
Huesca – Aragon
Le littoral que l’on désigne comme la Costa Verde, la côte verte est cette frange qui court entre le Pays Basque et la Galice. Cette Espagne humide, arrosée, soumise aux vents de l’Atlantique que brave la Cordillère cantabrique, offre un rempart aux rigueurs de l’été. Elle suit une ancienne route romaine, partie de Pampelune et rejoignant Saint-Sébastien, une voie qui double le grand chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle en Meseta du nord. Traversant le Pays Basque, la Cantabrie et les Asturies, elle mène comme lui à la cité sainte. Avec les Pyrénées, elle constitue aussi la zone de repli des Chrétiens aux débuts de la Reconquête. Quand se développe le pèlerinage vers Compostelle, la Navarre et le Pays Basque, ainsi que les contrées les plus occidentales de l’Aragon, sont tournés vers la France et ses pèlerins venus de toute l’Europe.
Navarre et Aragon
Près de Pampelune, Puente la Reina qui protégeait le pont sur l’Agra réunissait les pèlerins venus de France par le col aragonais du Somport et le col navarrais de Roncevaux. Roncesvalles disposait, pour les recevoir, d’une importante structure hôtelière et jouissait du prestigieux renom de la geste de Roland. Dès le XIIe siècle, les troubadours glorifient l’héroïque résistance du neveu de Charlemagne, réputé mort face aux Sarrasins, oubliant les véritables assaillants, basques, qui en 778 mirent en déroute les chrétiens. Aussitôt après Puente la Reina, les chapelles romanes d’Eunate et de Torres del Rio (de plan octogonal en référence au saint Sépulcre) guidaient les pèlerins la nuit à l’aide de leurs tours-lanternes éclairées. La petite ville voisine d’Estella, ou Lizara en basque, et dont le nom signifie étoile, conserve dans le quartier des Francos, Français, face à l’église San-Pedro-de-la-Rúa, un palais bâti par les rois de Navarre pour ennoblir la cité. El Palacio de los Reyes de Navarra est un exemple d’architecture civile romane.
Pampelune
Quand résonne le nom de Pampelune, ce sont les grandes réjouissances de la Saint-Firmin qui l’honorent. Ouvertes du 6 au 14 juillet, les festivités tauromachiques font vivre la ville de 200 000 habitants au rythme d’une féria qui double sa population. Au centre-ville, et selon un parcours préétabli, chaque matin à 8 heures, les taureaux de combat parcourent les rues menant aux arènes. Une véritable marée humaine se lance à la poursuite du taureau qui ne sait où donner de la corne ! Les moins téméraires restent derrière les palissades mais ne manquent pas les corridas et concluent leur nuit de fête avec l’indispensable chocolate con churros. Ancienne capitale de la Navarre, halte majeure du grand pèlerinage, Pampelune a revêtu des allures bourgeoises grâce aux richesses industrielles. Elle vaut aussi le détour pour sa cathédrale gothique des XIVe-XVe siècles, son cloître et son Musée diocésain. Le Musée de Navarre, implanté dans un ancien hôpital du XVIe siècle célèbre son passé romain et médiéval.

