Bâtie résolument dos à la mer, la capitale de la Crète fait souvent figure de mal-aimée en raison de son désordre et de son affairisme. Depuis peu, elle fait pourtant figure de ville jeune et branchée. Son arrière-pays abrite également de superbes villages.
Et bien sûr Knossos, la plus belle des cités minoennes.
Héraklion
On reproche souvent à Héraklion son architecture désordonnée, ses embouteillages, son manque d’ouverture sur la mer et surtout… son aéroport situé à seulement 6 km de la vieille ville ! En dépit de ces défauts, la capitale de la Crète mérite davantage qu’une simple halte. Trépidante, bruyante, mais aussi terriblement attachante, elle constitue le cœur battant de l’île avec ses rues piétonnes, ses boutiques à la mode, ses cafés branchés. Mieux encore, Héraklion abrite le plus beau musée archéologique de l’île, de magnifiques collections d’icônes et un marché aux allures typiquement orientales…

Heraklion – Rocca al Mare © bazylek100
La vieille ville
Point de départ obligé, la place Vénizélos est le lieu le plus animé de la capitale. Ici, antiquaires et librairies jouent au coude à coude avec les terrasses de café d’où l’on admire à l’envie la fontaine Morosini, chef-d’œuvre vénitien surmonté de lions de pierre et orné de bas-reliefs représentant nymphes, tritons et dauphins. Commandée en 1628 par Francesco Morosini, le gouverneur de l’antique Candie, elle demeure toujours l’emblème de la ville et la fierté de ses habitants ! Toute proche, la rue Martyron 25 Augustourelie la place à l’avenue du bord de mer. Avec ses boutiques chic, ses banques et les bureaux des principales compagnies maritimes, c’est l’avenue la plus prestigieuse et la plus commerçante d’Héraklion. Dédiée à la mémoire des Crétois massacrés par les Turcs en 1898 – trois mois avant le départ de l’île de ces derniers – elle possède quelques beaux vestiges de la période vénitienne, notamment la loggia du XVIIe siècle, rendez-vous des seigneurs vénitiens durant la domination de la Sérénissime. Détruite par les bombardements de la dernière guerre, elle a été reconstruite à l’identique et abrite aujourd’hui l’hôtel de ville. Au départ de la place Vénizélos, qui jouxte la place Nikiforos Fokas, le grand rond-point d’Héraklion, la rue 1866, conduit ensuite jusqu’au marché : un véritable bijou oriental où les étals regorgent de légumes et de fruits frais, de plantes et de vins, de miels locaux et de kouloura, ces couronnes de pain délicatement sculptées que l’on offre aux mariés. On y fait le plein de produits crétois avant de rejoindre la place Bembo et sa maison-fontaine, transformée en un adorable café avec ses chaises en bois et ses guéridons de marbre. Après une halte indispensable pour déguster un café grec, l’idéal consiste à redescendre la rue 1866 et se perdre dans le dédale des rues qui partent en étoile depuis la place Vénizélos. Au hasard de ses pas, on découvre alors l’imposante basilique Agios Markos, qui abrite un centre culturel et lieu d’expositions, l’église Agios Titos et son minaret transformé en beffroi. Puis, l’avenue Leoforos Dikeossinis, où s’élèvent d’anciennes casernes vénitiennes et, enfin, le quartier des artisans, coincé entre les rues 1866 et 1821 avec ses échoppes de menuisiers, de couturiers et de bijoutiers.
Quatre noms pour une ville
Fondée en l’an 1000 av. J.-C. par les Doriens, la cité fut appelée Hérakles en l’honneur du héros mythique (Hercule). En 824, les Arabes s’en emparent et y bâtissent une forteresse : Rabd-el-Kandak.Ce mot, mal prononcé, donna Khandax, puis évolua en Candia, durant la domination vénitienne. Avec la conquête ottomane, la ville est encore une fois débaptisée et prend alors le nom de Megalo Kastro (Grande Forteresse). Il faudra attendre le rattachement de la Crète à la Grèce pour que la cité retrouve son nom original : Héraklion.En 1913, elle ne compte que 12 000 habitants. Arrivée massive de Grecs fuyant la Turquie en 1923, exode rural important dans les années 1950-1960, Héraklion affiche aujourd’hui une population de 115 000 habitants, ce qui en fait la cinquième ville de Grèce.
Suivez le guide !
C’est dans le marché de la rue 1866 qu’il faut acheter le diktame, une herbe locale connue pour ses vertus aphrodisiaques.
Musée archéologique
Odos Xanthoudidou. Ouvert du mardi au dimanche de 8 h à 19 h 30, le lundi de 13 h à 19 h 30 (tous les jours de 8 h 30 à 15 h en hiver). Entrée payante, mais libre pour les étudiants de l’UE et tous les dimanches.
