Une capitale tardive
Entre sommets de la Sierra de Guadarrama et vallée du Tage, à 646 m d’altitude sur les rives du Manzanares, isolée, privée de fleuve, d’intérêt stratégique et économique, Madrid capitale de l’Espagne est un choix bien singulier. Résidence de la cour et de son roi, sur une décision surprenante de Philippe II en 1561, la ville génère aussitôt une intense activité économique. Après l’élan de la seconde moitié du XVIe siècle et malgré les embellissements du siècle des Lumières, la ville se fige jusqu’au XIXe siècle. Sa soudaine extension, dans la seconde moitié de l’époque industrielle, dessine une large couronne au tissu urbain plus rectiligne. Le XXe siècle, qui voit son industrialisation massive dans les années 1950, renforce son rôle de capitale. Tandis qu’elle s’affirme comme centre financier, siège bancaire et centre intellectuel et universitaire, Madrid forge sa légitimité. La fin du franquisme libère la ville des avatars d’un centralisme autoritaire. La movida, ample mouvement culturel des années 1980, affermit ses ambitions. Devenue le cœur d’une Espagne dont la reconstruction depuis 1978 a préservé l’alternative régionale, elle est, dans le contexte actuel des revendications nationalistes, le symbole et la force d’une Espagne unie.
Un bourg médiéval
Les vestiges de la petite ville provinciale, reconquise sur les musulmans en 1083, ont à peu près tous disparus. Ils se devinent seulement dans le centre-ville. La tour de brique de l’église San Pedro, une des plus vieilles constructions madrilènes, datant du XIVe siècle, ferme la perspective de la Calle Principe Anglona ; plus bas, l’étroite et silencieuse Calle de Toro rappelle le déroulement des corridas sur la place. Sur la Plaza de la Paja où vivaient avant le milieu du XVIe siècle les grandes familles madrilènes, le palais de Los Vargas a été reconstruit au siècle passé. L’église San Andrès, une des dix paroisses intra-muros mentionnées au XIIIe siècle, aurait abrité la dépouille de San Isidro au lendemain de sa mort. Lors de sa canonisation au XVIIe siècle, une chapelle fut édifiée pour être exclusivement consacrée aux précieuses reliques : la capilla San Isidro. Ses épais murs de brique portent un puissant dôme dressé sur un tambour percé de larges fenêtres. Coiffé d’un lanternon ajouré, il surgit à l’arrière de la capilla del Obispo, ou chapelle de l’Evêque, un des ensembles les plus importants conservés de la Renaissance madrilène (1544-50). L’édifice en communication avec l’église San Andrès abrite un superbe retable et les somptueux tombeaux de la famille de Los Vargas dont elle devint, au XVIe siècle, le panthéon.
Capitale des Habsbourg
Madrid, devenue Ciudad y Corte en 1561, se libère de sa dernière enceinte médiévale dont les portes des Plaza de Oriente, Plaza Callao, Plaza Benavento, Plaza Tirso de Molina et Plaza Humiladeros formaient, avec la Puerta del Sol, les limites. Le spectaculaire essor démographique de la capitale dans la seconde moitié du XVIe siècle augmente cinq fois sa superficie. Dans le plus grand désordre, ses nouveaux habitants s’emparent des terrains disputés au plus haut prix. Construites à la hâte, faites de murs de brique sur des assises de pierres dures et irrégulières, les maisons madrilènes s’ouvrent par un sobre portail de granit sculpté aux armes du propriétaire. Les églises empruntent à l’architecture du Nord leurs toitures d’ardoise et leurs clochetons. La ville fit, par la suite, l’objet d’importants aménagements, notamment au XIXe siècle. On désigne aujourd’hui par l’expression « Madrid des Habsourg » les quartiers qui conservent les témoignages de la ville des XVIe et XVIIe siècles. Ils s’étendent de la Calle Mayor, que bordent la Plaza de la Villa et la Plaza Mayor, aux monastères de l’Incarnation et des Descalzas Reales jusqu’au Palais royal.
