La plus riche des régions de Chine est une campagne des eaux, quadrillée de canaux, crevées de dizaines de lacs et d’étangs, où le trafic des péniches et des sampans bat la mesure de la prospérité. A la différence des cités du nord, centres administratifs engoncés dans leurs portes et leurs murailles, les cités du bas Yangzi grandirent sans autre protocole que le sens des affaires des riches négociants, la fantaisie des mandarins retirés, qui s’y faisaient aménager vastes demeures et jardins de poche, et le prestige des grands monastères. Depuis l’ouverture de la Chine au monde, le Jiangnan, le sud du delta du Yangzi, a cultivé sa vocation de toujours : un pôle économique à la remorque de Shanghai.

Vers la mer à Shanghai

Shanghai © Jakob Montrasio

Shanghai © Jakob Montrasio

La perle de l’Orient

L’acte de naissance de cette municipalité de 6 340 km2, entièrement urbanisée et peuplée de 14,9 millions d’habitants, est lié à la défaite chinoise à la fin de la première guerre de l’Opium (1842). Pour sa victoire, l’Occident vainqueur réclama cinq ports francs : Canton, Ningbo, Fuzhou, Amoy et Shanghai. Et vint le temps des concessions. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, on accédait à Shanghai par la mer, en remontant l’estuaire du Yangzi, puis son affluent, le Huangpu, pour entrer enfin dans le port… aujourd’hui l’un des plus importants du monde. Plaque tournante financière, Shanghai a le vent en poupe depuis que l’un de ses anciens maires, Jiang Zemin, a cumulé les fonctions de chef d’Etat et de l’armée et de secrétaire général du Parti communiste chinois jusqu’en 2003. Elle l’a savouré d’autant plus qu’elle revenait de loin. Cité du luxe et du capital durant les Années folles, quand on la surnommait la perle de l’Orient, elle fut montrée du doigt par la Chine maoïste et punie de ses excès par une longue traversée du désert. Shanghai s’endormait quand s’éveillait Hong Kong. Elle s’est tout à fait réveillée le 18 avril 1990, quand fut lancée la nouvelle zone économique de Pudong : cette ancienne friche industrielle de la rive droite du Huangpu hisse aujourd’hui sur le ciel une skyline orgueilleuse et futuriste. Prochain horizon de la trépidante métropole du Jiangnan : l’exposition universelle 2010 et le colossal projet d’urbanisme global Shanghai 2020.

Rive gauche, rive droite

Le Bund (illuminations tlj de 18 h 30 à 22 h 30), front de fleuve de 1 km, vitrine de Shanghai avec une cinquantaine de gratte-ciel, version 1930 : c’est ainsi que les passagers arrivant en paquebot découvraient la ville. Une corniche plantée d’arbres, suspendue au-dessus de la berge du Huangpu, met à portée de regard les audaces architecturales de ces anciens sièges de banques et compagnies étrangères. De l’autre côté du fleuve, Lujiazui, le quartier de la finance de Pudong, déploie bien plus haut, comme autant de défis lancés au 3e millénaire, sa batterie de gratte-ciels high-tech : la Perle de l’Orient (468 m), la tour Jinmao (420 m) et, bientôt, le Shanghai World Financial Center, une tour de 101 étages et 492 m de haut.

Rue de Nankin (Nanjing donglu et Nanjing xilu)

Derrière le Bund, le plan du vieux Shanghai est un quadrillage digne de New York : des noms de villes pour les artères qui s’enfoncent vers l’ouest, des noms de provinces pour les avenues parallèles au fleuve. Au pied de l’hôtel de la Paix, palace Art déco qui abrite le très sélect Club des banquiers au dernier étage, la rue de Nankin file vers le centre, alignement de près de 400 magasins, aménagé sur près de 1 km en zone piétonnière.

Place du Peuple

Au bout de la rue de Nankin, elle affiche la métamorphose de Shanghai en constructions de prestige. Face au siège de la municipalité, le musée de Shanghai(ouvert tlj de 9 h à 17 h. Entrée payante) est le plus réussi des musées chinois, offrant un parcours très pédagogique sur trois étages, autour des bronzes archaïques, de la céramique, de la sculpture, de la peinture et de la calligraphie. Le musée d’Art de Shanghai(ouvert tlj de 9 h à 16 h. Entrée payante) s’anime lors d’expositions temporaires, mises en scènes dans de somptueuses muséographies. Au cœur de l’oasis végétale du parc du Peuple, le musée d’Art contemporain ou MoCA(ouvert tlj de 10 h à 18 h, mercredi de 10 h à 22 h. Entrée payante) expose l’avant-garde de la scène artistique chinoise. L’Opéra(ouvert tlj de 9 h à 16 h. Entrée payante), construit par Jean-Marie Charpentier, petit-fils du compositeur français, déploie ses ailes blanches sur une structure métallique qui pèse aussi lourd que la tour Eiffel. Dans le musée de l’Urbanisme(ouvert tlj de 9 h à 16 h. Entrée payante), une maquette de 600 m2 présente l’ambitieux projet Shanghai 2020. Pour connaître l’avant-garde artistique shanghaienne, rendez-vous dans les lofts d’artistes et les galeries de Mogan shan lu, au bord de la rivière Suzhou.

Suivez le guide !
Pour traverser le fleuve Huangpu, vous avez le choix entre les lumières délirantes du tunnel touristique, la ligne 2 du métro et les bacs, qui relient Puxi à Pudong pour une poignée de mao.

