Le paradis des oiseaux
La faune originelle a presque totalement disparu. Nombre d’espèces, comme l’oiseau le dodo, ont été exterminées, tandis que les navigateurs en introduisaient d’autres. Le plus gros mammifère de l’Île est le cerf de Java qui a été importé par les Hollandais. Il s’est parfaitement acclimaté et il faut le chasser pour empêcher sa prolifération. Les cerfs sont nombreux dans le sud de l’Île et un petit troupeau vit en semi-liberté dans le domaine Les Pailles. Les mangoustes et les singes ont été introduits à Maurice par les Portugais. Beaucoup d’oiseaux multicolores s’ébattent parmi la flore exubérante. Le serin du Cap, jaune d’or, bâtit des nids caractéristiques qui pendent aux branches des arbres. Un peu partout le cardinal est facilement identifiable à sa livrée rouge vif, ou encore la tourterelle au chant très doux et aux plumes légèrement rosées. Le paille en queue, qu’Air Mauritius a choisi comme emblème, vit près des falaises, aux gorges de Rivière Noire ou encore au coin de Mire. Beaucoup plus rares sont les oiseaux appartenant aux neuf espèces endémiques ayant survécu. Le pigeon rose, la grosse cateau verte et la crécerelle se sont réfugiés dans les forêts du sud où ils ont pris l’habitude de bien se cacher.
Trois résurrections miraculeuses
La crécerelle
Quatre. Elles n’étaient plus que quatre crécerelles au monde. En 1973, le « mangeur de poules » comme l’appellent les Mauriciens avait ainsi le triste privilège d’être devenu l’oiseau le plus rare du monde. Cette sorte de faucon à longue queue était victime des organochlorures et du DDT. Il fallut toute l’obstination d’une fondation américaine, le Peregrine Fund, et de Gerald Durell du Jersey Widlife Preservation Trust pour la sauver. Des chercheurs partirent dans la forêt de Rivière-Noire, où elle s’était réfugiée, pour recueillir ses oeufs. Ils furent placés dans des incubateurs ou couvés par des parents adoptifs. Trois couples, expédiés au Peregrine Fund dans l’Idaho, allaient ensuite donner naissance à dix-huit oisillons. Aujourd’hui le seul oiseau de proie de l’Île Maurice a vu sa population passer à près de trois cent cinquante spécimens. Au restaurant Varangue sur Morne, on en voit même souvent un qui se précipite sur un morceau de viande qu’on lui tend.
Le pigeon rose
Le même miracle s’est accompli pour une autre espèce endémique, le pigeon rose ou pigeon des mares. A l’aube des années quatre-vingt, il en restait à peine une quinzaine. Cet oiseau que l’on trouvait autrefois sur toute l’Île s’était réfugié dans les forêts humides du sud. Victime de la restriction de son habitat et de prédateurs comme les chiens et les chats, il fallut l’élever en captivité. Après l’avoir nourri durant les premières semaines, le pigeon rose a été relâché en trois points différents des forêts où il a trouvé refuge. On estime leur nombre actuel à environ deux cent cinquante.
La grosse cateau
La dernière espèce endémique menacée est la grosse cateau verte qui ressemble à une perruche. Il en restait à peine une vingtaine il y a dix ans. Aujourd’hui leur nombre a quadruplé grâce à des programmes d’élevage en captivité mais sa survie demeure fragile.
Deux grands oiseaux disparus : le dodo et le solitaire
Le dodo comme le solitaire ne survécurent pas à l’apparition de l’homme et des animaux qu’il introduisit, comme le chien et le rat. Tous les deux, incapables de voler, furent les victimes de ces prédateurs.
Le dodo :
Avec son bec crochu et ses ailes trop petites, le dodo manquait de grâce. Rats et chiens, forts amateurs des œufs de cet animal intelligent comme un dindon, se firent forts de détruire ses nids. L’homme le consomma également. Sa chair pourtant n’avait guère de saveur, mais par temps de disette cet oiseau facile à attraper constituait une aubaine. Le dodo, semble-t-il, se nourrissait principalement de graines et de fruits de palmiers qu’il concassait grâce à des cailloux qu’il conservait dans son gésier. Comme le solitaire, la femelle pondait un seul oeuf sur un nid de feuilles. Les rares descriptions que l’on en a sont principalement dues aux Hollandais qui furent les seuls à le voir puisqu’il disparut à la fin du XVlle siècle. En 1865, on retrouva à Mare aux Songes des ossements qui ont permis de reconstituer son squelette. On pourra les admirer à l’Institute museum de Port-Louis et aussi au museum d’histoire naturelle de Paris. Cet oiseau devenu légendaire a inspiré aux Anglais cette formule définitive: « dead as the dodo ».
Le solitaire :
Sans les descriptions qu’en a laissé François Leguat, nous ne connaîtrions pas grand chose de cet oiseau. Contrairement au dodo, ce volatile ressemblant vaguement à une oie avait une chair goûteuse : « depuis le mois de mars jusqu’au mois de septembre ils sont extraordinairement gras et le goût en est excellent, surtout quand ils sont jeunes ». Ce gros oiseau, pesant jusqu’à vingt-cinq kilos, était incapable de voler. Ses ailes, trop petites pour lui permettre de prendre l’air, ne lui servaient qu’à se battre. Lorsqu’elles les agitaient, elles produisaient un bruit sonore assez proche de celui du criquet. Cet animal fidèle assemblait des feuilles de palmier pour bâtir son nid. La femelle ne pondait qu’un seul oeuf que le couple couvait à tour de rôle pendant sept semaines. Les couples, même après avoir élevé leur petit, ne se quittaient pas. « Ils demeurent toujours unis. J’admirais le bonheur de ces couples innocents et fidèles, qui vivaient si tranquillement dans un constant attachement ». Le mâle possédait un plumage gris alors que la femelle était plutôt brune, voire blonde. Si les solitaires n’étaient pas farouches, ils ne supportaient pas d’être apprivoisés. « Sitôt qu’ils sont arrêtés, ils jettent des larmes sans crier, et refusent opiniâtrement toute sorte de nourriture, jusqu’à ce qu’ils meurent ». Aussi, chassés par l’homme, les chiens et les rats, il ne reste du solitaire que quelques gravures et des squelettes reconstitués.