Le Berceau de l’humanité ?
La préhistoire du continent africain est la plus longue que l’on connaisse. Il y a 2,5 millions d’années, les régions de l’Afrique orientale et australe présentaient un paysage de savanes arborées parsemées de grands lacs, du moins dans la Rift Valley. Ce climat relativement humide aurait commencé à s’assécher et les arbres à laisser place aux graminées, en même temps que la surface des lacs aurait diminué.
A cette période, l’évolution des Australopithèques primates était déjà bien engagée dans un processus d’hominisation, sans pour autant appartenir au genre Homo. Avant que ne s’éteignent les Australopithèques, l’Homo habilis avait fait son apparition (2 à 1,5 millions d’années). Des restes ont été exhumés en Afrique orientale dans la vallée de l’Omo, à Koobi Fora, Olduvai et en Afrique australe. Cet hominidé dérive-t-il de l’Australopithèque ? Ou bien est-il un rameau issu d’un ancêtre commun avec l’Australopithèque et plus ancien encore ? L’Homo habilis a un cerveau plus développé et son alimentation est omnivore. On lui attribue une station droite. Olduvai en Tanzanie et Melka Kunturé en Ethiopie sont les deux sites de référence de cet hominidé du paléolithique très ancien. On y a découvert un outillage fruste mais diversifié, dont le but essentiel était d’obtenir des bords coupants.
Ces outils sont accompagnés d’ossements que l’on estime être des restes d’animaux qui furent consommés par l’Homo habilis. S’il pouvait capturer de petits animaux, il est probable qu’il ait charogné les grosses proies prises par les grands prédateurs. L’Homo erectus succède à l’Homo habilis (1,6 à 1,5 millions d’années). Il se répand dans l’ensemble du continent africain et va aussi conquérir l’ancien monde. Il est l’artisan de la culture acheuléenne qui dure jusqu’à la fin du Pléistocène moyen, au moment où apparaissent les premiers Homo sapiens. En Afrique de l’Est, des Homo erectus ont été mis au jour dans la plupart des gisements qui ont livré des restes d’hominidés plus anciens.
A Nachukui, à l’ouest du lac Turkana au Kenya, on a découvert le squelette complet d’un jeune Homo erectus (1,6 millions d’années). La période dite Acheuléenne (d’après Saint-Acheul en France où l’on découvrit en premier des objets typiques de cette culture) a duré plus d’un million d’années. Elle se caractérise par des vestiges sporadiques ou hors contexte qui ne permettent de se livrer à aucune interprétation du mode de vie des hommes préhistoriques et à la datation difficile. Les sites les mieux conservés se trouvent en Afrique orientale comme Orgesalie (‘700 000 ans) ou Isaruya, à 55 km au sud de Nairobi qui a livré plus de 14 000 objets lithiques, et Isimila en Tanzanie (‘280 000 ans). Les outils caractéristiques de l’Acheuléen sont les hachereaux, les bifaces, les racloirs associés à des traces de feu et des restes de la faune actuelle de l’Afrique ou d’espèces ancêtres de cette faune.
Il est difficile de mettre une limite nette entre l’Homo sapiens et l’Homo erectus, pour certains paléoanthropologues, il s’agirait d’une seule et même espèce en évolution. A partir de la fin du Pléistocène moyen, l’évolution de la préhistoire en Afrique orientale rejoint celle des autres régions du monde. Cette humanité naissante est-elle issue des premiers hominidés découverts dans l’Afrique de l’Est ? Aucune réponse définitive n’est encore acquise. Pour les passionnés de préhistoire, de nombreux vestiges découverts au Kenya et en Tanzanie sont présentés dans les musées de ces deux pays. Au Kenya, on peut se rendre sur le site de Koobi Fora, au bord du lac Turkana, et en Tanzanie, visiter le site d’Olduvai.