Jaca – Citadelle
Hautes terres aragonaises
Les contrées aragonaises n’étaient pas moins dotées pour recevoir les pèlerins ; monastères et châteaux implantés sur des positions stratégiques témoignent de la volonté de sécuriser le pèlerinage. Elles allient à l’intérêt de leur patrimoine la grande beauté de leurs paysages et proposent de nombreuses excursions. Le Parc national de Ordesa y Monte Perdido, au nord de la province de Huesca, adosse son décor spectaculaire, de gorges et de canyons, au cirque de Gavarnie. Au débouché du col du Somport, Jaca connaît un développement rapide qui fait d’elle au XIe siècle la capitale de l’Aragon et, dès 1075, le siège d’un important évêché, ce qui lui vaut une cathédrale romane construite entre 1095 et 1115. En dépit de son anonymat, le sculpteur responsable du chantier, baptisé « le Maître de Jaca », est une des figures les plus célèbres de la sculpture monumentale de la route de Saint-Jacques. Le Musée épiscopal abrite des peintures murales médiévales et la ville demeure une étape privilégiée au sortir du col pyrénéen. Dans la montagne boisée à l’ouest de Jaca, un monastère bénédictin (Xe-XIe siècles) sous obédience clunisienne, San-Juan-de-la-Peña, s’annonce dans un vaste abri sous roche. Pourvu de reliques, il est rapidement destiné à devenir le panthéon des rois d’Aragon et reçoit de nombreux privilèges. L’avancée de la Reconquête lui retire presque aussitôt cette faveur, en dépit de l’habitude prise d’y placer les nobles sépultures. L’église inférieure devient crypte sous une église haute consacrée en 1094. Le cloître a particulièrement souffert d’un incendie en 1675 qui mutila aussi la sculpture de l’église. Véritable nid d’aigle, le château de Loarre, hissé à 1 100 m d’altitude, domine la proche vallée de l’Ebre qui s’offre au regard.
Sa position stratégique entre Jaca et Huesca justifie l’imposant dispositif fortifié. Une première enceinte du XIe siècle enferme le donjon ainsi qu’une chapelle dédiée à la Vierge et la Tour de la reine. La seconde enceinte abrite une nouvelle église plus vaste et bâtie sur deux niveaux. Le grand escalier dessert l’église basse plus sobre que ne l’est l’église supérieure, manifestation de l’art roman des environs de 1100. Huesca demeure la ville la plus importante du Haut-Aragon avec 50 000 habitants. Les progrès de la Reconquête la dotent d’un rôle éphémère de capitale aragonaise, à la fin du XIe siècle, perdu au profit de Sarragosse. Sa cathédrale gothique abrite un retable de la Passion (1520-33), œuvre de Damián Forment. Il justifie à lui seul une halte à Huesca qui possède aussi un cloître roman en l’église San-Pedro-el-Viejo.
Saragosse
Capitale du royaume d’Aragon de 1118, date de sa Reconquête, jusqu’à la fin du XVe siècle, Saragosse est une ville chargée d’histoire que les guerres napoléoniennes puis son développement dans la seconde moitié du XIXe siècle ont considérablement modifiée. Maîtresse du bassin de l’Ebre, carrefour important entre la Catalogne et le Pays Basque, Saragosse doit ses richesses au sillon fertile du fleuve et aux petites plaines qui épousent ses affluents maîtrisés par une longue tradition d’irrigation. Forte de ses 623 000 habitants, la capitale historique a renoué avec ses hautes fonctions de métropole aragonaise et revendique d’être le plus grand sanctuaire marial d’Espagne.
Derrière une façade du XVIIIe siècle flanquée d’une haute tour (1683), la cathédrale de Saragosse, la Seo, dédiée au Sauveur, est un hymne à la brique. La première construction de la fin du XIIe siècle a été remaniée au XIVe dans le style mudéjar. L’élévation de la nef de brique, selon le type languedocien, évoque la cathédrale d’Albi. Le cimborrio, reconstruit à la fin du XVe siècle, masque derrière sa simplicité extérieure des arcs entrecroisés sous voûte. Le retable majeur doit sa prédelle au Catalan Pere Johan (avant 1445), son corps supérieur à Jean de Souabe (1467). L’église est augmentée de la chapelle de la Parroquieta, voulue en 1381 par l’évêque Lope Fernandez de Luna pour y être inhumé. Elle atteste du succès de l’art mudéjar à cette époque et se fond dans la tradition de l’architecture de brique de la vallée de l’Ebre. Dans son Musée de Tapices, la cathédrale de Saragosse expose une collection de tapisseries sorties des ateliers d’Arras et de Bruxelles. L’Aljaferia, à l’origine un palais musulman du XIe siècle, ne cède pas aux fastes de l’art mudéjar, sauf dans la salle du trône ornée d’un plafond à caissons et pommes de pin. Par la suite, les Rois catholiques continuent d’embellir le palais.
