4 - Se déplacer de ville en ville


Le Sud : Le Grand Erg

Sahara - Erg Mehedjebat © Thomas

Le Grand Erg oriental

S'étendant à l'est du Sahara algérien, le Grand Erg oriental est une immense plaine de sable ocre débordant au-delà de la frontière tunisienne. Sous ses belles dunes ondulées se cachent de précieuses réserves en or noir. Depuis les années 1950, les bases pétrolières y ont poussé comme des champignons. Mais la région est aussi célèbre pour ses grandes oasis, où palmeraies et jardins constituent de plaisantes étapes pour les voyageurs.

Isabelle Eberhardt
Elle fait partie de ces grands voyageurs qui succombèrent aux charmes du Sahara. Née à Genève en 1877, cette femme de lettres découvre l'Algérie à l'âge de 20 ans. Fascinée par le pays, elle se convertit à l'islam et se met à voyager, travestie en homme. Ses pérégrinations la mènent à Batna, Biskra puis El-Oued où sa première vision fut « une révélation complète, définitive de ce pays âpre et splendide qui est le Souf ». En 1901, elle épouse Slimane, un sous-officier spahi, avec qui elle continue de voyager. Proche des indigènes algériens, elle n'hésite pas à faire connaître ses positions anticolonialistes. Après un voyage au Maroc, elle s'installe à Aïn-Sefra pour se faire soigner du paludisme. Elle y meurt en 1904 lors d'une crue qui emporte toute la ville.

Le Souf
A 100 km au nord-est de Touggourt.
Située au nord du Grand Erg oriental, entre l'oued Rhir et le Sud tunisien, la région du Souf et sa principale oasis, El-Oued, possèdent un charme très particulier. Les deux noms signifient « fleuve » bien qu'aucune rivière ne coule à cet endroit. En réalité, le sable doré du Souf recouvre une importante nappe phréatique qui a permis l'épanouissement d'une végétation exubérante. Pour capter cette eau souterraine, les habitants du Souf ont eu l'idée de creuser une multitude d'entonnoirs au fond desquels ils ont planté des palmiers, à seulement 1 m au-dessus de la nappe. Inutile de recourir aux systèmes d'irrigation l'humidité est directement puisée par les racines des arbres. Régulièrement ensablés, ces cratères doivent être constamment entretenus par les paysans. Au total, ce sont près d'un demi-million de palmiers dattiers qui sont ainsi disséminés par groupes isolés de quelques dizaines d'arbres. Ils produisent en abondance des ghars, variété de dattes la plus répandue, et des deglet nour. Dans les environs, les Soufis ont également développé de nombreux vergers et jardins potagers dont les récoltes alimentent les marchés de certaines villes du nord du pays. Outre une agriculture très prospère, l'économie locale repose également sur le tissage artisanal. Capitale de la laine, El-Oued produit des tapis, des costumes traditionnels, etc.

El-Oued
A 600 km au sud-est d'Alger.
Le paysage architectural se distingue ici par une multitude de petites coupoles blanches qui coiffent systématiquement chacune des habitations de la ville. Charmée par ce décor atypique, l'écrivaine genevoise Isabelle Eberhardt avait surnommé El-Oued la « ville aux mille coupoles ». Même les constructions modernes ont adopté le style local. Pour mieux apprécier cette forêt de dômes blancs, il faut grimper tout en haut du minaret de la mosquée Sidi Salem, aux abords du marché. Après une promenade dans les jardins au nord de la ville, la visite peut se compléter par une halte au musée du Souf et de l'Erg (avenue Mohamed Khemisti), dédié à l'environnement, à l'artisanat et aux traditions de la région.
A 50 km au nord d'El-Oued, Guémar, réputé pour la culture du tabac, est l'un des plus vieux villages fortifiés du Souf. abrite une mosquée du XVIe siècle et la zaouïa des Tidjani, important centre d'éducation religieuse édifié vers la fin du XVIIIe siècle.

