La belle campagne du Fayoum

Statue Temple de Néfertari
Il fut un temps où le lac Qaroun couvrait toute la région correspondant au Fayoum. En se retirant, les eaux laissèrent un limon qui a donné avec un système d’irrigation intensive la végétation florissante du Fayoum moderne, « le jardin de l’Égypte ». Les pharaons de la XIIe dynastie firent creuser le Bahr Youssef (le « canal de Joseph ») qui commence au Nil près d’Assiout et pénètre dans l’oasis par une sorte de goulot près d’Illaoun. Pêches, mandarines, oranges, olives, figues de Barbarie, raisins et grenades poussent en abondance. Les routes sont ombragées par des dattiers, des tamaris, des acacias et des eucalyptus. L’intérêt du Fayoum, d’un point de vue archéologique, est rehaussé par sa beauté naturelle. Les vastes étendues cultivées, au vert rafraîchissant, arrosées par de nombreux canaux et des norias, contrastent avec les eaux gris-bleu du lac et les dunes ensoleillées du désert.
Medinet el-Fayoum, à 103 km du Caire, chef-lieu de province du Fayoum, elle était appelée Shedit à l’Époque pharaonique. Le « canal de Joseph » traverse la ville avant de se ramifier dans tout le pays. Au nord, les ruines de Crocodilopolis (ainsi dénommée par les ‘recs) où le dieu des eaux (le dieu crocodile Sobek) était vénéré comme à Kôm Ombo. Les crocodiles sacrés étaient honorés dans le lac du temple ; leurs pattes et leurs cous ornés de bijoux, ils venaient à l’appel des prêtres de Sobek se faire nourrir des produits des sacrifices.
L’oasis était déjà peuplée au Moyen Empire, mais était beaucoup moins étendue ; les pharaons de la XIIe dynastie y construisirent des temples et des pyramides. Leur capitale Shedit prit le nom d’Arsinoé quand Ptolémée II Philadelphe octroya à sa femme le rang de patronne déesse de la ville et de l’oasis. Aujourd’hui les restes des monuments du passé sont souvent en ruines hormis quelques temples bien conservés.
À Biahmou, il ne reste que 2 socles énormes des statues colossales de grès du roi Amenemhat III. Quand Hérodote les vit, ces socles baignaient dans les eaux du lac (autrefois dénommé lac Moeris) ; aujourd’hui ils sont entourés de palmeraies et de vignes.
Le lac Qaroun (Birket Qaroun). Bien que mesurant près de 50 km de long sur 10 m de large, sa profondeur moyenne n’atteint que 4 à 5 m : une bonne route y mène, on peut y pratiquer la pêche et la chasse aux oiseaux aquatiques. On chasse aussi, dans la région du désert, des lièvres et des gazelles. En traversant le lac en barque, on peut visiter les ruines de Dimé où s’élevaient une ville et un temple ptolémaïques dédiés à Isis. La localité se nommait à l’époque grecque : l’île de Soknopaios.
Au sud-ouest du lac sur une hauteur, dans le désert, on peut visiter les ruines de Qasr Qaroun, temple ptolémaïque pratiquement sans inscription. Ce monument est relativement en bon état ; le « soleil ailé » apparaît sur toutes les portes ainsi que l’uræus. Tout autour, les ruines de Dionysias, place fortifiée habitée jusqu’à l’Époque byzantine.
Medinet Maâdi
Le temple d’Amenemhat III et de son fils s’élève au milieu des sables du désert. Une avenue de sphinx en partie ensablés mène à l’entrée principale. Plusieurs reliefs sont encore en bon état. Il s’agit d’un des rares temples du Moyen Empire encore entier.
La pyramide de Hawara. Au-delà du village de Hawaret el-Makta, près d’un canal, s’élève la pyramide de Hawara, tombe d’Amenemhat III, construite en briques crues sur un noyau de roc, revêtue de blocs calcaires qui ont disparu. Le noyau a 12 m de haut et chaque côté de la base mesure près de 106 m. Il est facile de grimper au sommet.