La Puerta del Sol
La Puerta del Sol, ouverte sur la Calle Mayor, principale artère rejoignant l’Alcazar, est restée le centre historique de la ville. Sur son sol, le point zéro de l’Espagne est gravé face à la Casa de Corréos, Maison de la Poste. Réaménagée au XIXe siècle, la place est le lieu de rendez-vous festif. Elle ouvre sur les artères commerçantes des Calle del Carmen et de Preciados, en direction de la Gran Via. Dans l’axe de la Calle del Carmen, la statue équestre de Charles III regarde vers le campanile de la Casa de Corréos et tourne le dos à l’ours dressé contre le tronc d’un arbousier, symbole de la ville.

Madrid – Plaza Mayor
Plaza Mayor, place royale
Cette place royale constitue le premier effort d’urbanisation de la nouvelle capitale espagnole. Philippe II en confie le projet à Juan de Herrera mais c’est Juan Gomez de Mora, architecte de Philippe III, qui modèle entre 1617 et 1620 la place monumentale à la gloire du roi d’Espagne. Elle conserve sa fonction commerciale d’où la désignation des bâtiments : la Carnecerìa, boucherie, au sud et la Panaderìa, boulangerie, au nord. En 1790, un incendie oblige à la reconstruction de la Panaderìa du XVIe siècle confiée à l’architecte néoclassique Juan de Villanueva ; elle arbore aujourd’hui un exubérant décor, dû à Carlos Franco en 1992, et ses salons accueillent les réceptions officielles. La réfection de Villanueva termine de donner à la place son actuelle configuration. Au centre, la statue équestre de Philippe III, œuvre de Jean de Bologne et Pietro Tacca, au XVIIe siècle, vient compléter l’agencement. Conçue comme un vaste espace de 120 sur 194 m, destinée aux multiples célébrations officielles, réceptions royales, festivités religieuses, tournois, autodafés, courses de taureaux, etc., la Plaza Mayor offre au regard ses interminables balcons, son imposant développement et son élévation altière.
Plaza de la Villa
A l’ouest de la place, Juan Gomez de Mora et son disciple José de Villarreal élèvent entre 1640 et 1690 l’Hôtel de ville, Ayuntamiento ou Casa de la Villa. L’édifice aux tours couvertes d’ardoise se caractérise par une élégante élévation. La loggia néoclassique ouverte sur la Calle Mayor par Juan de Villanueva (1771-1787) permettait à la cour de suivre la procession du Corpus Christi. Au sud, s’élève le palais du cardinal Cisnéros, construit à partir de 1537. Restauré par Luis Bellido de manière assez fantaisiste au début du XXe siècle, c’est à présent une dépendance de l’Hôtel de ville. En face s’élève le palais de don Alvaro de Lujàn, de la fin du XVe siècle. Sa tour aurait gardé François Ier, fait prisonnier à la bataille de Pavie en 1525, qui fut en vérité enfermé dans l’Alcazar. Au centre de la place, une statue de Mariano Benlliure de 1888 célèbre la mémoire d’Alvaro de Bazàn, héros des libertés communales et de la bataille de Lépante (1571).
