3 - Un pays, une histoire, des hommes
Regards actuels : Vie sociale, fête, arts culture

Vie sociale
Le mode de vie urbain ressemble plus ou moins à celui d’autres pays méditerranéens, mais les villages restent les gardiens des traditions. Si la télévision est devenue un acteur braillard du kafeneio, celui-ci, planté sur la place principale, demeure le centre de la vie sociale.L’individu grec s’identifie par rapport à sa famille, et la femme grecque par rapport à l’homme : elle est socialement reconnue comme la fille, puis, une fois mariée, comme la femme de Monsieur. On la voit d’ailleurs rarement au kafeneio, bien que, dans les grandes villes, elle y discute et y fume autant que ses compagnons. Représentant environ 25 % de la population active, les femmes connaissent des disparités salariales – même si misogyne est bien un mot grec, la Grèce est-elle le seul exemple au sein de l’Union européenne ?
Fêtes et coutumes
Fêtes officielles
1er janvier : Nouvel An (Protohronia).
30 janvier : jour des Trois-Patriarches.
6 février : Epiphanie (Theofania).« Lundi pur » (Kathari Devtera, Mardi Gras grec).
25 mars : fête nationale (Révolution de 1821).
Vendredi saint.
Pâques (Pasha).
Lundi de Pâques.
1er Mai (Protomagia, fête du Printemps).
Pentecôte (Pentikosti).
Lundi de Pentecôte.
15 août : Dormition de la Vierge.
28 octobre : anniversaire du « Ohi » (le « Non » à Mussolini).
25 décembre : Noël (Hristougenna).
26 décembre : Saint-Etienne.
Pâques
Les orthodoxes célèbrent les mêmes fêtes que les catholiques et les protestants, mais selon un calendrier différent; d’où un décalage de une, deux ou trois semaines. A égalité avec la fête patronale de chaque village, le jour le plus célébré est Pâques, qui commence par des veillées chantées et se conclut par la procession de l’image de Jésus ressuscité sous un dais fleuri. On passe ensuite aux danses, dans le bruit des œufs durs qu’on entrechoque et du grésillement du méchoui.
Le mariage
Jusqu’en 1982, l’orthodoxie était religion d’Etat. A l’exception des minorités non orthodoxes, tout le monde passait par le pope. Aujourd’hui encore, 95 % des mariages sont religieux. La cérémonie dure une demiheure, mais ses rites, comme le couronnement des mariés ou la course aux dragées, en font un moment de gaieté intense qui contraste avec la gravité du mariage d’autres confessions.
La mort
Les Grecs ont un sens inné du théâtre, et la mort, surtout dans les îles et les montagnes, est saluée par des rites qu’on trouve déjà dans L’Iliade : l’agonie se nomme haropolema, c’est-à-dire la « lutte contre Charon » -le vieux passeur des Enfers a été rajeuni sous les traits d’un cavalier noir aux épées de fer. On met des chaussures neuves au défunt, et on place parfois une pièce dans sa bouche pour les frais du grand voyage. Les pleureuses chantent un éloge improvisé, le miriologi, qui sert de catalyseur à la tristesse pour parvenir à l’apaisement. On demande au mort de ne pas chercher noise à ses ennemis partis avant lui, puis le cercueil, bourré de lettres et de fleurs, est porté au cimetière à dos d’hommes.
Art et culture
L’architecture et la sculpture
L’architecture naît avec l’art mycénien. Celui-ci, influencé par l’art minoen de Crète, alors phare de la civilisation méditerranéenne, cultive son originalité, avec des créations comme les palais des rois, les murs cyclopéens, les tombeaux à coupole et la porte des Lions.Après la période archaïque, durant laquelle on crée temples et statues monumentales religieuses, l’époque classique est un âge d’or, influencé par les fastes entrevus en Perse par les ambassadeurs et les prisonniers des guerres médiques. C’est le triomphe de Phidias, génie complet, qui manie autant le ciseau que les règles des proportions monumentales. Le temple se fait dorique en Grèce continentale et ionique en Asie Mineure et dans la mer Egée ; la sculpture devient réaliste, avec les grands sculpteurs Scopas, Praxitèle et Lysippe. Elle deviendra encore plus expressive durant l’ère hellénistique, tournée vers les cités d’Asie Mineure et de Rhodes.Entrée dans l’ère byzantine, la Grèce adopte l’architecture de Constantinople, érigeant les premières églises à coupoles, luxueusement décorées de mosaïques et de fresques. Peu change sous la domination ottomane, que la Grèce tentera d’effacer au XIXe siècle dans un mouvement néoclassique.