Souvenirs sous les platanes
Sous le nom de rue du Maréchal-Joffre, l’actuelle avenue Huaihai (Huaihai zhonglu) traversait la concession française. Elle en a gardé ses platanes et, dans les rues alentour, des demeures où s’est tramé le destin de la Chine. Le 76 Xingye lu(ouvert tlj de 9 h à 16 h. Entrée payante), accueillit une réunion clandestine, interdite par la police de la concession française, en 1921. C’était la première conférence d’une toute jeune organisation, le Parti communiste chinois, à laquelle participait un certain Mao Zedong. Autour, le pâté de maisons est devenu Xin Tian Di, le « Nouveau Monde », quartier chic de shikumen (anciennes maisons en brique et pierre shanghaiennes) réhabilités pour loger bars et restaurants hype. L’un d’eux a été aménagé en musée du Shanghai des années folles(Shikumen Open House, 181 Taikang lu. Ouvert du dimanche au jeudi de 10 h 30 à 22 h 30, vendredi et samedi de 11 h à 23 h, fermé lundi. Entrée payante). Sur Xizang lu, non loin du bric-à-brac des puces de Dongtai lu, se déploie un marché aux oiseaux. Au n° 7 Xiangshan lu vécut une grande figure de la Chine moderne : le Dr Sun Yatsen, principal instigateur de la révolution qui, en 1911, mit fin à vingt-deux siècles d’empire. Au n° 73, Sinan lu s’élève l’ancienne résidence du Premier ministre Zhou Enlai.

Dans la ville chinoise
L’ancienne enclave chinoise de la cité des concessions étrangères a été presque entièrement engloutie sous les pelleteuses. Une partie a été reconstruite à l’ancienne, pour installer des mètres et des étages de boutiques de souvenirs, à l’orée du jardin Yu(ouvert tlj de 8 h 30 à 16 h 30. Entrée payante), ancienne villa de mandarin parsemée de kiosques, d’étangs et de galeries à claustras. En face du jardin, la maison de thé Hu Xing Ting (ouvert tlj de 8 h 30 à 22 h), un pavillon aux toits retroussés, posé sur un bassin que dessert un pont en zigzag, était une dépendance de la propriété mandarinale. Tout près, le temple des Dieux de la Ville(ouvert tlj de 8 h 30 à 16 h. Entrée payante) a repris de l’activité. Old Shanghai Street, ancienne rue véritable bordée de magasins touristiques, se prolonge à l’ouest par Fangbang lu, qui pénètre dans les méandres d’un secteur rescapé – pour combien de temps ? – de la ville chinoise. S’y élèvent, restaurés, les lieux de culte des communautés qui y vivaient : la mosquée du Jardin des Petites Pêches (ouvert tlj de 8 h à 19 h. Entrée payante), le temple de Confucius (ouvert tlj de 9 h à 17 h. Entrée payante) et le temple taoïste du Nuage Blanc (ouvert tlj de 9 h à 17 h 15. Entrée payante).

Et Shanghai pousse toujours !

La spéculation foncière est le moteur du développement urbain shanghaien. Durant la décennie 1990, des chantiers ont tourné jour et nuit, derrière des échafaudages de bambou, attirant pour quelques semaines les hommes de la « population flottante », ces cent millions de ruraux qui errent d’un bout à l’autre de la Chine, en quête d’emploi. En moins de dix ans, grâce à l’afflux des capitaux de la diaspora chinoise et aux investissements étrangers, ils ont bâti 520 km2 à Pudong, l’équivalent de 74 fois La Défense. Trois tunnels ont été creusés sous le Huangpu, dont un pour le métro. Quatre ponts ont été jetés entre les deux rives du fleuve, reliant des kilomètres d’autoroute. Le Maglev, le train à sustentation magnétique qui dessert l’aéroport international de Pudong, sera prolongé jusqu’à Hangzhou. Après Pudong, c’est Puxi, la rive historique de Shanghai qui s’engage dans les bouleversements d’un chantier de géants.

Temples bouddhiques

A la lisière nord de l’ancienne concession française, les moines du temple du Bouddha de Jade(ouvert tlj de 8 h à 12 h et de 13 h à 16 h 30. Entrée payante) célèbrent un office chaque soir. Les bâtiments furent préservés de la fureur destructrice de la Révolution Culturelle grâce à un moine qui placarda sur ses portes des portraits du président Mao, sauvant ainsi le trésor du temple : deux bouddhas en jade blanc, venus de Birmanie.
A la périphérie sud de Shanghai, le temple Longhua(ouvert tlj de 7 h à 17 h. Entrée payante), qui conserve une pagode du XIIe s., est le centre bouddhiste le plus actif de la ville. Il s’anime d’une grande kermesse chaque année en avril.

Lujiazui
Ce « quartier » de 32 km2 fut la première phase du pari économique engagé dans la nouvelle zone de Pudong : créer le Wall Street et la Silicon Valley de l’Asie du XXIe siècle, en attirant les investisseurs étrangers à coup de facilités fiscales et commerciales. Le premier des symboles qui y furent érigés est la Perle de l’Orient, une tour de télévision dressée sur la rive comme un OVNI géant, dont les étages livrent des deux rives de Shanghai des panoramas saisissants (ouvert tlj de 9 h à 21 h. Entrée payante). A peine plus petite, la tour Jinmao(ouvert tlj de 8 h à 21 h. Entrée payante) est une pagode futuriste. Elles toisent l’avenue du Siècle, une perspective de 5 km encadrée de kiosques de verre ultramodernes et de jardins clos aux essences rares, qui file sur huit voies vers le Parc des nouvelles technologies (ouvert du mardi au dimanche de 9 h à 17 h. Entrée payante).

Suivez le guide !

Prenez l’ascenseur de la tour Jinmao pour découvrir le nouveau Shanghai depuis l’Observation Desk du 88e étage, à 320 m d’altitude, ou au bar Cloud 9 du 85e étage.