Eglises et monastères autrichiens
L’engouement pour la nouvelle capitale s’exprime aussi par l’implantation massive des ordres religieux dans la Madrid du Siècle d’or. Les couvents, fondations royales destinées aux princesses de sang et jeunes filles de la haute aristocratie, bénéficiaient d’un statut privilégié les mettant plus tard à l’abri de la dezamortisaciòn des biens de l’Eglise (1836) et des désastres de la guerre civile. Le couvent des Descalzas Reales, d’obédience franciscaine, fut fondé pour accueillir Jeanne d’Autriche, fille cadette de Charles Quint. Il fut aménagé par Juan Bautisto de Toledo autour de 1560, dans l’ancien palais du trésorier de Charles Quint, Alonso Gutierrez. A la fin du XVIIe siècle, sous le règne du dernier des Habsbourg, Charles II, d’importantes transformations dans le goût italien viennent embellir l’édifice. La capilla de Milagro de 1678 et le spectaculaire développement de l’escalier principal, rajouté en 1684, font intervenir de nombreux artistes. On peut voir une extraordinaire accumulation d’œuvres d’art, cadeaux prestigieux de la dynastie autrichienne, dont l’ensemble des tapisseries du Triomphe de l’Eucharistie de Rubens offertes par Isabelle d’Autriche, fille de Philippe II. Non loin du couvent des Descalzas Reales, dans la paroisse San Ginès du XVIIe siècle, la chapelle du Christ, de plan en croix latine, fut élevée par Juan Ruiz en 1651. Dédiée à la congrégation de l’Esclavage pénitentiel du Christ qui comptait Philippe IV parmi ses membres repentis, elle abrite un Christ chassant les marchands du temple par le Gréco. Par ses riches collections de peintures, sculptures et tapisseries, et son architecture dans le style épuré initié par Juan de Herrera, le couvent de la Encarnaciòn, voulu par la reine Marguerite d’Autriche, est l’autre grande fondation autrichienne de Madrid. Dû à l’architecte du roi Juan Gomez de Mora (1611-1616), conçu comme une dépendance de l’Alcazar royal et autrefois relié à lui par un dédale de galeries, il se profile aujourd’hui discrètement derrière les frondaisons de la place de Oriente. L’église, remaniée à l’intérieur par Ventura Rodriguez autour de 1760, porte en façade un haut-relief de l’Annonciation. Sa visite, avec la sacristie et celle des galeries closes du cloître, offre une étonnante projection dans le Madrid aristocratique des Habsbourg et dans la sensibilité religieuse du Siècle d’or ; le monastère réunit quelques 1500 reliques.

Palais Royal Madrid
Le Palais royal
Avec l’incendie de 1734 qui ruine le vieil Alcazar royal plusieurs fois remanié depuis le Moyen-Âge, naît l’occasion d’un gigantesque chantier : la construction d’une résidence royale, el Palacio Real. A la volonté de Philippe V de rattacher l’Espagne au grand art européen répond la fidélité de la reine Elisabeth Farnèse à ses origines italiennes, une revendication qui vaut au palais royal un italianisme accusé. Giovanni Battista Sacchetti, architecte retenu pour le projet, propose en 1738 une vaste cour ceinte de quatre ailes monumentales, énorme construction de granit susceptible d’exprimer la puissance retrouvée de l’Espagne. Le palais s’achève dans les années 1760 sous le règne de Charles III et sous la maîtrise de l’architecte Francisco Sabatini, homme de confiance du roi qui signe en particulier la chapelle et le grand escalier. Plus largement, cet urbaniste collabore de manière décisive à la configuration du nouveau Madrid ; il est responsable de la basilique San Francisco El Grande, Calle Bailén, qui réunit quelques chefs-d’œuvre des maîtres du Siècle d’or et du XVIIIe siècle, Zurbaran, Cano, Bayeu, Goya… Aux côtés du peintre Corrado Giaquinto auteur de l’Allégorie de la religion triomphante à la voûte du grand escalier, Anton Rafael Mengs et Giambattista Tiepolo se voient confier le décor des principales salles du palais. Le Vénitien, à la palette lumineuse et aérienne, signe entre autres l’Allégorie de la monarchie du salon du Trône et l’Apothéose d’Enée du salon des Hallebardiers. Mengs est l’auteur de l’Apothéose d’Hercule dans l’antichambre de Gasparini destinée au dîner du roi. Dans la magie du rococo, le décorateur napolitain Mattia Gasparini donne aussi son nom au prodigieux salon d’habillement de Charles III. La visite propose ainsi une suite vertigineuse de salles d’apparat, de chambres et d’antichambres aux décors et mobilier époustouflants, un art somptuaire qui allie la richesse de l’ornement au gigantisme de l’architecture. Une remarquable collection d’armes et d’armures, surtout des XVIe et XVIIe siècles, forme l’armurerie ouverte sur la cour du même nom, Plaza de Armerìa, face à la cathédrale. Au nord, les Jardins Sabatini donnent accès au Campo del Moro, parc étendu en contrebas du palais vers le Manzanarès et qui abrite le Musée des Carrosses. Son allée centrale réserve une superbe perspective sur le palais. Sur la Plaza de Oriente, présidée par la statue équestre de Philippe IV, de Pietro Tacca du XVIIe siècle, la façade est du palais rencontre le Théâtre royal ou Opera. Projetée sous Ferdinand VII en 1818, sa construction fait figure d’épopée malheureuse ; il fut inauguré en 1998. L’histoire se répète avec la cathédrale Nuestra Señora de la Almudena dont le premier projet néomédiéval de 1879 fut rapidement abandonné. La construction n’aboutit qu’en 1993, selon le parti de Fernando Chueca Goitia. Elle succéda en titre à la cathédrale San Isidro.
