi, trésorier du roi Pierre le Cruel (1350-1369), finança la construction de la synagogue du Transito qui accueille le Musée Séfardí (Séfarade). Composition de stuc coloré, son décor intérieur perpétue le raffinement de l’art nasride et offre un exemple de l’art mudéjar à son apogée, au XIVe siècle. Plus ancienne, la synagogue Santa-Maria-la-Blanca, de la fin du XIIe siècle, coïncide avec la venue massive de juifs fuyant les terres musulmanes sous la nouvelle dynastie des Almohades. Elle déploie ses arcs outrepassés sous des murs d’une blancheur éclatante. A deux pas, le monastère San-Juan-de-los-Reyes, Saint-Jean-des-Rois, élevé à partir de 1479 par Juan Guas pour les Rois catholiques, était initialement destiné à recevoir les sépultures royales. Il est une manifestation d’un art gothique tardif, bien que le décor du chœur et des tribunes royales révèle une influence mudéjare dont le principe réside dans une répétition infinie des motifs (ici les armoiries des rois et leurs emblèmes, le joug et les flèches). L’achèvement du couvent, la galerie haute du cloître et l’escalier remontent au règne de Charles Quint.

Cathédrale de Burgos

Cathédrale de Burgos

Burgos
Le cimborrio et les flèches de la cathédrale guident le visiteur pénétrant dans la cité de Burgos, étape du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, berceau de la Castille et patrie du Cid. La ville doit la richesse de son patrimoine médiéval au négoce de la laine. En s’appuyant sur les ports basques et cantabres, elle devient au XIIIe siècle un véritable comptoir, une place d’échanges des laines de la Meseta et des draps flamands. Jusqu’au XVIe siècle, cosmopolite et prospère, elle connaît des conditions favorables aux grandes entreprises, une histoire que soutiennent l’ampleur et la magnificence de sa cathédrale. La ville d’aujourd’hui, avec ses 170 000 habitants, doit son essor à son développement industriel dans les dernières décennies. Le roi saint Ferdinand, inaugure en 1221 le chantier d’une nouvelle cathédrale, voulue par l’évêque Maurice, sous le signe du gothique français ; Bourges et Reims fournissant les modèles. Si la façade occidentale a été modifiée au XVIIIe siècle, les portails du transept conservent leur disposition originelle et leurs admirables sculptures. Au tympan du portail du Sarmental au sud (vers 1250), un Christ en majesté entouré des évangélistes et de leur symbole est accompagné d’anges. Les vingt-quatre vieillards figurent sur les voussures, et les apôtres sur le linteau. Au trumeau, l’évêque Maurice accueille les visiteurs. De style davantage naturaliste, le Portail des Apôtres, évoquant le Jugement dernier, ouvert au nord-est, est plus tardif. Il date du dernier tiers du XIIIe siècle. A la fin du XVe siècle, la ville en pleine apogée fait appel aux architectes flamands, rhénans et bourguignons. Jean de Cologne, responsable des flèches et du cimborrio, reconstruit après un effondrement en 1567, est le premier d’une dynastie d’architectes d’origine germanique. Son fils, Simon, signe la Chapelle du connétable (1482).
A l’intérieur, sous la voûte étoilée et ajourée du cimborrio, la croisée du transept affiche un décor de la deuxième moitié du XVIe siècle. Elle abrite la sobre sépulture de Rodrigue et Chimène, signalée au sol par une inscription. Fermée par une grille, la croisée dessert le chœur, capilla mayor, meublé d’un puissant retable-reliquaire du XVIe siècle, et le coro avec ses stalles sculptées, un ouvrage initié par Philippe de Bourgogne autour de 1500. La chapelle d’axe, dite « du connétable », porte une voûte élégante et raffinée. Elle abrite le tombeau du connétable Pedro Fernández Velasco et de son épouse Mencía de Mendoza, propriétaires en ville du palais dit « Casa del Cordón », de la fin du XVe siècle. Sur le bras nord du transept, l’Escalier doré, exécuté en 1519, rattrape le dénivelé du sol de la cathédrale ouverte de ce côté-ci sur la Porte des Apôtres. Au croisillon sud, l’ancien portail d’accès au cloître déploie, autour du Baptême du Christ, son superbe décor sculpté vers 1290 ; il s’ouvre par des battants de la fin du XVe siècle. Le musée diocésain autour du cloître réunit autant de merveilles. Aux environs immédiats de Burgos, le monastère cistercien de las Huelgas, fondé en 1177, qui tint lieu de panthéon royal, expose au Museo de Telas Medievales, les suaires et parures des sépultures princières, dont celle de l’infant Fernando de la Cerda, fils d’Alphonse X le Sage, mort en 1275. La Cartuja de Miraflores est une chartreuse fondée en 1441 et voulue par le roi Jean II pour dernière demeure. Elle abrite le mausolée de l’infant Alphonse, frère d’Isabelle la Catholique, et un retable.

