Berceau des sultanats de la région, la Malaisie s’est forgée, au gré des rebondissements de son Histoire, une identité unique au carrefour des mondes asiatique et musulman. A l’extrême sud de la péninsule, l’île de Singapour, dont la destinée fut longtemps liée à celle de son voisin, est depuis 1965 un Etat indépendant.
Singapour
Ancien joyau de la présence britannique dans la région, l’île de Singapour fut longtemps administrée avec la Malaisie voisine. Jusqu’à ce que l’histoire ne les sépare en 1965, lorsque la spécificité de son héritage conduit la ville-Etat à prendre un chemin indépendant.
Naissance de la ville du lion
Les débuts historiques de l’île sont mal connus. A partir du VIIe siècle, Temasek, « la ville de la mer », est probablement un modeste comptoir du puissant empire de Srivijaya basé à Sumatra. A la chute de celui-ci, elle tombe comme le reste de la région sous la coupe du royaume javanais de Majapahit, dont elle devient un Etat inféodé. A la fin du XIVe siècle, le prince sumatrais en exil, Parameswara, y accoste avec un groupe de fidèles. D’après la légende, il y aurait aperçu un lion tricolore, identique à ceux de la mythologie hindoue, et aurait donc baptisé l’endroit Singapura, « la ville du lion ». Parameswara prend le contrôle de l’île située à l’embouchure du détroit de Malacca, carrefour des routes maritimes qui relient l’Orient et l’Occident, avant d’en être chassé par une attaque du Siam au tournant du XVe siècle. Le prince déchu se réfugie sur la péninsule malaise où il fonde quelques années plus tard le port de Malacca. Et Singapour, décrite comme une île aride infestée de pirates, est soigneusement évitée par les navires commerciaux.

Malacca, Malaysia © khair mispan
Colonisation britannique
Il faut attendre le début du XIXe siècle pour que le destin de l’île bascule. En 1819, le Britannique Stamford Raffles, à la recherche d’un second comptoir pour la Compagnie Britannique des Indes Orientales dans la région, y établit un port franc. La structure actuelle de Singapour date de cette époque, même s’il faut attendre les années 1870 pour que les grands édifices coloniaux voient le jour. Devenu le premier port du détroit devant Penang et Malacca, Singapour est inclus dans les établissements des Détroits en 1826, avant de devenir une colonie à part entière rattachée au même titre que la péninsule Malaise. Les immigrants indiens et surtout chinois affluent sur l’île qui bénéficie de l’essor du commerce malais. A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la ville du lion est un port prospère et cosmopolite, dominé par les Chinois et leurs célèbres sociétés secrètes. L’avènement du nationalisme et du communisme en Chine a des répercussions importantes sur la population chinoise mais le gouvernement colonial, qui a établi une base militaire, garde la situation en main sans être inquiété.
Singapour indépendant
Les Japonais envahissent Singapour le 8 février 1942. Ils y feront régner la terreur pendant trois ans, massacrant les communistes et les intellectuels. La population souffre de malnutrition et de maladies. A leur retour, les Britanniques, dont la domination est remise en question, doivent élaborer des plans d’autonomie. Les années 1950 sont marquées par la pauvreté et le chômage. Lee Kuan Yew, Chinois des Détroits de la troisième génération, crée le People’s Action Party (PAP) qui remporte les élections en 1959. En 1963, le leader chinois a déjà sérieusement amélioré la situation sanitaire et sociale. Il obtient l’indépendance et rejoint la Fédération de Malaisie. Mais Kuala Lumpur voit cette entrée d’un mauvais œil : l’île, à majorité chinoise, refuse d’accorder aux Malais les privilèges que leur garantit la Constitution fédérale. De plus, elle craint que Singapour ne domine son économie. Exclue de la Fédération, Singapour devient le 9 août 1965 une république indépendante.
Raffles forever
Fondateur de Singapour moderne, Sir Thomas Stamford Raffles a laissé une forte empreinte sur la cité-Etat. En quatre ans, il est parvenu à transformer un repaire de pirates en comptoir commercial attirant les commerçants de la région. Il a également dessiné les grandes lignes du plan de la ville : quartier des affaires au sud et administration au nord. Le rôle joué par ce Britannique dans la fabuleuse ascension de « la ville du lion » est largement reconnu par les Singapouriens. De nombreuses institutions, des écoles aux hôpitaux en passant par le plus prestigieux hôtel de la ville, portent son nom. Jusqu’à la classe affaires de Singapore Airlines, la compagnie aérienne nationale, baptisée Raffles Class.
Ascension fulgurante
Dépourvue de ressources naturelles, la cité-Etat, qui bénéficie de son statut de port franc, attire les investissements étrangers et se transforme rapidement en un florissant centre industriel. Dirigé d’une main de fer par Lee Kuan Yew, ce dragon économique du Sud-Est asiatique devient dans les années 1970 le pays le plus riche d’Asie derrière le Japon. Le père du miracle singapourien confie le pays à Goh Chok Tong en 1990, en attendant que son fils Lee Hsien Loong prenne les rênes du pouvoir en 2004.