Autour du Prado
En marge de la ville autrichienne à l’est, le quartier du Prado San Jéronimò doit son nom à la présence d’un ancien couvent isolé, celui des hiéronymites, lieu de retraite spirituelle des Habsbourg, auprès duquel Philippe IV fit édifier un palais aujourd’hui disparu, le Buen Retiro. Du couvent médiéval, l’église San Jerònimo el Real et quelques ruines de son cloître du XVIIe siècle sont les derniers témoins. L’édifice du XVe siècle de style gothique hispano-flamand a souffert de l’occupation napoléonienne et des guerres carlistes. Restauré au XIXe siècle, il vit la totale réfection de son portail vers 1850 et la construction de ses deux tours néogothiques. De l’immense palais du XVIIe siècle ceint de vastes jardins agrémentés d’un étang, subsistent l’aile nord devenue Musée des armées, Muséo del ejercito, la salle de bal, le Casòn del Retiro, qui abrite les collections du XIXe siècle du musée du Prado, et son parc, Parque del Buen Retiro. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, sur les ruines du palais endommagé par les guerres napoléoniennes, l’architecte José Marañon Gomez-Acebo élève pour la haute aristocratie un quartier résidentiel en marge de la ville et à proximité du Musée du Prado. Sur les Calle Felipe IV (N°8-12) et Academia (N°5-9), de hauts immeubles arborent d’élégantes façades habillées de brique sur lesquels balconnets en fer forgé et loggias de verre projettent leurs ombres délicates.
Le Prado
A côté du parc du Retiro, le Musée du Prado tint lieu de résidence royale durant tout le XVIIIe siècle, alors que s’élevait le nouvel Alcazar à l’ouest de la ville. En cette fin de siècle savante et encyclopédiste, Charles III décide la création d’un cabinet de sciences naturelles, d’un jardin botanique et d’un laboratoire astronomique. Miraculeusement épargné par la guerre d’indépendance, le bâtiment néoclassique de Juan de Villanueva devient, à l’initiative de Ferdinand VII, une pinacothèque. Destinée à recevoir les riches collections royales, elle est inaugurée en 1819, inauguration célébrée en façade par le relief de la porte Vélasquez. Admirable collection, une des plus prestigieuses au monde qui justifie à elle seule le voyage madrilène, elle réunit les œuvres des plus grands maîtres de la peinture européenne : de la peinture flamande avec Bosch, Dürer, Rubens, Van Dyck, Bruegel de Velours, etc. ; italienne avec Raphaël, Titien, Véronèse, Tintoret, Tiepolo, etc. ; et espagnole. Le Siècle d’or et son cortège de grands peintres, dont Le Gréco (1541-1614), Vélasquez (1599-1660), Ribera (1591-1652), Zurbaran (1598-1664) ou Murillo (1618-82), est admirablement représenté. Goya (1746-1828) tient une place remarquable dans cette précieuse collection. Parmi les tableaux les plus connus ou impressionnants se trouvent les deux Majas – nue et vêtue -, les portraits de la famille royale de Charles IV, les tableaux représentants les événements dramatiques de la guerre d’indépendance et la période noire du peintre dont Saturne dévorant son fils. En quittant le musée par la porte Murillo, opposée à la porte Goya, le Jardin botanique est l’occasion d’une intéressante et agréable promenade.