Véritable mine pour les mordus d’archéologie, ce musée sait tout autant passionner les profanes ! Les collections sont présentées de manière chronologique, avec beaucoup de clarté. Au fil des vingt salles, on suit toute l’évolution d’une civilisation, depuis l’époque néolithique jusqu’à la période gréco-romaine. Toutefois, ce sont surtout les vestiges minoens qui font de ce musée un lieu unique au monde, et une précieuse introduction pour la visite ultérieure des sites. Parmi ces trésors, notons dans la salle III le célèbre disque de Phaïstos, dont le texte, resté en partie un mystère, a été imprimé dans l’argile vers 1700 av. J.-C. Dans la salle VI sont présentées les collections provenant des palais de Knossos, Malia et Phaïstos. On y trouve les déesses aux serpents, deux petites idoles en faïence représentant la déesse mère et sa fille, figurées avec des serpents autour de la taille et dans les mains. Aussi célèbres, la tête de taureau en forme de vase ou encore l’Acrobate, touchante sculpture en ivoire immortalisant le héros effectuant un saut par-dessus les cornes d’un animal. La salle VII abrite le fameux vase des moissonneurs. Il s’agit en fait d’un vase à libations (rhyton) décrivant une procession de paysans conduits par un prêtre, et portant leurs outils à l’épaule. Dans la vitrine 95, le gobelet du prince est orné de délicats reliefs montrant un officier qui remet à son chef une part de butin. Les salles XIV, XV et XVI présentent de multiples fresques multicolores illustrant des événements de la vie quotidienne. Ornant jadis le corridor d’entrée du palais de Knossos, la fresque de la Procession réunit plus de 800 personnages. Plus intime et plus touchante, la Parisienne, fragment de la vaste composition des libations, arbore un joli profil avec mille bouclettes sur le front et la nuque. Enfin, l’Oiseau bleu prend place au milieu de splendides jardins, confortant l’idée que, dans la civilisation minoenne, l’homme et la nature vivaient en parfaite harmonie. On découvrira ensuite pêle-mêle les fresques des Dauphins, des Dames en bleu, du Prince aux fleurs de lys… Avant d’admirer la vedette des lieux, le sarcophage d’Agia Triada recouvert de peintures représentant les rites liés aux funérailles de personnages illustres. On y distingue notamment le sacrifice d’un taureau et deux chars. L’un, tiré par des chevaux, est « le char terrestre », tandis que le second, tiré par des griffons ailés, vient tout droit de l’au-delà.
Suivez le guide !
Sur la place Vénizélos, la pâtisserie Kirkor est célèbre pour ses bougatzs, de sublimes gâteaux à la crème brûlée. A goûter absolument !
Agia Ekaterini et ses icônes
Place Agia Ekaterini. Ouvert du lundi au vendredi de 10 h à 13 h. Entrée payante.
Située juste derrière la basilique, l’église Agia Ekaterini, transformée en musée d’art religieux, possède les plus belles icônes de toute la Crète. On y découvre notamment six peintures provenant du monastère Vrontisiou et exécutées par Mikaïl Damaskinos, qui fut le maître du Greco. La Cène, L’Adoration des Mages, La Sainte Vierge au buisson ardent… Ces chef-d’œuvres illustrent parfaitement la spécificité de l’école crétoise, mêlant subtilement la manière grecque et les techniques des peintres toscans et vénitiens : travail sur la profondeur de champ, le mouvement et la perspective, parfait réalisme dans les traits des visages et des mains.
Musée historique et ethnographique
Kalokairinou, 7. Ouvert tlj de 9 h à 17 h (jusqu’à 14 h le samedi), sauf dimanches et jours fériés. Entrée payante.
En quelques salles seulement, ce musée offre un remarquable panorama de l’histoire de l’île, depuis la période byzantine jusqu’à notre siècle. On y trouve des proues de navire, une maquette de la ville au XVIIe siècle, de nombreuses icônes du XVe siècle, des bijoux byzantins et vénitiens, la vue du mont Sinaï et du monastère Sainte-Catherine (le seul tableau du Gréco présent en Crète), des poteries médiévales et des armes, témoins des multiples insurrections crétoises. Le deuxième étage est en partie dédié à Nikos Kazantzakis, romancier né à Héraklion et auteur du célèbre roman Alexis Zorba, qui lui assura une immense popularité. L’autre partie de l’étage, enfin, est consacrée à diverses collections d’artisanat : tissages, broderies, poteries, dentelles et instruments de musique.
Disque de Phaïstos : qui résoudra l’énigme ?
Couvert de 242 hiéroglyphes imprimés dans l’argile humide à l’aide de stylets et de cachets, le disque de Phaïstos demeure aujourd’hui encore un casse-tête pour les chercheurs. Les signes se déroulent du centre vers la périphérie et sont assemblés par groupes, avec une barre et une figure animée (animaux, plantes, outils…) séparant chaque groupe. Ils appartiennent à l’écriture dite linéaire A, en cours de déchiffrement. Aujourd’hui, seuls 76 signes syllabiques ont été identifiés ainsi que quelques signes numériques, ce qui ne suffit pas à dévoiler les secrets du fameux disque, dont on ignore, d’ailleurs, l’exacte provenance !
Fort et Remparts vénitiens
Ouvert tlj (sauf lundi) de 8 h 30 à 15 h (19 h en été). Entrée payante.
Longue de cinq kilomètres et très impressionnante avec ses sept bastions, cette muraille exceptionnellement puissante a permis de défier l’assaillant turc durant vingt et un ans ! Aujourd’hui, elle constitue un lieu de promenade agréable et offre de beaux panoramas sur la ville. A l’ouest, la porte Panigra abrite la statue du kapetan Michalis Korakas, qui, au XIXe siècle, organisa une lutte acharnée contre les Turcs. A la pointe sud, non loin du bastion de Martinengo, on aperçoit le tombeau de Nikos Kazantzakis. Enfin, au bout d’un long quai partant des remparts se dresse le fort Vénitien. Cet édifice, doté de murs énormes et d’incroyables réserves à boulets, propose aujourd’hui de très belles échappées sur le port avec ses barques colorées. Un endroit idéal pour prendre un peu de repos, à l’écart de l’agitation de la ville.