A la croisée des routes maritimes de la Méditerranée occidentale, la Corse a fait l’objet de toutes les convoitises.
Tour à tour grecque, romaine, pisane, génoise et française, elle a su, cependant, préserver la richesse de son patrimoine.

La préhistoire

Comme la Sardaigne et les îles Tyrrhéniennes, la Corse faisait partie d’une plate-forme continentale reliée à la Toscane.
Les côtes de Corse se sont vraisemblablement constituées trois millions d’années av. J.-C. Le sous-sol de l’île n’a pas encore livré tous ses secrets. Il semblerait que 6 570 ans av. J.-C., l’île était déjà habitée : en témoigne la découverte dans le sud du squelette d’une femme que les historiens ont baptisée la « Dame de Bonifacio » ! Au VIe millénaire av. J.-C., ses habitants élèvent des porcs et des moutons et développent des cultures.
Plus tard, une civilisation mégalithique s’épanouit, comme l’attestent les dolmens, menhirs et statues-menhirs qui ont été mis au jour un peu partout. Cette civilisation mégalithique aurait ensuite progressivement laissé place à une civilisation torréenne, dont témoignent les restes de villages fortifiés, les torre, dans le Niolo, la Castagniccia, et dans le cap Corse.

La fondation d’Aleria

Les Grecs de Phocée fondent le premier comptoir commercial vers 565 av. J.-C. à Alalia (Aleria), que vont ensuite se disputer les Etrusques (en 540 av. J.C.), puis les Carthaginois (vers 271 av. J.-C.).
En 259 av. J.-C., les Romains s’emparent d’Alalia, avant d’occuper toute l’île après une guerre meurtrière avec les autochtones. Ils l’annexent à la Sardaigne, l’ensemble constituant la deuxième province romaine, où l’Empire envoie ses colons.
Pendant cinq siècles, la paix romaine s’installe sur l’île, qui compte 32 villes et quelque 130 000 habitants, les Corsi. En 100 av. J.-C., Marius fonde une nouvelle colonie, dans le nord, à Mariana, près de l’étang de Biguglia. L’île vit de ses cultures de céréales, vignes, oliviers et de l’élevage. La forêt est abondante et la mer assure le ravitaillement de Rome.
Au IIe siècle après J.-C., les premiers missionnaires chrétiens débarquent sur l’île. Comme sur le continent, les chrétiens sont victimes des persécutions. Lorsque le christianisme devient religion officielle de l’Empire, la Corse est découpée en 5 évêchés : Aleria, Mariana, Sagone, Ajaccio en bord de mer, et le Nebbiu dans la montagne.

Les Byzantins

Les Vandales, qui ont envahi la Gaule et gagné l’Afrique du Nord, pillent, à partir de 455, les évêchés corses. En 725, la Corse est occupée par les Lombards. Vingt-neuf ans plus tard, ils la cèdent à l’empereur d’Orient Justinien, qui y envoie des administrateurs byzantins.
Mais ces fonctionnaires sont particulièrement corrompus et leurs exactions font réagir le pape Grégoire le Grand, qui s’affirme comme le protecteur de la Corse. Il cherche à rétablir sur l’île la souveraineté spirituelle de la papauté et à récupérer les terres des évêchés dont des seigneurs laïcs avaient usurpé la propriété. A cette époque, les pirates barbaresques écument la Méditerranée.
Les Sarrasins (Maures) s’établissent un peu partout sur l’île, comme en témoignent les noms qu’ont conservés certains villages : Campomoro, Morsiglia, Morosaglia. Les insulaires fuient la côte et s’installent dans les montagnes, dans des villages camouflés ou construits en nids d’aigle.

La domination pisane

L’île est déchirée par de terribles luttes que se livrent les seigneurs locaux, violents et belliqueux. Pour remédier à cette situation, en 1077, le pape Grégoire VII confie l’administration de la Corse à l’évêque de Pise.
L’île passe sous l’autorité de la République pisane et se couvre d’églises romanes.
De la fin du XIe siècle jusqu’à la fin du XIIIe siècle, l’île bénéficie de la sagesse et des bienfaits de la colonisation pisane. Mais c’est sans compter sur la jalousie de Gênes, qui n’a de cesse de récupérer trois des évêchés corses.