Sur les rives du fleuve, Nuestra-Señora-de-Pilar fait hommage à la Vierge apparue sur une stèle romaine et vénérée dans une chapelle au cœur de l’édifice. Vaste quadrilatère, la basilique fut reconstruite à la fin du XVIIe siècle sur les plans de Francisco de Herrera modifiés au XVIIIe siècle par Ventura Rodriguez, auteur des belles toitures vernissées et de la chapelle mariale. Son riche mobilier compte un retable du grand Damian Forment (1515) et, parmi les peintures, des coupoles figurent des œuvres de Francisco Bayeu (1735-1795) et de Goya, peintes en 1771.
Le Pays Basque
Dans la continuité du Pays Basque français et de ses paysages verdoyants, le Pays Basque espagnol est une terre accueillante, entre Cordillère cantabrique et chaîne pyrénéenne. La richesse de son sol ferrugineux et ses vastes forêts ont encouragé dès le Moyen-Âge d’importantes activités métallurgiques. Depuis l’industrialisation massive de la seconde moitié du XIXe siècle, la région est devenue le pôle sidérurgique de l’Espagne. Ce sont les grandes industries de Biscaye (ou Vizcaya) et de Guipúzcoa qui assoient les richesses de la région et alimentent les grandes villes portuaires de Bilbao et Saint-Sébastien. A l’intérieur des terres, l’Álava, ou province de Vitoria, annonce davantage la Castille, tant par ses paysages que par le recul des campagnes. Le nationalisme basque est né parallèlement au développement de l’industrie, porteuse du germe d’une indépendance économique.

Musée Guggenheim, Bilbao, Vizcaya
Bilbao
Grand port fluvial sur la Ría de Bilbao, la ville bourgeoise forme une vaste agglomération de 372 000 habitants dont le large tissu urbain remonte au XIXe siècle. Près du parc Doña Casilda et du Musée de Bellas Artes (pinacothèque, belles collections espagnole et basque du XVIe au XXe siècle), le musée Guggenheim légitime à lui seul la visite de Bilbao. Inauguré en 1997, l’édifice gigantesque de 24 000 m2 sous une coque argentée de verre et de titane déploie ses contours futuristes, à la fois souple et anguleux, au cœur de la ville. Il est l’œuvre de Frank Gehry qui conçoit un espace muséographique étonnant, commandé par une rampe centrale. Comme ses frères de New York et Venise, le musée de Bilbao réunit une partie des fonds de la Solomon R. Guggenheim Foundation du nom de son fondateur des années 1920, riche industriel américain. Ses collections se sont enrichies des œuvres des représentants des mouvements américains et européens de la seconde moitié du XXe siècle. Ici, la vedette revient au Serpent de Richard Serra, ami de l’architecte du musée qui a prévu dans ses plans l’espace pour cette sculpture monumentale. Faite d’immenses plaques de métal, 24 m de large sur 4 m de haut, elle se dresse et ondule pour former un parcours quelque peu inquiétant.
Saint-Sébastien
Sur la baie protégée de la Concha (coquille), Saint-Sébastien acquiert, comme Biarritz, sa notoriété au XIXe siècle quand les souverains, ici Marie-Christine d’Autriche, les honorent de leur présence. La ville, gaie et dynamique, est très animée pendant la saison estivale. Sa population se réunit en soirée dans la vieille ville, reconstruite au XIXe siècle ; ou sur la baie formant une vaste promenade entre les Monts Igueldo et Urgull. Sa place à portique, Plaza de la Constitución, tint lieu d’arènes, comme en témoigne la numérotation des places sur les balcons des façades. Depuis août 1998, Saint-Sébastien dispose d’une nouvelle plaza de toros de 10 000 places qui accueille sa feria réputée.
