
Ruines romaines de Volubilis
Pays d’anciennes civilisations, le Maroc dispose de nombreux sites historiques. De la préhistoire, subsistent quelques gravures rupestres dans l’Atlas et dans le Sahara ainsi que le cromlech (pierres dressées) de M’Soura entre Asilah et Larache. Les sites antiques sont plus prestigieux, notamment ceux de Lixus et Volubilis et leurs splendides mosaïques romaines. Au musée archéologique de Rabat sont rassemblés les objets découverts au cours des fouilles archéologiques. Mais c’est l’art islamique qui atteignit au Maroc la perfection et l’épanouissement s’enrichissant de toutes les influences, notamment andalouses, et donnant naissance à l’éblouissant art hispano-mauresque. Les différentes dynasties qui se sont succédées au cours des siècles ont souvent détruit ou modifié les constructions de leurs prédécesseurs mais ont aussi fait ‘uvre de créateurs en bâtissant mosquées, médersas et palais. Quatre grandes villes, qui furent autant de capitales du royaume, bénéficièrent de cette créativité, ce sont les villes impériales de Fès, Meknès, Rabat et Marrakech. Nul architecte de renom, nulle école artistique particulière mais l’impulsion de souverains austères ou fastueux a permis cet art profondément populaire.
Architecture et art décoratif
Les Mosquées
La mosquée est le monument symbole de l’art islamique. Au Maroc l’entrée en est interdite aux non musulmans avec deux exceptions : les ruines de la mosquée Hassan à Rabat et la mosquée de Tin Mal dans l’Atlas, récemment restaurée. Extérieurement l’aspect des mosquées reste simple, souvent massif, seuls le minaret et la porte d’entrée peuvent présenter des ornementations. Elles sont généralement couvertes d’un toit de tuiles vertes et vernissées. La mosquée s’articule autour d’une cour bordée de portiques avec, en son centre, un bassin ou une fontaine plus ou moins ouvragée nécessaire aux ablutions rituelles. La salle de prière, divisée en plusieurs nefs soutenues par des colonnes, la prolonge sur un côté. Dans le mur du fond est placé le mirhab, une niche souvent admirablement décorée indiquant la direction de La Mecque. L’imam monte sur le minbar, la chaire d’où il prononce le prêche du vendredi. Le minaret est une tour surmontée d’un lanternon couvert d’un dôme qui domine l’ensemble de l’édifice et au sommet duquel monte le muezzin pour lancer les cinq appels quotidiens à la prière. Souvent les minarets hispano-mauresques sont de plan carré et portent de très beaux décors, remarquables sur la koutoubia de Marrakech et la tour Hassan de Rabat. Les médersas sont des universités de théologie hébergeant les étudiants. Apparues en Orient, elles se sont développées au Maroc à partir de XIIIe siècle et la plupart d’entre elles se visitent. Leur plan s’inspire de celui des mosquées en s’articulant autour d’une cour centrale ornée d’un bassin. Tout autour courent des galeries qui desservent les chambres des étudiants. Une salle d’ablutions et une salle de prière dans laquelle avaient aussi lieu les cours viennent compléter l’édifice.
Les fortifications
Pays de sultans batailleurs, le Maroc compte de nombreuses villes fortifiées. Dans les villes de l’intérieur, les remparts sont pour la plupart en terre, consolidés par des tours et parcourus par un chemin de ronde protégé de remparts. Les portes monumentales sont souvent des chefs-d »uvre d’architecture. En pierre taillée, parfois de différentes couleurs, ouvertes par un arc outrepassé, de plein cintre ou brisé, leur encadrement déploie un décor sculpté utilisant toutes les ressources de la calligraphie, des motifs floraux ou géométriques. Sur les côtes, les villes ont souvent été fortifiées par les conquérants portugais et espagnols qui y établissaient des comptoirs sur leurs routes transatlantiques.

Marrakech – Koutoubia
Palais et maisons
Parmi les palais construits par les souverains du Maroc, le plus ancien est celui de el Badia à Marrakech, édifié par le souverain saadien Ahmed el Mansour ; malheureusement il fut pillé et ruiné par ses successeurs. A Meknès, on visitera les ruines du palais de Moulay Ismaïl, souverain alaouite. Seules de magnifiques demeures du XIXe siècle sont parvenues jusqu’à nous tels le Dar Si Saïd et le palais de la Bahia à Marrakech, la kasba des Oudaïa à Rabat ou encore le Dar Jamaï à Meknès. Ces habitations témoignent d’un art de vivre raffiné. Fermées de l’extérieur, elles s’ouvrent sur une ou plusieurs cours intérieures agrémentées de jardins et de fontaines et entourées de galeries. Les différentes pièces sont abondamment décorées de motifs peints, sculptés dans le bois, le stuc ou bien réalisés en céramique.
