La musique 

Le griot 
La musique traditionnelle reste très vivace au Sénégal et met en relief, en particulier, les talents multiples du griot. Autrefois attaché à la cour d’un souverain, le griot en constituait à la fois le bouffon, craint et méprisé pour ses louanges trop flatteuses des grands, un barde chantant et mimant les hauts faits des rois africains, et un généalogiste détenteur des traditions et en particulier du droit. Avec la disparition des empires et des royaumes noirs, le griot a retrouvé son indépendance et va de ville en ville, de village en village trouver une clientèle de notables capable de rémunérer ses services. Parfois il reçoit quelques piécettes pour un éloge impromptu chanté dans un bar ou sur une place publique, mais parfois encore il est grassement payé car il ajoute à la pompe d’un mariage, d’une naissance ou d’une autre grande cérémonie civile de la vie des riches. Pour s’accompagner, le griot sénégalais utilise souvent un instrument de musique à cordes ou à percussion : plusieurs sortes de luths (khalam), de vielles monocordes (riti des Wolofs et gagnour des Toucouleurs), la kora (harpe-luth à 21 cordes), des tam-tams (notamment le tam-tam d’aisselle tama dont la sonorité varie par une pression des bras sur les tendeurs), des gourdes-calebasses frappées (chez les Sérères et les Toucouleurs), et le merveilleux xylophone « balafon » (surtout en Casamance) qui rythme les danses. Pour jouer du balafon, le musicien se tient devant l’instrument posé à terre et fait vibrer les lames de bois au moyen de deux bâtons aux extrémités enveloppées de latex ou de résine. Le son est amplifié grâce à un système de résonateurs de différentes tailles faits de fruits de calebassier. 

Musique d’aujourd’hui 
De nos jours, il existe une musique de variété très riche et rythmée dont les interprètes sont devenus des vedettes pour le grand public européen et se produisent dans les plus grandes salles de concert, à la télévision et dans les boîtes à la mode : Xalam, Touré Kunda, Super-Diamono, Youssou N’Dour, etc. 

La peinture sur verre 

Les « fixés sous verre » – appelés, familièrement « souwère » au Sénégal –, font partie de la peinture populaire traditionnelle et font office à la fois d’icônes, de portraits de famille, et… de « chromos des PTT ». Cette technique s’est développée au XIXe siècle quand un gouverneur français eut la malencontreuse idée de mettre un frein à l’expansion de l’islam au Sénégal en interdisant aux pèlerins de retour de la Mecque de diffuser des images pieuses autour d’eux. N’ayant pu confisquer toutes ces images, il ne put non plus en arrêter les innombrables copies effectuées sur place par des peintres-artisans sénégalais. De plus, cette époque voyait l’essor de la photographie sur plaque. Très vite, les artisans récupérèrent des morceaux de verre mis au déchet qu’ils grattèrent et peignirent avec des couleurs du commerce. 
Les premiers « souwères » représentaient essentiellement les épisodes interdits de la vie du Prophète et des grands marabouts sénégalais. Puis les artisans se firent portraitistes de quartier et dessinèrent des familles entières dans les poses conventionnelles en vogue chez les photographes officiels. Leur imagination et leur humour satirique firent voler en éclat ces formes compassées et ils traitèrent ensuite de la vie de famille (scènes de ménage hilarantes), des tracas de la vie quotidienne (arrestations de voleurs, embouteillages), des charmes de la vie en brousse (retour des bergers, lutte traditionnelle, pilage du mil et préparation des repas)… sans oublier d’innombrables « images d’Epinal » puisant dans l’histoire des anciens royaumes sénégalais.

Les arts contemporains 

Gouvernés pendant vingt ans par un président-poète (Léopold Sédar Senghor) qui abandonna sa charge peu avant d’entrer à l’Académie française, le Sénégal avait fait une percée foudroyante dans le monde des intellectuels et des artistes. C’est à Dakar que se déroula en 1966 la première édition du fameux Festival mondial des arts nègres, en présence des intellectuels du monde entier, et en particulier du romancier-ministre André Malraux. A l’époque, les chroniqueurs européens avaient été émerveillés par cette extraordinaire éclosion de tous les arts (théâtre, cinéma, peinture, sculpture, littérature) au point qu’ils n’avaient pas hésité à surnommer avec emphase le Sénégal « la Grèce noire ». Il faut préciser que le rayonnement intellectuel du Sénégal avait commencé bien avant l’indépendance, lorsque Dakar était la capitale de l’AOF. Là se formaient toutes les élites africaines qui deviendront par la suite les leaders de la politique, de l’économie et de la culture dans les futurs Etats indépendants de Côte d’Ivoire, du Sénégal, de la Guinée, du Togo, du Mali, du Niger, du Burkina-Faso, de la Mauritanie, etc. Parmi les institutions lancées au temps de Senghor figurent le Théâtre national Daniel Sorano, le Musée dynamique, la Manufacture des arts décoratifs de Thiès, l’Ecole des arts plastiques, le Conservatoire de musique et de danse, l’Ecole d’architecture et d’urbanisme, etc. 