Cantabrie et Asturies
Entre océan et montagnes, la Cantabrie et les Asturies rivalisent pour leurs paysages accidentés, leurs vallons encaissés aux vertes prairies qui font d’elles de grandes régions d’élevage laitier. La Cantabrie dispose de larges étendues de campagne, préservées du développement industriel. Les Pics d’Europe, protégés par un parc national, forment le massif le plus élevé de la cordillère (2 648 m) et assurent à la région une vaste zone protégée de 65 000 ha ; ils font face à la mer, distante de quelque 30 kilomètres qui offre ses belles plages aux estivants. La région des Asturies exploite, comme le Pays Basque, un puissant complexe sidérurgique concentré essentiellement autour des agglomérations portuaires de Gijón et d’Avilés, face à Oviedo. Mais cette région historique est aussi attrayante pour ses montagnes, ses prairies où fleurissent les pommiers au printemps et son habitat varié. Les caractéristiques horreos de la campagne asturienne sont les greniers surélevés destinés au séchage du maïs. Entièrement en bois mais couverts de tuiles, ils sont portés par des piles de pierre, hautes d’environ deux mètres et sommées d’une dalle horizontale empêchant l’accès aux rongeurs. La maison régionale, la mariñana, sur un seul niveau, se partage entre habitation, granges et étables et se rencontre en particulier entre Villaviciosa et Gijón.
Santander
Capitale de la Cantabrie, c’est une charmante station balnéaire de près de 200 000 habitants hors saison. Comme Saint-Sébastien, elle profita des séjours de la famille royale attachée à la ville dès la fin du XIXe siècle. La presqu’île de la Magdalena ferme la baie, ce qui n’empêcha pas une tornade destructrice en février 1941. Le centre-ville, détruit par le feu, a été en grande partie reconstruit. Le quartier nord-ouest, el Sardinero, épargné par la catastrophe, réunit hôtels et boutiques de luxe, casino et de belles plages agrémentées de jardins.

Grottes d’Altamira, Santillana del Mar, Cantabria
Santillana del Mar
A quelque vingt kilomètres de Santander, Santillana del Mar est une petite agglomération blottie autour d’une collégiale romane. Des palais des XVe, XVIe et XVIIe siècles se succèdent dans le vieux village : la Casa de los Villa dite « Casa de los Hombrones », les palais de Cossío et de Quevedo. Ce sont des maisons à grand balcon de bois couvert, percées d’une seule porte sous linteau au rez-de-chaussée, ou bien d’une large arcade. Elles donnent accès à un entrepôt pour les outils, le forage ou le lait, l’habitat étant réservé à l’étage supérieur. La Casa de Estrada, à Santillana, reproduit ces dispositions, ouvrant plus largement son rez-de-chaussée sous arcades. En direction des Pics d’Europe, aux alentours de La Liébana humide et froide, l’architecture varie avec des balcons fermés, voire absents. La collégiale romane Santa-Juliana (fin XIIe-XIIIe siècles) et son cloître sculpté sont les trésors de Santillana offrant, malgré une construction tardive, l’humilité et la grandeur des élévations romanes. Les voûtes d’ogives de la nef et des collatéraux sont de la fin du XIIIe siècle. Non loin de Santillana del Mar fut découverte, à la fin du XIXe siècle, la grotte d’Altamira, aux peintures rupestres de l’époque magdalénienne. Elle ne se visite plus pour des raisons de conservation, mais Madrid en propose une reconstitution partielle au Musée national d’archéologie.