L’occupation génoise

Les Génois installent d’abord quelques colonies, avant de récupérer la totalité de l’île, après avoir vaincu les Pisans à la bataille navale de la Meloria. Cependant, les seigneurs de la Cinarca, fidèles à Pise, continuent la lutte contre Gênes.
Le roi d’Aragon envahit la Sardaigne et s’empare de Bonifacio. Gênes reprend Bonifacio, soumet les seigneurs insulaires et construit des tours de guet tout autour de l’île.
Elle divise la Corse en deux parties : d’un côté « l’En Deçà-des-Monts », débarrassée des seigneurs féodaux, de l’autre, la « Terra dei Signori » (Terre des Seigneurs), qui conserve une structure sociale de type féodal. La République ne peut empêcher les razzias barbaresques de se développer. La population se réfugie de plus en plus dans les montagnes.

L’arrivée des Français

En 1453, la République de Gênes confie l’administration de la Corse à une banque, l’Office Saint-Georges. L’Office s’attaque à la mise en valeur économique de l’île pour en faire le grenier à blé de Gênes. Mais, en 1553, le roi de France, François Ier, décide d’intervenir dans les affaires corses pour affaiblir la République de Gênes. Aidée de la flotte ottomane conduite par le corsaire Dragut, l’expédition française, commandée par Sampiero Corso, un officier corse mercenaire du roi de France, débarque à Bastia et s’empare rapidement de l’île, exception faite de Calvi.
L’amiral génois Andrea Doria contre-attaque et, en 1559, le traité de Cateau-Cambrésis maintient l’île sous l’autorité des Génois. L’Office Saint-Georges se retire. Sampiero Corso reprend pendant trois ans la guerre à son compte, mais meurt assassiné. Des calamités naturelles s’abattent sur l’île pendant la première moitié du XVIe siècle.

La paix génoise

En 1571, Gênes dote la Corse de statuts civils et criminels et d’institutions. Le gouverneur siège à Bastia, et le pays est divisé en dix provinces et 66 pieve. En 1584, un traité oblige chaque propriétaire terrien à développer l’arboriculture et la viticulture en plantant chaque année 4 arbres fruitiers.
Au milieu du XVIIe siècle les finances publiques sont délabrées et le poids des impôts paralyse l’économie de l’île.
La corruption engendre le brigandage et la vendetta. Entre 1683 et 1715, on ne dénombre pas moins de 29 000 meurtres, soit 900 par an ! Les bandits prennent le maquis et vivent de brigandage.

La guerre d’indépendance (1729-1769)

A la suite d’une jacquerie contre l’impôt, une succession de soulèvements populaires va secouer l’île. Gênes multiplie les maladresses et fait appel aux troupes autrichiennes pour mater l’insurrection. Les chefs corses sont déportés. En novembre 1733, les Corses accueillent un aventurier allemand, le baron Théodore de Neuhoff. En leur promettant des appuis diplomatiques et de l’argent, ce dernier se faire élire roi de Corse, en mars 1736. La France intervient par deux fois pour rétablir l’ordre, mais dès que les Français quittent la Corse en 1753, le désordre reprend. Pascal Paoli se fait élire « Général de la nation corse » et organise un gouvernement de la Nation corse à Corte. A la demande de Gênes, Louis XV envoie Marbeuf en mission de conciliation. Le 15 mai 1768, Gênes cède provisoirement à la France ses droits sur l’île. Mais Paoli, qui n’a pas été consulté, provoque un soulèvement populaire. Le 8 mai 1769, il est battu à Ponte Nuovo et doit s’exiler à Londres.

