
Place de l’hôtel de ville, Valencia
Depuis les Pyrénées jusqu’aux portes de l’Andalousie, le Levant de l’Espagne continentale s’étend face aux Baléares sur les trois autonomies : catalane, valencienne et murcienne. Son climat fait de lui un haut lieu du tourisme balnéaire, en même temps qu’une côte fertile ouverte à l’agriculture intensive des huertas. Son histoire liée au royaume d’Aragon et ses ambitions méditerranéennes dessinent son originalité.
Tournée vers la Méditerranée, l’histoire du Levant remonte à l’Antiquité et au Moyen-Âge : les Grecs établissent les premiers comptoirs sur la côte et les ambitieux souverains aragonais assoient leur autorité sur l’ensemble de cette large frange littorale. Si Barcelone est bien davantage que Valence tournée vers la Méditerranée, les deux cités connaissent le même déclin économique au XVe siècle et le même redressement au XVIIIe siècle. Ensemble, elles restent attachées à leurs institutions propres, contre l’absolutisme de la couronne espagnole. Enfin c’est Barcelone qui accueille, après Valence, le gouvernement espagnol en fuite face aux phalangistes pendant la guerre civile. Pourtant, en dépit de ces circonstances historiques et du contexte géographique qui les rapprochent, les régions catalanes, valenciennes et murciennes se différencient nettement.
Barcelone, qui a bâti son hégémonie sur une riche et précoce industrie textile, se hisse au XIXe siècle au rang des grandes métropoles d’Europe. Valence doit son renouveau à ses activités traditionnelles, la soie et la céramique, ainsi qu’à l’ensemble de ses terroirs irrigués, les huertas qui, sur plus de 250 kilomètres, accompagnent la côte valencienne. D’Alicante à l’Andalousie, les huertas murciennes sont aussi présentes mais morcelées par les reliefs de la Cordillère bétique ; parfois éloignées de la côte, elles sont souvent plus discrètes. En voie de développement, elles assurent à Murcie, longtemps dans l’ombre de Valence, un nouveau dynamisme économique.
Une longue histoire unit la Catalogne à l’Aragon qui pousse, au XIIIe siècle, les frontières du royaume jusqu’au sultanat de Grenade. Le puissant comté de Barcelone contrôle, dès le XIIe siècle, tous les autres comtés catalans. Au milieu du XIIe siècle, le comte Raymond Béranger IV épouse l’héritière de la couronne d’Aragon. C’est ainsi que se constitue la puissante confédération catalano-aragonaise qui étend ses limites au sud jusqu’à Tortosa, et à l’ouest jusqu’à Lérida et l’actuel Aragon.
Après avoir étendu leur emprise sur l’Occitanie, jusque dans le midi de la France, les souverains catalano-aragonais se tournent vers la Méditerranée. C’est à partir de Barcelone qu’en 1235 Jacques le Conquérant s’empare des îles Baléares. En même temps, il achève sur la péninsule la conquête des terres musulmanes. En 1238, tout le pays valencien, Murcie incluse, est repris. Les mudéjars, qui grâce à l’irrigation ont mis en valeur les huertas valencienne et murcienne, y restent, jusqu’aux troubles du bas Moyen-Âge, sept fois plus nombreux que les chrétiens. Mais ces terres intéressent peu les Barcelonais dont les intérêts se trouvent dans les ports de Syrie, de Constantinople ou d’Alexandrie. Au XIVe siècle, Barcelone, fief d’une riche bourgeoisie marchande et capitale du royaume, est le lieu de tous les échanges et une place financière rivalisant avec Gènes ou Venise. Au XVe siècle, face à la menace grandissante des Turcs en Méditerranée, la puissance maritime du Levant s’efface. Séville s’approprie le monopole commercial avec le Nouveau Monde et empêche les cités levantines de se tourner vers l’Atlantique jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

Plage de Saint-Sébastien, Sitges, Barcelona
Costa Brava et Costa Blanca
De toutes les côtes d’Espagne, le Levant est sans conteste la plus touristique. La Costa Brava, catalane aux multiples calanques, et la Costa Blanca valencienne, où finit la Cordillère bétique, sont devenues des destinations populaires.