Oviedo
Métropole économique et culturelle des Asturies avec 205 000 habitants, Oviedo est la capitale de ce royaume, fondé par Pelage, noble de la cour wisigothe en 718, au lendemain de l’invasion musulmane. Il abritait de saintes reliques, emportées par les chrétiens en fuite, et devenait un lieu de culte pour avoir été à l’origine de la Reconquête. Le patrimoine d’Oviedo est plus tardif, honoré d’une cathédrale gothique et de quelques palais du XVIIIe siècle. La construction de la cathédrale San-Salvador, gothique, s’échelonne entre 1388 et 1528. Elle abrite le panthéon des rois asturiens dans la chapelle del Rey oasto (roi chaste, surnom d’Alphonse II, 796-842) aménagée à l’emplacement de l’église primitive. C’est son trésor enfermé dans la Cámara santa qui est le plus intéressant. Il se compose d’un ensemble de pièces d’orfèvrerie, peu nombreuses mais remarquables, caractéristiques de l’art asturien. La croix des Anges, donation d’Alphonse II en 808, aux cabochons de pierres précieuses sous filigranes d’or, serait l’œuvre d’anges-pélerins ; la croix de la Victoire du IXe siècle, introduisant les émaux, se rapproche de la production carolingienne. Avec le coffret des Agathes du début du Xe siècle, ces objets révèlent un art éloigné de la production wisigothique, en dépit de la revendication par la cour asturienne de l’héritage wisigoth. Le Musée archéologique est un intéressant complément à la découverte de l’art préroman. A quatre kilomètres au nord-ouest d’Oviedo, le Monte Naranco porte deux témoignages éloquents de l’art de cour asturien à l’architecture des IXe et début du Xe siècles. Santa-Maria, petit palais d’agrément transformé en église, édifié sur deux niveaux, s’ouvre par une loggia dont la sculpture s’inspire de l’art antique tandis que l’intérieur est couvert de motifs décoratifs. L’église palatine San-Miguel-de-Lillo montre un art accompli sous le règne de Ramire (842-850). De plan basilical malgré sa triple abside, elle conserve sa tribune intérieure, élément fréquent dans l’architecture carolingienne Santa-Cristina-de-Lena (mi-IXe siècle) à Polo de Lena, sur la route de León, est une autre manifestation de l’élan de construction soutenu par le roi Ramire.
La Galice
« Ici la campagne est boisée, arrosée de fleuves, bien pourvue de prés et d’excellents vergers. Les fruits y sont bons et les sources claires (…) ; le pain, le vin, le bétail, le cidre, le lait et le miel y abondent ». Déjà dans le Guide du pèlerin de Saint-Jacques, au XIIe siècle, la Galice apparait comme une terre d’accueil. Ses 1 200 kilomètres de côte découpée font d’elle une grande région de pêche. Des petites flottes, protégées par les rías, aux grands ports de Vigo et de La Corogne, la Galice réunit le tiers des marins pêcheurs espagnols. Les produits de la mer font la finesse et la grande réputation de la gastronomie galicienne. L’arrière-pays galicien propose une campagne verdoyante, dont les reliefs, derniers contreforts de la Cordillère cantabrique portent des cultures en terrasses. La vie agricole perpétue de vieilles traditions, notamment dans les provinces de Lugo et d’Ourense, ce qui ne lui donne pas la productivité attendue alors qu’elle emploie 50% de la population agricole du pays ; elle reste la première région d’élevage laitier. D’étroites vallées, parfois profondes, rencontrent la mer pour former les typiques rías de Galice, autant de refuges aux petites embarcations et de paysages splendides. Entre Muros et Baiona, au sud de Vigo, toute la côte est belle, surplombant la mer et ses contours capricieux.

Cathédrale – Saint Jacques de Compostelle – Galice
Santiago-de-Compostella
Saint-Jacques-de-Compostelle est au terme du Camino francès la ville promise vers laquelle convergent les espoirs de tous les pèlerins, croyants en quête de spiritualité ou passionnés d’histoire et randonneurs. Sa prestigieuse cathédrale commande le centre historique, multipliant les oratoires, monastères et églises. La ville, qui célèbre solennellement, le 25 juillet, le saint patron de l’Espagne, entretient un pèlerinage inauguré par la Reconquête. Avec ses 105 000 habitants, la cité doit son animation aux nombreux voyageurs et à sa population étudiante. A l’arrivée, la vaste place de l’Obradoiro, ou Plaza de España, accueille les pélerins. La cathédrale, sous le signe du baroque triomphant, dresse sa façade face à l’hôtel de ville. Cet ancien palais du XVIIIe siècle est bordé d’arcades sous un long balcon qui souligne l’étage noble. A ses côtés, l’Hostal de los Reyes Católicos, fondation des Rois catholiques, s’ouvre par un élégant portail. Réparti autour de quatre patios, il accueillait les pèlerins épuisés par la route ; c’est aujourd’hui un parador. Le collège San-Jérónimo, du XVIIe siècle, en dépit de son portail médiéval, ferme la place au sud. Contre la cathédrale au nord, le palais Gelmírez, siège de l’archevêché, dispose d’un Salon du synode du XIIe-XIIIe siècles.