Madrid – Parc du Retiro – Monument Alphonse XII
Le parc du Buen Retiro
Le parc et les jardins du palais du Buen Retiro, ouverts à l’aristocratie madrilène à la fin du XVIIIe siècle, sont cédés en 1868 à la Ville qui les aménage en espace public. Il accueille le palais de Vélasquez Bosco, du nom de l’architecte, pavillon principal de la grande Exposiciòn de Minerìa, de 1883, consacrée aux industries sidérurgiques. Paré de briques, orné de céramique en frise, ce pavillon propose aujourd’hui, sous sa voûte de métal, des expositions temporaires. On doit au même architecte la serre dite « Palais de verre », destinée aux plantes exotiques de l’Exposition des Philippines de 1887. Sa structure de fer forgé porte de hautes voûtes diaphanes, sous une ossature métallique qui n’est pas sans rappeler le pavillon Baltard de Paris ou le Crystal Palace de Londres. Sculptures et fontaines, qui parsèment les allées du jardin, rendent hommage aux maîtres à penser, dramaturges et poètes de l’Espagne, célèbrent ses rois formant cortège vers l’imposant monument à la gloire d’Alphonse XII.
Musée Thyssen Bornemiza
Sur le Paseo del Prado, de l’autre côté de la Plaza Canova del Castillo qui entoure la fontaine de Neptune (1784), s’ouvre le musée Thyssen Bornemiza aménagé dans le palais néoclassique de Villahermosa de la fin du XVIIIe siècle. La collection du baron Heinrich Thyssen Bornemiza, augmentée par son fils, offre un parcours du trecento italien à l’art contemporain, dans des espaces aménagés par Rafael Moneo en 1992, date de l’inauguration de la collection. Quelques mois plus tard, l’Etat espagnol achetait la totalité des 775 chefs-d’œuvre jusqu’alors prêtés ; 60 d’entre eux sont exposés au monastère de Pedralbes, à Barcelone. La collection se répartit chronologiquement sur trois niveaux. Le deuxième étage va des primitifs italiens et flamands au XVIIe siècle hollandais ; le premier étage présente la peinture hollandaise du XVIIe siècle jusqu’à l’expressionnisme ; et le rez-de-chaussée est consacré à l’avant-garde jusqu’au pop art.
Les développements des XIXe et XXe siècles
L’urbanisation du quartier, initié par Charles III lors de l’aménagement en promenade du Paseo del Prado, se concrétise à la fin du XIXe et au début du XXe siècle où s’élèvent bâtiments officiels, banques et ministères, de la Plaza Emperadòr Carlos V à la Plaza de Colòn. Celle-ci se signale par les tours de Colòn élevées dans les années 1970. Au-delà, la Plaza de Colòn ouvre sur la grande avenue madrilène, la Castellana, creuset de l’architecture contemporaine dont les tours de la Puerta de Europa, inclinées l’une vers l’autre au-dessus de la chaussée, sont le symbole. A côté de la place de Colòn, la Bibliothèque nationale due à l’architecte néoclassique Francisco Jareño y Alarcòn (1865-1892) projette son élévation sur le Paseo de Recoletos. Les plus grands sculpteurs des années 1880 ont collaboré à son décor ; Agustìn Querol a réalisé l’allégorie des sciences sculptée au fronton de l’avant-corps central en façade. En 1895, on lui juxtapose le Musée national d’archéologie fondé en 1867 par Isabelle II. Ses collections, de la préhistoire à la fin du Moyen-Âge, comptent parmi leurs chefs-d’œuvre la Dame d’Elche et les couronnes wisigothiques de Guarrazar. La Plaza de Cibeles, aménagée autour de la fontaine de Cibele de 1785, est ceinte du palais de Buenavista, résidence des ducs d’Albe au XVIIIe siècle et devenu ministère des Armées ; de la Banque d’Espagne (1882-91) qui prolonge son imposante