Entre Portbou et Blanes s’étend la Costa Brava, la côte sauvage, dont le nom célèbre ses reliefs indomptables. Elle inaugure dans les années 1910 le tourisme balnéaire de la côte méditerranéenne. Cadaquès attire son lot de célébrités : Picasso, Paul Eluard, André Breton, René Magritte, Salvador Dali y vivent les grandes heures du surréalisme. Le boom touristique de l’Espagne des années 1960 s‘empare sans mesure de la région et une coulée de béton s’étend du nord au sud. Entre le Cap de Nao et Alicante, la Costa Blanca, qui rompt avec les interminables paysages de huertas, se dote, autour de ses petits ports, d’importantes structures hôtelières. A sa lumière méditerranéenne, elle allie les atouts d’une côte pittoresque et très ensoleillée, au-delà même de l’été. Comme la Côte d’Azur en France, sa fréquentation est à l’origine un tourisme hivernal. Sa capitale, Alicante, la méditerranéenne que les romains nommaient Lucentum, ville de lumière, possède le quatrième aéroport international après Madrid, Barcelone et Malaga.

Vue générale de Lérida. Au fond, la cathédrale de la Seu Vella et le Château de la Suda
Les échanges méditerranéens au cours de l’Antiquité ont mis en contact des populations différentes comme en témoignent de nombreux vestiges archéologiques : Ullastret est un village ibère épanoui à proximité des comptoirs grecs de la côte catalane. Elche laisse son nom à la Dame d’Elche exposée au musée archéologique de Madrid. Sa palmeraie, de centaines de milliers de pieds remarquablement irrigués, soutient la notoriété de la ville. Sur cette moitié sud de la côte, ce sont surtout les Carthaginois qui établirent leurs comptoirs, en fondant Carthagène, avant que Rome ne leur ravisse la suprématie à la fin du IIIe siècle av. J.-C. Emporiae est le grand site antique de Catalogne, où coexistent une ville grecque et une ville romaine.
Maintes fois convoités, objets de conflits entre chrétiens et musulmans jusqu’aux incursions turques du XVIe siècle, les villages de la côte se parent de murs défensifs : Pals, Ullastret, Peralda, etc. En Catalogne, le monastère San-Pere-de-Rodes prit lui aussi le soin de se protéger. Sur le versant sud du mont Verdera, il s’élève seul, face à la mer et au golfe du Lion, agrippé au massif accidenté et broussailleux. Le monument forme un ensemble médiéval des Xe-XIIe siècles.
En dépit de l’attrait incontestable qu’exerce la côte catalane, la Catalogne ne se résume pas à un littoral : son arrière-pays a donné à Barcelone sa force, nourrissant son port et sa puissante industrie. La Cerdagne, élevée à plus de 1 000 m d’altitude, doit à l’irrigation ses étendues verdoyantes, pacages et culture. Le bassin humide et fertile d’Olot se déploie au cœur d’une région volcanique qui oblige le village de Castellfolit à une acrobatie aux sommets de longues coulées de lave pétrifiées. La plaine de Vic, qui s’étend autour de Barcelone et vers la côte orientale, a donné à la ville un rôle agricole de premier plan depuis le Moyen-Âge. Chaque année, du 25 avril au 1er mai, la grande foire d’el Mercat del Ram, transforme la ville en un gigantesque et joyeux étal. Aux portes du désert aragonais de Los Monegros, Lerida, également cernée d’étendues verdoyantes, offre des richesses durement gagnées par l’irrigation du Sègre ; c’est un carrefour de communication avec l’Espagne intérieure. Sur son profil abrupt, la vieille cathédrale du XIIIe siècle veille sur la ville.
L’arrière-pays catalan est aussi le berceau de l’art roman qui s’annonce, au creux de chaque vallée, par un clocher aux traditionnelles bandes lombardes. Les églises San-Climent-de-Taüll, Sant-Joan-de-Boí, les cathédrales d’Urgell et de Vic entre autres, montrent l’attachement à ce décor alors que Sant-Vicenç-de-Cardona et Sant-Pere-de-Rodes renvoient au premier art roman méditerranéen. Ce nom de lombard rappelle les liens artistiques tissés jusqu’en Italie du nord. L’architecture et le décor de la cathédrale d’Urgell (XIIe siècle), ou l’église du monastère de Sant-Pere à Besalu pour sa sculpture en façade, confirment la permanence de ces échanges. Besalu, est un village médiéval aux charmantes rues et places à portique. La sculpture catalane de l’époque romane livre aussi des merveilles, comme le célèbre portail de Ripoll du XIIe siècle ou les cloîtres de Gérone et de Sant-Cugat-del-Valles.
La découverte des monastères cisterciens de Poblet, Santes-Creus et Valbona de los Monges, situés au cœur du vignoble catalan, promet une belle balade sans oublier la ville fortifiée de Montblanc.
