
Tête d’Olmèque, musée de Xalapa – Vera Cruz, Mexique © Carlos Sanchez
Berceau des Olmèques, la culture mère des civilisations préhispaniques du Mexique, cette région côtière vécut les premières heures de la Conquista. Riche d’histoire et de diversité culturelle, sa terre forme d’étonnants contrastes géographiques et climatiques, des lagunes tropicales aux pics enneigés de la sierra Madre orientale.
Veracruz
L’histoire du Mexique est étroitement liée à celle de Veracruz. Après avoir longé les côtes du Yucatán, Hernán Cortés jette l’ancre le 19 avril 1521, à l’abri d’une petite île, d’où il entame la conquête de la Nouvelle-Espagne. Le site de la « Vraie Croix » devient en quelques décennies le principal port du Nouveau-Monde, trait d’union avec le royaume d’Espagne jusqu’à l’indépendance : armées, esclaves et colons y débarquent régulièrement, les galions repartant vers le Vieux Continent, leurs cales lestées des richesses minières et agricoles. Sa position stratégique lui vaut le triste privilège d’être maintes fois assaillie : par des corsaires français, hollandais et anglais, par le corps expéditionnaire de Napoléon III puis par l’armée américaine. Veracruz, dont l’importance économique ne cesse de s’amplifier, est aussi un creuset culturel fascinant, où s’entremêlent les influences mexicaines et caraïbes. En témoigne son formidable carnaval, un des plus envoûtants de l’Amérique latine, qui enfièvre la ville au cours des neuf jours précédant le mercredi des Cendres (février/mars).
Zócalo
C’est ici que bat le cœur de Veracruz. Tous les soirs, la chaleur dissipée, toute la ville semble s’y donner rendez-vous, sous les arcades de ses cafés ou sur les bancs de son jardin. Mariachis et joueurs de marimbas donnent le ton. Planté de nombreux arbres tropicaux, le Zócalo est enserré de plusieurs vénérables bâtiments, dont le palacio municipal et la vaste catedral Nuestra Señora de la Asunción, tous deux édifiés au XVIIe siècle.
Castillo San Juan de Ulúa
Ouvert tlj sauf lundi de 9 h 30 à 16 h 30. Entrée payante, sauf dimanche et jours fériés.
Face à la vieille ville, la citadelle de San Juan de Ulúa, en pierre de corail, est la fidèle sentinelle du port de Veracruz. Minutieusement restaurés, ses épais remparts et ses anneaux permettent d’imaginer comment les galions espagnols venaient mouiller sous la protection de ses canons. Autour de la cour centrale, où se dresse la chapelle et l’ancien palais du gouverneur à l’élégante façade néoclassique blanc et jaune, on parcourt les chemins de ronde et les bâtiments de garnison aux sinistres geôles, envahies par la mer lors des grandes marées.
Les vendeurs ambulants du Zócalo
Autour des jardins du Zócalo, les terrasses bondées des cafés sont le théâtre d’un incessant manège de vendeurs ambulants. Un bazar défile sous vos yeux : hamacs, maquettes de navires, cigares, cigarettes, ballons, cacahuètes, balais, photographes, chemises guayaberas typiques de Veracruz, cireurs de chaussures, porte-clés, chewing-gums, chocolats, pistaches, bracelets, fleurs de jasmin, salades de caracoles (bigorneaux) séchés, montres, shampooings, brosses à dents ou à vêtements, cassettes, miroirs, coquillages, panamas de paille, chapelets, etc. On trouve tout au Zócalo !
Aux environs
La Antigua
A l’embouchure du río Huitzilapán, à une trentaine de kilomètres au nord de Veracruz, ce paisible village de pêcheurs fut choisi par Cortés pour y établir la première colonie de Nouvelle-Espagne, avant d’opter définitivement pour Veracruz, en 1589. On y visite la casa de Cortés, la première maison construite en dur par les conquistadors, dont il ne reste que les murs, retenus par les racines d’un gigantesque ficus. Non loin se dresse la première chapelle du continent américain, la ermita del Rosario, où fut baptisé le premier indigène, un Totonaque nommé Xuizilin.
