Vers le nord

La côte offre les plus belles plages du littoral atlantique africain et, par bonheur, celles-ci sont pratiquement désertées ! En se dirigeant vers le banc d’Arguin, on progresse lentement, le long du rivage, en croisant en chemin quelques villages de pêcheurs typiques. Le cordon dunaire qui longe la piste apparaît peu à peu ponctué de nebkas, petites buttes de sable plus élevées, couvertes de végétation, en général des tamaris.

Nouvelle route

Les Mauritaniens l’attendaient avec impatience : elle est enfin arrivée ! La nouvelle route goudronnée reliant Nouakchott à Nouâdhibou a été inaugurée en 2005. L’ouverture de cette voie de circulation, d’ores et déjà surnommée l’« autoroute de Mauritanie », a des conséquences non négligeables : le désenclavement de la ville de Nouâdhibou, traditionnellement coupée du pays en raison d’une piste inhospitalière ; la plus grande fluidité de la route légendaire Tanger – Saint-Louis (Sénégal)…
Depuis le début des travaux, on assiste tout le long de la voie à une sorte de petite « ruée vers l’or » : des petits commerçants, des restaurateurs improvisés s’installent partout sur son tracé. La construction, menée conjointement par des sociétés tunisiennes, égyptiennes, chinoises et mauritaniennes, s’est néanmoins révélée problématique : des dunes artificielles ont été créées par le creusement de la route et les ouvriers ont eu des difficultés pour stabiliser le sol.
Ce nouvel axe permet désormais de désengorger la route de la plage, qui se passera bien de la pollution, et cela participera, espérons-le, à la protection du banc d’Arguin.

Une côte convoitée

Le littoral mauritanien suscite depuis l’époque des grandes découvertes les convoitises des pays européens, qui espéraient ainsi avoir accès, depuis des comptoirs littoraux, aux richesses transportées par les caravanes. Dès 1441, des navigateurs portugais débarquent sur la future île d’Arguin. Le chroniqueur portugais Gomes Tarves de Zurar rapporte que son nom viendrait de l’arabe ghir, qui signifie « seulement », mais son origine reste obscure. Depuis ce lieu, les transactions avec les commerçants locaux s’intensifient peu à peu.
L’or est alors très peu utilisé dans les échanges : ce sont souvent des trocs de produits européens (tissus, objets en métal, épices ou blé…) contre des esclaves ou de la gomme arabique. Les Hollandais, puis les Français, vont s’acharner à chasser les Portugais du Banc d’Arguin. Ce sont finalement les Français qui vont mettre la main sur la côte en 1817. Il faudra encore 40 ans avant que ce littoral ne rétablisse pleinement ses droits commerciaux, disputés alors par les Anglais.

De Nouakchott à Jreïda

Le littoral nord reste, malgré la nouvelle route, le lieu de prédilection des promeneurs de la capitale. Certes, on peut regretter, à la sortie de Nouakchott, les décharges publiques des deux côtés de la chaussée : tous les déchets de l’agglomération sont rassemblés ici. La ville progresse et les poubelles aussi ! Puis viennent des champs de roues de camions alignées, utilisées par les propriétaires pour délimiter leurs terrains.
Peu à peu, on rejoint la piste, extraordinaire, qui suit le bord de mer. Dès lors, il faut jongler avec les marées afin d’éviter une baignade… en 4 x 4 ! On aura ainsi la chance de profiter de cette plage superbe, déserte à l’infini, et d’une eau à la bonne température, propice à la baignade. Un surprenant trajet entre dunes et océan débute ici.

Jreïda

A 30 km au nord de Nouakchott.
Premier village important rencontré depuis la capitale, cette commune, qui n’est plus habitée que par quelques pêcheurs, possède néanmoins un passé intéressant. Au temps de l’occupation française, elle fut baptisée Coppolani, du nom du colonisateur du Tagant. Celui-ci y avait fondé un petit poste militaire pour lequel il avait de grandes ambitions : la cité fut en effet envisagée comme capitale des possessions françaises en Mauritanie, et le projet ne fut abandonné totalement qu’en 1946 ! Mais on peut remonter encore plus loin dans l’histoire de cet endroit, également connu sous le nom de Portendik.
La ville fut en effet occupée par des négociants hollandais au XVIe siècle, qui en firent le centre du trafic de la gomme. Lors de fouilles récentes, des scientifiques ont d’ailleurs mis au jour quelques vestiges de l’occupation hollandaise, pipes et poteries. Cet ancien comptoir est devenu un lieu de promenade privilégié pour les habitants de Nouakchott.

Tanit

A 45 km au nord de Jreïda.
Le village abrite en majorité des pêcheurs, dont beaucoup sont d’origine sénégalaise. Il possède une jolie plage en arc de cercle, favorable à la baignade. Pourtant, bien peu de touristes encore profitent de la clémence de ses eaux. Le soir, on assiste au ballet des pirogues aux couleurs chatoyantes qui rentrent au port pour alimenter la criée du village où les visiteurs de passage peuvent acheter du poisson frais. Au début du mois d’août commence la saison des calamars, qui sont pêchés de nuit. Une activité de récupération de pétrole off-shore se développe également dans les environs.

