Aux marches de l’Europe centrale, de la Méditerranée et des Balkans, la Croatie a suscité tout au long de son histoire la convoitise de ses voisins. Les plus puissants, Vénitiens, Ottomans et Habsbourg, l’ont à tour de rôle assujettie. Mais, malgré ces tutelles successives, les Croates sont parvenus à forger et à préserver leur identité.
L’Antiquité (du IIe siècle av.-J.C. au VIIe siècle apr.-J.C.)
A l’aube du VIIe siècle, des tribus slaves venues des Carpates s’installent en Dalmatie. Des formes primitives d’Etat voient le jour. Vers 845, le prince Trpimir fonde la dynastie croate des Trpimirovići, qui va régner jusqu’au XIe siècle. Son successeur, Tomislav (910-928), réunit le littoral aux plaines de la Save et de la Drave. Sans souverain à la mort de leur roi Zvonimir, les Croates se tournent vers les Hongrois et concluent en 1102 un pacte d’union, les « Pacta Conventa », qui restera en vigueur jusqu’en 1918. Ils reconnaissent l’autorité du roi de Hongrie qui désigne un ban (vice-roi) pour les administrer, mais conservent leur diète (le Sabor) et leur armée.
L’arrivée des Croates et l’union avec les Hongrois (du VIIe siècle au XIe siècle)
A l’aube du VIIe siècle, des tribus slaves venues des Carpates s’installent en Dalmatie. Des formes primitives d’Etat voient le jour. Vers 845, le prince Trpimir fonde la dynastie croate des Trpimirovići, qui va régner jusqu’au XIe siècle. Son successeur, Tomislav (910-928), réunit le littoral aux plaines de la Save et de la Drave. Sans souverain à la mort de leur roi Zvonimir, les Croates se tournent vers les Hongrois et concluent en 1102 un pacte d’union, les « Pacta Conventa », qui restera en vigueur jusqu’en 1918. Ils reconnaissent l’autorité du roi de Hongrie qui désigne un ban (vice-roi) pour les administrer, mais conservent leur diète (le Sabor) et leur armée.
Venise (du XIIe siècle au XVe siècle)
A la fin du XIIe siècle, la république de Venise, de plus en plus puissante, étend progressivement sa domination sur le littoral adriatique. En 1202, elle s’empare de Zadar, puis prend possession d’une grande partie de la côte dalmate et des îles. Dès 1205, Dubrovnik est contrainte de reconnaître sa suzeraineté. En 1358, Louis Ier d’Anjou, roi des Hongrois et des Croates, remporte une victoire sur les Vénitiens et réunit à nouveau l’ensemble des territoires croates. Mais, au début du XVe siècle, la Sérénissime reconquiert toutes les villes du littoral, à l’exception toutefois de Dubrovnik.
La menace ottomane (du XVe siècle au XVIe siècle)
Après la prise du royaume de Bosnie par les Ottomans en 1463, les Croates des vallées du Danube, de la Save et de la Drave sont directement exposés à la menace turque. La défaite de l’armée croate à Krbavsko Polje en 1493, suivie en 1526 de l’écrasement des Hongrois à la bataille de Mohács, réduit d’un tiers le territoire de la Croatie : « reliquiae reliquiarum olim incliti regni Croatiae » (le reste des restes de ce que fut autrefois le royaume croate). Les Croates demandent la protection des Habsbourg. Ferdinand II instaure les confins militaires le long de la frontière avec l’Empire ottoman. Pour y attirer les populations chrétiennes réfugiées, il leur octroie des terres en échange d’un service armé. Tandis que Vénitiens et Turcs dépècent la Croatie, seule Dubrovnik, qui joue avec diplomatie de sa position stratégique entre Occident chrétien et Orient musulman, garde son indépendance et paie un tribut au sultan. La cité marchande, qui a calqué ses institutions politiques sur celles de Venise, connaît son apogée.
Confins militaires
Après la conquête de la Bosnie par les Turcs en 1463, puis l’écrasement de l’armée hongroise à Mohács en 1526 par les troupes de Soliman le Magnifique, les Croates se retrouvent aux avant-postes de l’Europe chrétienne. Ferdinand de Habsbourg organise des « confins militaires » (Militärgrenze ou Krajina) le long de la frontière de l’Empire, qu’il peuple de paysans-soldats, pour la plupart des Serbes et des Valaques ayant fui l’Empire ottoman, et auxquels il accorde en 1630 un statut particulier (Statuta Valachorum). Jusqu’en 1881, ces territoires sont administrés directement par Vienne. Les confins militaires sont à l’origine de plusieurs régions le long de la frontière croate face à la Bosnie-Herzégovine : la Krajina, au sud de Sisak, la Slavonie occidentale, autour de Daruvar, la Slavonie orientale, autour de Vukovar, et une zone sud, avec le plateau de la Lika. Les populations serbes y étaient majoritaires (Krajina) ou constituaient une forte minorité (Slavonie) avant 1991.
