4 - Se déplacer de ville en ville


Le Sud : La vallée du M'zab

Vallée de M'Zab. Les femmes mariées ne peuvent montrer qu'un œil © Stefan Krasowski

Le Sahara commence au pied de la chaîne de l'Atlas. Sur des milliers de kilomètres, les dunes blondes brassées par le vent s'étalent à perte de vue, formant un véritable océan de sable d'où surgissent quelques chapelets d'oasis, surprenants îlots de verdure. Ici, l'adjectif « authentique » va de pair avec tout : la nature, le mode de vie, les traditions, le folklore, les rapports humains. Du Souf à la vallée du M'Zab, des dunes de Taghit au Gourara en passant par les jardins de la Saoura, les routes du Sud algérien suivent le parcours d'antiques caravanes, à travers un désert aussi stérile que subtil.

La vallée du M'zab

A 600 km au sud d'Alger, au cœur d'une contrée aride et inhospitalière, la vallée du M'Zab apparaît tel un mirage posé sur la rocaille. Dans une région où les pluies sont rares et les oueds toujours à sec, l'homme est toutefois parvenu à faire sortir de terre cinq cités fortifiées (ksour) et autant de palmeraies. Construite à partir du XIe siècle, la pentapole du M'Zab offre sur 25 kilomètres un labyrinthe de verdure ponctué de vieilles médinas dont le style unique continue de fasciner les architectes contemporains. C'est aujourd'hui l'un des sept sites algériens classés au patrimoine mondial de l'Unesco.

Rappel historique
L'histoire du M'Zab est étroitement liée à celle des Ibadites, des musulmans rigoristes issus de la branche kharidjite de l'islam. Venus d'Arabie, ils furent tour à tour chassés de Tiaret, où ils fondèrent au VIIIe siècle la brillante dynastie Rostémide, et de Sedrata où ils s'étaient réfugiés. Au début du XIe siècle, les Ibadites s'implantèrent définitivement dans le M'Zab, où ils parvinrent à développer une civilisation originale. Maîtrisant parfaitement les techniques de construction islamique, ils bâtirent une confédération de cinq cités : El-Atteuf, Bou-Noura, Ghardaïa, Mélika et Béni-Isguen. Au fil du temps, les gardiens de cette vallée se sont spécialisés dans le commerce au point de s'assurer de nombreux monopoles à travers tout le pays. A Alger, les épiciers ou les droguistes sont, par exemple, communément appelés « Mozabites », car la plupart sont des émigrés de Ghardaïa. Réputés pour leur profonde piété, les Ibadites du M'Zab vivent dans le strict respect des règles qui régissent leur société depuis près de mille ans. L'intimité devant être protégée du regard étranger, les femmes mozabites doivent revêtir le hidjab (voile laissant paraître le visage) dès l'âge de douze ans, avant de se couvrir, à l'âge adulte, d'un haïk (voile intégral) qui ne doit laisser transparaître qu'un seul œil. Dans les ruelles des médinas, certaines se retournent même au passage d'un homme. Si leur rigueur orthodoxe peut choquer, les Mozabites sont toutefois reconnus pour leur pacifisme et leur esprit de tolérance vis-à-vis des étrangers. Leur culture, imperméable à toutes les influences, demeure très attachante.

Ghardaïa
A 600 km au sud d'Alger (1 h en avion).
C'est la plus grande et la plus septentrionale des cinq villes qui composent la confédération du M'Zab. Sa fondation remonte à 1053. La légende locale raconte qu'un cheikh découvrit à l'entrée d'une grotte (ghar) une jeune femme, Daïa, abandonnée là par sa caravane. Il l'épousa et fonda un ksar qu'il nomma Ghar-Daïa, la grotte de Daïa. A l'image de ses voisines, la ville est bâtie en pyramide sur sa colline. Le sommet est couronné par une mosquée dont s'échappe un minaret en forme de pain de sucre. De là, la vieille ville se développe de façon concentrique jusqu'aux remparts. A la manière de la Casbah d'Alger, les petites maisons de couleur ocre sont étagées les unes au-dessus des autres. Il n'y a rien d'imposant ni de majestueux à Ghardaïa. Hormis la mosquée, peu de choses sont à « visiter ». Mais le charme est ailleurs. Il se découvre lors d'une flânerie dans les ruelles tortueuses qui sillonnent la médina, à l'intérieur des petites échoppes d'artisanat traditionnel ou bien encore sur la place du Marché où l'on vend encore à la criée.

La Grande Mosquée
Au sommet de la vieille ville. Se visite en matinée en dehors des heures de prières, sauf le vendredi.
Elle est accessible par les nombreuses petites ruelles qui grimpent au sommet de la ville. La salle de prière est très sobre et les nattes qui recouvrent le sol constituent les rares éléments de décoration. La mosquée est surmontée par un minaret de 22 m de haut. Très caractéristique du style mozabite, la tour est arrondie à son sommet par des « doigts » pointés en direction du ciel. En sortant de la mosquée, une rue à arcades mène à la fameuse grotte de Daïa. La caverne est, aujourd'hui encore, très fréquentée par les femmes mozabites qui viennent s'y recueillir.