La Corse française

Marbeuf est nommé gouverneur de l’île et s’emploie à pacifier les populations, à doter le pays d’une organisation administrative, judiciaire et religieuse. L’économie se développe. En 1789, la Corse est partie intégrante de l’Empire français. Jusqu’en 1792, la Corse marche au rythme de la Révolution. En exil à Londres, Paoli revient dans l’île. Paysans et bergers occupent en partie les domaines qui depuis des siècles ont été donnés en concession aux notables génois, puis aux privilégiés de l’Ancien Régime.
En juin 1794, Paoli fait voter la séparation absolue et définitive avec la France. Le royaume anglo-corse vient de naître. Le vice-roi, sir Gilbert Elliott, met en place une politique qui privilégie les grands possédants. Le peuple ne se reconnaît pas dans ce programme et se détache de Paoli, qui est finalement écarté du pouvoir.
Bonaparte, qui rentre de sa campagne d’Italie, en 1796, est chargé de réoccuper la Corse. Les derniers Anglais et leurs partisans quittent l’île la même année. Devenu Premier consul, Bonaparte va traiter durement son île natale. A partir de 1796, elle est organisée en deux départements : Golu au nord, Liamone au sud, avec deux préfets coiffés par un administrateur général. Miot, le premier d’entre eux, administre l’île intelligemment et la dote d’un statut privilégié.

La Corse, département français

En 1811, Napoléon III restaure l’unité départementale ; Ajaccio devient chef-lieu. Le plan Terrien recense 380 communautés, divisées en 840 villages. La population passe de 140 000 habitants, à la fin du XVIIIe siècle, à 240 000 à la fin du XIXe siècle.
L’agriculture progresse et s’accompagne d’un essor industriel et d’un aménagement important des routes et des chemins. En 1830, la première ligne de bateaux à vapeur est ouverte entre le continent et l’île. Le français remplace l’italien dans les actes notariés. C’est à cette époque que Prosper Mérimée, de retour d’une mission d’exploration, publie Colomba. Napoléon III inaugure à Ajaccio la Chapelle impériale.
La ligne de chemin de fer Bastia-Corte-Ajaccio voit le jour.
En 1880, Emmanuel Arène, un républicain opportuniste originaire d’Ajaccio, se donne pour mission de gagner l’île à la République et, pour y parvenir, fait jouer les mécanismes du patronage républicain : en échange de places dans l’administration, il amarre la Corse à la République. Le taux de scolarisation est très élevé sur l’île et les familles pauvres voient dans le statut de petit fonctionnaire un moyen de s’élever. De nombreux paysans s’engagent dans l’armée coloniale.

La guerre de 1914-18

La guerre de 1914-1918 constitue un tournant capital dans le déclin démographique et économique. Les pertes humaines sont considérables, au moins 14 000 morts, soit 5 % de tués contre 3,5 % pour la moyenne nationale.
L’absence d’hommes jeunes met en péril l’économie, déjà fragilisée par l’émigration vers le Nouveau Monde. La Corse perdra 40 % de ses habitants dans la première moitié du siècle.
Entre les deux guerres, l’île est découverte par les touristes étrangers. Des hôtels ouvrent. La Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée organise de grands circuits en autocar.

La guerre de 1939-45

En 1942, la Corse est occupée par les troupes allemandes et italiennes. Le sous-marin Casabianca, réchappé du sabordage de la flotte française à Toulon, réussit des missions secrètes de résistance. Il débarque le 1er bataillon de parachutistes le 13 septembre 1943 à Ajaccio. Le 4 octobre, la Corse sera le premier département français libéré de sa propre initiative.

L’arrivée des « pieds-noirs »

