Atta est togolais, mais c’est sans lui que je suis allée « au pays ».
PAR CATHERINE MAUBALNC
«
(…) en une fraction de seconde le sourire a la fois tendre et goguenard de mon compagnon me revient. Des amis m’ont invité en Côte d’Ivoire alors j’ai ajouté dix jours à mon séjour pour partir à la rencontre du territoire qui a façonné l’homme que j’aime. Mes amies n’ont pas caché leur surprise en apprenant que je partais vivre une grosse semaine chez ceux que traditionnellement on présente officiellement…
Quelques années plus tard je mesurerai mieux leur incrédulité, mais elles savent aussi combien je suis acharnée.
Je suis partie.
J’ai tout bien préparé : billets achetés avec six mois d’avance pour avoir les meilleurs tarifs, traitements médicaux en prévoyance, anti-paludisme (moustiquaire, bracelets, répulsifs compris), vaccinations, équipements divers et cadeaux achetés pour la famille.
J’ai beaucoup lu sur l’histoire, les traditions et comment il convient de se comporter dans ce pays. Grâce aux multiples renseignements accumulés j’ai renseigné très précisément une carte du Togo que j’ai trouvé dans une boutique spécialisée : le tracé de mon itinéraire est très clair, les informations primordiales y sont également portées. Bref : je suis prête et comme à mon habitude je vais optimiser mon séjour en rencontrant la famille de mon ami tout en découvrant les différentes régions de la suisse africaine et ses savoirs faire (un fondeur, un sculpteur, une production de café, … ).
Mon amoureux est un homme qui parle peu, mais sourit en permanence. Il a un côté vieux sage qui me plait beaucoup, mais aussi des fois il m’agace parce qu’il a ce petit air de celui qui a toujours raison.. et franchement je commence à comprendre son petit air du « ouh la la .. » quand il se moquait gentiment de ma carte. Il a dit quoi exactement ? Ah oui il a dit « ta carte c’est pas la vraie vie »
Sur le point de quitter Lomé pour Abidjan je mesure toute la portée de sa parole. Non seulement je suis arrivée avec 12 heures de retard (sans les bagages) auxquelles ce sont ajoutées trois heures d’attente et de formalités pour espérer en récupérer au moins une partie.
Evidemment j’avais tout mis en soute (moustiquaire, traitement antipalu, .. et tout le nécessaire vital pour une femme). On ne m’y reprendra plus et j’ai eu beaucoup de chance de tout récupérer mais la présentation familiale a été quelque peu particulière d’autant plus qu’en arrivant à la maison j’ai découvert des cafards des 4 cm dans la salle d’eau, une moustiquaire toute trouée et une nourriture de fête préparée avec beaucoup de prévenance et de gentillesse à l’intention d’une fille à l’estomac noué par toutes ses émotions.
Si je n’avais pas décidé dès le lendemain de me mettre au rythme de ce continent maintenant que mes poumons sont remplis de cet air brûlant qui m’avait saisi en haut de l’escalier lorsqu’on nous a débarqué sur le tarmac rouge de l’aéroport j’aurais été déçue car je n’ai pas « fait » le tiers du quart de mon programme d’européenne et malgré tout ce séjour a été bouleversant.
La compagnie aérienne choisit a fait faillite pendant mon séjour, au bout de 50km la voiture louée pour les déplacements a dû être réparée une fois, puis deux, puis trois .. (j’ai bien cru que j’allais repayer la voiture toute entière) avant de devoir arrêter les moteurs pour le faire refroidir tous les km .. et aujourd’hui je suis surclassée alors je voyage en business pour la côté d’ivoire.
Je savoure d’avance ce petit bonus que je prends pour un signe d’intégration.
Et si j’avais réussis mon initiation ?