Le culte de saint Jacques Découvertes au IXe siècle, à Iria Flavia (aujourd’hui Padron) près de Compostelle, les reliques de saint Jacques le Majeur, martyrisé à Jérusalem et reconnu par la légende comme l’évangélisateur de l’Espagne, font d’abord l’objet d’un culte local. Dans la seconde moitié du Xe siècle, on attribue au saint un rôle dans la Reconquête. Son intervention aurait été décisive à la bataille de Clavijo, où il aurait aidé à la victoire du roi Ramire contre les musulmans en 844. La première basilique du IXe siècle est détruite en 997 par les armées d’Al Mansour, général musulman. L’église, reconstruite, devient rapidement trop petite devant l’essor que connaît au XIe siècle le pèlerinage.
La gigantesque bâtisse accueille les visiteurs par la façade de l’Obradoiro, l’Œuvre d’or, flanquée de deux tours, chef-d’œuvre du baroque espagnol dû à Fernando Casa y Novoa en 1750 que précède un escalier du début du XVIIe siècle. Elle habille un édifice roman caractéristique de l’architecture de pèlerinage avec son chevet à déambulatoire, ses chapelles rayonnantes et ses bas-côtés surmontés de tribunes. Lancé en 1078, le chantier de la cathédrale voit l’élévation d’une partie de son chevet. En 1100, l’évêque Diego Gelmirez donne un nouvel élan à la construction qui arrive à terme vers 1120. Maître Mathieu, dans le dernier tiers du XIIe siècle, achève le Porche de la Gloire dont le décor sculpté est un des chefs-d’œuvre de la sculpture romane. Dominée par un Christ en gloire au tympan, la statue de saint Jacques, au trumeau du portail central, accueille les visiteurs.
A l’intérieur, la cathédrale au plan en croix latine, est un exemple de l’architecture inventée pour les besoins du pèlerinage. L’accès et la circulation des pèlerins sont facilités par le déambulatoire. Les reliques de saint Jacques ne furent jamais portées à la vue des pèlerins. L’ouverture du tombeau, découvert vide en 1601, donna lieu à de multiples interprétations. Autour du cloître gothique, bâti en 1521, s’ouvrent les espaces muséographiques : bibliothèque, salle capitulaire, musée des tapisseries. Aux pieds de la Tour de l’horloge, Torre del Reloj, la Porte des oOrfèvres, Platérías, doit son nom aux marchands de bijoux d’argent groupés autour d’elle. Elle réunit un ensemble sculpté autour de deux tympans. L’un consacré à la Tentation du Christ, l’autre à la Passion. Au-dessus et en avant des portails, le prolifique décor, annonce par son désordre et ses différences stylistiques, les remaniements dont il fit l’objet. A la sculpture de la Porte des orfèvres, du début du XIIe siècle, a été ajoutée celle du portail ayant précédé le Porche de la Gloire et une partie du décor de la Porte de France. Cette dernière, autrefois ouverte sur le transept nord, fut détruite au milieu du XVIIIe siècle pour faire place à l’actuelle Porte de la paroisse. Les trois premières colonnes de marbre de l’ébrasement des portails présentent un décor sculpté très proche de la sculpture de la même époque à Toulouse.
La cathédrale est ceinte de placettes qui donnent un caractère plus intimiste à la vieille ville. La Plaza de la Quintana est bordée de l’ancienne maison du chapitre. Elle ouvre sur la Porte du Pardon, percée au chevet de la cathédrale au XVIIe siècle et ornée des statues des prophètes et patriarches provenant de l’ancien chœur roman. Au sud de la cathédrale, d’anciennes ruelles, bordées tantôt d’arcades, tantôt de riches demeures, plongent le promeneur dans la sympathique ambiance de la cité compostellane.