L’implantation des cisterciens au XIIe siècle est liée aux circonstances historiques. La couronne catalano-aragonaise achève la Reconquête des territoires catalans par la prise de Tortosa (1148) et de Lérida (1149). La Catalunya Nova devient terre d’expansion de l’ordre de Cîteaux qui essaime au XIIe siècle. Située dans une vallée fertile et retirée, aux pieds des versants nord des Muntanyes de Prades, l’abbaye de Poblet se déploie au cœur d’une région imprégnée d’une longue tradition vinicole à laquelle participèrent les moines. Sa renommée est incontestablement liée aux tombes royales qu’elle abrite. La décision de Pierre le Cérémonieux, au XIVe siècle, de faire du monastère le panthéon de sa dynastie lui assure une prospérité et renforce la protection dont elle bénéficie depuis sa fondation en 1051. La construction de cet ensemble monumental est marquée par deux grandes étapes : la seconde moitié du XIIe siècle et le XIIIe siècle pour l’essentiel de l’édifice, le XIVe siècle pour l’édification des murailles. Entouré de collines plantées de vignes, d’amandiers et d’oliviers, le monastère de Santes-Creus, fondé en 1158, mérite une visite tant pour son architecture que pour son histoire : avant d’être supplanté par Poblet, il connut lui aussi les honneurs du panthéon royal. Edifié comme lui entre le dernier tiers du XIIe siècle et le XIVe siècle, il ne déroge pas à la règle des trois enceintes protégeant les espaces agricoles puis la clôture. L’abbaye de Vallbona de los Monges, établie contre le flanc nord de la Serra del Tallat, s’inscrit dans un paysage typiquement méditerranéen de forêts et de cultures en plaine ou en terrasses. La traversée de la Serrat de Tallat permet d’en apprécier la beauté. C’est un monastère de femmes où la vie religieuse se maintint sans discontinuer depuis sa fondation en 1175. Ici le village a envahi les deux premières enceintes ; les murs du monastère ont été élevés entre le XIIe et le XVe siècle. Sur le cloître, les bâtiments conventuels ont davantage souffert des différents remaniements rendus nécessaire par la vie communautaire.
Aux environs de Barcelone
Sitges-sur-la-mer
Blottie entre la mer et la montagne, à environ 35 km de Barcelone par l’A16, Sitges est une petite ville fièrement campée sur un rocher du Garraf, dit « La Punta ». Les cimes et les ravins de cette modeste falaise qui la sépare du rivage ont su préserver l’authenticité de la ville en décourageant les promoteurs. Lieu gai où les habitants ont gardé le goût de la fête et du rire, son carnaval en février est un cortège de masques et de bonne humeur ; sa Fête-Dieu un hymne aux couleurs et aux œillets qui recouvrent la chaussée pour former un interminable parterre de fleurs. Les sommets du village forment le vieux quartier avec son église à la façade baroque, son marché de fin de siècle et sa mairie occupant le château du XVIe siècle plusieurs fois remanié. A la fin du XVIIIe siècle, sa prospérité est liée à l’essor du commerce vinicole et aux échanges avec les colonies d’Amérique. Les plages le long de la promenade de la Ribera étaient alors des embarcadères encombrés de marchandises et de matériels de pêche. Les pêcheurs ont élevé ici le village blanc, aux traditionnelles maisonnettes au patio bleu et enduites à la chaux dont subsistent si peu d’exemples sur les côtes catalanes. Son histoire lie Sitges au modernisme quand, autour du peintre et écrivain Santiago Rusiñol, grand organisateur de fêtes, se réunissaient intellectuels et artistes de 1892 à 1899. Les plus fameuses demeures modernistes sont à présent des musées : la Casa Ferrat, ancienne maison de pêcheur transformée pour abriter l’atelier et le domicile de Rusiñol, réunit ses collections de peinture, sculpture, céramique et ferronnerie dans un univers pour le moins coloré. Le bâtiment voisin, le Musée Maricel, construit en 1913 par Miquel Utrillo pour le riche Nord-Américain Charles Deering, abrite à présent la collection particulière du docteur Jésus Perez-Rosales. La Casa Llopis, dit « Musée romantique », aménagée dans une habitation de la fin du XVIIIe et du XIXe siècles, est un intéressant témoignage des goûts bourgeois de l’époque.