Touggourt
A 100 km au sud-ouest d'El-Oued.
Bordée par de grandes étendues sablonneuses et une palmeraie de près d'un million et demi de pieds, Touggourt correspond à l'image que l'on se fait habituellement des oasis sahariennes. Longtemps traversée par les routes caravanières qui reliaient le nord au sud de l'Algérie, cette ville très pittoresque fut un centre commercial important. En 1922, elle servit de point de départ à la fameuse traversée saharienne de la mission Citroën vers Tombouctou. On y visite les jardins de la palmeraie, la place du marché, et les petits villages de Temacine et Tamelhat (fortifications, mausolées, mosquées, ruines), situés à une quinzaine de kilomètres au sud de Touggourt.

Ouargla
A 160 km au sud de Touggourt.
Cette oasis accueillit au début du Xe siècle les Rostémides ibadites, chassés de leur fief de Tiaret. Ils s'installèrent au sud-ouest de Ouargla, à Sedrata, dont il reste aujourd'hui encore quelques ruines. Contraints de fuir à nouveau, les Ibadites s'en allèrent pour le M'Zab et furent remplacés par une population noire. Aujourd'hui, Ouargla abrite un grand centre industriel, mais aussi une immense palmeraie où l'on cultive plus d'un million et demi de palmiers dattiers. Les milliers de puits qui les arrosent ne sont plus suffisants et sont désormais suppléés par des systèmes de forage permettant de puiser l'eau à de très grandes profondeurs.

Suivez le guide !
Sur les dunes de Ouargla fleurissent les « roses des sables », curieuses petites concrétions cristallisées en forme de pétales.

Musée saharien
Au centre-ville. Ouvert tlj de h à 12 h et de 14 h à 18 h, sauf le samedi et le vendredi matin. Entrée libre.
Construit en 1937 pour être consacré aux grandes étapes de la colonisation française du Sud algérien, ce musée de style soudanais a, comme de nombreux musées algériens, changé de vocation à l'indépendance. Il expose désormais l'artisanat des différentes régions du sud (tapis, instruments de musique, armes, etc.), l'artisanat local poteries, ustensiles, meules, métiers à tisser…) et retrace l'histoire du Sahara algérien, des sociétés préhistoriques à nos jours. Plusieurs pièces rapportées lors des fouilles archéologiques sur le site de l'ancienne Sedrata y sont présentées. Une salle est également dédiée à l'histoire de la prospection et de l'exploitation du pétrole dans la région. Le musée conserve aussi une météorite tombée au Sahara en 1944.

Les fantasias
Dans le sud, la tradition équestre militaire arabe se perpétue au cours des fameuses fantasias. Exécutées à l'occasion des mariages ou des grandes fêtes religieuses, elles mettent en scène d'impressionnantes simulations de grandes batailles locales. Rivalisant d'adresse, les cavaliers déchargent et rechargent leurs armes avant de les lancer en l'air pour les rattraper au vol. Ces cavalcades peuvent être suivies d'un baroud, rassemblement folklorique au cours duquel des hommes habillés d'une tunique blanche dansent fusil à la main au son des tbels (tambours), des qarqabous (castagnettes métalliques) et des ghaitas (flûtes).

Le Grand Erg occidental

Délimité par le Maroc à l'ouest, la chaîne de l'Atlas au nord et le plateau du Tademaït au sud, le Grand Erg occidental, est, à l'image de l'Erg oriental voisin, une mer de dunes sculptées par le vent et au pied desquelles se nichent des oasis très attrayantes.

