
Amphithéâtre romain, Mérida, Badajoz
A la rencontre de l’Orient et l’Occident
Cette rencontre remonte aux temps éloignés des Phéniciens, et les liens de l’Espagne avec l’Afrique du nord sont présents dès l’Antiquité et aux origines même de l’art chrétien. L’Ibérie apparaît géographiquement comme le prolongement naturel de l’Afrique ; l’histoire ne dément pas cette complicité. A la suite de leur expansion en Afrique du nord, alors que l’islam n’a pas un siècle, l’apport arabo-berbère apparaît inéluctable.
Omeyyade, Almohade et Nasride
] Chacune des brillantes civilisations de la province arabe d’Al Andalus montre par la magnificence de ses vestiges une active participation à l’art de l’islam. Les Omeyades s’attachent aux matériaux nobles, la pierre et le marbre, selon la tradition syrienne et sans ignorer l’art romain. Les Almohades font de la brique, du bois merveilleusement assemblé et ajusté, de la céramique, les azulejos, et du travail du stuc, yeserias, les miracles de leur architecture d’une grande richesse ornementale. Les Nasrides se placent dans cette continuité mais multiplient les effets décoratifs alors que la céramique, comme dans l’ensemble du Moyen Orient, prend une nouvelle importance. L’Alhambra rivalise sans conteste avec les plus beaux palais d’Orient.
Mozarabes et mudéjars
Le maintien de populations chrétienne ou musulmane en territoire conquis entraîne pour les désigner l’apparition des qualificatifs mozarabe, pour les chrétiens, et mudéjar, pour les musulmans. Pourtant, les plus grands témoignages de l’art mozarabe parvenus jusqu’à nous (Xe-XIe siècles) sont élevés dans le nord reconquis, et l’art mudéjar (XIIIe-XIVe siècles), qui séduit juifs et chrétiens, n’est pas toujours l’œuvre de musulmans qui transmettent leur savoir-faire. Toute la saveur de l’Espagne réside dans la teneur complexe de ces échanges ! La spécificité des arts, mais aussi de l’artisanat espagnol, se trouve dans cette féconde interpénétration des cultures qu’illustrent les arts mozarabe et mudéjar.
Le Siècle d’or espagnol
La période de l’histoire de l’Espagne inaugurée par le règne de Charles Quint et marquée par l’apport des richesses du Nouveau Monde porte le nom de Siècle d’or (1530-1640). Cet extraordinaire épanouissement a donné naissance aux plus grands artistes. Malgré le recul économique du XVIIe siècle, sensible dès 1580, et lié au conflit avec les Flandres et aux guerres coûteuses soutenues par Philippe II, malgré le paupérisme grandissant et les pestes meurtrières, le Siècle d’or survit jusqu’au milieu du XVIIe siècle.
Peinture, sculpture et orfèvrerie au Siècle d’or
La peinture, la sculpture sur bois des retables ou des pasos, l’orfèvrerie, ces gigantesques ostensoirs ou custodes d’or et d’argent, sont avec l’architecture les principales créations artistiques du siècle. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, Tolède se fait remarquer par l’extraordinaire activité du Greco (1541-1614), peintre maniériste aux carnations violettes. La cour madrilène de Philippe II s’entoure d’artistes étrangers en particulier italiens (les Leoni…) qui réalisent le gigantesque chantier de l’Escorial. Alonso Berruguete (1481-1561) et Juan de Juni (Jean de Joigny, d’origine bourguignonne, 1507-1577) et Gregorio Fernandez (1576-1636) figurent parmi les plus prestigieux sculpteurs du temps, faisant de la Castille le vaste foyer de la sculpture sur bois polychrome. A l’aube du XVIIe siècle, à Valence, Francisco Ribalta (1565-1652) introduit le ténébrisme appris du Caravage