Le Labyrinthe. Ce bâtiment était autrefois le temple funéraire relié à la pyramide. Hérodote et Strabon trouvaient ce monument plus important et plus vaste que tous les autres d’Égypte et de ‘rèce, méritant d’être cité parmi les Sept Merveilles du monde et ils lui ont donné le nom de Labyrinthe, tant ses pièces étaient nombreuses. De nos jours, il reste de ce temple très peu de choses : quelques tronçons de colonnes et des pierres brisées. On trouva dans la nécropole quelques tombes de la période gréco-romaine. C’est là que de nombreux « portraits du Fayoum », actuellement dans les musées, furent découverts.
Pyramide d’Illaoun. Cette tombe fut construite par Sésostris II en briques crues autour d’un noyau de roc calcaire. Le temple funéraire, la pyramide de sa femme et les tombeaux de princes et de nobles sont à quelques centaines de mètres.
Fayoum moderne. Les urnes sphériques, rouge foncé, du Fayoum sont renommées ; le goulot est entouré de plusieurs anses, ce qui facilite leur utilisation. Elles ne sont pas faites au tour ; la terre glaise est moulée dans d’autres urnes ; deux moitiés d’urne sont ensuite unies et les anses placées autour du goulot. Les pigeonniers sont faits également de pot d’argile, étagés en pyramide comme les cellules d’une ruche d’abeilles.
La sakiah (shadouf ou noria) est utilisée pour l’irrigation ; la grande roue verticale avec ses godets est mise en mouvement par un buffle, un âne ou un dromadaire, qui, les yeux bandés, tourne autour d’un arbre horizontal. Le shadouf, plus simple, utilise le système du levier ; il est manié par un ou deux fellahs. Les roues énormes des moulins à eau sont mises en mouvement par le courant rapide du canal, elles déversent les eaux d’irrigation dans les rigoles qui sont à un niveau plus élevé. On ne rencontre nulle part ailleurs en Égypte ces moulins dont la musique s’allie à la fraîcheur de la campagne.
Les portraits du Fayoum : c’est dans le Fayoum, particulièrement autour d’Hawara que, à la fin des années 1980, le marchand viennois Théodore Graf, acquit quelque 300 portraits de momies en bois peint qu’il exposa en Europe et en Amérique. Ces portraits provenaient de fouilles systématiques effectuées par l’archéologue britannique W. M. Flinders Petrie.
Les Grecs et les populations de cette région enterraient leurs morts sur des hauteurs, à l’abri des crues du Nil : les défunts les plus riches étaient momifiés. À l’origine, on déposait à côté du disparu, à l’intérieur de sa tombe, une tête de remplacement en pierre. On fabriqua par la suite des masques en bois doré ou en or pour aboutir à des portraits peints, soit sur un mince panneau de bois, soit un linceul fixé sur le visage.

Temple de Ramsès II – Abou Simbel
Ces portraits de momies furent appelés, en archéologie et en histoire de l’art, « portraits du Fayoum ». Issus de la tradition naturaliste grecque et peints souvent d’après nature, ces visages traités avec un réalisme surprenant, sont l’expression même de la vie. Alors que le style pharaonique avait eu tendance à idéaliser le portrait, ici l’artiste – souvent anonyme – représente les traits individuels et personnalisés du défunt. Les peintres n’hésitent pas, certes, à représenter la maladie ou la laideur du personnage mais grâce à ces portraits, les défunts continuent de vivre. Techniquement, certains sont peints à l’encaustique, d’autres à la détrempe ; ils sont peints soit sur bois, soit sur toile, certains ne représentent que la tête, d’autres le corps entier.
On a trouvé à ce jour plus d’un millier de ces portraits ; on peut en admirer un bon nombre dans les musées du Caire (Musée égyptien, salle 14, au 1er étage), de Paris, de Londres ou de Berlin. Le musée du Louvre a le privilège de posséder le fruit des découvertes effectuées à Antinoë (Antinoopolis), ville fondée par l’empereur Hadrien à la mémoire de son favori Antinoüs noyé dans le Nil. Antinoë est la seule ville où l’on a exhumé à la fois des masques plastrons en plâtre, des linceuls à portraits peints et des portraits peints à l’encaustique sur bois. André Malraux voyait dans le regard de ces portraits « une veilleuse de vie éternelle».