Les éléments du décor
Les premiers supports de l’art hispano-mauresque sont la pierre sculptée et la brique pour les décors extérieurs des minarets et les portes monumentales. La mosaïque de terre émaillée probablement dérivée de la mosaïque byzantine apparaît dans les décors intérieurs au XIVe siècle. Elle s’exécute avec des zelliges, des carrés de terre cuite émaillée, assemblés selon des motifs géométriques ornant les sols comme les murs. La céramique champlevée est utilisée pour la décoration épigraphique, sur une plaque de céramique sombre, le motif est alors travaillé en relief. Le stuc orne les plafonds et les arcs des portes. Appliqué sur une surface hérissée de clous, il est sculpté encore frais en dentelles ou stalactites. Le bois, aussi travaillé avec une grande finesse et parfois peint, habille la partie haute des murs. En contraste avec le stuc, il se décline en corniches, auvents, plafonds. Les moucharabiehs sont des « grillages » en bois ou des balcons à claire voie en bois ouvragé. Le décor hispano-mauresque est essentiellement abstrait, la religion musulmane interdisant toute représentation d’êtres vivants. Les artistes ont donc puisé leur inspiration dans les motifs géométriques, floraux ou épigraphiques qu’ils ont varié à l’infini. Dans le décor géométrique, octogones, triangles, losanges, étoiles se côtoient ; les entrelacs superposent lignes droites, festons, treillis ; l’arabesque se déploie dans les décors floraux constituant une tige stylisée. La végétation est utilisée avec exubérance, les motifs floraux qui se répètent le plus souvent sont les palmes, les pommes de pin, les fleurs dans leur infinie variété et qui répondent à celles naturelles qui ornent les jardins intérieurs. La calligraphie est un élément caractéristique du décor marocain, l’écriture andalouse maghrébine prime avec ses volutes élégantes, ses pleins et ses déliés. Généralement les inscriptions calligraphiées sont disposées horizontalement au-dessus des zelliges, traditionnellement elles comportent un verset du Coran ou un hadith du Prophète, parfois un poème. La plus courante de ces inscriptions est la basmala ou l’ouverture du Coran : « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux ». Cette formule se trouve alors sublimée par toutes les combinaisons graphiques auxquelles elle se prête et doit entraîner le lecteur sur le chemin de la révélation avec tous les détours que cela implique. Les arts marocains n’appartiennent pas au seul passé, les savoirs faire, enrichis de nouveaux apports restent une tradition vivante et créative, remarquable dans les souks où les artisans continuent d’exposer leurs créations.
Les riyads
A l’origine, les riyad sont des jardins d’inspiration andalouse. Par extension, on appelle riyad, l’ensemble des bâtiments qui entourent le jardin. Dans la médina de Marrakech ou dans celle de Fès, nombre de maisons abritent plusieurs générations d’une même famille et l’habitation s’articule autour du jardin synonyme de havre de silence et de fraîcheur. Leur opulence varie selon la richesse du propriétaire mais ils obéissent tous à certaines règles d’aménagement. Au centre, se trouve un bassin d’irrigation dont le rôle est aussi de donner un sentiment d’espace. Autour sont disposés des orangers et des basilics pour leurs parfums, puis le jardinier laisse libre cours à sa fantaisie et plante des géraniums, des lauriers roses, des bougainvillées… et si l’espace s’y prête des cyprès, des palmiers nains, des treilles. Souvent, la façade de la maison ornée d’arabesques ou de carreaux de faïence renvoie au jardin son exubérance.
