Maurice et Rodrigues vues par les écrivains 

Bernardin de Saint-Pierre
« Sur le côté oriental de la montagne qui s’élève derrière le Port-Louis de l’Île de France, on voit, dans un terrain jadis cultivé, les ruines de deux petites cabanes. Elles sont situées presque au milieu d’un bassin formé par de grands rochers qui n’a qu’une seule ouverture tournée au nord. On aperçoit à gauche la montagne appelée le Morne de la Découverte, d’où l’on signale les vaisseaux qui abordent dans l’Île, et, au bas de cette montagne, la ville nommée le Port-Louis ; à droite, le chemin qui mène du Port-Louis au quartier des Pamplemousses ; ensuite l’église de ce nom, qui s’élève avec ses avenues de bambous au milieu d’une grande plaine, et, plus loin, une forêt qui s’étend jusqu’aux extrémités de l’Île. On distingue devant soi, sur les bords de la mer, la baie du Tombeau ; un peu sur la droite, le cap Malheureux; et au delà la pleine mer, où paraissent à fleur d’eau quelques Îlots inhabités, entre autres le Coin de Mire qui ressemble à un bastion au milieu des flots. » Paul et Virginie. 

Malcom de Chazal
« Dans cette Île Maurice, pays de fées, où le bombardement occulte des pierres est un événement courant de la vie de la capitale, je cherche pour mon propre compte, le grand mystère. Nos montagnes ont elles un signe à nous porter, et qui nous donnerait la clé du Grand Continent Lémurien ? L’Île Maurice est-elle un carrefour géographique de connaissance ? Je scrute ses gisants, ses bêtes apocalyptiques sur les versants montagneux battus des eaux torrentielles des Tropiques, et je me dis: « Des peuplades à la civilisation aujourd’hui disparue ont peut-être habité ces lieux, là où aujourd’hui la canne à sucre sème sa mousseline verte. Si ces êtres ont existé, et que le cycle géographique des civilisations est une réalité, l’atmosphère spirituelle du passé ne devrait-elle pas faire surgir un jour de nouvelles pousses ici même ? » Jusqu’à ce jour, on a fouillé le sol pour connaître le passage sur terre des civilisations mortes. L’île Maurice fournira-elle la première occasion à une nouvelle science : la divination des montagnes, de s’essayer pour connaître l’histoire du passé ? » Une bête palmée, énorme poule géante et canard mêlés, peuplait ces lieux, au temps où les Hollandais tenaient l’île. Les mœurs « stupides » de cet animal, son manque absolu d’instinct de défense, en firent une proie facile. L’animal fut bien vite détruit. Cela se passait il y a trois siècles. Rien n’est resté de ce passé. Pour tout vestige, trois squelettes dodoennes : un au British Museum, et deux autres à notre musée local. Trois siècles ont suffi pour balayer des millions d’années de débris. Nulle part dans le monde n’a-t-on retrouvé cet animal. Les trois squelettes recueillis viennent de cuvettes de basalte comblées par les alluvions. Ce qui est signe que tout disparaît bien vite ici. Aussi est-ce vain de penser pouvoir découvrir Ies ossements qu’auraient laissé ici même les Rouges lémuriens – puisque en cette île, trois siècles suffisent pour tout balayer, et ces êtres vivaient il y a des millions d’années. La découverte de ce passé légendaire ne peut donc s’opérer par des fouilles. La divination des montagnes seule pourrait livrer la clé du mystère. » 

Petrusmok. Malcolm de Chazal, Petrusmok, Ed. de la T able Ovale. Jean Paulhan fut le premier Français à reconnaître le talent inclassable de cet écrivain mauricien dont l’humour ne fut pas toujours bien compris par ses contemporains. 

Le Clézio
« Le matin, la mer est noire, fermée. C’est le sable de la Grande Rivière Noire et de Tamarin qui fait cela, la poussière de lave. Quand on va vers le nord, ou quand on descend vers le Morne, au sud, la mer s’éclaire. Denis pêche les hourites dans le lagon, à l’abri des récifs. Je le regarde s’éloigner dans l’eau sur ses longues jambes d’échassier, sa gaule à la main. Il n’a pas peur des oursins, ni des laffes. Il marche au milieu des bassins d’eau sombre, de façon que son ombre soit toujours derrière lui. Au fur et à mesure qu’il s’éloigne du rivage, il dérange des vols de gasses, de cormorans, de corbijous. ». « L’île apparaît sur la ligne de l’horizon. Elle surgit de la mer, dans le ciel jaune du soir, avec ses hautes montagnes bleues sur l’eau sombre. Peut-être que ce sont les oiseaux de mer qui m’ont alerté d’abord, en criant au-dessus de nous. Je vais à la proue pour mieux voir. Les voiles gonflées par le vent d’ouest font courir l’étrave après les vagues. Le navire tombe dans les creux, se relève. L’horizon est très net, tendu. L’Île monte et descend derrière les vagues, et les sommets des montagnes semblent nés du fond de l’océan. Jamais aucune terre ne m’a donné cette impression : cela ressemble aux pics des Trois Mamelles, plus hautes encore, cela forme un mur infranchissable. » 

