
Plaza de Toros Las Ventas – Début de corrida – Madrid
La corrida
De l’école de Ronda, qui défend une économie de gestes, aux canons plus nerveux de l’école sévillane, la tauromachie est un art pour les aficionados (passionnés) qui défendent la légitimité, la loyauté de l’affrontement dans l’arène. Il est un art qui, loin de faire l’unanimité, même en Espagne, suscite dans tous les cas les passions. La tauromachie puise ses origines au Moyen-Âge. Pratiquée à cheval, faisant l’objet de tournois immortalisés par la sculpture (la rampe d’escalier de l’université de Salamanque), elle est réservée à la noblesse qui rompt sa pique dans le cuir du taureau et laisse au peuple la mise à mort de l’animal. C’est elle qui devient peu à peu, au XVIIIe siècle, le point culminant du spectacle quand s’efface la pratique du combat à cheval. A la fin du XVIIIe siècle, la corrida est codifiée dans les termes que nous lui connaissons aujourd’hui. C’est alors qu’est inventé le taureau brave : autrefois prélevé parmi les bêtes les plus courageuses, il est, depuis, savamment élevé et choisi pour ses qualités de combattant, améliorées par la sélection des reproducteurs. Des plaines limoneuses du Guadalquivir à la terre sablonneuse des arènes, il s’écoule au moins quatre années sans que jamais l’animal sauvage n’affronte l’homme. Il est donc comme neuf au sortir des ganaderias, ces grands élevages taurins qui défendent leur renom aux côtés des toréros. Parmi les plus fameuses, celle de Miura est réputée pour l’agressivité de ses bêtes, celle de Pablo Romero pour son nom rattaché au premier grand théoricien (Pedro Romero), celle de Juan Pedro Domecq pour sa double tradition d’élevage taurin et chevalin, celle de Don Manuel Garcia Aléas parce que, fondée en 1788, elle est la plus ancienne. Des places publiques qui les recevaient autrefois, les corridas ont désormais leur lieu, la plaza de toros, ou arènes. Ronda et Séville conservent les plus anciennes, de la fin du XVIIIe siècle. Elles offrent toutes deux une acoustique remarquable, fidèle au souffle du taureau. Une fois sur le sol battu, ce dernier charge en premier lieu la cape fuchsia animée par le torero qui observe les attaques de l’animal et son positionnement dans l’arène. Il reçoit ensuite les picadores qui, du haut de leur cheval, piquent son dos et soumettent son agressivité. Les banderillos font alors leur entrée et, par un jeu d’adresse, plantent les banderilles (bâtons enrubannés) dans son cuir. La muleta (petite cape de flanelle rouge) en main, le torero joue le dernier acte, simule une fausse trajectoire, appelle l’animal qui tournoie à ses côtés, et lui donne l’estocade. La qualité du spectacle dépend de la bravoure de la bête, de la franchise de ses attaques et de l’habileté du torero, de l’élégance de ses figures. S’il vainc l’animal d’un seul coup d’épée, il triomphe et mérite tant l’oreille du taureau que les acclamations d’une foule passionnée. La plaza de toros de Madrid consacre la carrière de tous les toreros. Les corridas ont lieu surtout au printemps et en été, lors de grandes fêtes locales, comme la Saint-Firmin de Pampelune (7 juillet), la Saint-Isidro de Madrid (15 mai) ou la Semaine sainte et la feria de Séville (avril). Elles sont annoncées dans la presse et par affichage ; les billets se vendent à guichet ouvert ou dans de petits kiosques en ville. Dans certains hôtels, les commissions sont très élevées. Les prix dépendent de la situation des places dans l’arène : les désignations sol (soleil), sol y sombra (mi-soleil, mi-ombre) et sombra (ombre) déclinent le degré d’ensoleillement des gradins.