Un melting-pot africain

Vasco de Gama © El Bibliomata
Les habitants actuels de l’Afrique orientale sont d’installation récente. Ils sont issus de migrations de populations à l’intérieur du continent africain et que l’intervention européenne a interrompues. Plusieurs groupes sont arrivés successivement et simultanément, repoussant ou absorbant la population originelle ; leur classification n’est pas ethnographique (les emprunts culturels de l’un à l’autre ont été nombreux) mais linguistique. Les premiers habitants de l’Afrique orientale devaient être des Bushmen vivant de chasse et de cueillette et parlant des langues à « cliks », dont il subsiste un ou deux petits groupes en Tanzanie. Dès les premiers siècles de notre ère, sont apparus les Bantous.
Leur origine est mal connue mais ils parlent des langues apparentées à celles de l’Afrique occidentale et leur installation s’est faite par vagues successives, jusqu’au XVIIe siècle. Les Bantous ont introduits l’usage du fer, de nouvelles techniques agricoles et la culture des ignames et des bananes. Les populations bantoues sont prépondérantes en Tanzanie. Les Couchites (Rendille, Aweer, Somali) ont commencé à arriver à partir du deuxième millénaire de notre ère suivis des Nilo-Hamites (Masaï, Samburu, Galla), eux-mêmes chassés par des envahisseurs. L’arrivée des Nilotiques est plus récente (Kalenjin, Kipsigi, Nandi, Turkana, Luo).
Tissant entre eux des liens d’alliances ou de conflits, ces différents peuples sont entrés en compétition pour le contrôle de la terre et des réseaux commerciaux. Sur la côte est-africaine s’est développée une culture bien différente, la culture Swahili, née du métissage d’Arabes, d’Africains et d’Indiens. Le mot de Swahili lui-même vient de l’arabe Sahel qui signifie rivage et cette langue bantoue est marquée de nombreux emprunts arabes. Depuis le Moyen-Age, les Arabes dominaient le commerce trans-océanique entre l’Arabie, l’Afrique et l’Inde. A bord de leurs boutres, les marins yéménites et omanais utilisaient les vents de la mousson pour venir chercher sur la côte africaine, or, ivoire et esclaves ; et sur la côte de l’Inde soieries et épices. Par la mer Rouge, ces produits gagnaient la Méditerranée où ils étaient très demandés par les commerçants génois ou vénitiens. Les Arabes ont appelé la région « Zandj el Bar », le pays des noirs, dont le nom actuel de Zanzibar est dérivé. Ils ont fondé des comptoirs commerciaux prospères sur toute la côte de Mogadiscio à Kilwa. Ils ont construit des maisons en pierre de corail aux portes de bois sculptés d’inspiration indienne, élevé des mosquées, des bains, des palais.
Chaque ville, gouvernée par son sultan, rivalisait avec les autres et ce ne n’étaient que luttes d’influence entre elles. L’Islam se généralisa sans s’étendre dans l’intérieur du continent sur lequel ces villes n’exerçaient pas d’influence. Jusqu’à la conquête portugaise au XVIe siècle, par la route maritime du Cap, la domination arabe sur l’océan Indien resta incontestée.
L’intermède portugais
La route maritime des Indes fut découverte par le navigateur portugais Vasco de Gama qui, parti de Lisbonne avec trois caravelles le 8 juillet 1497, arriva à Calcutta le 20 mai 1498. En longeant la côte est-africaine, il avait manqué Kilwa mais fait escale à Zanzibar, Malindi et Mombasa où l’accueil des autorités locales n’avait pas été des plus chaleureux. De retour à Lisbonne en septembre 1499 et sur la foi de ses rapports, le Portugal élabora un plan de conquête de l’océan Indien. En 1515, tous les points stratégiques sauf Aden étaient aux mains des Portugais qui s’y étaient fortifiés sur des îles ou des presqu’îles : Kilwa, Zanzibar, Mombasa, Malindi jalonnaient la côte orientale d’Afrique. De cet empire, censé concurrencer l’empire espagnol des Indes occidentales, les Portugais ne conservèrent que l’Angola et le Mozambique.
La reconquête omanaise
Les Portugais connaissaient d’énormes difficultés à maintenir leur thalassocratie sur l’océan Indien. Leurs garnisons étaient sans cesse harcelées, ils n’avaient aucun contact avec l’intérieur du continent. Ayant imposé une taxe sur le négoce qui exaspérait les négociants arabes, la prospérité commerciale de la région s’en ressentit. Au sud-est de l’Arabie, le sultanat d’Oman profita de l’affaiblissement portugais pour se lancer à la conquête des comptoirs de la côte est-africaine en 1650.