Montserrat – Lever du jour
Montserrat
A environ 50 km de Barcelone par l’A18, la Sierra de Montserrat se dresse sur la vallée du Llobregat, pareille à une forteresse isolée. Faite de roches sédimentaires, c’est une masse de calcaire et d’argile mêlée de silex, surgie de l’effondrement de ses périphéries au tertiaire. Le vent et la pluie sculptent chaque jour davantage ses contours. Ses pics blancs, de plusieurs centaines de mètres, sont des géants personnifiés avec chacun leur surnom : Sentinelle (Sentinella), Ventre de l’évêque (Panxa del Bisbe), Trompe de l’éléphant (Trompa del Elefant), etc. Aux formes mystérieuses qui inspirèrent Wagner pour son Parsifal, Montserrat associe le sacré : elle abrite un monastère bénédictin du XIe siècle et une Vierge noire, la Moreneta, découverte au XIIIe siècle à proximité de l’abbaye. Haut lieu du culte marial en Espagne, il accueille chaque année plus de deux millions de visiteurs. Reconstruit après les guerres napoléoniennes, le monastère est devenu un lieu touristique. Du site partent plusieurs chemins de randonnées vers les sommets qui culminent au Sant-Jéroni (1 236 m d’alt.) d’où se profilent par temps clair les Pyrénées et la côte.
Gérone
Capitale de la province à laquelle elle donne son nom, Gérone est une ville dynamique d’échanges et de culture. Avec plus de 10 000 étudiants pour 70 000 habitants, cette cité universitaire est un des hauts lieux du tourisme catalan en raison de son patrimoine monumental. Ville d’artisanat, de textile et de commerce, elle tint durant tout le Moyen-Âge la place de troisième ville de Catalogne. La vieille ville, Força Vella, ceinte d’une muraille romaine renforcée au XIVe siècle et dont subsistent des vestiges, s’ouvre sur l’Onyar par une suite de maisons bâties en bordure du fleuve. Ses monuments sont nombreux : une cathédrale avec son cloître ; un palais épiscopal qui accueille le Musée d’art ; à l’extérieur de l’enceinte, le monastère bénédictin Sant-Pere-de-Galligants et son cloître des XIIe-XIIIe siècles ; les bains arabes du XIIe siècle ; l’église San-Feliu du XIVe siècle ; le palais d’Algullana date des XVe-XVIIIe siècles, tandis que l’église Sant-Martí-Sacosta affiche une ravissante façade baroque. Sur la rambla, vieille artère commerçante parallèle à l’Onyar, s’étendent d’agréables terrasses de cafés. Le Call est l’ancien quartier juif de Gérone qui s’étend aux pieds de la cathédrale. C’est un dédale d’escaliers, de ruelles profondes, aux détours imprévisibles. Dans la Carrer Sant-Llorenç, au cœur de vieilles bâtisses organisées autour d’un patio, le Centre Bonastruc de Porta célèbre l’héritage juif de la ville dont la communauté fut prospère du XIIe au XIVe siècle. Il porte le nom d’un grand rabbin catalan, médecin, philosophe et maître de la Kabbale. Imposante, la cathédrale non seulement domine mais envahit la place qui la précède. Sa façade baroque est composée comme un retable de pierre et introduit le gigantisme de l’intérieur. L’édifice (XIVe-XVe siècles) à nef unique, large de 23 m, impressionne par l’atmosphère qu’il dégage, la couleur tendre de sa pierre et ses vitraux. La table de l’autel majeur et le siège épiscopal dit « de Charlemagne », situé derrière l’autel, sont romans. Les œuvres d’orfèvrerie que sont le baldaquin en argent repoussé du maître-autel et son retable en argent doré rehaussé d’émaux sont gothiques. Depuis la nef se trouvent le Musée de la cathédrale (voir la broderie de la Création) et un cloître, contre le flanc nord de l’église. Le cloître et la tour, dite « de Charlemagne », un clocher lombard adossé à l’église, sont les témoins du complexe épiscopal roman. Son décor sculpté déployé en frise sur les piliers et sur les chapiteaux constitue un des témoignages de la sculpture romane en Catalogne. Les colonnes jumelées qui soutiennent la claire-voie multiplient ces occasions de décor et sont elles-mêmes d’un grand effet décoratif. A ses côtés, l’ancien palais épiscopal accueille le musée d’art de la ville, dont la collection s’étend de l’époque romane à nos jours.