La littérature
Après l’épanouissement du genre lyrique, Homère, « père de la littérature hellène », inaugure le genre épique, au XVIIIe siècle av. J.-C., avec ses indémodables Iliade et Odyssée. A sa suite, la liste des écrivains grecs qui ont changé la littérature occidentale est longue : Hérodote, Thucydide, les poètes Alcée, Pindare et Sapho, sans oublier les nombreux philosophes, Socrate, Platon et Aristote en tête, qui ont donné ses bases à la pensée occidentale.Au XIXe siècle, Dyonisos Solomos ouvre une autre voie à la littérature en écrivant dans la langue de la rue, enrichie de mots savants : le grec moderne est né. Jean Psichari, auteur de Mon Voyage (1888), et Alexandre Papadiamantis, avec sa Meutrière, en témoignent. Le plus grand écrivain moderne est le Crétois Kazantzakis, auteur du fameux Alexis Zorba (1946) et du Christ recrucifié (1954). Parmi les succès plus récents, notons Le Quart (1989), de Nikos Kavvadias, et La Langue maternelle (1995), de Vassilis Alexakis.Du côté des poètes, deux fils de la Grèce, Georges Seféris et Odysseus Elytis, se sont assuré une réputation mondiale en récoltant le prix Nobel.
Le cinéma
Plusieurs réalisateurs majeurs sont d’origine grecque tels Elia Kazan et John Cassavetes, ou naturalisés grecs comme Jules Dassin (Du Rififi chez les hommes, 1955), marié avec l’actrice et femme politique Melina Mercouri. Le cinéma grec a pris une envergure internationale avec Théo Angelopoulos, primé par le festival de Cannes, qui a récompensé son Regard d’Ulysse et L’Eternité et un jour, et Costa Gavras, qui a immortalisé la période dictatoriale dans Z (1968). Bien que né à Chypre, Michel Cacoyannis a immortalisé à l’écran le Zorba (1965) de Kazantzakis. Il ne faut pas oublier les acteurs, comme Irène Papas et Telly Savalas. Un nouveau cinéma grec est apparu avec Costas Ferris et son Rebetiko, récompensé par un Ours à Berlin en 1984, Sotiris Goritsas avec Ils sont venus de la neige (1993), Andonis Kokkinos avec Fin de saison (1994) ou Constantin Giannaris et ses Trois pas vers le Ciel (1995).
La musique
La musique grecque, au croisement de l’Orient et des Balkans.L’art de la Grèce, c’est la musique. Il regroupe tous les autres : « chœur » vient de horos, qui désigne la danse ; chanson se dit tragoudi (« tragédie » !), orhestra signifie scène de théâtre… Interdits de monuments par les gouverneurs turcs, les Grecs ont compensé avec la musique. Le kleftiko a chanté les coups de mains des Kleftedes contre l’occupant. Le dimotiko regroupe toute la variété des instruments ruraux : tympanon (santouri), cornemuse (gaita), bombarde (zourna). Avec Markos, Papaïonnou, Tsitsanis… le rebetiko, musique des mauvais garçons, a fait la gloire du bouzouki d’Asie Mineure et de sa petite sœur, la baglama. Pendant la dictature, la France a accueilli deux compositeurs de taille : Yannis Xenakis, auteur de Nuits (1968), et Mikis Theodorakis, d’inspiration plus populaire. La Grèce a vu le triomphe de grandes voix : Rosa Eskenazi, l’émigrée de Smyrne, Maria Callas, la soprano aux dons tragiques, Sotiria Bellou, la voix chaude des bas-fonds, Maria Farantouri, le cri sourd du peuple, et, plus près de nous, la voix prenante d’Alexiou…