La conjoncture lui était favorable car la couronne du Portugal était momentanément réunie à celle de l’Espagne, qui concentrait tous ses efforts sur l’Amérique et sa rivalité maritime avec l’Angleterre. Au XVIIIe siècle les Portugais lâchèrent leur dernier bastion, Fort-Jésus à Mombasa et se replièrent sur la seule côte mozambicaine. Une famille arabe omanaise, les Mazrui, prit alors le pouvoir et annexa progressivement les îles de la côte. Au début du XIXe siècle, le sultan d’Oman, Seyyid Saïd, prenant ombrage de la suprématie Mazrui, entreprit la conquête des villes sous leur contrôle.
Séduit par la région et ses possibilités commerciales, il installa son gouvernement à Zanzibar officialisant ainsi la création du Sultanat d’Oman et Zanzibar en 1840. A sa mort en 1856, il sépara son royaume en deux sultanats indépendants, Oman revint à son fils Thuwainy et Zanzibar et la côte est-africaine à un autre de ses fils, Majid.
Les premiers explorateurs
Au début du XIXe siècle, la connaissance géographique de l’Afrique par les Européens n’avait guère progressé. Le continent « noir » faisait l’objet de nombreux préjugés : régions réputées impénétrables, populations diverses et cruelles, climat hostile à l’homme blanc. L’exploration de cette Terra incognita allait attirer les aventuriers du XIXe siècle, mus essentiellement par deux motivations : l’une humanitaire, lutter contre la traite des Noirs qui depuis le Congrès de Vienne de 1815 était officiellement abolie ; l’autre scientifique, s’assurer la connaissance des reliefs, des cours d’eau, de la flore et de la faune, des populations de cette Afrique méconnue. L’Afrique orientale présentait un attrait particulier : il fallait résoudre le mystère des sources du Nil. En Grande-Bretagne, une fondation, la célèbre Royal Geographical Society, rassembla les fonds nécessaires à financer les explorations. Les premiers à pénétrer jusqu’en Afrique centrale depuis la côte orientale africaine furent deux missionnaires allemands, Krapf et Rebmann, partis de Mombasa en 1840. Ils mentionnaient les sommets enneigés des monts Kenya et Kilimandjaro’ et suscitaient le scepticisme des géographes de l’époque.
Burton et Speke
La première véritable expédition à la recherche des sources du Nil, financée conjointement par la Royal Geographical Society et le Foreign Office en Grande-Bretagne est devenue une histoire rocambolesque autant qu’un exploit. Cela tient tout autant à la personnalité des deux explorateurs mandatés qu’au caractère mythique de leur mission. A la tête de l’expédition, se trouvait Richard Burton (1821-1890). Officier de l’armée des Indes, il était devenu célèbre par un voyage à la Mecque où il avait pu se rendre en se faisant passer pour un musulman. Traducteur des Mille et Une Nuits, polyglotte, Burton était un esprit original qui s’élevait vivement contre la morale victorienne de son époque.
Voyageur infatigable, il est plus ethnographe que géographe. Son compagnon de voyage, John Hanning Speke, (1827-1864) était lui aussi officier de l’armée des Indes, plus jeune que Burton il lui vouait d’abord l’admiration d’un élève envers son maître. Cependant au cours du voyage, les relations entre les deux hommes s’envenimèrent au point d’engendrer une haine mutuelle. Speke était beaucoup moins brillant et intellectuel que Burton ; grand amateur de chasse, il se passionnait pour le gros gibier africain. Ce fut finalement lui qui eut la bonne intuition quant aux véritables sources du Nil. Les sources du fleuve le plus long du monde étaient recherchées depuis l’antiquité. Il était impossible de remonter le Nil sur tout son cours en raison des six cataractes infranchissables.