Rocher aux moules

A la sortie de Tanit.
A partir de Tanit, sur la plage, les pneus des 4 x 4 se heurtent à des milliers de petits coquillages. Il s’agit d’une accumulation de moules fossilisées il y a plus de 40 000 ans, à l’époque où l’océan recouvrait les lieux. Fait amusant, ce type de coquillage est utilisé pour consolider les matériaux de construction des maisons, et on peut les deviner dans les murs des demeures de Nouakchott. Attention, ils peuvent causer des dégâts sur les pneus des voitures. Après le rocher aux moules, on aperçoit au loin les grandes dunes de l’erg Akchâr, qui se jettent dans l’océan.

Le parc national du Banc d’Arguin

Appelé par commodité le PNBA, ce parc a été inscrit au Patrimoine culturel et naturel de l’Unesco le 15 décembre 1989. La finalité de cette inscription est de préserver des sites d’un intérêt exceptionnel et d’une valeur universelle, de sorte que leur sauvegarde intéresse l’humanité entière. C’est dire l’importance de cette réserve unique en son genre. Le rassemblement de milliers d’oiseaux est impressionnant et plus d’une centaine d’espèces y a été recensée.
Aigrettes, bécasseaux, flamants roses, spatules, pélicans, courlis, canards, cigognes, cormorans sont, entre autres, les habitants de cette incroyable volière. Tout aussi remarquable, la faune aquatique formée de mulets, raies, daurades, soles, tortues… sans oublier les milliers de petits crabes violonistes et les dauphins. Créé en 1976 par le gouvernement mauritanien, le parc occupe une superficie de 12 000 km2 ().

Nouâmghâr

A 76 km au nord de Tanit et à 151 km au nord de Nouakchott. Ouvert tlj. Entrée payante.
Entrée officielle du parc, ce petit village est la sous-préfecture locale. Environ 400 bateliers y demeurent en permanence, principalement des membres de la tribu des Imraguens, qui vivent essentiellement de la pêche. Leur habitat principal est une hutte faite de branchages recouverts de paille.
Les femmes travaillent autour des séchoirs à poisson, tandis que les marins reprisent leurs filets. Ici, comme dans la quasi-totalité du pays, l’approvisionnement en eau est problématique, malgré la mer toute proche. Une usine filtre bien quelques centilitres d’eau salée par semaine, mais cela reste insuffisant.

Un parc réglementé

Devant le bureau du poste d’entrée du PNBA, où se côtoient scientifiques internationaux, chercheurs mauritaniens et membres des autorités de police, une immense carcasse de baleine, échouée sur la côte, a été disposée et se laisse photographier par les visiteurs. Les règles en vigueur dans le parc sont simples et elles sont celles de tous les parcs naturels du monde : il s’agit donc de les suivre scrupuleusement.
Il est interdit de bivouaquer : seuls les campements officiels sont autorisés, et il est conseillé de prévenir les autorités du parc si l’on trouve un animal échoué sur la plage. Les pêcheurs imraguens sont eux-même tenus de respecter certaines mesures : ils doivent par exemple respecter un certain tonnage et remettre à l’eau les poissons qui ne serviront pas à leur consommation.
De Nouâmghâr, on peut rejoindre en quelques minutes le cap Timirist et la baie Saint-Jean où l’on a la possibilité d’admirer des milliers d’oiseaux, notamment de nombreux échassiers. Ces derniers se reproduisent dans les dunes que l’on aperçoit à l’horizon. Des piquets à chaque kilomètre délimitent la route entre Nouâmghâr et Iwik. Dans cette première partie du parc, la flore est constituée essentiellement de petites plantes grasses, qui ne dépassent pas le ras du sol.

Les dauphins, collaborateurs des Imraguens

Imraguen, qui signifie en berbère « ceux qui récoltent », désigne la tribu principale des pêcheurs du banc d’Arguin. Seuls les Imraguens sont autorisés à pêcher dans ce parc national. Depuis des centaines d’années, ils ont développé, avec les dauphins, une technique de pêche qui a été longuement étudiée par les scientifiques. Quand un banc de mulet est signalé, les pêcheurs frappent la surface de l’eau à l’aide d’une rame.
Les dauphins, attirés par le bruit, se précipitent et poussent devant eux les poissons, jouant ainsi le rôle de rabatteurs. Les Imraguens n’ont plus qu’à les recueillir dans leurs filets. Malheureusement, les animaux marins, poussés par la gourmandise, suivent parfois leurs proies jusqu’à la grève et échouent. Si par chance les pêcheurs les aperçoivent, ils les remettent bien sûr à l’eau. Mais les cadavres sont fréquents sur la plage.

Suivez le guide !

Les femmes des pêcheurs préparent d’excellents petits beignets à la farine de blé qu’elles vendent aux touristes. Goûtez-les !