Les kasbas

Kasbah – Telouet
Les kasbas sont des demeures familiales fortifiées (tighremt), le plus souvent regroupées en hameaux collectifs, ou rattachées à des villages (ksour) eux-mêmes protégés de remparts. Seuls les caïds ou les pachas disposaient de kasbas isolées, souvent situées sur une position dominante, véritables expressions de leur autorité. Quatre tours d’angle entourent la construction centrale, où pièces d’habitation et magasins encerclent une cour intérieure ou patio. Les murs sont en pisé ‘ véritable béton de terre et de paille tassé entre deux planches de bois ‘ et reposent parfois sous un soubassement de pierre. L’ornementation extérieure des parties hautes est réalisée en briques crues (adobe), qui permettent des décorations en creux et en relief où joue la lumière. Les transformations, voire les reconstructions successives, rendent difficile la datation des kasbas. Convenablement entretenu, ce genre d’édifice peut durer des siècles. Mais l’exode rural et l’abandon de ce type d’habitat au profit de maisons individuelles risquent de condamner, à terme, l’existence de ces magnifiques architectures : désaffectés ou faute d’entretien, les tighremt ne résistent guère plus d’un siècle’
Le Maroc et les peintres
Le Maroc a su inspirer de nombreux artistes étrangers, le premier d’entre eux fut le peintre français Eugène Delacroix (1798-1863) venu en 1832 en compagnie d’une ambassade diplomatique envoyée par Louis-Philippe et qui dura six mois. Ébloui par la lumière, fasciné par le chatoiement des costumes et la richesse des décors, il lança la vogue de l’orientalisme en Europe. Dès lors, le voyage en Orient devint pour les peintres une recherche de l’inspiration, de la lumière et des couleurs. Le peintre espagnol, Francisco Lameyer y Brenguer (1825-1877), les Français Alfred Dehodencq (1822-1882) et Emile Vernet-Lecomte (1821-1900) suivent Eugène Delacroix et représentent des scènes de mariages ou de fêtes hautes en couleurs. Henri Regnault (1843-1871) et Georges Clairin (1843-1919) séduits par l’art hispano-mauresque en Andalousie s’installent à Tanger en 1868 mais la guerre franco- prussienne de 1870 les oblige à rentrer en France. Clairin revient en 1872 avec Jean-Joseph Benjamin Constant (1845-1902) et accueille Mariano Fortuny y Marsal, chef de file de l’école orientaliste espagnole. Ils sont fascinés par le raffinement des palais, la cruauté supposée des m’urs, la sensualité des harems. Le Belge Théo Van Rysselberghe, venu en délégation saluer le sultan du Maroc au nom du roi Léopold II, fit un portrait de Moulay Hassan. D’autres peintres s’attachèrent aux scènes de rues comme le Britannique Edmund Aubrey Hunt (1855-1922) et un peu plus tard le Français Adolphe Gumery (1861-1943). Le plus illustre de tous reste certainement Henri Matisse (1869-1945) venu à Tanger en 1912 et dont la rencontre avec le Maroc influença toute le reste de son ‘uvre. A partir des années 1920, Lyautey encouragea les artistes à venir au Maroc. L’un d’entre eux s’y fixa définitivement, Jacques Majorelle (1888-1962) dont on peut visiter l’atelier à Marrakech. Et d’autres peintres suivirent Albert Marquet, Raoul Dufy, Kees Van Dongen, Nicolas de Staël et Gabriel Rousseau membre de la « Kasbah », l’association des peintres français du Maroc fondée en 1924. Si le Maroc a été une source d’inspiration pour de nombreux peintres européens, il a aussi permis l’émergence d’artistes marocains. Leurs créations puisent dans le patrimoine artistique exceptionnel de leur pays : zelliges, poteries, enluminures, calligraphie… Deux pionniers Ahmed Cherkaoui et Jilali Gharbaoui, aujourd’hui disparus, ont une reconnaissance internationale. Cherkaoui s’inspira dans son graphisme des tatouages, des broderies ou des motifs de tapis anciens, faisant contraster l’encre noir du calligraphe et les couleurs vives des céramistes. Gharbaoui utilisait les couleurs brutes du ciel et de la terre marocaine. Si certains peintres sont issus des écoles de Beaux-Arts comme Mohamed Melehi, étudiant à l’Accademia delle Belle Arti de Rome, ou Farid Belkahia qui étudia à Paris avant de devenir directeur de l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, d’autres artistes furent ouvriers ou artisans avant de créer un art brut dépouillé de tout académisme, comme Maïmoune Ali, ancien maçon à Essaouira, ou Abdelmalik Berhiss qui peint ou sculpte des ‘uvres naïves et pointillistes. A cet égard, il faut saluer le talent de Frédéric Damgaard, propriétaire d’une galerie d’art à Essaouira et découvreur de talents.