L’expédition quitta la petite ville swahilie de Bagamoyo (sur l’actuelle côte de Tanzanie) en juin 1857. Il fallut plus de trois mois aux deux explorateurs et à leur colonne de porteurs pour atteindre Kazeh (aujourd’hui Tabora) dans l’intérieur des terres, relais des commerçants arabes. Ils souffraient de la malaria, de la chaleur, d’une progression difficile et ce n’est qu’en avril 1858 qu’ils atteignirent le lac Tanganyka à Ujiji. C’était la première fois que des Européens voyaient ce lac et ils cultivaient le fol espoir d’avoir découvert le réservoir des sources du Nil. Ils partirent en exploration vers le nord du lac pour réaliser avec déception que s’y jetait la rivière Ruzizi. Ils reprirent la route de Kazeh où ils arrivèrent au mois de mai 1858. Burton, épuisé, décida d’y reprendre des forces et de mettre à jour ses notes de voyage, tandis que Speke gagna le nord pour voir un autre lac, appelé Nyanza et dont les commerçants arabes leur avaient parlé. Il arriva le 3 août 1858 à Mwanza où lui apparut le plus grand lac d’Afrique et qu’il baptisa aussitôt Victoria en l’honneur de sa reine.
Convaincu d’avoir localisé les sources du Nil, il repartit vers Kazeh sans même explorer le lac. Le retour vers Zanzibar eu lieu dans une atmosphère tendue. Burton regretta amèrement de n’avoir pas eu la force de pousser jusqu’au lac Victoria, il mit en doute les affirmations de Speke auquel il reprocha de n’apporter aucune preuve de ses allégations. En février 1859, les deux explorateurs devinrent ennemis jurés lorsqu’ils se séparèrent à Zanzibar. Ils n’eurent alors de cesse de médire l’un de l’autre et de polémiquer. Dans le petit monde des explorateurs et des géographes qui gravitaient autour de la Royal Geographical Society, chacun prit parti pour l’un ou l’autre. Speke décida alors de repartir en expédition pour confirmer sa découverte. Il s’adjoignit comme compagnon de voyage James Grant.
En 1860, ils quittèrent Zanzibar pour Kazeh puis le lac Victoria où ils arrivèrent en juillet 1862. Sur les rives du lac, les deux explorateurs se séparèrent, Speke étant extrêmement jaloux de sa découverte et ne voulant partager sa gloire avec personne. Il explora le nord du lac et arriva aux chutes d’eau qui se déversent du lac, à l’endroit précis où se forme le fleuve. Ce ne sont pas exactement les sources du Nil, pour les découvrir, il fallait remonter les fleuves qui alimentent le lac, mais le Victoria-Nyanza était bien le réservoir du Nil. Speke avait ainsi pu vérifier de visu son intuition. De retour à Londres, il accepta une confrontation publique avec Burton qui devait avoir lieu au siège de la Royal Geographical Society en 1864. A la veille de cette rencontre, Speke mourut d’un accident de chasse. Ce brillant chasseur s’était tiré lui-même une balle. On parla alors de suicide mais il n’avait laissé aucune lettre. Le mystère demeure’
Livingstone et Stanley
Bien qu’aboli depuis 1830, dans les possessions britanniques, l’esclavage continuait cependant d’être pratiqué. Les esclaves, qui étaient amenés de l’intérieur des terres jusqu’à Bagamoyo et Zanzibar, étaient en partie destinés à l’Arabie et surtout aux îles Maurice et la Réunion. Les missionnaires voulant lutter contre la traite s’engageaient dans ces régions inconnues, mais la lutte était acharnée entre les différentes missions catholiques romaines ou protestantes. Elle correspondait à la rivalité des puissances coloniales françaises, britanniques ou allemandes pour la conquête de nouveaux territoires. La plupart des missionnaires avaient pour but de créer des postes sédentaires et d’attirer à eux des populations à convertir. L’un d’eux fit exception à la règle. David Livingstone (1813-1873) qui, parti pour fonder des antennes dans des régions reculées, prit goût à faire connaître ses découvertes à un large public et devint l’explorateur le plus populaire de son temps.