Iwik

A 40 km au nord de Nouâmghâr et à 191 km au nord de Nouakchott.
A l’arrivée dans cet important village de pêcheurs, le paysage devient plus vert. Au large voguent les bateaux des Imraguens, que l’on appelle des lanches, dotés d’une grande voile triangulaire et décorés de motifs bleus très travaillés. A bord, les hommes finissent par avoir, avant l’âge, les moustaches et les sourcils blancs à cause du sel de l’océan.

Campement touristique

A l’entrée du village.
Par sa modernité, le lieu contraste étrangement avec les maisons des pêcheurs faites de toile et de bois de récupération. Le gouvernement a pris le parti du développement du tourisme en partenariat avec la population traditionnelle du parc. Une éolienne a été installée pour l’électricité et l’eau promet d’être courante le plus rapidement possible : il y a en tout cas des robinets !
C’est un havre de calme et de paix au bord de l’océan et le point de départ pour des balades en lanches. Une piste d’aviation permet en outre l’approvisionnement en nourriture et en carburant.

Ile de Tîdra

A 5 km au large d’Iwik.
Accueillant une trentaine de pêcheurs imraguens, cette petite île, de cinq kilomètres sur huit, aurait vu naître au XIe siècle la dynastie des Almoravides. Des chercheurs l’ont en effet identifiée comme étant l’« île fortifiée » évoquée dans les textes anciens. Cet endroit serait donc l’habitat d’origine de ces musulmans réformateurs, partis ensuite à la conquête de l’Afrique du Nord.
Au large de Tîdra, les cormorans pêchent et plongent tout près des lanches. Il en existe de deux sortes : les cormorans africains, complètement noirs, et les européens, noirs avec un col blanc. Ils attrapent les mulets qui sautent régulièrement de l’eau, et dont ils apprécient, autant que les humains, la chair très goûteuse !

Petites îles environnantes

De nombreux îlots émergent à marée basse au large du banc d’Arguin. Verts et plats, ils demeurent peu accessibles. Provenant de régions différentes (Europe, Sibérie, Ethiopie), les oiseaux se réfugient dans cet écosystème unique, échappant ainsi aux grands froids.
Pour eux, l’abondance de poissons est bien évidemment attirante. Les oiseaux n’étant présents qu’une partie de l’année, il s’est instauré un équilibre naturel profitable à la fois aux animaux marins et volants. Les uns se reproduisent quand les autres sont en migration, ce qui garantit la continuité des espèces.
Sur les îles au large du banc d’Arguin nichent les spatules et les pélicans.
Plus au nord, les îles Kiaone, la petite et la grande, accueillent des flamants. Sur Tafarit et Cheddid, les oiseaux migrateurs arrivent dès septembre pour y construire leur nid. Des scientifiques néerlandais ont dénombré sur l’ensemble du parc national près de deux millions de limicoles, oiseaux de vase, en décembre, mois de grande affluence.

Mangroves

Situées sur les rivages du banc d’Arguin, elles sont les plus septentrionales du continent africain. Il s’agit d’un ensemble d’arbres, d’arbustes, d’herbiers à caractère halophile, que l’on rencontre dans les zones côtières à l’abri des courants marins. La mangrove, sorte d’interface entre le milieu marin et le milieu terrestre, accueille ici des petits palétuviers, les pieds dans l’eau, et des poissons amphibies.

Ile d’Arguin

Au large du parc.
En 1443, les Portugais créent ici le tout premier comptoir européen du littoral atlantique nord-africain. A partir de cette base, s’ouvrent de nombreux autres comptoirs, jusqu’à Ouadâne dans l’Adrar, d’où débute le commerce avec les Maures. De fait, le fort qui y est édifié et l’île elle-même deviennent un enjeu stratégique pour toutes les puissances européennes.
La construction militaire est assiégée, puis détruite par les Français en 1724. On raconte que les anciens Portugais hantent encore l’île. Il ne reste malheureusement plus rien à y voir, plus rien de son riche passé colonial, plus que des nids d’oiseaux !

Oued Chebka

A 415 km au nord de Nouakchott.
Il n’a d’oued que le nom, car il ne pleut en moyenne que tous les cinq ans dans la région. Les nomades disent néanmoins qu’il prend sa source à 30 km de Chinguetti. Chebka signifie « filet » car, d’après eux, les véhicules restent facilement ensablés dans son lit. Son embouchure présumée marque la sortie du parc national du Banc d’Arguin.

« Le Radeau de la Méduse »

L’œuvre du peintre romantique Théodore Géricault, qui fit date au Salon en 1819, représente les survivants du naufrage du navire La Méduse, entassés sur un radeau. L’artiste s’est inspiré d’un événement réel, qui a eu lieu au large du banc d’Arguin le 2 juillet 1816. Ce jour-là, le bateau français, avec à son bord le gouverneur du Sénégal, échoue sur cette côte sans repères. Ordre est donné d’évacuer le navire.
Les matelots embarquent alors sur le même radeau. Ils vont dériver vingt-sept jours. Affamés, certains d’entre eux mangeront de la chair humaine. Seul quinze naufragés sur les 149 membres de l’équipage seront sauvés. En France, la tragédie devient le terrain d’une crise politique, et les gouvernants en place sont accusés d’avoir totalement négligé la sécurité, conduisant à la démission du ministre de la Marine.