Place du Marché
Dans la partie basse de la vieille ville.
De forme rectangulaire et entourée d'arcades, cette place est le centre névralgique de Ghardaïa. C'est là que tout se passe, tout se vend et tout se négocie. Un marché s'y tient tous les jours sauf le vendredi, de l'aube à la tombée de la nuit, mais c'est surtout en début de matinée ou en fin d'après-midi, après la troisième prière (el-Assr), qu'elle s'anime le plus. Sur les étals, l'artisanat traditionnel, tels les tapis du M'Zab, y côtoie fruits, légumes, ustensiles et produits importés d'Europe. Deux fois par semaine, généralement le mercredi et le dimanche matin, a lieu la vente à la criée, où les vendeurs se défient de la voix pour attirer le chaland. Par le passé, la place servait également de marché à bestiaux (dromadaires, moutons), mais pour des raisons d'hygiène, les éleveurs ont été priés d'effectuer leurs transactions hors des remparts de la cité.

La maison mozabite
Avec ses façades aveugles, la maison traditionnelle du M'Zab témoigne des exigences ibadites en matière d'habitat. Elle ne comporte qu'une seule lucarne sur l'extérieur. Le vestibule est séparé par un paravent de manière à se préserver du regard des passants quand la porte d'entrée est ouverte. L'intérieur est éclairé par un petit patio central, puits de lumière qui dessert les pièces. Soutenue par de petites arcades, la terrasse constitue l'autre espace vital de la maison mozabite. Toujours ceinte d'un muret pour empêcher les vis-à-vis, elle s'utilise pour laver et étendre le linge, prier ou même se reposer en fin de journée. Les visiteurs n'ont pas vraiment l'occasion de pénétrer à l'intérieur d'une demeure mozabite, mais en sympathisant avec un guide local, certains parviennent à se faire inviter à dîner (hommes et femmes mangent toujours séparément).

Suivez le guide !
Sur la RN1, en sortant de Ghardaïa, le belvédère offre une vue inédite sur les cinq cités de la vallée.

Les ruelles commerçantes
Dans la vieille ville, tout autour de la place du Marché.
Les ruelles (rue du Souk ed-Dellada et rue Ibn Rostem) qui encerclent la place du Marché abritent de nombreuses petites échoppes où l'on peut trouver tous les produits de l'artisanat local (tapis, poteries, plats, bijoux en argent, costumes, burnous, gandouras, dinanderie, etc.).

La palmeraie
Au nord-ouest de la ville.
Elle compte environ 200 000 palmiers qui produisent la fameuse deglet nour (« doigts de lumière »), variété de dattes la plus réputée des oasis algériennes. A l'ombre des palmiers, les jardins bien irrigués permettent de cultiver des légumes et toutes sortes d'arbres fruitiers. Les habitants de Ghardaïa, en quête de fraîcheur, y ont fait construire leur résidence d'été. Au milieu d'une végétation luxuriante, c'est sans doute l'endroit idéal pour passer la nuit.

Suivez le guide !
Chaque année au printemps, entre mars et avril, a lieu la fête du Tapis de Ghardaïa. On y expose, tisse et vend les célèbres tapis du M'Zab.

Mélika
A 1 km au sud-est de Ghardaïa.
Mélika (la reine) et ses maisons rouges s'élèvent au sommet d'un rocher sur la rive gauche de l'oued M'Zab (asséché). Fondée en 1124, elle fut autrefois la ville sainte du M'Zab. Contrairement aux autres cités, le marché est mitoyen de la grande mosquée. Au nord du ksar, le cimetière vaut le détour. Outre le mausolée du cheikh Sidi Aïssa, il abrite plusieurs tombeaux peints à la chaux et surmontés d'une petite tourelle dont la forme ressemble à celle des minarets qui flanquent les mosquées de la vallée. Les tombes les plus modestes sont recouvertes de petits morceaux de poteries cassées ou de branches de palmiers.

Béni-Isguen
A 2 km au sud-est de Ghardaïa.
La dernière née de la confédération (1347) est la ville sainte par excellence du M'Zab. Le strict respect des codes et des valeurs ibadites y est de rigueur pour tous. A l'entrée de la vieille ville, des panneaux rappellent aux touristes que la cigarette, les tenues courtes (shorts, débardeurs) et l'utilisation des appareils photo y sont proscrites. La partie haute de Béni-Isguen est occupée par le quartier religieux des tolbas, de jeunes clercs qui étudient la loi et la juridiction coraniques. La mosquée, qui couronne la ville, est ceinte d'un rempart composé de tours blanches semi-circulaires. La plus haute s'élève à 18 m et servait autrefois à communiquer par signaux avec les autres tours de guet de la vallée, notamment pour avertir d'un danger imminent. Dans la partie basse de la ville, sur la place centrale, le marché à la criée est encore plus impressionnant que celui de Ghardaïa. Il a lieu tous les après-midi sauf le vendredi, jour de la grande prière.

Bou-Noura
A 4 km à l'est de Ghardaïa.
Construite à partir de 1046, on lui a donné le nom de Bou-Noura (« la lumineuse ») car elle recevait les derniers rayons du soleil couchant. C'est la seule ville de la pentapole à ne pas disposer de mosquée au sommet de sa colline. Son oasis compte 10 000 palmiers.

El-Atteuf

A 9 km à l'est de Ghardaïa.
Bâtie dans un coude de l'oued M'Zab, la plus ancienne ville de la vallée (1012) a reçu le nom de « courbe ». La présence de deux mosquées (dont celle de Sidi Ibrahim qui inspira Le Corbusier pour la réalisation de la chapelle de Ronchamp en Haute-Saône), ainsi que de deux palmeraies, témoigne des dissensions qui régnaient entre les tribus de la confédération par le passé.
Chapitre précédent Chapitre suivant