El-Goléa
A 270 km au sud de Ghardaïa.
Plantée en bordure de l'Erg occidental, l'oasis d'El-Goléa est un carrefour reliant le M'Zab au nord, le Gourara au sudouest, et le Hoggar au sud à travers le plateau du Tademaït. La ville est dominée par les ruines d'un imposant ksar, construit au IXe siècle par des tribus zenètes. Le musée de la ville abrite une importante collection de fossiles, de pointes et d'outils des époques paléolithique et néolithique. A l'extérieur de la ville, l'ancien village chrétien des Pères blancs abrite l'église Saint-Joseph, première église consacrée dans le Sahara algérien, ainsi que la tombe du père de Foucauld, dont les restes furent rapportés du Hoggar en 1929. Seul son cœur est resté à Tamanrasset.

La vallée de la Saoura
Depuis Béchar, vers le sud.
Contournant le Grand Erg occidental par l'ouest, la vallée de la Saoura se fraie un chemin parmi les dunes et ouvre un passage intéressant vers l'Afrique subsaharienne. Elle était empruntée autrefois par les caravanes qui commerçaient entre le nord du Maghreb et les cités de Gao et de Tombouctou. Jalonnée de plusieurs oasis, la Saoura se fait aussi appeler « la rue des palmiers ». De Béchar à Timimoun, en passant par Taghit, Beni-Abbès et Kerzaz, on parcourt ici l'une des routes les plus enchanteresses du Sahara.

Béchar
A 960 km au sud-ouest d'Alger.
De construction plutôt récente, la capitale de la Saoura est une ville moderne dont l'économie repose avant tout sur l'exploitation des mines de charbon, de fer et de manganèse situées non loin de là. Dotée d'un aéroport et bien desservie par le réseau routier, Béchar reste le point de départ des voyages à travers la Saoura.

Taghit
A 95 km au sud de Béchar.
Les Algériens disent de Taghit qu'elle est l'une des plus belles oasis du Sahara. La première étape de la Saoura s'inscrit en effet dans un cadre surprenant où se dégradent tous les tons, du rouge terreux des maisons à l'ocre jaune de l'immense dune qui borde la ville. Du haut du vieux ksar qui domine la palmeraie, le panorama sur la région est remarquable. Occupé dès le néolithique, le site de Taghit regorge de silex taillés et de gravures rupestres représentant une faune très exotique.

Béni-Abbès
A 100 km au sud de Taghit.
Installée sur la rive gauche de l'oued Saoura, Béni-Abbès rivalise de beauté avec sa voisine Taghit. Construite à partir XIe siècle, cette oasis est parsemée de petits jardins qui viennent se mêler aux quartiers fortifiés de la vieille ville. Si jolie, si calme et si dépaysante, Béni-Abbès attira de nombreux voyageurs. Avant de partir pour Tamanrasset, le père de Foucauld y séjourna de 1901 à 1905. Au nord de l'oasis, il érigea lui-même un modeste ermitage qu'il appela La Fraternité. Près de l'hôtel Rym, le musée saharien (ouvert tlj sauf le vendredi. Entrée libre) renferme d'importantes collections de minéralogie, d'objets préhistoriques et d'artisanat saharien.

Suivez le guide !
Hissez-vous au sommet de la grande dune qui domine Béni-Abbès, de préférence en fin de journée, pour apprécier le coucher de soleil sur le Grand Erg occidental.

Kerzaz
A une centaine de kilomètres au sud de Béni-Abbès, cette petite oasis est réputée pour ses nombreux puits à balanciers qui abreuvent la palmeraie et ses jardins. En quittant Kerzaz, la route emprunte un étroit corridor encadré d'imposantes falaises rocheuses de couleur brune.

La maîtrise de l'eau
Le Sahara n'est pas aussi sec qu'on ne le croit. Si les pluies sont rares et les oueds toujours vides, d'importantes quantités d'eau restent enfouies sous le sable, à des profondeurs importantes. Pour capter le précieux liquide, l'homme a creusé dans les oasis des milliers de puits pouvant atteindre 60 m de profondeur. Une fois remontée en surface, l'eau est ensuite retenue et redistribuée équitablement par un ingénieux système composé de barrages, de digues et de canaux souterrains (foggaras) permettant l'irrigation des cultures. Dans une région où l'on apprend très tôt qu'il ne faut rien gaspiller, les habitants du désert exploitent la moindre source d'humidité. C'est ainsi qu'ils plantent un arbre près de chaque puits, afin qu'aucune goutte d'eau ne soit perdue.

