Athènes : l’Acropole

Athènes est un revenant. Disparu de la scène pendant un millénaire et demi, le vieux bourg de Périclès a mis un siècle seulement pour enfler de 10 000 à 4 millions d’habitants – le tiers de la population du pays ! Cela ne va pas sans hiatus. Pourtant, passé le choc du premier contact, on découvre une ville intimiste avec ses espaces verts, ses musées minimalistes et ses vieux quartiers rajeunis qui vivent à leur maximum avec la venue du soir.

Athènes, la fébrile

Athènes (Athina, en grec) ne se limite pas à l’Acropole. C’est pourtant tout ce qu’on en voit lorsqu’on s’embarquer pour les Cyclades ou gagner avant son hôtel-club du cap Sounion. Athènes est avant tout une capitale centraliste qui a su garder son pittoresque en dépit d’une industrialisation éclair, d’une bureaucratie ubuesque et d’un urbanisme qui, grâce à trois lignes de métro et aux travaux titanesques des derniers Jeux olympiques, commence à peine à s’affranchir de ses embouteillages proverbiaux. Active, jeune, culturelle, complètement relookée, Athènes est devenue une destination de week-end au même titre que Londres ou Barcelone; qui plus est, elle se trouve au centre d’une région agréable et intéressante, à deux-trois heures d’Epidaure, de Delphes et de Corinthe.

Acropole, Athènes, Grèce

Acropole, Athènes, Grèce © massonth / flickr

L’Acropole

Métro Akropolis. Ouvert tous les jours de 8 h à 18 h 30, mêmes horaires pour le musée, tél. : 32 10 219. Entrée payante.

En grec, akropolis veut dire tout simplement « ville haute ». Des acropoles, il y en a dans toute la Grèce et l’Asie Mineure ; à Corinthe, à Lindos, à Smyrne… Mais une seule a droit à la majuscule, celle d’Athènes. Plus d’un touriste a pris l’Acropole en grippe : la cohue, les barrières qui empêchent de flâner sous les colonnades, le soleil de midi qui rend la pierre blafarde… Et pourtant ! Cette citadelle n’est pas qu’une ruine antique, elle cristallise toute l’histoire de la Grèce. Au XIXe siècle, cela sautait tout de suite aux yeux : avant de fouler un socle (pas encore revêtu d’estrades) qui avait été une place forte naturelle à l’époque préhistorique, on découvrait les Propylées – l’entrée monumentale – en passant par la pénombre d’une poterne turque, pour refaire surface au pied d’un donjon bâti par les croisés français. Les archéologues ont détruit tout cela, n’accordant le droit de survie qu’aux temples portant l’estampille du siècle de Périclès. Les restaurations (qui sont loin d’être finies) se poursuivent également dans cette voie, épurant en quelque sort l’Acropole et en lui donnant un aspect presque virtuel, à contempler à distance, sans s’en imprégner.

Les Propylées

Elles forment l’entrée monumentale de l’Acropole, présentant un front de cinq colonnes encadrées par deux ailes, de taille différente. Les Propylées furent réalisées après le Parthénon. Malgré leurs dimensions colossales, elles auraient gêné le passage des énormes linteaux destinées au temple. A l’époque franque, c’est dans les Propylées que les ducs d’Athènes installèrent leur palais. Ils y adossèrent une tour de surveillance, au sud, dont on distingue encore les fondations carrées. Juste à la sortie des Propylées se trouve le socle de la célèbre statue d’Athéna, aujourd’hui disparue. En bronze, signée Phidias, elle dominait l’Acropole de ses 9 m ; et par beau temps, l’éclat de son casque d’or servait de repère aux capitaines rentrant au Pirée. L’œuvre fut emportée à Constantinople par les Byzantins où, malgré sa taille peu discrète, on a perdu sa trace !

Le temple d’Athéna Niké
Le nom peut prêter à rire pour diverses raisons, mais Niké est tout bonnement la personnification de la Victoire. Pour l’héberger, ce petit temple (au regard du Parthénon !) est construit dans le style ionique. Les frises qu’on voit encore dépeignent les défaites infligées aux Perses. Niké forme un couple avec Diké, le Destin. Représentée avec des ailes, elle devient une des « formes » d’Athéna. Pourtant, la statue vénérée ici n’avait pas d’ailes. Cela fit dire qu’on les avait rognées pour l’empêcher de se sauver ! Il s’agit, en fait, d’une divinité plus ancienne, qui ne volait pas aussi bien que les Victoires athéniennes, mais qui témoigne d’une certaine continuité.

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C’est à Athéna Niké (« Athéna Victorieuse ») qu’une célèbre marque de chaussures a emprunté son nom – qu’on doit d’ailleurs prononcer « naïki », ce que peu de sportifs français savent !

Le Parthénon

Bien qu’il ait subi les inconvénients de réfections ambitieuses, la pièce maîtresse de l’Acropole reste le Parthénon. Son nom est une allusion au surnom de « Déesse vierge » (Parthenos) que porte Athéna. C’est encore Phidias qui en supervise la construction au Ve siècle avant notre ère et le fait couvrir de bas-reliefs mythologiques et de peintures. A l’intérieur se dressait alors une Athéna en ivoire et or, d’un style analogue à celle d’Olympie. Derrière se trouvait une autre salle de culte, réservée au clergé – comme dans les églises orthodoxes actuelles. Ce temple colossal n’est pourtant pas l’objet de rituels importants mais plutôt le siège d’une économie bien réglée, car le trésor d’Athènes était placé ici, sous l’œil de chouette de la divinité. A l’époque byzantine, le Parthénon est consacré à la « Sagesse divine » (Agia Sofia) et son intérieur couvert de mosaïques. A l’arrivée des Francs, il devient la cathédrale Notre-Dame-d’Athènes. Enfin, quand les Ottomans convertissent l’Acropole en arsenal, le Parthénon se réveille flanqué d’un minaret : au milieu des 46 colonnes se dresse la mosquée de la garnison, avec son minaret. En 1687, pendant un siège, le tir de bombes sur la réserve de poudre provoque une explosion qui défigure le monument en creusant un immense vide en son centre. En 1801, Lord Elgin propose de protéger le meilleur de ses frises… au British Museum. Aujourd’hui, grâce à des moulages et des colonnes reconstituées, le Parthénon retrouve un peu de son apparence initiale. Des négociations sont régulièrement entamées pour obtenir de la Grande-Bretagne le retour des vrais bas-reliefs. En 2006, l’université de Heidelberg, puis en 2008 l’Italie ont montré l’exemple, renvoyant à la Grèce des fragments volés il y a deux siècles. On a même retardé la construction du nouveau musée de l’Acropole, espérant un geste de l’Angleterre… en vain.