et nourrit une école de peinture où se forme José Ribera (1591-1652), établi à Naples et surnommé el Spagnoletto, le petit espagnol. Pour l’abondance, la diversité et la qualité des œuvres, Séville apparaît comme le plus brillant foyer du siècle. C’est elle qui donne à la cour son grand peintre, Velasquez (1599-1660), formé, comme Francisco Zurbaran (1598-1664), à l’atelier de Pacheco (1564-1654). C’est toujours à Séville que s’adresse le ministre Olivarès pour les décors du palais royal du Buen Retiro. Elle est la patrie, la ville d’adoption ou de formation des plus grands maîtres du XVIIe siècle : le peintre-architecte-sculpteur Alonso Cano (1601-1667), originaire de Grenade, le sculpteur cordouan Juan de Mesa (1583-1629) et le sculpteur Pedro de Mena. Les Christs de la Passion et les Vierges douloureuses de Pedro Roldan, de sa fille, la Roldana, ou du prestigieux atelier de Juan Martinez Montañes (?-1649), maître incontesté de la sculpture sévillane, ne se comptent plus. Le non moins célèbre peintre Bartholomé Esteban Murillo (1618-1682), co-fondateur avec Juan Valdès Leal (1622-1690) de la première académie de peinture (1660), entraîne le Siècle d’or jusqu’aux années 1660-1680. Une production riche d’inventions La production du XVIIe siècle, essentiellement religieuse, aux côtés d’un art de cour et d’une peinture de genre représentant des scènes de la vie quotidienne, témoigne des nouvelles orientations de la peinture. Après le Caravage, elle préconise un retour à des héros, des saints plus humbles, libérés des artifices de la symbolique, vers un réalisme parfois acerbe. L’œuvre dessinée, voire sculptée, de Zurbaran, la sérénité de ses compositions, l’œuvre inclassable de Vélasquez, l’âpre réalisme de Ribera et la peinture tendre de Murillo baignée d’une lumière vaporeuse sont inclassables.

Vieille cathédrale. Patio Chico(petit patio), Salamanca
L’architecture du Siècle d’or
Au XVIe siècle, se côtoient l’art gothique tardif (cathédrales de Salamanque, de Ségovie par Rodrigo Gil de Hontañon), les prémices de la Renaissance (façade de l’université de Salamanque), comme les termes d’une Renaissance aboutie. A Grenade, le superbe palais de Charles Quint commencé dès 1528 par Pedro Machuca, formé en Italie, et la monumentale cathédrale de Diégo de Siloé (1525-1561), initialement prévue pour recevoir la sépulture impériale, en sont les premiers signes. Après Diego de Siloé, son disciple Andrès Vandelvira (1509-1575) déploie en Andalousie orientale la maîtrise de son art : à Ubeda dans la sacristie de la chapelle San Salvador aux accents maniéristes et à Baeza dans l’élévation de la cathédrale. A la cathédrale de Jaen, il insuffle à la construction de la crypte, de la sacristie et de la salle capitulaire un ton classicisant aux vives réminiscences italiennes. Juan de Herrera, qui réalise le palais-monastère de l’Escorial, est sans conteste l’architecte de la Renaissance espagnole aux accents sévères, épurés de la seconde moitié du siècle. Il contraste vivement avec le goût simultané présent dans toute l’Espagne pour une décoration chargée, faite de putti, de candélabres, de rinceaux, qui s’empare des surfaces, des colonnes ou des pilastres, et rappelle le travail d’un orfèvre d’où son nom de « plateresque », de plata qui signifie argent. Il caractérise aussi la première Renaissance espagnole. Les difficultés économiques apparues à la fin du XVIe siècle n’offrent plus à l’architecture de la première moitié du XVIIe siècle les conditions d’un tel épanouissement.