façade sur le Paseo del Prado, et de l’immeuble des Postes construit en 1905 et non moins monumental. Depuis la Plaza de Cibeles, les rues d’Alcalá, vers la Puerta del Sol, et Gran Via, vers la Plaza de España, inaugurent l’architecture Belle Epoque, introduite par l’immeuble de la Telefonica à la rencontre des deux axes. Plus haut dans la rue d’Alcalá, à la hauteur de la rue de Sevilla, sont réunis quelques exemples de cette architecture du tournant des XIXe et XXe siècles : la Banque de Bilbao Vizcaya, réalisée par Ricardo Bastida, dominée par de puissants quadriges ; le casino de Madrid (1910) de Farge, Esteve et Lòpez Sallabery ; l’immeuble de la Banque d’Espagne (1892), de José Grases Riera, dont des éléphants soutiennent le long balcon. Tout près se trouve la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando, l’Académie des beaux-arts, créée en 1756. Elle occupe depuis 1774 l’ancien palais du trésorier d’Elisabeth Farnese modifié par Diego Villanueva. Elle abrite une collection de peintures et de sculptures des maîtres espagnols : Morales, Ribera, Cano, Valdes Leal, Murillo… et réserve une salle entière aux œuvres de Goya dont la célèbre Tirana et le Portrait de Godoy, favori de Charles IV et amant de la reine. Les amateurs de sculpture ne manqueront pas le Massacre des Innocents de Ginès, commande de Charles IV pour une crèche de Noël et une Vierge des Douleurs du XVIIe siècle par Pedro de Mena. Le Paseo del Prado rejoint au sud la Plaza de Emperador Carlos V (Charles Quint) où, face à la gare d’Atocha, se dresse le Musée national de la reine Sofia, hommage à l’art contemporain.

Musée de la reine Sofia – Madrid
Musée de la reine Sofia
Dans l’ancien hôpital général, repris en 1776 à la demande de Charles III par Sabatini, Juan Carlos inaugurait en 1992 les collections permanentes d’art contemporain espagnol. Aux côtés des plus célèbres figures de l’art espagnol du XXe siècle, Picasso, Dali, et Miro, le musée retrace la participation de l’Espagne à la richesse et à la diversité de l’art actuel. Après le cubisme et le surréalisme, autour du mouvement catalan Dau el Set et du mouvement madrilène el Paso, sur les voies de l’abstraction, gravitent les noms d’Antoni Tapiès et d’Antonio Saura.
Aux environs de Madrid : résidences royales
Le Pardo
Au nord-ouest de Madrid sur les rives du Manzanarès, près de la Zarzuela où vit l’actuelle famille royale, le Pardo, ancien palais des rois de Castille remanié aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis aménagé pour Franco, se niche au cœur d’une forêt de chênes verts, ancienne réserve de chasse. Une collection de tapisseries, pour la plupart tissées à la manufacture royale de Madrid d’après des cartons de Goya, Bayeu, Gonzalès Ruiz, Van Loo, habille ses murs.
La Granja
Philippe V éleva La Granja au cœur de la Sierra de Guadarrama près de Ségovie, à quelque 2 000 m d’altitude près de la petite Granja, ferme des hiéronymites et à côté de l’Ermitage San Idelfonso. Le palais est achevé autour de 1735 par Juvarra et Sachetti, responsables du chantier de l’Alcazar madrilène. Juvarra signe la noble façade ouverte sur les jardins : 145 hectares livrés aux sculpteurs et paysagistes français au service de la monarchie espagnole. Auprès de la collégiale, édifiée dans le style baroque romain, le Panthéon royal abrite le tombeau du roi et de son épouse Elisabeth Farnese. La composition pyramidale porte les portraits sculptés des souverains et les allégories de la Charité et de la Renommée.