Léon
Au cœur d’une ville de 147 000 habitants, la cité historique, ancienne capitale du royaume de León et étape majeure du pèlerinage de Compostelle, s’enorgueillit de posséder deux monuments : sa collégiale romane San-Isidoro et sa cathédrale gothique. L’hôpital San-Marco, reconstruit dans la première moitié du XVIe siècle selon la volonté des rois catholiques, abrite derrière une façade Renaissance un parador. La collégiale de Saint-Isidore fut élevée en 1063 par Ferdinand Ier de Castille et son épouse Sancha pour abriter les tombes royales. Elle est augmentée, dans le dernier tiers du XIe siècle, du panthéon des rois. L’église, pour plus de magnificence, fut aussitôt reconstruite en 1149 et son chevet fut modifié en 1513. Accolée à l’église, la nécropole royale s’élève sous des voûtes entièrement peintes, portées par des chapiteaux sculptés. La sculpture et les cycles peints de la Nativité, de la Passion et du Christ apocalyptique remontent aux environs de 1100. Aux pieds de la croix, Ferdinand Ier et sa fille Urraca, qui poursuivit l’œuvre après la mort de son père. A l’instar de la peinture, la sculpture atteste de la mobilité des ateliers et de la formation de maîtres espagnols au contact des artistes français. Les portails de l’Agneau et du Pardon, abritant un tympan sculpté, révèlent l’emprise qu’exerçaient les ateliers languedociens. Edifiée dans la seconde moitié du XIIIe siècle, la cathédrale revêt un habit gothique venu de France, inspiré par Reims. Complétée par la tour sud au XVe siècle, elle a sans cesse été remaniée. Dans son élévation, elle déploie un ensemble de verrières dont les plus anciennes sont du XIIIe siècle. Le cloître du XVIe siècle abrite plusieurs sépultures médiévales.

L’Estremadure
Dans ses contrées reculées de l’ouest, la Meseta, globalement moins élevée, autour de 400 m d’altitude, accuse une grande diversité d’horizons. Les Hurdes, région montagneuse du nord, portent des villages pentus tandis que les villages du sud, Zafra, Llerena Jerez de los Caballeros, affichent une blancheur déjà andalouse. Autour des vallées du Tage et du Guadíana ceintes de reliefs, les plateaux sont surtout couverts de chênes verts et de chênes lièges pour former de vastes forêts claires livrées au pâturage ou à l’agriculture. Comme en Andalousie, les grandes propriétés dominent, appelées ici montados. Les paysages sont désertés, victimes, à l’instar de toute l’Espagne intérieure, du recul démographique des campagnes. Sur les affluents du Guadíana, une succession de barrages, voulus par Franco comme le symbole de la colonisation agraire de l’Espagne, n’a pas eu l’effet escompté. La chasse y connaît en revanche un développement croissant. La province de Badajoz, la capitale régionale, avec 130 000 hab., voit ses réserves étendues à 80% de son territoire. L’Estrémadure a porté tous les rêves des conquistadores, fort nombreux à quitter leur terre natale pour la lointaine Amérique : l’hidalgo Francisco Pizarro, natif de Trujillo, mène la conquête du Pérou en 1534 ; Francisco Orellana, parti de Quito avec lui, découvre les tribus hostiles des femmes baptisées Amazones. Hernán Cortès, de Medellin, conquiert depuis Cuba le Mexique en 1521. Les frères Pissaro et Orellana de Trujillo, les frères Alvarado et Juan de Garay de Badajoz, Pedro Cieza de León, originaire de Llerena, auteur d’une Chronique du Pérou, sont parmi les plus célèbres figures de l’aventure outre-Atlantique et couvrirent de palais leurs cités natales.