La musique
Avec son caractère propre et ses diversités, la musique est un art profondément populaire au Maroc. La musique andalouse est une musique raffinée généralement chantée dans un arabe littéraire très pur, on l’appelle au Maroc ala c’est-à-dire musique instrumentale. Elle est construite en vingt-quatre suites musicales dites noubas, liées aux vingt-quatre heures de la journée. Au XVIIe siècle, un Andalou établi à Tétouan, El Haïk, répertoria les onze noubas qui ont survécu : l’oud, un luth à six cordes ; le rebab, une viole médiévale à deux cordes dont l’archet est recourbé comme un arc ; le souissan, un petit luth à trois cordes ; un violon alto ; le tar, un tambourin à cymbalettes ; la derbouka, une poterie tendue de peau ; le qanoun, une cithare de soixante dix-huit cordes. Le virtuose incontesté de cette musique est Abdelkrim Rais qui dirige le conservatoire de musique de Fès. Le malhoun est une poésie en arabe dialectal chantée à capella et découpée en strophes entre lesquelles s’intercale de la musique. L’orchestre de Meknès dirigé par Hoceine Toulali se compose d’un luth, de deux violons, d’un tar et d’une derbouka. La musique berbère est étroitement associée à la danse, les instruments en sont la flûte de roseau ou awada, le rebab à une corde, la guembri, une minuscule guitare ronde, le bendir un tambourin. Les raïs sont des poètes et compositeurs, chanteurs et instrumentistes qui vont de villages en villages au gré des fêtes, chanter en tachelhit, la langue des berbères chleuhs. Leurs orchestres se composent d’un ou deux rebabs et de plusieurs tars.
Les Gnaouas

Maroc – Gnaouas
Ces musiciens originaires d’Afrique noire sont aussi des guérisseurs. Mêlant saints de l’Islam, djinns et superstitions animistes, leur rituel chanté et dansé peut durer quelques heures ou toute une nuit. Leurs instruments sont les crotales (castagnettes métalliques), le lembri (sorte de violon à deux ou trois cordes) et le tambourin. Le tempo de la mélopée s’accélère jusqu’à ce qu’il conduise à la transe, nimbée du halo des fumées de l’encens, au cours de laquelle les mauvais esprits seront expulsés.
La littérature
La littérature contemporaine d’expression française ou arabe est riche et dynamique. Elle permet de comprendre ce pays à la société complexe et variée. Driss Chraïbi né en 1926, s’il est le doyen de ces écrivains n’en est pas moins le plus insolent. Le Passé simple, son premier livre paru en 1954, dénonce l’archaïsme de la société musulmane, Les Boucs traite des travailleurs immigrés et Une Enquête au Pays introduit son personnage fétiche, L’inspecteur Ali, que l’on retrouve dans ses ouvrages suivants. Brouillon et roublard, il mène des enquêtes qui n’en sont pas mais entraîne le lecteur au c’ur d’un Maroc populaire et profondément authentique. L’Inspecteur Ali devient le titre d’un roman en forme de bilan pour l’auteur de Retour au pays avec femme et enfants, auréolé de sa notoriété mais dont l’humour n’est pas absent. La renommée de Tahar Ben Jelloun, né en 1944 à Fès, qui reçut le prix Goncourt en 1987 pour La Nuit Sacrée n’est plus à faire. On peut lire aussi l’Enfant de sable ou les Yeux baissés. Mohamed Choukri, né en 1935 dans le Rif, écrit en arabe qu’il n’a appris à lire et écrire qu’à l’âge de 20 ans. Il quitte rarement Tanger. Son livre, le Pain nu, est si cruel pour son père et son enfance qu’il fut interdit au Maroc. Mohamed Kheir-Eddine est lui originaire de Tafraout où il est né en 1942, il a publié Moi l’Aigre, Agadir et Légende et vie d’Agoun Chich.
Le cinéma
La production cinématographique est encore faible mais le succès rencontré par la comédie A la recherche du mari de ma femme de Mohamed Abderrahmane Tazi en 1993 montre le dynamisme et la conviction des jeunes réalisateurs marocains. Deux autres titres récents : Un Américain à Tanger (1993) de Mohamed Ulad-Mohand et L’Enfance Volée de Hakim Noury (1994).