Des Habsbourg aux conquêtes napoléoniennes (du XVIIe siècle au XIXe siècle)
La politique de centralisation menée par Vienne au XVIIe siècle mécontente les minorités nationales de l’Empire. Deux aristocrates croates, les princes Zrinski et Frankopan, s’efforcent en 1671 de soustraire la Croatie à l’autorité des Habsbourg. Leur complot échoue. Ils finissent décapités. La noblesse croate ne cherchera plus à s’opposer à l’absolutisme autrichien.
A la même époque, la puissance ottomane commence à décliner. Les territoires croates sous domination turque sont libérés au début du XVIIIe siècle. Ils sont intégrés aux confins militaires. La politique d’expansion de Napoléon Bonaparte a pour principale conséquence d’anéantir les deux républiques de l’Adriatique, Venise et Dubrovnik. L’empereur des Français réunit une partie des territoires croates dans les Provinces illyriennes. L’expérience est brève, mais elle donne naissance à un sentiment national chez ces peuples qui parlent la même langue. Néanmoins, après le congrès de Vienne (1815), les Croates vivent de nouveau séparés.
Entre Vienne et Budapest (de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle)
En butte à la germanisation, puis à la magyarisation sous la Double-Monarchie, les Croates, dans l’élan des révolutions de 1848, revendiquent l’usage de leur langue. Ils rêvent d’un Etat unitaire. D’autant que, depuis l’établissement du dualisme austro-hongrois (avec le Compromis ou Ausgleich de 1867), la Dalmatie et l’Istrie sont administrées par Vienne, tandis que la Slavonie et les plaines du Nord dépendent de Budapest.
Malgré la signature de la Nagodba, en 1868, les Croates de Hongrie n’obtiennent pas la reconnaissance de leur identité. Le mouvement illyrien, qui prône l’union des Croates et des peuples slaves voisins, étend son influence.

ruin © MontyPython
L’union des Slaves du Sud (1918)
Quand la Première Guerre mondiale éclate, l’idée que seule l’union des Slaves du Sud peut empêcher un nouveau morcellement du territoire rallie la plupart des Croates. Un « comité yougoslave » en exil à Londres entame des pourparlers. En 1918, quand l’armistice est signé, les Serbes, qui appartiennent au camp des vainqueurs, négocient au traité de Versailles la création du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes. Le nouvel Etat est placé sous l’égide de la dynastie serbe des Karađorđević, et le pouvoir est concentré à Belgrade.
La première Yougoslavie (1918-1939)
Très vite, Zagreb s’oppose au centralisme. Les discordances entre Serbes et Croates empoisonnent la vie politique. En 1928, l’assassinat du député du Parti paysan croate Stjepan Radić en plein Parlement à Belgrade radicalise la situation. Le roi Alexandre suspend la Constitution et instaure la dictature (le royaume change d’appellation pour devenir royaume de Yougoslavie). Des politiciens croates sont emprisonnés, d’autres choisissent l’exil. Ante Pavelić et ses oustachis (« insurgés »), entraînés en Hongrie, préparent l’assassinat du roi Alexandre de Yougoslavie, à Marseille le 9 octobre 1934. Malgré le Sporazum de 1939, qui crée un banovine autonome de Croatie, et l’entrée au gouvernement de l’opposant croate Vlatko Maček, la crise peine à se résorber.
L’illyrisme
Inspiré par les mouvements révolutionnaires européens de 1848, l’illyrisme vise à rassembler les Slaves du Sud (Croates, Slovènes et Serbes) en dehors de la tutelle des Autrichiens ou des Hongrois. L’un des chefs de file de ce renouveau national, Ljudevit Gaj (1809-1872), réussit à imposer aux Croates une langue littéraire commune. A l’instigation de Josip Strossmayer (1815-1905), évêque de Đakovo et membre influent du mouvement, une Académie des sciences et des arts est fondée à Zagreb en 1866 et une université voit le jour à Zagreb en 1874. Une société culturelle croate, Matica Hrvatska (Matrix Croatica), avait déjà été créée en 1842 à Zagreb sur le modèle tchèque.