Le Chercheur d’Or
Le Clézio, Le Chercheur d’Or, Gallimard. Ce livre épique constitue le premier grand succès public de l’auteur. Il retrace l’enfance imaginaire de deux enfants au début du siècle à Maurice. Leur bonheur sera terni par la faillite du père qui rêve alors de retrouver un trésor enfoui sur l’île de Rodrigues. J.M.G. Le Clézio, Voyage à Rodrigues, Gallimard. Ce livre constitue la suite du précédent. Il conte la quête du grand-père de l’écrivain qui se rendit à Rodrigues pour trouver le trésor que La Buse aurait enfoui à Anse-auxAnglais. Une quête émouvante et un joli portrait de l’île. 

François Leguat
« Quand le vaisseau fut parti et que chacun se vit bien rétabli de ses fatigues, ce fut alors que nous fîmes le tour de l’île pour voir, comme je l’ai dit, si nous pourrions découvrir quelque endroit meilleur que celui auquel nous nous étions arrêtés ; mais nous trouvâmes que c’était par tout la même chose et même, bien qu’il y eût environ vingt espaces de terrain à peu près commodes comme était le nôtre, nous n’en trouvâmes point qui fût supérieur en beauté et en bonté, de sorte que nous nous résolûmes de demeurer au premier endroit. Aussitôt que nous eûmes défriché autant de terre qu’il en fut nécessaire pour notre grand jardin, nous y semâmes toutes nos graines. Nous en avions en grande quantité de toutes les sortes ; mais celles qui venaient de la Hollande se trouvaient toutes gâtées par l’air de la mer, ayant oublié de les mettre dans des vaisseaux de verre et de les bien sceller ; nous avions pris les autres au cap de Bonne-Espérance. Il ne leva que cinq graines de melons ordinaires et autant de melons d’eau, trois de chicorée, trois de froment, des artichauts, du pourpier, des raves, de la moutarde, des giroflées et du trèfle. ». 

Les Naufragés de Dieu François Leguat, Les Naufragés de Dieu, Phébus. Cette histoire vraie connut un grand succès public lors de sa parution au début du XVIIe siècle à Amsterdam puis à Londres. Ce récit est assez exceptionnel à plusieurs titres : d’abord parce qu’il existe peu d’exemple d’hommes ayant vécu sur une île déserte et pouvant en témoigner ; ensuite parce que François Leguat a laissé une description de la faune et de la flore d’alors, dont le solitaire aujourd’hui disparu; enfin parce que ce livre se lit comme un roman ; l’auteur ayant bien malgré lui eu l’occasion de vivre des aventures peu communes. 

Baudelaire
Le poète Charles Baudelaire passa dix-huit jours à Maurice. Agé alors de 20 ans, il y rencontra en 1841 madame Adolphe Autard de Bragard, née Emmeline de Carcenac. En vous promenant dans le jardin de Pamplemousses où repose la belle, souvenez-vous de cette dame créole pour laquelle il composa ce poème : 

A une Dame Créole
« Au pays parfumé que le soleil caresse,
J’ai connu, sous un dais d’arbres tout empourprés
Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.
Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement maniérés ;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.
Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle, digne d’orner les antiques manoirs,
Vous feriez, à l’abri des ombreuses retraites
Germer mille sonnets dans le cœur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs. »

Paul, Virginie et le Saint-Géran 
Ce roman un peu naïf et franchement larmoyant écrit par Henri Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) connut un extraordinaire retentissement lors de sa parution en 1788. Au cours du naufrage du navire qui la ramène de France à l’île Maurice, Virginie, trop pudique pour se dévêtir et sauter à l’eau dans les bras d’un marin qui se propose de la sauver, se noie en vue des côtes mauriciennes. Elle laisse Paul seul à son désespoir. Hélas, si le bateau a bien coulé, entraînant la mort de cent quarante et une personnes et la disparition d’un nombre incalculable de piastres, aucune Virginie ne figurait parmi les passagers. Mais le roman connut un grand succès. 

Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, Le livre de poche. Un classique de la littérature romantique. Et aussi…

Alfred North-Coombes, Histoire des tortues de terre de Rodrigues.
Un ouvrage détaillé sur la vie et les mœurs des tortues. Disponible uniquement à Maurice. 

Amédée Nagapen, Histoire de la Colonie Isle de France – Ile Maurice, ed. du Diocèse de Port-Louis. Pour ceux qui s’intéresseraient à l’histoire de Maurice, cet ouvrage est certainement l’un des plus complets et des mieux documentés. Disponible uniquement à Maurice. 

Claude Pavard, Mémoires de Couleurs, Ile Maurice, Oasis Production, 1994. Un très beau livre mêlant documents d’archives et superbes photos de l’auteur. Une façon originale d’aborder Maurice en présentant l’histoire des différentes communautés qui ont peuplé l’île. 

Geneviève Dormann, Le Bal du Dodo, Albin Miche, 1989. Un tableau acidulé de la société des planteurs à Maurice.

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