Il avait 27 ans lorsqu’il arriva en Afrique du Sud comme médecin et missionnaire. Il était chargé de remonter le plus loin possible à l’intérieur de l’Afrique pour créer un poste d’évangélisation et connaître les réseaux de traite de façon à pouvoir lutter contre eux plus efficacement. En 1855, il découvrit les chutes Victoria sur le Zambèze ; en 1858, il atteint le lac Malawi jusqu’alors inconnu. Dans la querelle qui opposait Burton et Speke au sujet des sources du Nil, il prit le parti du premier et explora le lac Tanganyka. C’est au cours d’une troisième expédition dans cette région et alors que l’on était sans nouvelles de lui depuis trois ans que le journaliste américain d’origine britannique Henri Morton Stanley, partit à sa recherche envoyé par son journal, le New York Herald.
Leur rencontre à Ujiji, en 1871, sur la rive du lac est restée célèbre. Stanley la raconte ainsi : « Prenant le parti qui me parut le plus digne, j’écartai la foule et me dirigeai entre deux haies de curieux vers le demi-cercle d’Arabes devant lequel se tenait l’homme à la barbe grise. Tandis que j’avançais lentement, je remarquais sa pâleur et son air de fatigue. Il avait un pantalon gris, un veston rouge et une casquette bleue, à galon d’or fané. J’aurais voulu courir vers lui, mais j’étais lâche en présence de cette foule. J’aurais voulu l’embrasser mais il était anglais et je ne savais pas comment je serais accueilli. Je fis donc ce que m’inspirait la couardise et le faux orgueil : j’approchais d’un pas délibéré, et dis en ôtant mon chapeau : ‘ Le docteur Livingstone, je présume ? ‘ Oui, répondit-il en soulevant sa casquette et avec un bienveillant sourire. Nos têtes furent recouvertes et nos mains se serrèrent. » Les deux hommes décidèrent de partir ensemble explorer le lac Tanganyka.
Ils en tirèrent la conclusion que les sources du Nil ne pouvaient s’y trouver. Livingstone raccompagna Stanley à Kazeh et tandis que celui-ci reprenait la route de Zanzibar, Livingstone prit la direction du bassin du Congo. Le 1er mai 1873, ses compagnons de voyage africains le découvrirent au petit matin, mort, agenouillé au pied de son lit de camp. Ils embaumèrent sa dépouille et la transportèrent jusqu’à Zanzibar. L’explorateur-missionnaire reçut des obsèques nationales à l’abbaye de Westminster à Londres où il fut inhumé en avril 1874. Livingstone était populaire auprès des Africains qu’il recrutait pour l’accompagner dans ses expéditions car il voyageait discrètement, avec une petite équipe et peu de bagages. Ce n’était pas le cas des grosses expéditions telles celles de Burton et Speke, ou de Stanley lui même, qui exigeaient de nombreux porteurs, jusqu’à plusieurs centaines d’hommes étaient recrutés pour porter les vivres, l’équipement et le matériel scientifique. A la suite de cette première expédition à la recherche de Livingstone, le journaliste américain décida de continuer l’exploration de l’Afrique.
Pour le compte du roi des Belges, il explora le bassin du Congo et réalisa une traversée de l’Afrique d’Est en Ouest. Un autre explorateur-missionnaire compléta en partie la carte de l’Afrique orientale, Joseph Thompson, un Ecossais qui, de 1879 à 1890, voyagea entre le Zambèze et les grands lacs. C’est lui qui baptisa la chaîne des Nyandarua, les Aberdares, sans doute par nostalgie de son pays natal. Il laissa son nom aux Thompson Falls au Kenya. A partir de 1880, les explorations furent financées et commanditées par les gouvernements eux-mêmes dans la course à l’annexion de nouveaux territoires. Certaines furent menées par des officiers, ce qui leur donna un caractère systématique et militaire.
Le partage organisé
En 1886, la Conférence de Berlin réunit les puissances européennes pour définir les règles de la conquête coloniale : l’occupation côtière ne suffisait pas pour revendiquer l’intérieur du territoire. Le sultan de Zanzibar, Seyyid Bargash, qui contrôlait la côte orientale de l’Afrique, ne put revendiquer aucune autorité sur l’hinterland. Une course à la conquête commença entre les nations européennes. Il fallait au plus vite signer des traités d’allégeance avec les chefs ou les rois locaux. Dans la conquête de l’Afrique orientale, l’Angleterre la première, aussitôt imitée par l’Allemagne, laissèrent d’abord agir les compagnies à chartes. Un armateur de Glasgow, William Mackinnon, obtint en 1888 la charte de l’Imperial British East Africa. La compagnie se révélant inefficace et incompétente, elle céda la place au Protectorat Britannique en 1895. En agissant comme l’Angleterre, Bismarck comprit la possibilité d’échapper aux responsabilités politiques et financières de l’entreprise coloniale. Mais la Compagnie de l’Est Africain, accordée en 1887 à Karl Peters, fut un véritable échec. Elle eut à faire face à des révoltes des Swahilis et des Yaos sur la côte puis à une longue résistance des populations du sud de l’actuelle Tanzanie.