La Seconde Guerre mondiale (1941-1945)
Quand les puissances de l’Axe envahissent la Yougoslavie, en avril 1941, le gouvernement capitule une semaine plus tard et le pays est aussitôt démantelé. La Serbie est occupée par les Allemands ; la Slovénie partagée entre l’Italie et l’Allemagne ; la Croatie (augmentée de la Bosnie-Herzégovine mais amputée de la Dalmatie qui a été cédée à l’Italie) érigée en un Etat indépendant croate (NDH). Il s’agit d’un Etat fantoche, sur lequel les Allemands ont la mainmise. Ils placent à sa tête, avec le titre de poglavnik (Duce), Ante Pavelić, qui mène avec ses oustachis une politique raciale à l’encontre des juifs, des Tziganes et des Serbes, internés au camp de Jasenovac, près de Sisak, voire éliminés. Le mécontentement des Croates profite au Parti communiste yougoslave, qui enrôle dans ses maquis les adversaires des oustachis. Le secrétaire général du Parti, le Croate Josip Broz, dit Tito, incarne aux yeux du monde la résistance yougoslave. Le pays est libéré en 1945 avec l’aide de l’Armée rouge, et Tito, appuyé par les Alliés, fédère la Yougoslavie dans un Etat totalitaire.
La Yougoslavie socialiste (1945-1980)
Six républiques, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie (dont dépendent deux provinces autonomes, la Vojvodine et le Kosovo), le Monténégro et la Macédoine forment la nouvelle entité baptisée Fédération socialiste yougoslave. Tito rompt dès 1948 avec Staline et manœuvre habilement pendant toute la guerre froide entre les camps occidental et socialiste. Une politique qui lui donne l’occasion de jouer un rôle sur la scène internationale en signant avec Nasser et Nehru, en 1956, la Déclaration des non-alignés. Le régime se singularise en adoptant le système de l’autogestion. L’économie est loin d’être florissante. Des emprunts répétés (auprès des Etats-Unis notamment) la maintiennent en équilibre. Dans les années 1960, l’émigration permet d’endiguer le trop-plein de main-d’œuvre. L’envoi régulier d’argent par les Yougoslaves qui travaillent à l’étranger non seulement améliore le niveau de vie de leur famille mais surtout alimente les finances publiques. Le tourisme sur la côte adriatique assure aussi une grande part des réserves en devises. La précarité de l’économie yougoslave ne se révèle pourtant dans toute son ampleur qu’à la mort de Tito en 1980.
L’héritage de Tito (1981-1989)
Le pays traverse une grave crise. L’accroissement du revenu national est négatif dès 1982-1983. Le chômage touche plus de 16 % de la population. En 1989, l’inflation atteint jusqu’à 2 500 %, et les premières pénuries se font jour (essence rationnée, coupures d’électricité…). Les deux républiques les plus prospères, la Croatie et la Slovénie, acceptent de moins en moins de subvenir aux besoins des républiques pauvres (Serbie incluse), selon le système de redistribution en vigueur au sein de la Fédération. La débâcle économique contribue au réveil des nationalismes, d’autant que les particularismes ont été niés dans la Yougoslavie titiste et que les revendications nationales ont chaque fois été étouffées. Le multipartisme fait son apparition en Croatie et en Slovénie. Un parti d’opposition est fondé à Zagreb : l’Union démocratique croate (HDZ) de Franjo Tuđman.
La fin de la dictature du parti unique et de l’Etat fédéral (1989-1991)
Début 1990, la Ligue des communistes yougoslaves (autre nom du Parti) ne réussit pas à tenir son XIVe congrès. Un conflit éclate entre le bloc serbe, conduit par Slobodan Milosevic, et la délégation slovène, qui quitte la séance avant la fin des travaux ; les Croates lui emboîtent le pas. Les deux républiques décident d’organiser des élections libres. En Croatie comme en Slovénie, les communistes sont mis en minorité. A Zagreb, le HDZ sort vainqueur des urnes. Le 30 mai 1990, le nouveau Parlement croate élit Franjo Tuđman président de la République croate. La succession du maréchal Tito s’avère aussi désastreuse sur le plan de la continuité des institutions. Le système de la présidence tournante, prévu dans la Constitution de 1974 (la direction suprême de l’Etat confiée en alternance aux représentants des six républiques et des deux provinces), ne parvient plus à fonctionner.
Quand vient le tour du Croate Stjepan Mesić, membre du parti de Franjo Tuđman, de siéger à la présidence, les Serbes lui refusent leurs votes.