Statue de Francisco Pizarro à Trujillo

Statue de Francisco Pizarro à Trujillo

Trujillo
La petite ville de Trujillo célèbre son héros, le conquistador Pizarro, sur la Plaza Mayor, présidée par sa statue équestre de bronze (1927). La place est fermée par un bel ensemble monumental : le palais du marquis de la Conquista, élevé par Hernando Pizarro qui épousa la fille du conquistador ; le palais de San-Carlos du XVIIe siècle ; le palais du marquis de Piedras Albas, de style Renaissance, est ouvert par une galerie au rez-de-chaussée et une loggia à l’étage.

Cáceres
Avec ses 85 000 habitants, elle est la seconde ville d’Estrémadure après Badajoz. Comme Trujillo, elle se distinguait par sa forte proportion de nobles qui, au Siècle d’or, comptaient pour plus de 10% de ses habitants. Ces grands seigneurs rivalisaient entre eux pour la construction de palais comme en témoignent les nombreux bâtiments des XVe et XVIe siècles aux orgueilleux écussons. Depuis la Plaza Mayor, l’arc de la Estrella mène à la cité fortifiée. Sur la place Santa-Maria, le palais épiscopal (du XVIe), le palais de Mayoralgo (du XVe), l’église Santa-Maria (XVe-XVIe) et le palais Carjaval, à l’arrière, campent l’altier décor de la vieille ville. Le palais de los Golfines de Abajo, caractéristique de la fin du XVe siècle, est doté d’un couronnement auquel est associé le blason des propriétaires. Les tours de toutes ces demeures urbaines, signe de l’enrichissement de leurs propriétaires, jalonnent les ruelles. Isabelle la Catholique les priva pour la plupart de leur crénelage après la révolte des Bandos. Cette fraction de la noblesse soutint au début de son règne Jeanne, fille d’Henri IV de Trastamare, promise au roi du Portugal qui réclamait la couronne espagnole. Contre l’église San-Mateo, la Casa de las Cigueñas fait face à la Casa de Velatas édifiée à l’emplacement de l’ancien alcazar et qui conserve la citerne arabe ; elle abrite le Musée provincial. L’architecture religieuse est aussi représentée par l’église San-Francisco et l’église Santiago, du XVe siècle. Celle-ci, extra-muros, fait face au palais Godoy et abrite un retable d’Alonso Berruguete (1557) autour d’un Saint-Jacques-Matamoro, tueur de Maures.
Le monastère fortifié de Guadalupe est, au cœur d’un village de 2 500 habitants, un ancien et célèbre prieuré fondé par Alphonse XI en 1340 et confié aux Hiéronymites. Construit aux XIVe et XVe siècles, il a fait l’objet de plusieurs additions ou embellissements, notamment à l’âge baroque, auquel appartient le camarín du XVIIIe siècle. Dédiée à la Vierge de Guadalupe, cette chapelle haute, ouverte à l’arrière du grand retable du chœur, est une expression du baroque espagnol. La sacristie du XVIIe siècle conserve son décor et ses peintures originelles : le cycle peint par Zurbaran (1598-1665) qui habille ses murs est un des chefs-d’œuvre de sa carrière. Autour du monastère se pressent quelques vieilles ruelles dont les bâtisses, avec un premier étage en surplomb sur des colonnes de bois, dessinent une suite irrégulière de portiques.
Capitale de la grande Lusitanie romaine, province occidentale de l’Hispanie qui incluait le Portugal, Merida, fondée en 25 av. J.-C., est un témoignage éloquent de la présence romaine en territoire ibérique. Cirque, théâtre, amphithéâtre, ponts (sur l’Albarregas et le Guadíana), aqueducs (San-Lázaro et Los Milagros), villa, temple, etc. sont les vestiges d’un ensemble monumental représentatif de cette présence. Le théâtre, commandé en 24 av. J.-C. par Agrippa, gendre d’Auguste, particulièrement bien conservé, pouvait accueillir 6 000 spectateurs. Le fond de scène, probablement plus tardif (IIe siècle ap. J.-C.), est l’un des éléments les plus caractéristiques du théâtre romain. Il reproduit l’élévation d’un palais de trois niveaux, devant lequel évoluaient les acteurs. Les riches collections romaines de la ville sont réunies dans le Museo Nacional de Arte Romano qui présente notamment des mosaïques.

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