Karl Peters avait débarqué en 1884 sur la côte orientale et en moins de trois semaines, obtenu la signature d’une douzaine de traités avec des chefs africains. Le Sultan de Zanzibar, Seyyid Bargash, tenta de s’y opposer mais l’arrivée de deux destroyers allemands devant son palais le firent renoncer à toute revendication sur le continent. Karl Peters est resté dans les mémoires comme un fou sanglant. Il exerça une telle répression sur les populations locales que le gouvernement allemand le rappela en 1891 et prit le contrôle direct de l’Afrique orientale allemande. On ne peut pourtant pas dire que le major von Wissman qui débarqua sur la côte à la tête d’une armée de 1 000 hommes pour réaliser la conquête fut tellement plus magnanime. Il détruisit les villes swahilies et combattit la résistance des Héhé dans le sud du pays. Leur chef Mkwama, préféra le suicide à la reddition lorsqu’il se vit cerné dans son fief de Kalinga. En 1898, la pacification était achevée. Avec le partage colonial, ces régions voyaient leur destinée se séparer.
1888-1918 : l’Afrique Orientale Allemande
La légende veut que si le Kilimandjaro se trouve à l’intérieur des frontières de l’actuelle Tanzanie, c’est par la volonté de la reine Victoria qui désira ainsi faire un cadeau à son petit fils l’empereur d’Allemagne, Guillaume II. La parenté des Hollenzollern avec la famille d’Angleterre ne les empêcha pas de mener une politique anti-britannique pendant un quart de siècle. Les négociations sur le tracé des frontières furent particulièrement âpres et les relations entre les deux colonies assez tendues. Face à la résistance des populations locales, les Allemands réagirent avec une grande dureté. En 1905, éclata la révolte Maji-Maji (maji signifiant eau en swahili). Un sorcier avait convaincu ses adeptes que l’eau magique qu’il leur donnait transformerait les balles en eau. Elle commença au sud du Tanganyka par l’extermination, par surprise, des missionnaires et fonctionnaires administratifs. La répression menée par le gouverneur Von Wissmann fut sanglante et massive. Villages et champs furent détruits, les populations civiles massacrées. En 1906, le Reichstag s’en inquiéta et l’Allemagne créa un secrétariat d’Etat aux colonies de façon à pouvoir exercer un contrôle sur les territoires administrés en son nom. En 1907, un gouverneur plus libéral prit le relais de Von Wissman. Dans le nord du territoire, les Allemands développèrent les cultures d’exportations, thé, café, sisal, coton, arachide. La venue de colons allemands était encouragée. Deux lignes de chemin de fer furent établies, l’une vers le nord et l’autre vers le sud. Pendant la guerre de 1914-18, l’Est africain fut le théâtre de combats entre Anglais et Allemands. Le général Von Lettow Vorbeck et le destroyer Könisberg résistèrent aux Anglais jusqu’à l’armistice.