Dans les années 1960 avec la mise en place d’un plan d’action régionale l’économie démarre sur de nouvelles bases. Mais la décision d’accueillir en Corse des « pieds-noirs » rapatriés d’Algérie et de faire de la plaine orientale une nouvelle « Mitidja » va tout remettre en question.
Le Schéma d’aménagement (1973) et la charte de Développement (1975) optent pour des cultures spéculatives en plaine et pour le tout-tourisme concentré sur un certain nombre de pôles du littoral. En 1975, la Corse est divisée en deux départements, la Corse du Sud et la Haute Corse.
Mais le changement ne profite pas aux Corses, qui continuent de s’expatrier, leur départ étant compensé par l’arrivée de continentaux et d’étrangers. Dans ce contexte naît un mouvement d’abord régionaliste, puis autonomiste, et enfin nationaliste.
La violence se déchaîne (attentats, fusillade d’Aleria, en août 1975). Le malaise pèse lourdement sur la politique locale. La communauté insulaire se divise. En 1982, la Corse hérite d’un statut particulier, puis devient en 1991 « collectivité territoriale ».
On assiste à la montée en puissance des mouvements nationalistes qui intensifient la lutte armée et clandestine. Les attentats se multiplient. Le 6 février 1998, alors qu’il se rendait à un concert, le préfet Claude Erignac est assassiné à Ajaccio. L’assassinat est revendiqué le lendemain par un groupe anonyme. Durant des mois, la Division nationale antiterroriste (DNAT) procède à des dizaines d’interpellations.
L’auteur présumé des coups de feu, Yvan Colonna, échappe à toutes les recherches. Parallèlement, le nouveau préfet Bernard Bonnet conduit une politique de rétablissement de l’Etat de droit dans l’île. Il est accusé de s’immiscer dans l’enquête Erignac. C’est ensuite en 1999 l’incendie d’une paillotte, près d’Ajaccio, qui met le feu aux poudres. Le 6 mai 1999, Claude Bonnet est mis en examen. L’Etat organise un referendum en Corse sur le thème: « Faut-il un statut instituant une collectivité unique décentralisée en Corse ? ».
Le 4 juillet 2003, à la veille des élections, Yvan Colonna est arrêté, après quatre ans de cavale, dans une bergerie de Corse du sud. La population corse dit massivement « non » au statut spécifique de l’île.

 

Repères chronologiques

Autour de 600 000 av. J.-C. : séparation de la Corse du continent.
Vers 6570 av. J.-C. : premiers indices d’une présence humaine.
Entre 2000 et 1800 av. J.-C. : civilisation néolithique : les grands dolmens.
Entre 1500 et 1300 av. J.-C. : civilisation mégalithique : premières statues-menhirs taillées.
800 av. J.-C. : civilisation torréenne : statues-menhirs armées.
Vers 565 av. J.-C. : installation des Phocéens (Grecs) à Alalia.
Vers 271 av. J.-C. : les Carthaginois s’emparent d’Aleria.
259 av. J.-C. : Aleria est conquise par les Romains.
231 av. J.-C. : domination romaine.
41-49 apr. J.-C. : exil de Sénèque en Corse.
IIIe siècle : les premiers missionnaires chrétiens débarquent en Corse. Martyre de sainte Dévote.
Ve siècle : les Vandales, puis les Ostrogoths ravagent l’île.
552 : la Corse est rattachée à l’Empire byzantin.
774 : le Saint-Siège administre la Corse.
Du VIIIe au Xe siècle : raids sarrasins.
830 : Bonifacio, marquis de Toscane, fonde la citadelle qui porte son nom.
1077 : le pape Grégoire VII remet la Corse à l’administration de l’évêque de Pise.
Xe et XIe siècle : guerre entre les féodaux de l’île.
1278 : les Génois fondent Calvi.
1755 : bataille navale de la Meloria entre Pise et Gênes. Pise doit céder la Corse.
Du XIIIe au XVIe siècle : les seigneurs de la Cinarca, fidèles à Pise, continuent la lutte contre Gênes.
1297 : le pape donne l’investiture de la Corse au roi d’Aragon.
1347 : les Génois investissent toute l’île.
1453 : Gênes confie la gestion de la Corse à l’Office Saint-Georges, une compagnie financière génoise.
1553 : les troupes du roi de France Henri II débarquent, appuyées par Sampiero Corso.
1559 : traité de Cateau-Cambrésis. L’île retourne aux Génois. soulèvements populaires.
1736 : Théodore de Neuhoff, un aventurier allemand, est proclamé roi de Corse.
1738 : intervention militaire française.
1747 : seconde intervention française. Pascal Paoli est élu général en chef de la Nation corse.
1768 : traité de Compiègne : Gênes cède la Corse à la France.
1770 : Marbeuf est nommé gouverneur de la Corse.
1794-1796 : George III d’Angleterre est proclamé roi de Corse.
1796 : les troupes françaises réoccupent l’île.
1914-1918 : 14 000 soldats corses meurent à la guerre.
1942-1943 : occupation par les troupes allemandes et italiennes.
1942 : les Américains éradiquent la malaria.
1970 : création de la Région Corse.
1975 : la Corse est divisée en 2 départements.
1982 : élection de la première Assemblée au suffrage universel.

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