Tlacotlapán
A une centaine de kilomètres au sud de Veracruz, ce ravissant petit bourg colonial posé au bord d’une rivière, aux maisons bordées d’arcades aux couleurs pastel, s’anime une fois l’an. Au cours de la semaine précédant la Chandeleur, parades musicales et courses de taureaux investissent les lieux. La fête culmine le 2 février, lors de la joyeuse procession de la Virgen de la Candelaria.
Zempoala
Ce site archéologique n’est pas seulement connu pour ses vestiges totonaques. C’est ici, à quelque cent kilomètres de Veracruz, que le cacique totonaque Chicomacatl et les troupes de Cortés scellèrent leur alliance, avant d’entamer leur marche vers Mexica-Tenochtitlán. Les Totonaques subissaient en effet le joug aztèque, et voyaient en Cortés un moyen de renverser les rapports de pouvoir. Une dizaine de pyramides et de temples subsistent sur ce site, dont deux sont de base circulaire, caractéristique très rare en méso-Amérique précolombienne.
Jalapa
Après la moiteur tropicale de Veracruz, la verdoyante capitale administrative de l’Etat de Veracruz, installée sur les contreforts de la sierra Madre orientale, ressemble à une oasis de fraîcheur. Il y pleut certes souvent. Mais les nombreux parcs, les édifices coloniaux et le célèbre musée d’Anthropologie rendent sa découverte palpitante. Réputées dans tout le pays, ses universités d’art, de philosophie et de droit alimentent une vie estudiantine effervescente. Jalapa entretient d’ailleurs avec fierté son image de ville intellectuelle et contestataire. Elle est le point de départ idéal de randonnées pédestres dans les montagnes environnantes, où l’on peut s’essayer au rafting dans de nombreux torrents.
Le cerro de Orizaba, point culminant du pays (5 732 m), est tout proche.
Museo de Antropología
Avenida Xalapa y Acueducto. Ouvert tlj sauf dimanche de 9 h 30 à 16 h. Entrée payante.
Ouvert en 1986, le musée d’Anthropologie rivalise avec celui de Mexico. Splendide réussite architecturale, le musée n’a beau être consacré qu’aux civilisations précolombiennes olmèque, totonaque et huastèque du golfe du Mexique, l’unité des collections et leur mise en valeur le rendent aussi passionnant qu’instructif.
Chaque palier représente une étape chronologique dans l’évolution de ces civilisations, dont le premier mène aux colossales têtes olmèques d’hommes-jaguars. Parmi les 25 000 pièces exposées, on remarquera les admirables figurines, masques, outils et statuaires, ainsi que les maquettes de centres cérémoniels. Des panneaux didactiques éclairent le visiteur sur les divinités et les rites (sacrifices, déformations crâniennes) propres à ces civilisations.
Hacienda d’El Lencero
Ouvert tlj de 10 h à 17 h, sauf mardi de 9 h 30 à 16 h. Entrée payante, sauf dimanche.
A une dizaine de kilomètres au sud de Jalapa, cette magnifique hacienda fut fondée au XVIe siècle par un des capitaines de Cortés, Juan Lencero, qui en fit une des plus grandes exploitations de sucre de canne de la région, avant d’être morcelée par la Révolution, au début du XXe siècle. Passé une ravissante chapelle baroque, une allée arborée conduit à une vaste demeure coloniale sise au milieu d’un jardin fleuri de lys jaunes, de bougainvilliers et d’orchidées. Le bâtiment que l’on visite a été construit et habité par le général Santa Anna, et abrite désormais un musée du Meuble colonial. Tout est luxe, calme et volupté…
A déambuler d’une chambre à un salon de musique de chambre, de bureau en boudoir (la résidence compte 11 salons et 9 chambres), on imagine la vie privilégiée des hacendados de l’époque tandis que leurs serfs s’échinaient dans les champs de canne à sucre, rêvant à une révolution…
El Tajín
Ouvert tlj de 9 h à 18 h. Entrée payante.
Au milieu de collines tapissées de jungle, le site archéologique d’El Tajín, édifié entre 600 et 900 par la civilisation totonaque, est le plus vaste centre cérémoniel du golfe du Mexique. Parmi les centaines de tumulus repérés, seuls une trentaine de temples et 17 terrains de jeu de pelote ont été dégagés. A l’entrée du site, un musée dévoile quelques mystères des bâtisseurs d’El Tajín. Un monumental chemin dallé mène ensuite au juego de pelota sur, où subsistent d’intéressants bas-reliefs. Plusieurs pyramides l’entourent, dont la plus remarquable, la pyramide des Niches, compte autant de niches que de jours dans l’année. En montant vers la plaza del Tajín Chico et les édifices voisins, on découvre un superbe panorama sur le site.