Du Tanganyka à la Tanzanie
Avec le traité de Versailles, l’Allemagne se vit confisquer toutes ses colonies au profit des principales puissances alliées. La colonie allemande de l’Afrique orientale tomba dans l’escarcelle britannique et prit le nom de Tanganyka dont l’étymologie signifie « Terre aride ». Les Anglais appliquèrent un gouvernement de style indirect en s’appuyant sur l’autorité de chefs africains sélectionnés. Ils encouragèrent aussi l’installation d’Indiens (environ 80 000) qui prenaient en charge le petit commerce et tous les services intermédiaires. L’heure n’était plus à la colonie de peuplement européen. En 1926, les Britanniques mirent en place un conseil législatif destiné à former une élite politique autochtone et dont les membres étaient nommés. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale face à la montée des désirs d’indépendance des colonies, le gouvernement colonial tenta de fédérer l’Ouganda, le Kenya et le Tanganyka ; trop d’intérêts contradictoires étant en jeu et le projet échoua. En 1946, la Grande-Bretagne soutint alors un projet de développement de la culture de l’arachide dans le sud-est du Tanganyka. Le port de Mtwara, entièrement artificiel, fut créé pour exporter une production d’arachides estimée à 600 000 tonnes par an. Mais les terrains choisis, les défaillances de la main-d »uvre et l’irrégularité de la pluviométrie firent échouer l’entreprise. En 1951, seules 9 000 tonnes d’arachides avaient été récoltées et l’expérience prit fin après avoir coûté plusieurs dizaines de millions de livres sterling. En 1956, le gouvernement colonial décida que les membres des conseils législatifs et exécutifs de la colonie devaient être élus au suffrage universel. Chaque électeur devait choisir trois candidats représentant chacun les grands groupes raciaux du pays : noir, indien et blanc. Les élections de 1958 révélèrent la personnalité de Julius Nyerere, qui allait devenir l’artisan de l’indépendance. En 1954, il avait fondé l’Union Nationale Africaine du Tanganyka, très critique à l’égard de la représentation pluri-raciale qui mettait à égalité 20 000 Européens, 90 000 Indiens et 9 000 000 d’Africains. Il démissionna du conseil législatif mais son parti ayant gagné tous les sièges africains, il devenait le seul interlocuteur possible de la Grande-Bretagne pour négocier l’indépendance. Le 8 décembre 1961, celle-ci était proclamée et le drapeau national hissé au sommet du Kilimandjaro, Julius Nyerere en était le premier président.
L’île de Zanzibar
à quelques encablures de Dar es Salam restait, quant à elle, un sultanat sous protectorat britannique. Elle accéda à l’indépendance sous une monarchie de régime constitutionnel en décembre 1963. Brusquement, en janvier 1964, un putsch militaire renversa le sultan, le contraignit à l’exil en Grande-Bretagne, chassa l’élite arabe et indienne de l’île et proclama la République. Dans le cours de l’année, Zanzibar scellait son union avec le Tanganyka et ce nouvel ensemble prenait le nom de Tanzanie.
Julius Nyerere (1922-1999)
diplômé de l’université d’Edimbourg, fut surnommé par les Tanzaniens « Mwalimu », le maître d’école. Il inaugura une politique autoritaire et très personnelle de socialisme à l’africaine, appelée en swahili Ujamaa et définie dans le discours-programme d’Arusha du 5 février 1967. S’appuyant sur le développement rural, il encouragea la création de coopératives agricoles dans les villages pour procurer aux cultivateurs machines et semences. La Tanzanie resta cependant un des pays en voie de développement parmi les plus pauvres d’Afrique, elle disposait de peu de ressources minières et l’irrégularité des précipitations pouvait remettre en cause les récoltes d’une année sur l’autre. A la fin des années 70, Nyerere engagea son armée au côté des rebelles ougandais qui voulaient chasser le dictateur Idi Amin Dada. En politique étrangère, il avait adopté la position du non-alignement signant ponctuellement des accords de coopération avec certains pays. Dans un premier temps, la Chine fut son partenaire privilégié. En 1977, la TANU fusionna avec le parti Afro-Shirazi de Zanzibar pour former le parti de la Révolution, le Chama Cha Mapinduzi. En 1985, Julius Nyerere se mit de son propre chef à la retraite et transmit sa charge à Ali Hassan Mwinyi jusqu’alors vice-président de Zanzibar. En 1992, le pays adopta le multipartisme et une vingtaine de partis furent reconnus. Novembre 1995, premières élections multipartites depuis 30 ans. Benjamin W. Mkapa est élu président 14 octobre 1999, décès de Julius Nyerere 29 octobre 2000, Benjamin W. Mkapa est réélu président C’est de l’île de Zanzibar que viennent les mises en cause de l’union, l’île des Arabes et du giroflier est parfois tentée de prendre le large.