10 - Régions et Itinéraires

Le Kef

Le Kef - Tunisie

Après la première guerre punique, Carthage exsangue, expédia ses mercenaires qu'elle ne pouvait payer en cantonnement au Kef, appelée alors Sicca Veneria. Leur révolte inspira Flaubert pour son roman Salammbô et si en effet le général Hamilcar réussit à mater les rebelles, rien ne dit qu'il ait eu une fille aimée par leur chef, Mathô... Le temps a effacé les traces de ce passé carthaginois ainsi que le nom antique pour celui de Le Kef qui signifie le rocher en arabe.

Cette ville, à l'écart des grands circuits touristiques, peu équipée en hôtels, reste authentique et intéressante à visiter. La vieille ville à flanc de falaise est desservie par un réseau de ruelles entrecoupées d'escaliers qui interdit les voitures. Au sommet se trouve la Kasba édifiée par les Turcs au XVIIe siècle. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, elle fut l'un des sièges de la campagne de Tunisie menée par les Forces Françaises Libres. On peut encore y voir la prison où les Français internaient prisonniers allemands, collaborateurs et indépendantistes, alors soupçonnés de collusion avec l'ennemi. Dans un autre bâtiment se trouvait le quartier général du maréchal Juin. Une vaste salle voûtée est appelée la mosquée turque, elle est soutenue par des colonnes et des chapiteaux antiques. Depuis le bastion est, le plus élevé, la vue porte sur l'ensemble du Kef et la vaste plaine qui s'étend à ses pieds.

Juste en dessous de la forteresse se trouve la Basilique du IVe ou Ve siècle. Il suffit de descendre quelques marches pour rejoindre la Mosquée de Sidi Bou Makhlouf du XVIIe siècle aux dômes éblouissants de blancheur. Elle est réputée pour la finesse de sa décoration intérieure faite de stuc ciselé, d'étoiles et croissants de lune peints. Son minaret octogonal est aussi décoré en vert et blanc. Le Musée des Arts et Traditions Populaires a été aménagé dans une ancienne zaouïa (école coranique). Il présente tous les aspects de la vie bédouine. Un peu plus bas dans la vieille ville se trouve la Synagogue, désaffectée depuis l'indépendance. Située dans une maison comme les autres, elle émeut par sa simplicité. Rejoindre la P 5 en direction de Tunis. Aprés 68 km on atteint Dougga.

Dougga

Comptez 3h de visite, ouvert de 8h à 19h en été et de 8h30 à 17h30 en hiver, vu la complexité du site il est conseillé de prendre un guide.

C'est d'abord la magie des lieux qui séduit en arrivant à Dougga : une colline domine de ses 600 m d'altitude un paysage virgilien fait d'oliveraies et de champs de blé. La présence de sources, essentielle pour les Romains qui recherchaient l'eau nécessaire à l'alimentation de leurs thermes, avaient déjà séduit les numides puis les carthaginois. En 46 après J.-C., la cité devient romaine et en 205, sous le règne de Septime Sévère, l'empereur « africain », né à Leptis Magna (Libye), ses habitants accèdent à la citoyenneté. La ville s'embellit de monuments offerts par ses habitants les plus riches. Contrairement à la plupart des villes romaines Dougga ne semble suivre aucun plan tracé au préalable et épouse les sinuosités de la colline. Autre originalité de ce lieu, il ne fut jamais abandonné par les habitants et les premières fouilles commencèrent en 1889 au milieu de la population. Depuis une dizaine d'années, ils ont été relogés dans un village neuf, Dougga al Jaddida, Dougga la nouvelle, et les ruines ont retrouvé leur vocation de témoins du passé.

Le Théâtre, construit de 168 à 169 ap. J.-C. et offert à la ville par un de ses citoyens, peut accueillir 3 000 spectateurs. Son acoustique est toujours excellente et si votre guide est d'humeur lyrique, il vous récitera peut être quelques vers pour vous le prouver... La scène est toujours ornée de son pavement de mosaïque et de son portique à colonnes. Un ingénieux système de machineries était disposé en dessous.