Le triomphe du baroque
Profondément original, le baroque espagnol profite des nouvelles conditions économiques de l’Espagne au XVIIIe siècle. Sa sensibilité artistique mêlée de pathétisme s’empare du nouveau moyen d’expression propice à l’émotion ; ceci est vrai pour les retables qui rencontrent la longue tradition de la sculpture sur bois polychrome du Siècle d’or. Les frères Churriguera, José Benito (1665-1725), Alberto (1676-1750) et Joaquim (1674-1724), sculpteurs et architectes, sont les auteurs de nombreux retables et partagent leurs activités entre Madrid et Salamanque. Ils laissent leur nom au qualificatif « churrigueresque » dont l’emploi désigne un baroque outrancier, rococo. Sans conteste, l’architecture du XVIIe siècle ne mérite pas un tel qualificatif, ni même celui de baroque. Elle est, à la suite de l’Escorial, d’un effet encore sobre. L’œuvre de Francisco Mora (place de Lerma à Burgos, premier tiers du XVIIe siècle) et celle de son neveu Juan Gomez de Mora, responsable entre autres de l’église de la Clerecía à Salamanque, le montrent. Le XVIIIe siècle partage l’activité monumentale et ses tendances entre la cour, imprégnée d’italianisme, et le reste du pays où l’esthétique baroque s’épanouit, en particulier dans la moitié sud de l’Espagne. La façade de la cathédrale de Murcie (1736-1754), celles du palais épiscopal de Malaga et de sa cathédrale (vers 1770), le portail du palais San Telmo de Séville (vers 1700) et l’extraordinaire façade du palais du marquis de Dos Aguas à Valence (1744) s’inspirent de la composition d’un retable. L’Espagne baroque magnifie le culte des saints et du saint sacrement : c’est l’invention du camarín, chapelle haute qui s’ouvre derrière le retable, et du sagrarío, chapelle exclusivement destinée à célébrer l’eucharistie. L’escalier impérial au palier dédoublé (Musée de Séville, Hôpital des femmes de Cadix), vient compléter la liste de ces créations authentiquement espagnoles. Le travail du stuc et la marqueterie de marbre sont à l’origine des prolifiques décors ; celui de la somptueuse sacristie de la Cartuja de Grenade, chef-d’œuvre de Luis Arévalo (1764), est exemplaire. Mais en pénétrant dans une ville ou un village, ce sont les toitures des clochers et des dômes aux tuiles bleues vernissées qui annoncent le nouveau style.
Petit glossaire de civilisation
Mot d’origine arabe désignant un palais fortifié. encadrement rectangulaire dans lequel s’inscrit une baie. halle à blé publique sous contrôle municipal. quartier destiné aux juifs ou aux maures. plafond de marqueterie de bois. titre suprême du chef politique, militaire et religieux de la communauté musulmane. chapelle baroque destinée à la vénération des reliques. espace correspondant au chœur en architecture. terme venu du nom des frères Churriguera, artistes du XVIIIe siècle, pour désigner un baroque outrancier. tour lanterne à la croisée du transept. uif converti au christianisme pour échapper à l’expulsion de 1492. chœur des moines qui enferme les stalles. maire du palais ou chambellan du calife. membre de la petite noblesse, doté de privilèges. : caractère de l’architecture du règne d’Isabelle la Catholique (1474-1504), un gothique tardif caractérisé par l’acceptation à la fois de motifs de tradition mauresque et d’éléments déjà Renaissance ; il correspond au manuelin portugais. juif officiellement converti au catholicisme mais pratiquant en secret le judaïsme. niche percée dans la qibla pour recevoir la Loi. tour depuis laquelle le muezin appelle à la prière. musulman converti au christianisme pour échapper à l’expulsion de 1502. chrétien en territoire musulman. musulman en territoire chrétien. motifs en stuc des voûtes ou arcs de l’architecture musulmane évoquant des essaims de guêpe. char portant le Christ de la Passion et la Vierge des douleurs pendant la Semaine sainte. personnage filou de petite origine sociale vivant d’expédiants ; type caractéristique de la société du Siècle d’or donnant son nom au genre picaresque en littérature dont Lazarillo de los Tormes est le symbole. prolifique décor Renaissance, vient de plata (argent). mur de fond de la mosquée, dirigé vers la Mecque, pour la prière. chapelle de communion. juif d’Espagne. cour des ablutions d’une mosquée. petits royaumes maures du XIe siècle, apparus à la suite de l’effondrement du califat.

Sagrada Familia, Barcelona
Antoni Gaudì
A la fin du XIXe siècle à Barcelone, le modernisme (1890-1910) s’épanouit avec Gaudí (1852–1926) comme prestigieux interprète. Cet architecte catalan s’approprie les matériaux de construction de l’ère industrielle (métal et verre) et s’autorise toutes les audaces, tout en utilisant la tradition décorative de son pays, telle la céramique. Le palais Güell (1886-1890) engage l’architecte sur les voies du nouveau style au service de la haute bourgeoisie. Il est suivi d’un grand nombre de constructions, immeubles privés (Casa Batlló) et collectifs (Casa Mila), et d’une œuvre célèbre, qui est à Barcelone ce que la Tour Eiffel est à Paris : la Sagrada Familia. Chargé du chantier en 1883, l’architecte lui consacre sa vie et le laisse pourtant inachevé. Cette église au fort symbolisme religieux dégage une atmosphère unique. Ses formes incomparables sont l’aboutissement d’une évolution qui conduit l’artiste à un traitement presque surréaliste de la matière, inspiré des reliefs naturels de la sierra de Montserrat. Le parc Güell, conçu pour Eusebi Güell et destiné à être une cité-jardin (1910-1918), n’est pas moins visionnaire. Le grand escalier d’où surgit une salamandre, la forêt de colonnes du marché couvert qui guident les eaux de pluie vers la fontaine, le banc continu qui ondule et resplendit sous les reflets colorés de la céramique, sont autant de preuves du génie de l’architecte.