L’Erechtéion

Son nom vient d’Erechtée, un roi d’Athènes légendaire, mais le bâtiment est consacré aux deux protecteurs de la ville, Poséidon et Athéna. C’est ici, et non au Parthénon, que se déroulait le véritable culte à Athéna, ainsi que les Panathénées, l’hommage annuel qu’on lui rendait. Malgré son beau style ionique, côté face, l’Erechtéion est plus connu pour son côté pile et ses six jeunes filles soutenant leur dais de pierre. Ce sont les Caryatides, sculptures prédestinées puisqu’à l’époque turque, le bâtiment abritait le harem du gouverneur. Les originaux sont au nouveau musée de l’Acropole.

Autour de l’Acropole

Un tout nouveau parcours archéologique vous fait zigzaguer entre marbres et cyprès, avant de vous lâcher dans les rues embaumées d’un quartier chic. Sur le flanc sud se trouve le théâtre de Dionysos : Aristophane, Sophocle, Euripide y ont fait jouer leurs meilleures pièces. Au-dessus bâille la grotte de la Panagia Spiliotisa (Notre-Dame-Sous-Terre), gardienne des enfants. Plus à l’ouest, au bout du portique d’Eumène, le théâtre de style romain est l’odéon d’Hérode Atticus. De juin à septembre, musiciens, rockers et acteurs y chauffent le public du festival d’Athènes. Au pied de la colline boisée de Filopappos – alias « Musée », le séjour des Muses, divinités de l’Inspiration –, résonnent les tribunes de roc de la Pnyx (littéralement : « l’étouffoir »). Face à elle, les quelques milliers de citoyens d’Athènes se serraient comme des sardines pour vivre la démocratie, en direct, soumettant au vote les décisions, tirant au sort les 500 députés. Les bannissements, eux, avaient lieu sur l’Agora, et le jugement des crimes sur la proche colline de l’Aéropage, où siégeait un conseil des Anciens.

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C’est à la Pnyx qu’a lieu, d’avril à octobre, le son et lumière de l’Acropole (en français à 22 h, sauf mardi et vendredi).

Le nouveau musée de l’Acropole
Cet élégant cube de verre prend le relais du musée de 1865, toujours trop étroit en dépit des rénovations régulières : 1 400 m2 contre 14 000 pour le nouveau. Il présente 4 000 pièces archéologiques, parmi lesquels des objets cultuels, des statues votives, des fragments de frise ou les Caryatides en VO. Le complexe a été conçu par Bernard Tschumi (créateur du parc de La Villette !) et Mihalis Fotiadis. Les prouesses du multimédia remplaceront-elles les bas-reliefs londoniens ? Pourquoi pas, puisque, de toute façon, le Parthénon lui-même est devenu comme virtuel derrière ses barrières farouchement gardées. Toucher, flairer, lever les yeux vers la pesanteur écrasante des linteaux et des perspectives conçues il y a 3 500 ans : les impressions sont désormais réservées aux livres… ou aux DVD. Le musée est l’objet d’un débat : ses 25 m dépassent les normes athéniennes et son site était interdit à la construction. A raison, puisqu’on y a trouvé de nombreuses maisons antiques ; une verrière permet de jeter un œil sur ce qui a été épargné. Il est vrai qu’un budget de 130 millions d’euros était en jeu !

Héroïque Acropole

Le 28 octobre 1940, quand Mussolini envoie un ultimatum d’allégeance au gouvernement grec, celui-ci fait connaître sa réponse par une banderole au fronton du Parthénon : « Ohi ! » – « C’est non ! » Ce jour est commémoré chaque année. Pour autant, avec l’intervention d’Hitler, la Grèce est finalement vaincue. Le 27 avril 1941, une petite troupe de la Wehrmacht monte vers l’Acropole. Arrivée au pied du mât qui s’y dresse, elle ordonne au factionnaire, un certain Konstantinos Koukidis, d’enlever les couleurs grecques pour hisser la croix gammée. L’evzone obéit. Il descend l’étendard, le détache ; mais au lieu de le tendre à l’ennemi, il s’enroule dedans et se jette dans le précipice. Une plaque immortalise son terrible pied de nez.

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C’est de la voie piétonne Dionysiou-Aeropagitou que vous verrez l’Acropole sous son angle le plus écrasant.Musée du Bijou Ilias LalaounisKariatidon, 4 A. Ouvert du mardi au mercredi de 9 h à 21 h, du jeudi au dimanche de 9 h à 15 h.Il présente 4 000 pièces anciennes et contemporaines, issues d’une cinquantaine de collections. Ilias Lalaounis, le fondateur, était lui-même orfèvre. Il a travaillé, entre autres, pour Jacqueline Onassis et Elizabeth Taylor, et forgé l’épée d’académicien de Iannis Xénakis.

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