Le Sabor
C’est, avec l’Althing islandais (980), l’un des plus vieux Parlements du monde. En 925, les seigneurs croates, laïques et ecclésiastiques, se réunissent pour élire Tomislav roi. A l’extinction de la dynastie, en 1102, le Sabor proclame Koloman, souverain de Hongrie, roi de Croatie et conclut les Pacta Conventa avec la couronne de Saint-Etienne. Après l’écrasement des Hongrois par les Ottomans à la bataille de Mohács (1526), le Sabor désigne en 1527 Ferdinand de Habsbourg souverain de Croatie. Aboli en 1918 à la création du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, le Sabor est rétabli en 1947 dans le cadre de la Fédération yougoslave, mais sans véritable pouvoir. Symbole de la continuité étatique de la Croatie au cours des siècles, il est restauré le 30 mai 1990.
La Croatie indépendante (1991)
Deux jours plus tard, le 19 mai 1991, un référendum est organisé en Croatie. 94 % des votants se prononcent en faveur de la transformation de la Fédération yougoslave en confédération et, en cas d’échec, en faveur de l’indépendance. La déclaration d’indépendance est adoptée le 25 juin 1991 sous la forme d’une « dissociation » : sa prise d’effet n’étant pas immédiatement promulguée.
Croates, Serbes, Slovènes : l’heure du conflit (1991-1995)
Le 26 juin 1991, l’armée fédérale yougoslave (JNA) intervient en Slovénie, qui a également proclamé son indépendance la veille. La guerre dure à peine dix jours. La communauté internationale impose aux Slovènes et aux Croates un moratoire de trois mois sur l’entrée en vigueur des proclamations d’indépendance. Mais des combats ont déjà lieu en Krajina, où la minorité serbe, épaulée par la JNA, fait sécession et réclame le rattachement à la Serbie, qui est située à 300 km, au-delà du territoire bosniaque… A l’automne, Vukovar, Osijek, Vinkovci, Pakrac en Slavonie, enfin Split et Zadar sur la côte sont bombardés et le 7 octobre, à l’expiration du moratoire, le palais présidentiel à Zagreb est la cible d’un raid aérien. Le lendemain, la déclaration d’indépendance est définitivement promulguée. La ligne de front s’étend bientôt sur presque 1 000 km. Vukovar, après une longue résistance, tombe aux mains des Serbes, qui s’emparent d’un quart du territoire croate et jettent sur les routes des centaines de milliers de réfugiés. Dubrovnik est assiégée dès novembre.
La communauté internationale tente en vain d’imposer des cessez-le-feu. Le 3 janvier 1992, le quinzième entre en vigueur ; il est cette fois respecté, et quelques jours plus tard, le 15 janvier 1992, les Douze reconnaissent l’indépendance de la Croatie. Le 21 février, l’ONU décide de déployer des Casques bleus dans les territoires soumis aux autorités serbes. En mai, pourtant, la Croatie est impliquée dans le conflit qui embrase la Bosnie (17 % de Croates vivent en Bosnie). Dès l’été, Zagreb et Sarajevo signent des accords militaires. Mais Bosniaques et Croates, initialement alliés contre les Serbes, s’opposent sur le terrain et, en août 1993, les Croates proclament à Mostar une éphémère république indépendante d’Herceg-Bosna, qui scinde la ville en deux. Croates et Bosniaques finissent par s’entendre. En mai 1995, l’armée croate profite de l’accalmie sur le front bosniaque pour reconquérir les territoires de Slavonie occidentale autour de Pakrac, et en août l’opération « Tempête » libère Knin et la Krajina.
La Croatie recouvre ses frontières d’origine. Seule la partie orientale de la Slavonie reste occupée. Les accords d’Erdut, signés en marge de ceux de Dayton y remédient en novembre 1995. La région sera finalement réintégrée pacifiquement à la Croatie le 15 janvier 1998.
La paix (depuis 1995)
C’est le retour à la paix. Tous les efforts convergent vers la reconstruction. Franjo Tuđman, réélu président de la Croatie en 1997, meurt en décembre 1999. Un mois plus tard, l’opposition centre-gauche remporte les législatives, et Stjepan Mesić est élu président en février. La nouvelle équipe au pouvoir rétablit des relations avec les républiques voisines de Serbie et du Monténégro. Surtout, elle ouvre au redressement économique. La croissance est revenue depuis 1994. Le PNB par habitant est passé de 3 000 dollars en 1995 à 6 400 dollars en 2003. La Croatie a entamé en octobre 2005 les négociations d’adhésion à l’Union européenne. Son intégration est prévue lors du prochain élargissement de l’Europe à l’horizon 2010.