Au dessus du Théâtre se trouve un temple dédié à Saturne et construit en 195 ap. J. -C. sur un lieu de culte auparavant voué à Baal le dieu des Carthaginois. Toute proche, l'église Victoria est le seul vestige chrétien de Dougga (IVe et Ve siècles). Elle tient son nom d'une inscription dans la crypte dédiée à une Victoria.

Le Temple de la Piété Auguste est le plus modeste des bâtiments du Capitole. Il fut édifié au IIIe siècle ap. J.-C. à la mémoire d'un citoyen de Dougga, par ses héritiers. Il jouxte le Temple de la Fortune dont il ne reste plus que les fondations. La place de la Rose des vents doit son nom au motif de 8 m de long gravé sur son dallage. Elle permet d'accéder au Temple de Mercure. Le Capitole reste le plus majestueux des monuments de Dougga avec son fronton triangulaire porté par six colonnes ornées de chapiteaux corinthiens. Ce temple construit en 166-168, offert à la ville par un habitant, était dédié aux trois dieux principaux de Rome : Jupiter, Junon et Minerve. Trois niches qui portaient les statues de chacun des dieux sont encore visibles dans le bâtiment.

Dougga - Le Capitole

Quelques marches permettent de rejoindre le Forum. Les énormes pierres qui l'entourent laissent penser que l'ensemble du Capitole et du Forum furent fortifiés à l'époque byzantine.

En suivant la voie romaine vers le nord, on passe devant l'Arc de Triomphe de Sévère Alexandre qui régna au IIIe siècle. Au dessus se trouvent les citernes d'Aïn el Hammam qui recevaient, par un aqueduc, l'eau d'une source distante de 12 km. Un sentier qui serpente parmi les oliviers conduit au Temple de Junon Caelestis (IIIe siècle). Ce temple dédié à la déesse de la féminité a retrouvé toute sa grâce avec la restauration de sa colonnade entourant la cella où devait se trouver la statue de la divinité. Le cadre champêtre ajoute encore à son charme.

En suivant le chemin de ronde qui longe le sud du Forum, on atteint un quartier d'habitations. La plupart de ces belles villas romaines ont été nommées selon le thème principal des mosaïques qui les ornaient et qui sont aujourd'hui au Bardo. Ainsi la Maison des Saisons ou celle du Trifolium qui doit son nom à une salle comprenant trois absides disposées en trèfle. L'emblème de cette maison représentant un pénis et deux seins de femme sculptés dans la pierre, ses vastes proportions, laissent penser qu'il s'agissait peut être d'une maison de plaisir. Une petite villa appelée Omnia tibi Felicia, « que tout te porte bonheur », ainsi qu'il est inscrit dans le pavement de mosaïque du vestibule fut offerte en cadeau de mariage par un père à sa fille. Comme dans la plupart des maisons, les pièces sont disposées autour d'une cour intérieure.

Au coeur de ce quartier, les Thermes des Cyclopes, sont très ruinés mais on peut reconnaître les toilettes communes constituées d'un banc de pierre en demi-cercle percé de douze trous.

L'Arc de Septime Sévère fut élevé en 205 ap. J.-C. lors de la reconnaissance de la ville comme cité de l'Empire romain.

En descendant en contrebas de la colline, vers le sud, le Mausolée libyco-punique, haut de 21 m, abritait la dépouille d'un chef berbère. En 1842 le consul Britannique à Tunis s'empara de l'inscription libyque et punique qu'il portait. Elle est toujours au British Museum à Londres. Ce monument reste intéressant par son syncrétisme, il emprunte des éléments de sa décoration à l'art hellénique, oriental et égyptien. Sa construction qui remonte à la fin du IIIe ou au début du IIe siècle avant J.-C., montre aussi l'ancienneté de l'occupation de Dougga, bien antérieure à colonisation romaine.


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