La littérature 

La littérature contemporaine d’expression française ou arabe est riche et dynamique. Elle permet de comprendre ce pays à la société complexe et variée. Driss Chraïbi né en 1926, s’il est le doyen de ces écrivains n’en est pas moins le plus insolent. Le Passé simple, son premier livre paru en 1954, dénonce l’archaïsme de la société musulmane, Les Boucs traite des travailleurs immigrés et Une Enquête au Pays introduit son personnage fétiche, L’inspecteur Ali, que l’on retrouve dans ses ouvrages suivants. Brouillon et roublard, il mène des enquêtes qui n’en sont pas mais entraîne le lecteur au c’ur d’un Maroc populaire et profondément authentique. L’Inspecteur Ali devient le titre d’un roman en forme de bilan pour l’auteur de Retour au pays avec femme et enfants, auréolé de sa notoriété mais dont l’humour n’est pas absent. La renommée de Tahar Ben Jelloun, né en 1944 à Fès, qui reçut le prix Goncourt en 1987 pour La Nuit Sacrée n’est plus à faire. On peut lire aussi l’Enfant de sable ou les Yeux baissés. Mohamed Choukri, né en 1935 dans le Rif, écrit en arabe qu’il n’a appris à lire et écrire qu’à l’âge de 20 ans. Il quitte rarement Tanger. Son livre, le Pain nu, est si cruel pour son père et son enfance qu’il fut interdit au Maroc. Mohamed Kheir-Eddine est lui originaire de Tafraout où il est né en 1942, il a publié Moi l’Aigre, Agadir et Légende et vie d’Agoun Chich. 

Dominant le monde des lettres sénégalaises, Léopold Sédar Senghor s’était illustré avant la dernière guerre en lançant le mouvement de la « négritude » avec les poètes antillais Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas. Il avait un but à la fois politique, éthique et culturel dans cette Afrique colonisée où les Noirs n’avaient pas voix au chapitre. Comme la définissait Césaire, « la négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir et l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture ». Au plan politique, cela signifiait que tous ces intellectuels s’engageaient pour obtenir l’indépendance. Au plan culturel, ils plongeaient dans la tradition africaine pour s’y enraciner à nouveau. Au lieu d’être un fruit sec, ce mouvement réussit sur tous les plans, en Afrique et au Sénégal en particulier. Senghor fut le père fondateur de la nouvelle nation et, poète, livra d’excellents recueils : « Chants d’ombre », « Hosties noires », « Ethiopiques », etc. Il entraîna tout un éblouissant phalanstère d’intellectuels : Alioune Diop, fondateur de la revue et des éditions Présence africaine, l’historien Cheikh Anta Diop, le poète David Diop (« Coup de Pilon »), le conteur Birago Diop (« Contes d’Amadou Koumba »), les auteurs dramatiques Abdou Anta Ka ( « La Fille des dieux », « Gouverneur de la rosée », etc.) et C. Aliou Ndao (« L’Exil d’Albouri »), le romancier-cinéaste Ousmane Sembene (« Le Mandat », « Les Bouts de bois de Dieu », etc.), et les romanciers Ousmane Socé Diop (« Karim, roman sénégalais ») et Abdoulaye Sadji (« Maïmouna »). 

Les arts plastiques 

Dans le domaine de la peinture, les talents ont été si nombreux qu’ils ont donné naissance à « école de Dakar » dont les plus célèbres représentants sont Iba Ndiaye, qui aime représenter des scènes de marché, des jazzmen et la fête de la tabaski (sacrifice des moutons), le charmant peintre naïf Mbor Faye, les excellents décorateurs et cartonniers Papa Ibra Tall et Ibou Diouf, le peintre d’histoire Alfa Diallo, etc. Tout récemment, une nouvelle génération d’artistes s’est révélée avec Jacob Yacouba, portraitiste et peintre de la femme, et quelques autres : M. Diop, T. Cherif, T. Diouf, S. Sayou, A. Seck, W. Sagna. Dans le domaine de la sculpture, Cheikh Makhone Diop, originaire de Rufisque et dont les enfants perpétuent dans leur atelier de Diourbel la technique du bronze à la cire perdue, a fait revivre les grandes heures de l’histoire sénégalaise grâce à ses statues, notamment la grande figure du Damel du Cayor : Lat-Dior sur son cheval Malaw. Une institution comme la Manufacture des arts décoratifs de Thiès a joué un rôle considérable dans l’histoire de l’art sénégalais en donnant aux peintres la possibilité de réaliser des cartons pour de grandes tapisseries. Les cartonniers les plus réputés sont Papa Ibra Tall (ancien directeur de la manufacture), Boubacar Goudiaby, Bocar Diong, Ansoumana Diedhou, Bakary Dieme et Diatta Seck. 

Le cinéma 

En réalisant en 1954 et 1955 « Afrique sur Seine » et « C’était il y a 4 ans », deux courts-métrages en noir et blanc, Paulin Soumanou Vieyra lance le cinéma africain. Mais c’est à Ousmane Sembène qu’échoit l’honneur de lui avoir donné une réputation internationale et de l’avoir fait entrer dans les grandes salles. Dans « Le Mandat » (1968), « Emitaï », « Ceddo » ou « Xala », il traite de l’histoire coloniale du Sénégal et s’adonne à une satire féroce des nouveaux riches et des puissants. Autres réalisateurs de talents : Safi Faye (« Lettre paysanne », chronique de la vie au village), Djibril Diop, qui a tenté de découvrir une nouvelle écriture cinématographique dans « Touki-Bouki », M.J. Traoré (« Sarax-si »), etc. 

Les arts de la fête 

La nuit, la culture s’exprime aussi au Sénégal. Coté gradins, la danse traditionnelle se montre au théâtre Daniel Sorano et dans certains grands hôtels de Dakar, Sali-Portudal et Banjul, et la lutte traditionnelle s’admire à Dakar (au stade Iba Mar Diop), à Banjul et en Casamance. Côté piste, les discothèques en vogue à Dakar, Banjul et Ziguinchor accueillent souvent d’excellents orchestres comme les Touré-Kunda, Super-Diamono, ou Youssou N’Dour.

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