Plage, Tamarit, Tarragona
Tarragone
A son approche, Tarragone s’annonce comme une ville partagée entre deux mondes, l’Antiquité et l’ère industrielle qui submerge son port de cargos pour fournir son industrie pétrochimique. Dans la ville d’aujourd’hui, la frontière entre le passé romain et le présent est marquée par la Rambla Vella. Tarraco, capitale de la Tarraconaise, avait autorité jusqu’en Galice. La ville s’étendait alors jusqu’au port bordé de l’actuel quartier des pêcheurs, el Serrallo, au-delà de la Rambla Nova, comme l’attestent les vestiges du forum romain municipal et du théâtre. Scipion l’Africain s’en était emparée en 208 av. J.-C., repoussant les Carthaginois pour mener à bien la conquête de la côte ibère. Protégée d’une muraille, la ville établie sur un promontoire, au-dessus du rivage, devenait une place forte, bientôt une place commerciale. En pénétrant dans la ville par la Rambla Nova face à la mer, le balcon de la Méditerranée permet de saisir sa situation et celle de l’amphithéâtre construit extra-muros et selon la pente du terrain. Ses vestiges côtoient ceux d’une église romane élevée pour commémorer le sacrifice de l’évêque de Tarragone, saint Fructueux, et de ses diacres Euloge et Augure, martyrs du IIIe siècle. Situé contre l’enceinte, el Museu de la Romanitat, aménagé dans un bâtiment public en bordure du forum romain, siège administratif de la province, retrace l’histoire de la cité romaine et permet l’accès à la partie conservée du cirque, élevé par Domitien (81-96), où se tenaient les courses de chars. Après l’apogée romaine, la ville connaît du VIIIe au XIIe siècle ses heures sombres. Plusieurs fois assaillie lors des guerres musulmanes et chrétiennes, elle relève la tête après la Reconquête ; sa cathédrale et son cloître, exemples de transition du roman au gothique, témoignent de ce nouvel élan. La construction, commencée en 1171, est consacrée en 1331, laissant inachevée la façade de l’église. Le cloître, avec ses dépendances, s’ouvre par une porte sur la rue Mar de Deu del Claustre. Les rues médiévales portent les noms de leurs artisans, calderes (chaudronniers), ferrers (ferroniers), et les arcades de la Carrer Merceria évoquent l’ancien marché. Au départ de Tarragone, la voie Augusta en direction du nord, dont le tracé coïncide approximativement avec celui de la nationale (N 340), est parsemée de vestiges antiques : la Tour des Scipions, monument funéraire du Ier siècle, la villa dels Munts et la porte de Berà. Sans oublier le mausolée de Centcelles, près de Constanti, un exemple d’architecture funéraire chrétienne du IVe siècle.
Tortosa et le delta de l’Ebre
Ville du delta de l’Ebre, Tortosa défendit pendant longtemps le seul pont à franchir les eaux limoneuses du fleuve réunissant la Catalogne et le pays de Valence. En pénétrant dans la ville, c’est sur le Castell de la Suda qu’il faut se rendre, aménagé en un parador qui domine la ville depuis sa terrasse. Etendue jusqu’à l’autre rive du fleuve, la capitale du sud catalan compte 30 000 habitants. Aux pieds du Castell, la cathédrale s’apparente à un énorme vaisseau ancré sur l’Ebre. Commencée en 1347, sa construction s’achève au XVIIIe siècle par sa façade baroque d’une grande richesse décorative. L’âge gothique a laissé à la ville plusieurs monuments dont le palais épiscopal, face à l’église, avec une cour intérieure ouverte au premier étage par une élégante galerie. Dans ce vieux quartier, les palais Oliver de Boteller, Despuig et Oriol sont aussi des témoignages auxquels il convient de rajouter la Llotja del Mar (1369-73), Bourse maritime qui atteste de la puissance commerciale de la ville. Au XVIe siècle, Charles Quint décide la création de collèges royaux, Reals Col.legis, destinés à instruire les morisques : El Col.legi de Sant-Lluis, appuyé d’un collège dominicain dont ne subsiste que la façade ; El Col.legi de Sant-Domenèch et Sant-Jordi, fondés en 1544. Cet ensemble, situé au bas de la Suda, près de l’église Sant-Domenèch, est d’architecture Renaissance. Apprivoisé tardivement, il change à plusieurs reprises de visage et possède au XVe siècle plusieurs embouchures. Au XIXe siècle, l’aménagement de canaux d’irrigation permet le développement de la riziculture, aux côtés de cultures maraîchères et de vergers. Le delta s’organise en un réseau géométrique de terres cultivées, les tancats, et de canaux bordés de chemins surélevés. Amposta en commande l’entrée ; il est ici possible d’embarquer pour Deltèbre, l’embouchure du fleuve, et de découvrir le parc naturel créé en 1983 pour protéger son habitat aquatique.