Juan Mirò
Né à Barcelone où il étudie à l’Ecole des Beaux Arts, Juan Mirò (1893-1983) séjourne à plusieurs reprises à Paris. Il entre en contact avec l’avant-garde et consolide son amitié avec Picasso. Peintre, sculpteur, graveur, créateur de décors de théâtre, maître de la couleur, Miró, après son intérêt pour le cubisme, retient du surréalisme l’écriture automatique et se libère d’une intention figurative. Son œuvre ne porte cependant aucun signe de désinvolture, elle exige un déchiffrement méticuleux pour voir surgir les formes et les symboles, nés d’une économie de la ligne et de l’affrontement des couleurs.
Cinéma
Le cinéma espagnol a longtemps pâti des carcans de la dictature. Ainsi, un des metteurs en scène les plus connus, Luis Buñuel, fuit l’Espagne dès 1925 pour s’installer en France, puis aux Etats-Unis, et finalement prendre la nationalité mexicaine. C’est en France qu’il tourne ses plus beaux films, comme Belle de jour (1966), Tristana (1970), Le Charme discret de la bourgeoisie (1972) et Cet obscur objet du désir (1977). La movida donne toutes ses chances à des talents aussi originaux que celui de Pedro Almodovar qui rencontre un grand succès international avec des films comme Femmes au bord de la crise de nerfs (1987) et Tout sur ma mère (1999, prix de la mise en scène au Festival de Cannes). Ses acteurs font carrière avec lui : Victoria Abril, Antonio Banderas… Dans son sillage, Bigas Luna (Jambon jambon, 1992) révèle l’actrice Pénélope Cruz au public américain, et Alejandro Amenabar fait peur à Nicole Kidman avec Les Autres (2001).
Littérature
Miguel de Cervantès Saavedra (1547-1616) ne connaîtra la gloire qu’à la fin de sa vie, avec la parution de Don Quichotte, chef-d’œuvre intemporel et considéré comme la source du roman moderne.
Federico García Lorca (1898-1936), originaire de Fuente Vaqueros, près de Grenade, publie à 20 ans ses premiers poèmes sur les thèmes de la campagne, de l’âme gitane et de la tauromachie. C’est Romancero Gitano qui le fait connaître en 1928, puis il y a Poeta en Nueva York qu’il publie à l’issue d’un voyage aux Etats-Unis. De retour à Grenade en 1936, en pleine terreur phalangiste, il est arrêté et exécuté.
Jorge Semprun (1923), victime du franquisme puis du nazisme (il est déporté à Buchenwald), il est de tous les combats politiques. Il devient un écrivain de renom avec La Deuxième Mort de Ramón Mercader. Semprun écrit aussi des scénarios engagés pour les cinéastes Alain Resnais (La Guerre est finie, Stavisky), Joseph Losey et Costa-Gavras (Z, L’Aveu). De 1988 à 1991, il est ministre de la Culture du gouvernement espagnol.
Musique
Montserrat Caballé se fait remarquer dans La Bohème de Puccini en 1956. Sa grande technique lui offre un répertoire très riche : La Tosca de Puccini, Aïda de Verdi, ou encore Salomé de Richard Strauss
Paco de Lucia, Camaron de la Isla et Tomatito forment la « sainte trinitié » des guitaristes de flamenco morderne, mélangeant influences espagnoles, mexicaines et américaines pour donner ses lettres de noblesses à cette mudique gitane.
Julio Iglesias détient le record mondial d’albums vendus. Deux de ses chansons sont légendaires « Non, yé n’ai pas changé » et « Vous les femmes… ». Son fils prend actuellement la relève.
Ska-p et Las Ketchup : les premiers mélangent le ska et les rythmes espagnols, les secondes, trois soeurs, filles du fameux guitariste flamenco Tomate, ont conquis l’Espagne grâce à leur premier album Hijas Del Tomate. Pour réserver des places de concerts et d’opéras en Espagne : Music & Opéra. Tél. : 01 53 59 39 29. Fax : 01 47 05 74 61