Le Gourara
Au sud de l'Erg occidental.
La vallée de la Saoura débouche au sud sur la région du Gourara qui englobe plusieurs oasis, dont Timimoun, ancien centre commercial et carrefour des migrations entre le nord et le centre de l'Afrique.

Les Gouraris
Comme dans la Saoura, le Gourara est occupé par une population très composite qui se constitua dès l'Antiquité. Au IIe siècle, la région attira des tribus juives. Elles furent rejointes à partir du VIIIe siècle par les Zénètes, des Berbères venus du nord, des Arabes Chaamba, originaires de l'est, et des Arabes Chorfa, des descendants du Prophète issus du nord-ouest du Maroc. Le marché aux esclaves noirs qu'abrita Timimoun jusqu'au début du XXe siècle contribua également à métisser la population locale. Aujourd'hui, les Gouraris sont des gens de peau noire parlant le zénète, une langue berbère assez proche du kabyle ou du dialecte utilisé dans le M'Zab. Réputés pour leur sens de l'hospitalité et leur grande convivialité, ils ont pour habitude de faire la fête dès que la moindre occasion se présente. Dans le Gourara, les mariages, les récoltes, les fêtes musulmanes ainsi que les pèlerinages au marabout donnent généralement lieu à plusieurs jours de liesse. Les célébrations du Mouloud, naissance du Prophète, durent par exemple six jours et s'achèvent par la grande fête du Sbouh, l'un des rassemblements les plus folkloriques du Sud algérien.

Timimoun
A 1 200 km au sud d'Alger.
Capitale du Gourara, Timimoun est bâtie tout près de la sebkha, un lac salé de 75 km de long et aujourd'hui complètement asséché. Quelques villages des alentours évoquent l'époque où des bateaux naviguaient encore sur les eaux du lac : Aghelman (« le lac »), El-Mers (« le port »), El-Marsa (« la rade »). Surnommée « l'oasis rouge » en raison de ses habitations traditionnelles en pisé rouge, Timimoun offre un paysage architectural fortement marqué par le style soudanais. Même les constructions modernes ont tenté de s'inspirer, avec plus ou moins de réussite, de l'empreinte africaine. A partir de la porte du Soudan, la visite comprend le marabout de Sidi Othmane, le saint local, une balade à travers le ksar et le quartier des tisserands, et enfin, l'incontournable palmeraie, l'une des plus belles du pays. Dans ce petit bout d'Eden étalé le long des berges de l'ancienne sebkha, les Gouraris ont mis en place un ingénieux système d'irrigation par galeries souterraines, les foggaras. Le réseau serait paraît-il long de plusieurs centaines de kilomètres.

Le Touat et Adrar
A 215 km au sud de Timimoun.
Au sud du Gourara, la région du Touat est isolée au milieu d'un ensemble de plusieurs zones tout aussi arides les unes que les autres ; le plateau du Tademaït à l'est, la plaine du Tidikelt et le Tanezrouft au sud et l'erg Chech à l'ouest. Adrar, sa ville principale, est la dernière étape « verte » sur la route du Grand Sud. Au-delà de cette charmante oasis peuplée de petites maisons en argile rouge assez similaires à celles de Timimoun, le paysage varie entre plaines rocailleuses et vastes étendues de sable blanc. Si le climat y est assez violent en été, avec des températures souvent caniculaires en journée, la période hivernale se prête en revanche à de longues expéditions en 4 x 4, à condition d'être bien équipé, et surtout, de partir accompagné d'un guide local.

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