Villahermosa
La capitale de l’Etat de Tabasco a connu un boom économique dans les années 1960, grâce à la découverte de gisements de pétrole au large de ses côtes et dans ses lagunes. La ville ne présente guère d’intérêt touristique, hormis un Musée olmèque. La région recèle plus de 200 sites archéologiques, dont seulement 5 ont été mis au jour.
Parquemuseo de La Venta
Ouvert tlj sauf lundi de 9 h à 17 h sauf lundi. Entrée payante, sauf dimanche.
A une centaine de kilomètres à l’ouest de Villahermosa, La Venta est un des berceaux de la civilisation olmèque, que les historiens considèrent comme la culture mère de la méso-Amérique préhispanique. Les plus belles pièces découvertes sur ce site – sculptures, autels, et têtes géantes d’hommes-jaguars – ont été transportées dans le musée en plein air du même nom, dans la banlieue de Villahermosa.
La saga des Français de San Rafael
En 1832, quelques familles paysannes quittent la Haute-Saône et l’Alsace, pour suivre un militaire français à la retraite, qui détenait quelques parcelles de terre sur la côte du golfe du Mexique. Leur navire remonte le río Nautla, jusqu’au petit village indien de Jicaltepec. Ils y bâtissent des maisons identiques à celles de leur pays natal. Mais la terre s’avère vite ingrate, paludisme et fièvre jaune déciment la colonie. Un proche du président Juárez, Rafael Martínez de la Torre, ému par l’obstination de ces colons français, leur cède alors un vaste domaine de l’autre côté de la rivière. La terre y est riche, un village est bientôt fondé, et baptisé San Rafael en hommage au bienfaiteur. Aujourd’hui, la plupart des 7 000 habitants portent des noms français, certains parlent encore un vieux patois jurassien. Grâce à un jumelage avec un petit village de la Haute-Saône, Champlitte, des voyages ont permis aux deux communautés de se rencontrer.
Suivez le guide !
Petits restaurants et cafés vous attendent callejón Diamante, l’une des plus vieilles ruelles de la ville. L’ambiance est conviviale et estudiantine.
Les voladores de Papantla
Vous les verrez se livrer à leurs acrobaties sur les sites archéologiques d’El Tajín et de Zempoala, ou devant le musée d’Anthropologie de Mexico. Ces voladores, hommes volants, exécutent une cérémonie séculaire, originaire de la petite ville de Papantla, près d’El Tajín, à environ 200 km au nord de Veracruz. Ce rite de fertilité, destiné à appeler la pluie, symbolise la course du soleil et le cycle des saisons. Evoquant les saisons et les points cardinaux, quatre voltigeurs s’élancent du haut d’un immense mât de cocagne, la tête en bas, les pieds retenus par une corde, et tandis qu’un cinquième compère joue un air de flûte, debout au sommet du pylône, ils décrivent 52 circonvolutions avant de toucher terre. Chaque couleur de leur costume renvoie à l’arc-en-ciel, et les petits miroirs incrustés sur leurs bonnets réfléchissent la lumière du soleil.
Le menuet du samedi soir
Tous les samedis soir à 20 heures, une large estrade est dressée devant les arcades de l’hôtel de ville, pour danser le tanzón. Le public est nombreux, indulgent envers un orchestre peu préoccupé des fausses notes… Les couples de danseurs, de tout âge, sont habillés de cotonnades blanches de pied en cap : pantalon, chemise guayabera et panama pour les hommes, froufrous, rubans rouges et éventail pour les femmes. Les pas sont gracieux et académiques, le rythme mesuré, évoquant instantanément le menuet, distraction de la noblesse française du XVIIe siècle. De fait, les racines du tanzón sont françaises : les esclaves noirs venus des Caraïbes ont importé cette danse à Veracruz et Mérida, après l’avoir apprise auprès des planteurs français de Haïti et de l’est de Cuba.