Aranjuez
Demeure royale depuis les Rois catholiques, les Bourbons font du palais d’Aranjuez, situé à 60 km au sud de Madrid, une des principales résidences de la couronne. Aussi, la ville, comme le palais, bénéficie des faveurs royales. Le palais de pierre et de brique, reconstruit par Giacomo Bonavia après un incendie en 1748, est augmenté par Sabatini de deux ailes en retour sur la façade, formant une large cour. Un des bijoux de l’édifice est le cabinet, dit Salon de porcelaine, revêtu de faïence en provenance de la fabrique royale du Buen Retiro. Les jardins sont un enchantement : le Jardín de la Isla sur le Tage, le Parterre à la française de Boutelou (1746) et les 150 ha du Jardín del Prìncipe (1763) en bordure du fleuve. Ce dernier compte le luxueux pavillon de Charles IV et Marie Louise de Parme, dit Casa del Labrador. La Casa de Marinos réunit les petites embarcations de plaisance qui emmenaient la cour en partance pour une minicroisière sur le Tage.
L’Escorial
En 1561, alors qu’il vient d’établir sa cour à Madrid, Philippe II décide la construction du palais de l’Escorial. Il le destine à être une résidence de repos, une nécropole pour les rois d’Espagne, confiée à la communauté des hiéronymites, en même temps qu’un centre d’études au service de la contre-réforme. Dans le granit de la Sierra de Guadarrama et avec un classicisme épuré, Juan de Herrera élève de 1567 à 1586 ce palais grandiose, dont Juan Bautista de Toledo dressa un premier plan en 1563. La dimension du bâtiment, distribué autour de 23 cours, la sévérité du matériau, la nudité des murs dont l’ornement se limite à l’emploi de l’ordre dorique, les élégantes toitures d’ardoise aux résonances flamandes… tout concourt à donner à l’édifice la solennité requise. L’Escorial doit être vu depuis la Silla de Felipe II à quelques kilomètres. Le monastère surgit alors des vastes étendues de pinèdes sur le flanc sud de la sierra. Avec la cour des rois de Judée, la basilique, pièce maîtresse du palais coiffée d’une gigantesque coupole, occupe tout l’espace central. Son chœur et les appartements de Philippe II autour de lui se détachent du vaste quadrilatère dessiné par l’ensemble. Dans les oratoires royaux, les groupes sculptés en orant de Charles Quint, de Philippe II et leur famille, chefs-d’œuvre du Milanais Pompeyo Léoni, glorifient les premiers souverains de la dynastie autrichienne. La chapelle, à gauche en entrant dans la basilique, abrite le splendide Christ en croix, en marbre blanc de Carrare, de Benvenuto Cellini (vers 1560) offert à Philippe II par les ducs de Toscane. Sous le chœur, accessible depuis la basilique, le Panthéon des rois paré de marbre, dû à Gomez de Mora au XVIIe siècle, accueille, enchâssées dans ses murs, les tombes royales aux cartouches de bronze doré. Le Panthéon des infantes réalisé seulement au XIXe siècle, réunit dans une suite de tombeaux de marbre, les reines, les consorts, les princes et les infantes. Un gisant en marbre de Carrare représente don Juan d’Autriche, fils naturel de Charles Quint, héros de la bataille de Lépante. La visite se poursuit par les appartements de Philippe II dont les chambres à coucher ouvrent sur le chœur de la basilique, par les salles du chapitre riches en peintures (Le Gréco, Ribera, Titien, Bosch, Véronèse, Tintoret) et par la belle bibliothèque située au-dessus du vestibule d’entrée. La voûte du Salon des imprimés, sur le thème des sept arts libéraux, est due aux pinceaux de l’italien Tibaldi. A 10 km de l’Escorial, Franco fit réaliser le mémorial aux morts de la guerre civile, El Valle de los Caídos. Dans la basilique souterraine creusée par les prisonniers politiques et surmontée d’une haute croix furent inhumés Franco et Primo de Rivera, fondateur de la Phalange.
Offices de tourisme
Plaza Mayor 3, tél. : 915 88 16 36 Duque de Medinaceli 2, tél. : 914 29 49 51 et 902 1000 07